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WALLONIE
WALLONIE

Si le mot «wallon» (substantif et adjectif) est d’usage fort ancien, le mot «Wallonie» n’apparaît qu’en 1844 et désigne la partie méridionale de la Belgique, située au sud de la frontière linguistique séparant le domaine germanique et le domaine roman. La constitution belge reconnaît depuis 1970 l’existence de la région wallonne, qui possède depuis 1980 des organes politiques propres.

La Wallonie a une population de 3 221 225 habitants (recensement du 1er mars 1981) et une superficie de 16 845,5 kilomètres carrés, soit 32,7 p. 100 de la population totale du pays, sur 56 p. 100 de son étendue.

Elle comprend les provinces de Hainaut, de Liège, de Luxembourg et de Namur ainsi que l’arrondissement de Nivelles dans la province de Brabant.

L’aire des patois wallons s’étend à la quasi-totalité de la région, mais les patois picards pénètrent dans le Hainaut occidental et des patois lorrains dans le Sud-Luxembourg. La région de langue allemande (64 914 hab.; 853 km2) est située dans la partie orientale de la province de Liège.

La Wallonie est traversée, d’ouest en est, de bassins industriels très anciens qui souffrent à la fois du déclin et de la crise.

Le mouvement wallon

Le mot «Wallonie», employé pour la première fois en 1844 par Charles Grandgagnage, est repris en 1886 par Albert Mockel, qui le donne pour titre à la revue qu’il fonde alors en réaction contre La Jeune Belgique . Le même Albert Mockel fait encore figure de pionnier du mouvement wallon lorsqu’il lance, en avril 1897, dans un article publié dans Le Mercure de France , la formule: «La Wallonie aux Wallons, la Flandre aux Flamands et Bruxelles aux Belges.»

Le mouvement flamand naît pratiquement en même temps que l’État belge (1830). Le mouvement wallon, lui, naît quelque soixante ans plus tard (le premier congrès wallon se tient en 1890), en réaction contre ce qui est alors perçu par certains comme une mainmise – ou un risque de mainmise – flamande sur l’État belge.

À sa naissance, le mouvement wallon est bien loin d’être représentatif de toute l’opinion wallonne; il est loin aussi d’être uni sur des objectifs précis. Le Catéchisme du Wallon (1902), du comte Albert du Bois, défend la thèse de l’identité française de la Wallonie («Quoi de plus français que ce pays wallon?», interrogeait déjà Michelet au chapitre Ier du livre XV de l’Histoire de France ). Émile Dupont, sénateur de Liège, vice-président du Sénat, s’écrie, lors de la séance du 10 mars 1910 de cette assemblée: «Vive la séparation administrative.» Jules Destrée, député socialiste (qui sera ministre des Arts et des Sciences en 1919-1921) – après avoir déclaré, dans sa Lettre au roi (1912): «Vous régnez sur deux peuples. Il y a, en Belgique, des Wallons et des Flamands; il n’y a pas de Belges» –, préconise «une Belgique faite de l’union de deux peuples indépendants et libres, accordés précisément à cause de cette indépendance réciproque».

Entre les deux guerres mondiales, le mouvement wallon présente plusieurs nuances, qui s’expriment à l’Assemblée wallonne ou à la Concentration wallonne. La revue régionaliste Terre wallonne , dirigée par Elie Baussart, tient, elle, compte de la situation minoritaire qui est celle du monde catholique en Wallonie. Le mouvement wallon a alors aussi des porte-parole politiques, comme le ministre libéral François Bovesse ou le député socialiste Georges Truffaut, auteur d’un projet de fédéralisme.

La Seconde Guerre mondiale vit se constituer successivement dans la clandestinité plusieurs mouvements: «Wallonie libre», créée le 18 juin 1940, et associant des militants libéraux et socialistes; «Wallonie catholique», qui allait donner naissance, après la Libération, à «Rénovation wallonne»; «Wallonie indépendante», enfin, composée de militants communistes.

Dès 1943-1944, une commission d’étude de la fédération liégeoise du Parti socialiste prépare dans la clandestinité un projet d’instauration du fédéralisme en Belgique. Le principe en est l’association de trois États: Bruxelles, Flandre, Wallonie auxquels serait reconnu le droit de sécession.

