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FLANDRE
FLANDRE

Le comté de Flandre fut d’abord le fief du roi de France et partagea plus tard le destin des Pays-Bas bourguignons (XVe s.), des Pays-Bas espagnols (XVIe et XVIIe s.) et enfin des Pays-Bas autrichiens (XVIIIe s.).

Aujourd’hui le territoire de la région belge qui porte le nom de Flandre recouvre une partie de l’ancien comté de Flandre et s’étend plus à l’est. Reconnue aux termes de la Constitution belge révisée en 1970, cette région comprend les provinces de Flandre-Occidentale, de Flandre-Orientale, d’Anvers et de Limbourg, ainsi que deux arrondissements administratifs de la province du Brabant. C’est du comté de Flandre et de la Flandre telle qu’elle vient d’être définie qu’il sera question ici, la Flandre française étant traitée, entre autres, dans l’article NORD (France).

Le comté de Flandre

Lors du démembrement de l’empire carolingien, le traité de Verdun (843) attribua à Charles le Chauve les territoires situés entre l’Escaut à l’est et la mer à l’ouest. Ces territoires s’étendaient donc vers le nord au-delà de la frontière linguistique entre domaine roman et domaine germanique. Ainsi, «à partir du commencement du Moyen Âge, la France eut dans la Flandre une annexe germanique sur sa frontière septentrionale comme l’Allemagne, de son côté, maîtresse des parties wallonnes de la Lotharingie, avait une annexe romane sur sa frontière de l’ouest» (H. Pirenne).

Au cours des Xe et XIe siècles, le pouvoir de princes locaux, les comtes de Flandre, s’affirma et s’étendit vers le sud jusqu’à la Canche, où leur progression fut arrêtée par les ducs de Normandie. L’aire d’influence des comtes de Flandre engloba les évêchés de Tournai, de Thérouanne et d’Arras. Enfin, les troubles de Lotharingie favorisèrent une expansion vers le nord et l’est, avec octroi de l’investiture en 1056 sur les îles de Zélande et sur les territoires que l’on désigna dès lors sous le nom de Flandre impériale.

Désormais vassaux à la fois du roi de France et de l’empereur, les comtes de Flandre mirent à profit cette situation pour accéder à une forme d’indépendance. L’étendue de leurs alliances était remarquable: ainsi, au milieu du XIe siècle, le comte Baudouin V, époux d’Adélaïde de France, maria sa fille au duc de Normandie, Guillaume, futur conquérant de l’Angleterre, et ses fils à Richilde de Hainaut et à Gertrude de Saxe; de 1060 à 1067, il fut tuteur de son neveu, Philippe Ier, roi de France.

L’expansion fut toutefois arrêtée au XIIe siècle, du fait de l’action centralisatrice de la monarchie française et de la résistance opposée, au nord et à l’est, par les maisons féodales de Hollande, de Brabant et de Hainaut.

La croissance des villes dans la plaine flamande évoque ce qu’elle fut dans la plaine lombarde, avec la même association de la puissance économique et de la puissance politique. «Le roi de France, le roi d’Angleterre négocient avec Bruges et Gand, comme le pape et l’empereur négocient avec Milan, Vérone et Padoue. Les princes territoriaux doivent ménager les bourgeoisies, et par là leurs guerres féodales prennent souvent, à y regarder de près, le caractère de guerres commerciales» (H. Pirenne). Les villes toutefois n’y accédèrent pas à l’indépendance et leur contribution financière fut un des éléments importants du pouvoir des princes.

La rapidité et l’ampleur de son développement économique permirent à la Flandre, aux XIIe et XIIIe siècles, d’exercer attraction et rayonnement sur les régions avoisinantes.

La bataille de Bouvines (27 juill. 1214) avait livré la Flandre à l’influence française; la bataille de Courtrai (11 juill. 1302) l’en délivra. La première avait eu une véritable portée internationale; la seconde eut d’importantes conséquences sur le plan intérieur. S’y opposèrent deux camps, l’un allié au roi de France Philippe le Bel et aux familles patriciennes des grandes villes flamandes, et l’autre bénéficiant d’un important appui populaire. La bataille de Courtrai revêt donc un caractère indéniable d’affrontement social. Dénommée bataille des Éperons d’or, du fait du grand nombre de trophées dont fut jonché le champ de bataille, la victoire des communiers flamands sur les troupes du roi de France n’a cessé de constituer une référence historique majeure pour le mouvement flamand, depuis qu’elle fut magnifiée par Henri Conscience dans son roman De Leeuw van Vlaanderen (1838); sa commémoration officielle constitue pour la communauté flamande de Belgique l’équivalent d’une véritable fête nationale.

