VIEILLISSEMENT
Il faut distinguer les différents niveaux de vieillissement: celui de l’organisme entier; celui des organes ou des tissus; celui des cellules (dont le renouvellement est très variable) et le vieillissement moléculaire. Celui-ci est au moins partiellement responsable du vieillissement des niveaux supérieurs.
Selon Orgel (1963), le vieillissement résulte de l’accumulation de molécules altérées par suite d’erreurs: au cours de la duplication de l’ADN, de sa transcription en ARN messager ou de la traduction de celui-ci en acides aminés constituants des protéines. Le risque d’erreur s’accroît avec l’âge, et cela aboutit en fin de compte à une modification «critique» du génome. Lorsque les erreurs atteignent les molécules clés de la synthèse protéique, elles déterminent une «catastrophe» qui entraîne la sénescence, puis la mort du fait des altérations subies par les molécules essentielles pour l’activité cellulaire.
Sous sa forme originelle, cette théorie s’est révélée beaucoup trop simpliste et n’a pu être expérimentalement vérifiée. En réalité, le vieillissement a des causes internes (génomiques) qui sont activées de façon complexe par de multiples facteurs externes (épigénétiques).
Les altérations moléculaires
Le vieillissement moléculaire a surtout été étudié pour les enzymes ; entre autres raisons, parce que ce sont des protéines douées à la fois d’activité catalytique (enzymatique) et d’activité antigénique (capacité de réagir avec des anticorps spécifiques). Une altération moléculaire partielle, fréquente au cours des enzymopathies génétiques, est la présence d’un «matériel à réaction croisée» (C.R.M., abréviation de l’expression anglaise cross reacting material ), c’est-à-dire la persistance des propriétés antigéniques avec disparition ou diminution des propriétés catalytiques. Lewis et Tarrant, adeptes de la théorie d’Orgel, ont mis en évidence en 1972 la présence d’un C.R.M. pour la lactico-déshydrogénase de fibroblastes (cultures de cellules de peau) en phase III, c’est-à-dire à la fin de leur vie.
D’autres auteurs ont trouvé d’autres altérations enzymatiques de ces fibroblastes en phase III: en particulier, une thermolabilité (sensibilité à la chaleur) accrue de la glucose-6-phosphate-déshydrogénase (G6PD).
Il faut rappeler à propos de ce «vieillissement moléculaire» que Hayflick avait démontré en 1965 que, contrairement à ce qu’avançait Alexis Carrel, les cellules en culture ne sont nullement immortelles. Leur durée de vie est limitée et variable selon les espèces animales; elle est d’environ cinquante réplications (divisions) pour les fibroblastes provenant d’embryon humain, et plus courte lorsque ces fibroblastes proviennent d’un individu âgé. Dans les fibroblastes âgés, Macieira-Coelho a découvert, en 1986, des figures d’involution au niveau de la chromatine et a décrit l’existence d’ADN circulaire extrachromosomique. De telles anomalies au niveau du génome expliqueraient les défectuosités que présentent les enzymes codées par lui. En outre, le vieillissement précoce de certains états pathologiques (mongolisme, et plus encore syndrome de Werner et progéria) se traduit par une réduction de la durée de vie des fibroblastes mis en culture.
Certaines anomalies des molécules enzymatiques ont été démontrées non plus dans les fibroblastes, mais dans des organes et des tissus, essentiellement le foie, organe très riche en enzymes très spécifiques. D. et H. Gershon ont montré l’existence d’un C.R.M. pour plusieurs enzymes (entre autres, la superoxyde dismutase, enzyme très importante pour la défense des tissus contre les oxydations) dans le foie de souris et de rats très âgés (30 mois). Chez des vers minuscules (Turbatrix aceti ), très étudiés car leurs cellules ne se divisent pas, ce qui évite la confusion entre vieillissement cellulaire et moléculaire, les mêmes auteurs ont trouvé un C.R.M. pour plusieurs enzymes à la fin de la vie de ces Nématodes.
Les modifications enzymatiques de certaines enzymes vieillies sont donc certaines. Mais sont-elles dues à des erreurs de synthèse? On tend de plus en plus maintenant à insister sur l’importance des altérations survenant après la synthèse protéique (altérations «post-traductionnelles»).
Un bon modèle d’étude est le globule rouge, car c’est une cellule sans noyau, donc sans synthèse. On peut par centrifugation séparer les globules rouges «jeunes» et «vieux» (plus lourds). Dans les globules rouges humains vieux (à la fin de leur vie de 120 jours), J.-C. Dreyfus et A. Kahn ont mis en évidence des modifications de charge (acidification) de la glucose-6-phosphate-déshydrogénase: il apparaît des bandes supplémentaires à l’électrophorèse et à l’électrofocalisation (électrophorèse où l’enzyme migre jusqu’à son point isoélectrique). Des modifications analogues ont été découvertes pour d’autres enzymes, par exemple la purine-nucléoside-phosphorylase (Turner et coll.).