Le Ier Congrès national wallon (Liège, 20-21 octobre 1945) crée la sensation; les congressistes, appelés à indiquer le type de solution institutionnelle qui a leur préférence, se partagent comme suit: 486 pour la réunion de la Wallonie à la France, 391 pour l’autonomie de la Wallonie dans le cadre de l’État belge, 154 pour l’indépendance de la Wallonie, 17 pour le maintien de l’État unitaire. Après ce premier vote, qui sera qualifié de «sentimental», intervient un vote dit «politique»: les congressistes se prononcent cette fois à la quasi-unanimité en faveur de l’autonomie de la Wallonie dans le cadre d’une Belgique fédérale.

Le Congrès national wallon suivant (Charleroi, 11-12 mai 1946) précise un projet institutionnel en ce sens, autour de deux États régionaux, Flandre et Wallonie, et une ville fédérale: Bruxelles. Ce projet inspire une proposition de loi, déposée en mars 1947 par un député socialiste et soutenue par 52 députés wallons; elle n’est toutefois pas prise en considération, la Constitution ne pouvant être révisée sous une Régence.

Les prises de position du mouvement wallon sont donc, dans l’après-guerre, extrêmement nettes et trouvent certains relais politiques, cependant que leur impact reste limité: en effet, les grands affrontements qui dominent alors la vie politique belge, s’ils divisent profondément le pays – le rapport de forces étant chaque fois différent, en Flandre d’une part, en Wallonie et à Bruxelles d’autre part –, ont en même temps pour effet de renforcer l’unité des partis nationaux.

Le premier de ces conflits, la question royale, connaît sa phase la plus aiguë au cours de l’été de 1950: sur l’enjeu que constitue la reprise, par le roi Léopold III, de l’exercice de ses pouvoirs constitutionnels s’opposent la Flandre, à forte majorité «léopoldiste», et la Wallonie, surtout «anti-léopoldiste» dans les zones industrielles. Dans ce contexte, le Congrès national wallon (mars 1950) est marqué par l’intervention d’André Renard, secrétaire général adjoint de la Fédération générale du travail de Belgique, leader des métallurgistes liégeois, qui apporte un appui syndical massif à la cause du fédéralisme, donnant ainsi à l’action wallonne l’assise populaire qui lui a fait défaut jusque-là. La flambée de l’été de 1950 est brève mais grave. Pendant quelques jours, les zones urbaines et industrielles de Wallonie connaissent des situations quasi insurrectionnelles. Seul l’effacement du roi Léopold III permet le retour au calme.

Les années qui suivent sont celles du conflit scolaire dessinant à nouveau, en Flandre et en Wallonie, les mêmes lignes de clivage que la question royale.

À partir de la conclusion du Pacte scolaire en 1958, les affrontements qui vont dominer la politique belge – problèmes linguistiques d’une part, problèmes économiques régionaux d’autre part – vont aussi diviser le pays et opposer Flandre et Wallonie, mais vont en outre diviser de l’intérieur la plupart des partis et des groupes.

Simultanément, les équilibres économiques interrégionaux, longtemps favorables à la Wallonie, s’inversent en faveur de la Flandre. La crise charbonnière est un premier révélateur du vieillissement des structures industrielles de la Wallonie, à un moment où la Flandre dispose d’atouts nouveaux, comme l’extension du port d’Anvers et l’aménagement de terrains industriels dans la zone portuaire.

En 1958, la Wallonie est encore la première région industrielle du pays. En 1961, les conditions sont désormais réunies pour permettre à la Flandre de la supplanter (une évolution décisive sera acquise peu après, avec la création d’une sidérurgie «maritime» dans la zone portuaire de Gand). La prise de conscience du déclin wallon, qui s’opère lentement à partir de ce moment, apporte de nouvelles motivations à la revendication wallonne de disposer des moyens politiques et institutionnels qui lui permettraient de maîtriser son destin économique.

En décembre 1960, le mouvement de grève, en opposition au projet gouvernemental de «loi unique», prend une importance particulière en région wallonne; il s’accompagne de tensions entre syndicalistes flamands et wallons; un organe de fait, le comité de coordination des régionales wallones de la Fédération générale du travail belge (F.G.T.B.), assume la direction de la grève. Le mouvement est relancé au début de janvier 1961, sur les mots d’ordre de «fédéralisme» et de «réformes de structures anticapitalistes». Pour la première fois depuis l’intervention d’André Renard au Congrès national wallon de mars 1950, l’action wallonne trouve une large adhésion populaire.