La Flandre repoussa la tentative de mainmise française mais dut, en 1320, abandonner les terres wallonnes qu’elle possédait encore (Lille, Douai, Béthune), perdant en étendue mais gagnant en unité, notamment linguistique, et en volonté de résistance. Sa vocation pour le commerce maritime s’affirma alors, ouvrant de nouveaux marchés à sa principale industrie, la draperie.

Le XIVe siècle vit l’affirmation des villes et, en leur sein, celle des métiers contre le patriciat. Souvent opposés, patriciens et métiers s’accordèrent toutefois pour défendre l’autonomie municipale et pour réduire autant que possible les ingérences du comte et de ses baillis dans l’administration urbaine.

La Flandre fut la première des principautés à s’engager dans la voie de la participation de représentants du pays à l’exercice du pouvoir politique. La première mention d’un parlement en Flandre date de 1279; les origines en sont encore plus anciennes. À partir du début du XIVe siècle, on distingua le «Parlement ordinaire», aux réunions fréquentes, où le comte convoquait avec sa cour des échevins des villes principales: Gand, Bruges, Ypres (ainsi que Lille et Douai jusqu’au traité d’Athis) et le «Plein Parlement», aux réunions moins fréquentes, composé généralement des échevins des trente-deux villes et des chefs de l’administration des quatorze châtellenies, métiers et pays. Cette représentation se distinguait de celle que l’on vit peu après apparaître dans d’autres principautés: elle était plus complète ; elle n’était pas organisée en ordres. Les États de Flandre conservèrent certaines de ces caractéristiques, jusqu’à leur disparition, à la fin de l’Ancien Régime.

Marguerite de Maele, fille du comte de Flandre Louis de Maele, épousa en 1369 Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Un lien dynastique s’établit entre les principautés des Pays-Bas avec leur petit-fils Philippe le Bon, comte de Flandre et d’Artois en 1419, comte de Namur en 1429, duc de Brabant et de Limbourg en 1430, comte de Hainaut, de Hollande et de Zélande en 1433, duc de Luxembourg en 1443.

Le souvenir de la période bourguignonne, illustrée notamment par de grands noms de la peinture, demeure vivace. Cette période fut cependant pour la Flandre l’amorce d’un déclin, dû, entre autres, à l’ensablement de l’accès de Bruges à la mer et au déplacement du centre des activités économiques, politiques et culturelles vers les villes brabançonnes: Anvers, centre portuaire alors en expansion appelé à supplanter Bruges, Malines, siège du Grand Conseil et plus tard siège archiépiscopal (1559), Bruxelles, résidence ducale à partir de 1430, Louvain, centre universitaire à partir de 1425.

Une centralisation s’opéra alors, mais, dès 1477, le Grand Privilège en atténua les effets; la Flandre obtint une véritable constitution aux termes de laquelle le prince ne put renouveler la loi, nommer les magistrats urbains, lever les impôts ou faire la guerre sans l’accord des «Trois Membres» (Gand, Bruges, Ypres).

Le traité de Madrid (1526), conclu entre Charles Quint et François Ier, rompit formellement le lien féodal qui unissait la Flandre et l’Artois à la France, celle-ci renonçant aussi au Tournaisis. La Flandre et les autres principautés héréditaires composant alors les Pays-Bas méridionaux furent groupées, par la transaction d’Augsbourg (1548), en un Cercle d’Empire, le Cercle de Bourgogne, assuré de protection militaire moyennant une contribution financière mais soustrait aux lois et aux tribunaux de l’Empire. Elles constituèrent un tout indissociable à transmettre au même héritier à partir de la Pragmatique Sanction (1549) qui en unifia les règles de succession. La Flandre fut ainsi partie intégrante des Pays-Bas espagnols aux XVIe et XVIIe siècles et des Pays-Bas autrichiens au XVIIIe siècle.

En 1559 furent érigés de nouveaux diocèses, parmi lesquels, en Flandre, ceux d’Ypres, de Bruges et de Gand (au début du XVIIe siècle, Ypres eut comme évêque Corneille Jansen, dit Jansenius, dont l’œuvre posthume, l’Augustinus , fut à l’origine du jansénisme).

Quand les traités d’Utrecht (1713, 1714) mirent fin à la guerre de Succession d’Espagne entre Louis XIV et Philippe V, d’une part, et l’Empereur allié aux puissances maritimes: Provinces-Unies et Angleterre, d’autre part, et entraînèrent la rétrocession par la France d’Ypres, de Furnes et de leurs chatellenies, ces territoires ne furent plus incorporés à la Flandre mais formèrent une province distincte, dont le régime fut alors celui d’un territoire occupé.

Les États de Flandre présentaient à la fin de l’Ancien Régime des caractéristiques communes avec les États des autres principautés composant les Pays-Bas autrichiens mais s’en distinguaient néanmoins par certains traits: la noblesse et le clergé n’y avaient que voix consultative, la campagne (le «plat pays») y disposait d’une représentation effective. La Flandre était parmi ces principautés l’une de celles dont l’évolution préfigurait le plus un régime démocratique. Comme dans un cas comparable, celui de Liège, le passé urbain et industriel qui était aussi un passé de luttes sociales, rendait compte de cette évolution.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la Flandre partagea le déclin des Pays-Bas méridionaux. Dans la stagnation intellectuelle de l’époque, il faut toutefois signaler la publication à Gand, de 1779 à 1787, d’un périodique comme Den Vlaemschen Indicateur ofte Aen-Wyser der Wetenschappen en Vrije Konsten , qui fut un agent de pénétration des idées des philosophes français.

En 1789, au temps de la «révolution brabançonne», la Flandre participa au soulèvement des Pays-Bas autrichiens contre le pouvoir impérial. Elle proclama son indépendance le 30 novembre 1789 et adhéra au traité d’Union du 11 janvier 1790, qui créa l’État fédératif de la république des États-Belgiques-Unis, dans lequel chaque province conservait sa souveraineté mais en déléguait l’exercice pour les matières d’intérêt collectif (affaires étrangères, armée, monnaie) à un Congrès souverain, de composition extrêmement traditionnelle.

Cette expérience fut de courte durée, du fait de dissensions internes et de la reconquête autrichienne à la fin de 1790.

L’annexion à la France de la Révolution mit fin définitivement à l’existence des principautés d’Ancien Régime. Le régime français traça de nouvelles subdivisions territoriales; les départements institués alors préfigurèrent directement les provinces de la Belgique de 1830, dont seul le nom évoque encore les principautés d’Ancien Régime.

Flandre

L’Ancien Régime

Sous l’Ancien Régime, plusieurs principautés s’étendaient de part et d’autre de la frontière très ancienne entre domaine linguistique roman et domaine linguistique germanique; cette frontière n’avait d’ailleurs jamais revêtu un caractère politique et n’avait joué aucun rôle dans la formation des principautés.

La séparation entre provinces du Nord (protestantes) et provinces du Sud (catholiques) avait entraîné une évolution différente de part et d’autre: alors qu’une langue de culture normalisée, le néerlandais, s’affirmait dans les Provinces-Unies, on était au contraire en présence de dialectes locaux hétérogènes dans la partie des Pays-Bas méridionaux située au nord de la frontière linguistique.

Il y eut au XVIIIe siècle, sous le régime autrichien, des efforts de normalisation du flamand (H. Des Roches, Nederduytsche Spraekkunst , Anvers, 1761), mais ils se heurtèrent, entre autres obstacles, à la tradition de l’emploi du latin comme langue savante et au prestige du français comme langue de culture.

«Au lieu de germaniser l’aristocratie et, à travers elle, la nation, la cour autrichienne de Bruxelles contribua puissamment au contraire à la franciser de plus en plus» (H. Pirenne). Le problème prit alors un caractère très net de différenciation sociale, le français devenant la langue de communication et de culture des couches supérieures de la population, les dialectes (flamands au nord, wallons au sud) restant les langues de communication des couches inférieures entre elles et avec les couches supérieures.

Le cas crucial était déjà celui de Bruxelles où le français progressait sensiblement tout en demeurant la langue d’une minorité (inférieure à 15 p. 100 selon les estimations de H. Hasquin, 1979). Le mouvement de francisation y entraîna une ségrégation entre le «haut de la ville» (où dominait le français) et le «bas de la ville» (où persistait l’usage dialectal et patoisant). En 1788, l’avocat J. B. C. Verlooy publia à Maastricht un ouvrage, Verhandeling op d’onacht der moederlijke taal in de Nederlanden , où il regrettait la désaffection de ses contemporains à l’égard de leur langue et attirait leur attention sur la francisation en cours à Bruxelles.