La relance du mouvement wallon se concrétise alors, aussi bien en termes de presse – avec la publication, à partir de janvier 1961, de l’hebdomadaire Combat – qu’en termes d’organisation – avec l’annonce, au printemps de 1961, de la création du Mouvement populaire wallon. Le système d’affiliations collectives que pratique le M.P.W. en milieu syndical lui assure une solide implantation. La relance de l’action wallonne atteint les autres secteurs de l’opinion, ainsi qu’en témoignent tant la création du Mouvement libéral wallon que la réactivation de mouvements plus anciens comme Rénovation wallonne et Wallonie libre.

Les projets fédéralistes se précisent: au congrès du M.P.W. des 18 et 19 novembre 1961, François Perin fait état des conclusions d’une commission présidée par Fernand Dehousse; un rapport Dehousse-Costard est présenté au congrès des socialistes wallons des 17 et 18 mars 1962 (il faut noter que, dans le même temps, les fédéralistes flamands précisent eux aussi leurs positions, ainsi qu’il apparaît dans le rapport présenté par Wilfried Martens au congrès du Mouvement populaire flamand, le 4 févr. 1962). Par ailleurs, le rapport Dambour-Stassen-Outers, approuvé par le congrès de Rénovation wallonne du 13 janvier 1962, s’il ne se présente pas comme un projet de fédéralisme, vise deux objectifs: établir une parité de droits au sein des organes centraux, consentir une décentralisation «raisonnable» à des pouvoirs régionaux.

En 1963 est créé un Collège exécutif de Wallonie, composé de membres des mouvements wallons et des fédérations wallonnes des partis socialiste et communiste.

Pour la première fois, lors du scrutin législatif de mai 1965, deux députés sont élus sur des listes fédéralistes wallonnes distinctes de celles des partis traditionnels.

En 1967, les socialistes wallons réunis en congrès, à Tournai d’abord, à Verviers ensuite, précisent leurs revendications de réformes de structures en portant une attention particulière à leurs implications institutionnelles, les socialistes flamands faisant d’ailleurs de même lors de leur congrès de Klemskerke, la même année.

Après la mise en veilleuse du Collège exécutif de Wallonie, l’action commune des mouvements wallons se poursuit de 1965 à 1970, au sein d’une Délégation permanente et d’un Conseil général communs.

Un nouveau parti, situé dans la filiation des listes fédéralistes de 1965, le Rassemblement wallon, se présente avec un certain succès aux élections de 1968, et devient le deuxième parti en région wallonne aux élections de 1971 (avant de se déchirer et de décliner à partir de 1977).

Les institutions wallonnes

La pression fédéraliste est donc forte au moment où les chambres votent – à la majorité des deux tiers, ainsi qu’il est requis – la troisième révision de la Constitution (1967-1971). On peut considérer que celle-ci s’est opérée sous la double pression du mouvement flamand et du mouvement wallon.

Les revendications flamandes trouvent satisfaction dans la reconnaissance de l’autonomie culturelle: le Conseil culturel de la communauté culturelle néerlandaise et le Conseil culturel de la communauté culturelle française, composés respectivement des parlementaires de l’un et de l’autre régime linguistique, ont, dans des matières énumérées avec précision, le pouvoir de prendre, sous forme de décret, des décisions ayant force de loi (le soin de déterminer la composition et les compétences du Conseil de la communauté culturelle allemande étant renvoyé au législateur).

Les revendications wallonnes trouvent partiellement satisfaction dans la reconnaissance de l’existence de trois régions: Flandre, Wallonie, Bruxelles; mais l’article 107 quater de la Constitution renvoie au législateur, sous condition de majorité «spéciale», le soin de préciser les compétences, la composition et l’étendue des pouvoirs des organes à créer, ces compétences ne pouvant être celles exercées par les conseils culturels, et ces organes devant être composés d’élus.

Des revendications wallonnes trouvent alors aussi partiellement satisfaction dans le vote de la loi du 15 juillet 1970 portant organisation de la planification et de la décentralisation économique, aux termes de laquelle ont notamment été créés le Conseil économique régional de Wallonie (prenant le relais de l’ancien Conseil économique wallon, de droit privé, créé en 1945) et la Société de développement régional pour la Wallonie (S.D.R.W.).