Ce dernier mouvement se poursuivit cependant et se généralisa à la faveur de la réunion de la future Belgique à la France du Directoire, du Consulat et de l’Empire.

Le royaume des Pays-Bas (1815-1830)

La création par le congrès de Vienne d’un royaume des Pays-Bas englobant les Provinces-Unies et les Pays-Bas méridionaux sous un monarque hollandais amena un renversement de tendance. Un décret de 1819 imposa le néerlandais, à partir de 1823, comme unique langue officielle dans les provinces de Flandre-Occidentale, de Flandre-Orientale, d’Anvers et de Limbourg, la mesure devant être ensuite étendue aux arrondissements de Louvain et de Bruxelles.

Cette politique linguistique (taalpolitiek ), qui visait à homogénéiser progressivement le pays, suscita des oppositions, celle des classes supérieures et des fonctionnaires d’expression française, celle aussi du clergé catholique inquiet de voir la langue servir de véhicule à la religion calviniste. Des concessions faites en 1829-1830 n’empêchèrent pas le maintien des griefs en la matière et leur convergence avec les autres raisons qui amenèrent en 1830 la rupture avec les Pays-Bas du Nord et la proclamation de l’indépendance de la Belgique.

L’État belge au XIXe siècle

La Constitution du nouvel État édicta, en son article 23, le principe de la liberté des langues: «L’emploi des langues usitées en Belgique est facultatif; il ne peut être réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l’autorité publique et pour les affaires judiciaires.» Dans les faits, l’État était francophone, comme l’était la bourgeoisie censitaire qui le dominait.

Le mouvement flamand est aussi ancien que l’État belge. On considère comme un de ses premiers manifestes la préface que J.-F. Willems donna en 1834 à son édition du Reinaert de Vos. Il est vrai que le mouvement avait à son origine des traits de romantisme littéraire, comme en témoigne le roman de Henri Conscience, De Leeuw van Vlaanderen (1838).

Un «pétitionnement» organisé en 1840 réclama: 1o que les affaires communales et provinciales soient traitées en flamand dans les provinces flamandes; 2o que les fonctionnaires, dans ces provinces, connaissent le flamand et traitent dans cette langue avec leurs administrés; 3o que le flamand soit utilisé en justice, lorsque c’était la langue des parties; 4o qu’une Académie flamande soit créée; 5o que le flamand soit considéré à égalité avec le français à l’université de Gand et dans les autres établissements d’enseignement de l’État.

«Bien peu de personnes d’ailleurs, en l’absence de statistiques, se faisaient une idée exacte de l’état linguistique du pays. Il fallut attendre le recensement de 1846 pour apprendre que, sur l’ensemble des citoyens belges, 2 471 248 parlaient le flamand et 1 827 141 le français» (H. Pirenne).

En 1856, sous le gouvernement De Decker, une commission fut chargée d’enquêter sur les griefs et de proposer des solutions. La «Commission des griefs flamands» déposa son rapport en 1858: il comportait un programme de réformes qui demeura inappliqué et servit de références au mouvement flamand. Le libéral liégeois Charles Rogier, qui avait succédé à Pierre De Decker à la tête du gouvernement et du ministère de l’Intérieur, avait déposé un contre-rapport.

Suivit une période d’intense activité politique et parlementaire sans résultat concret. La situation se modifia ensuite avec le vote, échelonné de 1873 à 1898, d’une série de lois sur l’emploi des langues: en matière répressive en 1873 et 1889, en matière administrative en 1878, dans l’enseignement en 1883; une loi de 1898 visa enfin à réaliser l’égalité entre français et flamand dans l’État; elle instaura en fait le bilinguisme en Flandre.

En 1867, c’est en français que Charles De Coster publia La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandre et d’ailleurs , œuvre pétrie d’esprit flamand. C’est en français qu’à la fin du siècle plusieurs écrivains originaires de la région flamande apportèrent leur contribution au mouvement symboliste: Émile Verhaeren, les Gantois Maurice Maeterlinck et Charles van Lerberghe, l’Anversois Max Elskamp... À la même génération appartenaient des écrivains de langue flamande, souvent militants de la cause flamande: Albrecht Rodenbach, Cyriel Buysse, Stijn Streuvels, August Vermeylen, Karel van de Woestijne.

La guerre de 1914-1918 et l’entre-deux-guerres

L’occupant allemand mit en œuvre une Flamenpolitik qui obtint le concours d’activistes flamands: les jalons furent l’ouverture de l’université flamande de Gand (24 oct. 1916), l’installation d’un Conseil des Flandres (févr. 1917), la séparation administrative de la Belgique en Flandre – capitale Bruxelles – et Wallonie – capitale Namur (mars 1917) –, l’autonomie de la Flandre (déc. 1917). Par ailleurs, un mouvement naquit au front parmi les soldats flamands. Enfin, une autre expression du mouvement flamand fut le fait de ceux dont la préoccupation était surtout la préparation de l’après-guerre.

L’entrevue de Lophem entre le roi et des dirigeants politiques restés au pays et le discours du trône du 22 novembre 1918 consacrèrent les orientations de l’après-guerre, parmi lesquelles la promesse d’une université flamande.

De 1921 à 1928 s’échelonnèrent des lois linguistiques de compromis qui, tout à la fois, reconnaissaient les régions et favorisaient le bilinguisme, tandis que, à partir de 1932, de nouvelles lois reconnurent et favorisèrent à la fois l’unilinguisme en Flandre et en Wallonie et consacrèrent le principe du bilinguisme à Bruxelles, sans toutefois en organiser le contrôle. Dans un premier temps, la reconnaissance de la diversité s’accompagna de la promotion du bilinguisme; dans un second temps, la reconnaissance de la diversité favorisa l’unilinguisme en Flandre et en Wallonie et laissa subsister, faute de contrôle, le contentieux du bilinguisme à Bruxelles. En 1932, le mouvement flamand obtint une satisfaction importante quoique tardive: la flamandisation de l’université de Gand.

Alors que l’expression politique du mouvement flamand en dehors des grands partis avait pris la forme du frontisme dans les années 1920, c’est-à-dire la forme d’un mouvement d’orientation généralement démocratique, à partir des années 1930, au contraire, un parti comme le Vlaams Nationaal Verbond (V.N.V.) et un mouvement comme le Verdinaso manifestèrent des tendances nettement autoritaires.

L’entre-deux-guerres – qui coïncide, au lendemain de l’adoption du suffrage universel, avec la période d’apprentissage du régime de la coalition – est, pour la Belgique, une période d’instabilité gouvernementale due le plus fréquemment à ce qu’on appelait la question linguistique ou la question flamande. En septembre 1939, un nouveau gouvernement tripartite s’assigna comme priorité la réalisation de l’autonomie culturelle.

Depuis 1945

La Seconde Guerre mondiale marqua une nouvelle césure; le climat de la Libération fut celui de la priorité à la reconstruction du pays, celui aussi d’une certaine restauration institutionnelle et politique. Les débats furent vifs sur les séquelles de la politique de guerre: répression de l’incivisme, amnistie, question royale. Le clivage entre nord et sud du pays, contrastés ou opposés, réapparut: la revendication de l’amnistie fut une revendication flamande; la consultation populaire de 1950 et les circonstances du dénouement de la question royale firent apparaître clairement l’opposition Flandre-Wallonie.

La question royale (1945-1950) et la question scolaire (1950-1958) dominèrent alors la vie politique en divisant le pays sans diviser les grands partis nationaux. La situation allait bientôt se modifier de ce point de vue. Le Centre de recherche pour la solution nationale des problèmes sociaux, politiques et juridiques en régions wallone et flamande, créé par la loi de 1948, poursuivit ses travaux juqu’en 1955. L’idée d’autonomie culturelle fut alors réaffirmée.

Après l’apparition d’un parti politique (Christelijke Volksunie en 1954, Volksunie en 1958) et d’un groupe de pression (Vlaamse Volksbeweging en 1956), la manifestation d’étudiants flamands protestant le 14 juillet 1958 contre l’usage exclusif du français au pavillon de la République française à l’Exposition internationale et universelle de Bruxelles symbolisa l’irruption d’une nouvelle génération de militants, celle qui anima peu après le Vlaams Aktiekomitee voor Brussel en de Taalgrens (V.A.K.).