À partir de 1971, la vie politique belge est sous-tendue par la recherche des majorités parlementaires «spéciales», requises pour l’application de certaines dispositions révisées ou introduites dans la Constitution au cours de la troisième révision – et tout particulièrement pour l’application de l’article 107 quater qui a reconnu l’existence de trois régions.

Faute de réunir ces majorités, une loi dite «préparatoire à l’application de l’article 107 quater » est votée en 1974 et institue des comités ministériels régionaux et des conseils régionaux. En même temps s’amorce un long processus de régionalisation des budgets et des administrations.

En 1979 ont été créés quatre nouveaux ministères, dont un de la Région wallonne. Ce n’est toutefois que très lentement que sont «transposés» des effectifs venant des anciens ministères nationaux. C’est aussi dans le cadre du ministère de la Région wallonne que seront progressivement intégrés les services de la S.D.R.W., tandis qu’est créée par ailleurs une Société régionale des investissements (S.R.I.W.).

Au cours de l’été de 1980 sont votées la quatrième révision de la Constitution et deux importantes lois de réformes institutionnelles. Il existe, depuis lors, un Conseil régional wallon et un Exécutif régional wallon.

Le Conseil régional wallon, composé de parlementaires – des seuls parlementaires élus directement à partir des élections législatives du 8 novembre 1981 –, a le pouvoir de prendre, par décret, dans les matières de sa compétence, des décisions ayant force de loi. C’est le parlement de la région, tandis que l’Exécutif se présente comme en étant le gouvernement.

Il faut noter que la solution diffère de celle qui est intervenue du côté flamand: alors que ce sont les mêmes organes – Conseil et Exécutif flamands – qui exercent à la fois les compétences de la communauté pour l’ensemble de la Communauté flamande (Flamands de Flandre et de Bruxelles) et celles de la région en Flandre, du côté francophone et wallon, il y a dualité entre les organes de la Communauté française (Wallons + Bruxellois francophones) et ceux de la région wallonne.

Les compétences de la région sont nombreuses et importantes: dès 1980, urbanisme et aménagement du territoire, environnement, rénovation rurale et urbaine, logement, politique de l’eau, aspects de la politique économique, de la politique de l’énergie et de la politique de l’emploi, tutelle des pouvoirs subordonnés; à partir de 1988, transports, travaux publics, interventions dans les cinq secteurs industriels (dont la sidérurgie) qui étaient restés de la compétence de l’autorité centrale; à partir de 1993, interventions accrues en matière de commerce extérieur et de recherche scientifique, exercice de certaines compétences de la Communauté française (en matière de tourisme, promotion sociale, reconversion et recyclage professionnels, politique de santé curative, aide aux personnes, bâtiments et transports scolaires).

À partir de 1995, le Conseil régional wallon est composé de soixante-quinze membres élus au suffrage direct. C’est là un des changements importants qui ont été décidés en 1993 et qui consacrent le passage à l’État fédéral. Des courants autonomistes se manifestent depuis quelques années dans l’opinion wallonne, du mouvement Wallonie Région d’Europe jusqu’au mouvement Retour à la France en passant par des tendances indépendantistes, sans qu’il soit toujours aisé d’en mesurer l’audience.

La portée exacte de l’autonomie à laquelle elle peut accéder reste une des questions cruciales de l’avenir de la région wallonne. Elle se pose en termes de relations avec l’État fédéral qui demeure un niveau important de décision et de concertation, avec une Flandre elle aussi traversée de courants autonomistes voire séparatistes, avec une Communauté française s’adressant pour une part importante à la même population; elle se pose également en termes de relations entre les diverses composantes, sociales et politiques, de la région même.

Wallonie
(la) revue littéraire symboliste (1886-1892 ) fondée à Liège par le poète Albert Mockel. à partir de 1890, elle eut un deuxième siège à Paris. Elle publia des poètes français (Mallarmé, Verlaine, Valéry) et belges (Verhaeren, Maeterlinck, Elskamp), ainsi que des prosateurs (Barbey d'Aurevilly, Gide).
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Wallonie
partie S. de la Belgique, d'expression française et romane (wallon). Sans unité physique et historique, ce pays a une forte cohésion culturelle. Il constitue auj. la Région wallonne, Région de l'U.E., et comprend les prov. du Hainaut, de Liège, du Luxembourg, de Namur et du Brabant wallon; 16 844 km²; 3 207 500 hab.; cap. Namur. V. dossier Communauté française de Belgique, p. 1385.

Encyclopédie Universelle. 2012.