Alors que la loi faisait obligation au gouvernement d’organiser à la fin de 1960 un recensement général de la population, ce dernier n’eut lieu qu’à la fin de 1961; entre-temps, la pression de l’opinion flamande la plus radicale avait obtenu la suppression de ce qu’il était convenu d’appeler le «volet linguistique» de ce recensement, qui constituait le critère de fixation de la frontière entre régions linguistiques.

D’autres évolutions de grande portée se produisirent simultanément: en 1958, la Wallonie était encore la première région industrielle de Belgique; dès 1961, les conditions étaient désormais réunies pour permettre à la Flandre de la supplanter. Une évolution décisive fut acquise peu après, avec la création d’une sidérurgie maritime près de la zone portuaire de Gand.

Le V.A.K., organe de coordination de nombreuses associations culturelles flamandes, organisa, le 21 octobre 1961 et le 14 octobre 1962, des «marches flamandes» sur Bruxelles, manifestations destinées à faire pression sur le gouvernement et le Parlement à la veille de l’adoption des nouvelles lois linguistiques de 1962 et de 1963. Conformément aux revendications flamandes, cette législation prévoyait des organes de contrôle tout en confirmant les principes édictés dès 1932.

Une campagne menée en 1967 sous l’égide de l’Overleg Centrum – qui avait supplanté le V.A.K. comme organe de coordination du mouvement – sensibilisa l’opinion flamande à la revendication du transfert en Wallonie de la section française de l’université catholique de Louvain. Ce problème amena une crise gouvernementale au début de 1968 et la scission du Parti social-chrétien en deux formations autonomes, dont, du côté flamand, le Christelijke Volkspartij (C.V.P.), principal parti flamand.

Les années suivantes virent se produire la scission tant de l’université catholique de Louvain que de l’université libre de Bruxelles en universités flamandes et francophones distinctes.

La troisième révision de la Constitution belge (1967-1971) consacra le principe de l’autonomie culturelle, revendication essentiellement flamande: la Communauté culturelle néerlandaise de Belgique (c’est-à-dire les Flamands de Flandre et de Bruxelles) était dotée d’un Conseil culturel composé de parlementaires et ayant le pouvoir de prendre – dans les matières culturelles – des décisions ayant force de loi.

La même révision posa le principe de l’existence de régions, dont la Flandre. Mais l’application de ce principe se heurta pendant dix ans à l’impossibilité de réunir au Parlement les majorités requises.

Une nouvelle révision de la Constitution eut lieu en 1980, en même temps qu’étaient votées des lois de réformes institutionnelles. Le système qui en est issu est asymétrique, contrairement aux suites de la réforme précédente.

Il existe depuis 1980 un Conseil de la Communauté flamande (dit Conseil flamand), composé de parlementaires élus directs, et un Exécutif de la Communauté flamande (dit Exécutif flamand) composé de neuf membres élus par le Conseil en son sein.

Ces organes ont des compétences respectivement semblables à celles d’un Parlement et d’un gouvernement dans des matières qui sont, d’une part, la culture et la formation, la santé et l’aide sociale pour l’ensemble de la Communauté flamande (Flandre et Flamands de Bruxelles), et, d’autre part, entre autres, l’économie, le logement, l’aménagement du territoire pour la Flandre seule. Une nouvelle extension de compétences a été décidée en 1988, avec le transfert de l’enseignement sous la compétence de la Communauté et de la politique des transports et des travaux publics sous celle de la Région. Plusieurs de ces matières sont toutefois assorties d’exceptions demeurant de la compétence de l’État central.

La Flandre est une région en changement. Une des formes que revêt ce changement est une fragmentation croissante des forces politiques. Les élections du 24 novembre 1991 en ont été un signe très net: il y a eu simultanément à cette date recul ou stagnation des principaux partis: Christelijke Volkspartij (C.V.P., sociaux-chrétiens): 26,9 p. 100 des suffrages exprimés (face=F0019 漣 4,5); Socialistisch Partij (S.P., socialistes): 19,6 p. 100 (face=F0019 漣 0,5); Partij voor Vrijheid en Voormitgang (P.V.V., libéraux): 19 p. 100 (+ 0,5); Volksunie (fédéralistes flamands): 9,3 p. 100 (face=F0019 漣 3,6); et progrès de l’extrême droite nationaliste (Vlaams Blok, 10,3 p. 100: + 7,3), des écologistes (Agalev, 7,8 p. 100: + 0,5) et de listes de contestation et de dérision (Rossem: 5,1 p. 100).

Flandre ou Région flamande
région couvrant toute la partie N. de la Belgique et réunissant les cinq provinces néerlandophones du pays: Flandre-Occidentale, Flandre-Orient., prov. d'Anvers, Limbourg et Brabant flamand (dans lequel est enclavée la Région de Bruxelles-Capitale); 13 512 km²; 5 824 628 hab. (recensement de 1992); cap. Bruxelles. La Région flamande et la Communauté flamande (qui regroupe tous les citoyens belges néerlandophones, y compris ceux qui vivent dans la Région de Bruxelles-Capitale) ont un même gouvernement, qui siège à Bruxelles.
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Flandre
rég. de Belgique et de la C.E., formée des prov. de langue néerlandaise de Flandre-Occidentale, de Flandre-Orientale, d'Anvers, de Limbourg et du N. du Brabant; 13 512 km²; 5 690 900 hab.; ville princ. Anvers.
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Flandre
plaine maritime de l'Europe du N.-O. qui s'étend de la France du N. (V. Nord-Pas-de-Calais [Rég.]) à la Belgique (V. Flandre [Rég.]) et aux Pays-Bas, le long de la mer du Nord. La Flandre maritime est une plaine argilo-sableuse, fertilisée depuis le Moyen âge: création de polders, polyculture intensive, élevage des bovins. Bien qu'inhospitalière (bancs de sable, tempêtes), la côte a un import. trafic marit. (Dunkerque, Anvers). L'industrie s'est développée. La Flandre intérieure, argileuse, est accidentée de buttes sableuses. Les forêts et les prairies cèdent la place au blé, à la betterave, au lin, etc. L'industrie textile, dominante depuis le Moyen âge (Roubaix, Gand), connaît auj. une crise grave. Au XIXe s., la Flandre française a été stimulée par l'exploitation houillère. Hist. - Peuplée jadis par diverses tribus celtes, la Flandre connut une grande prospérité sous la domination romaine, puis fut occupée au Ve s. par les Francs Saliens, qui occupaient également les Pays-Bas actuels et dont la langue est à l'origine du néerlandais. à l'époque mérovingienne, la Flandre fit partie de la Neustrie. Par le traité de Verdun (843), elle fut attribuée dans sa presque totalité à Charles le Chauve, qui l'organisa en une marche confiée à son gendre, le comte Baudouin Ier Bras de Fer (v. 862). Baudouin IV et Baudouin V étendirent les possessions du comté vers l'est et, à partir du XIe s., la Flandre connut, en même temps que l'Italie, un grand essor économique grâce à ses industries drapières et à son commerce maritime. Au XIIIe s., les ouvriers drapiers, groupés en métiers, se rebellèrent contre les patriciens marchands, réunis en guildes. à la faveur de ces troubles et de la révolte du comte Gui de Dampierre appuyé par la plèbe (1297), Philippe le Bel, allié des patriciens, annexa le pays en 1300, mais le soulèvement de Bruges ("Matines de Bruges") et la victoire de Courtrai (bataille des éperons d'or, 11 juillet 1302) contraignirent le roi de France à renoncer à la Flandre. La paix signée en 1305 lui donna cependant plusieurs villes, notam. Lille. La Flandre passa, par héritage, au duc de Bourgogne Philippe II le Hardi, en 1384, puis aux Habsbourg, en 1477. Au XVIe s., tandis qu'Anvers enlevait à Bruges la direction d'une économie florissante, le pays fut agité de troubles politico-religieux. Ceux-ci prirent fin en 1579 avec le traité de Mons, qui accordait leur indépendance aux provinces calvinistes du Nord (V. Pays-Bas), tandis que les provinces catholiques du Sud (la Belgique actuelle) restaient espagnoles. Au XVIIe s., la Flandre fut morcelée par les conquêtes de Louis XIV (traités des Pyrénées, 1659, d'Aix-la-Chapelle, 1668, de Nimègue, 1678). Devenue entièrement française sous la Révolution, elle fut, à l'exception de sa partie méridionale, donnée au royaume des Pays-Bas en 1815, puis rattachée à la Belgique en 1831 (V. carte et dossier Belgique, p.1380). Depuis la révision de la Constitution belge en 1989 et 1993, la Flandre fait partie de la Communauté flamande et de la Région flamande, dite aussi Flandre.

Encyclopédie Universelle. 2012.