Le cristallin est un modèle encore plus intéressant, car si les synthèses y sont actives dans les cellules de la couche externe, elles cessent progressivement, et ces cellules se transforment en fibres d’abord dans le cortex intermédiaire et finalement dans le centre, où on peut trouver des protéines accumulées depuis des mois, voire des années, cependant que de nouvelles cellules à synthèse active se forment dans la couche externe. La comparaison entre enzymes et autres protéines des cellules de la couche externe avec celles du centre permet donc de mettre en évidence les modifications postsynthétiques de ces dernières. Dans les cellules du centre du cristallin du lapin, l’aldolase C (type cerveau) a subi des modifications de charge qui ont produit de nouvelles formes moléculaires de l’enzyme; de plus, l’inactivation partielle de cette aldolase permet d’y caractériser un C.R.M. (F. Schapira et J. Banroques).
Un exemple de vieillissement moléculaire enzymatique particulièrement frappant est celui de l’aldolase A (type muscle) dont deux chaînes sur quatre supportent une désamidation (d’une asparagine en acide aspartique) [W. Rutter et B. Horecker].
Cette désamidation est post-traductionnelle (Midelfort et Mehler); on a d’autres exemples de désamidations pour d’autres protéines, et Robinson y voit un mode général de vieillissement. Cependant, dans le cas de l’aldolase, cette modification ne s’accompagne d’aucune altération des propriétés cinétiques de l’enzyme.
Parmi les protéines non enzymatiques, l’hémoglobine est la mieux connue car elle est abondante et d’accès facile; de plus, c’est un modèle de modifications postsynthétiques puisque sa synthèse a lieu avant la mise en circulation des globules rouges. On connaît, depuis 1955, l’hétérogénéité de l’hémoglobine adulte normale: en dehors des fractions génétiquement déterminées Hb A2 et Hb F, on a dénombré plusieurs fractions mineures dénommées, selon leur ordre d’élution chromatographique, A1a, A1b et A1c. Hb A1c est la plus étudiée, vu son abondance relative (5 p. 100); sa structure est la même que celle de Hb A (hémoglobine adulte normale), excepté la fixation, sur une valine-N-terminale de la chaîne 廓, d’un constituant que H. F. Bunn et ses collaborateurs ont identifié au glucose. Cette glycosylation, forcément postsynthétique, est effectivement plus importante dans les globules rouges vieux que dans les jeunes (séparés par centrifugation). Elle a, de plus, un grand intérêt médical car elle est augmentée de façon sensible et constante au cours du diabète. Les autres fractions mineures résultent elles aussi de modifications postsynthétiques traduisant un vieillissement: par exemple, Hb A1b a subi une désamidation (Krishnamoorthy et coll.).
Les cristallines sont les protéines spécifiques du cristallin dont on a vu que les différentes zones de l’extérieur vers le centre correspondaient à un vieillissement progressif. L’équipe de Bloemendal a démontré qu’une des chaînes de la cristalline de bœuf (chaîne 見-A) subit avec l’âge des dégradations progressives de son extrémité C-terminale; il s’y ajoute des désamidations. On ne connaît pas le mécanisme de ces modifications qui, de plus, débutent dès la vie embryonnaire.
Le collagène est la plus importante des protéines de structure; il est spécialement abondant dans la peau, les os, les dents et les tendons ainsi que dans les fibroblastes en culture. C’est une molécule allongée comprenant des stries qui se répètent périodiquement; elle est formée de subunités de tropo-collagène, protéines elles-mêmes composées de trois chaînes enroulées en hélice.
Il y a plusieurs types de collagènes, différents selon les tissus; le type I, le plus répandu, se trouve dans la peau, l’os, les dents et les tendons; le type II, dans le cartilage hyalin; le type III, dans les parois artérielles et aussi dans la peau et les fibroblastes; et le type IV, dans les membranes basales. Les chaînes constituant chaque type ont une composition différente en acides aminés: chacune consiste en deux chaînes 見1 et, de plus, en une chaîne 見2 pour le type I. La synthèse du collagène à partir du précurseur procollagène comporte l’hydroxylation des prolines en hydroxyproline en présence de vitamine C; l’hydroxylation stabiliserait la structure en hélice. Avec l’âge, il se forme des ponts covalents entre les chaînes, et l’hydroxylation décroît (Gallop et Paz); la thermostabilité augmente, alors que la solubilité diminue.
Beaucoup de ces modifications moléculaires – ainsi que celles d’une autre protéine de soutien, l’élastine – sont post-traductionnelles. Cependant, le remplacement du type III (prépondérant chez le fœtus humain) par le type I semble être sous commande génétique et être un processus de différenciation (Kontermann et Bayreuther); le type I est moins résistant à la dégradation par les collagénases.
Multiplicité des causes du vieillissement
On voit que les modifications post-traductionnelles sont très importantes et rendent compte d’une bonne partie de ce qu’on avait attribué à des erreurs de synthèse. D’autres expériences ont plaidé contre la théorie d’Orgel et Holliday; par exemple, Holland et ses collaborateurs ont montré que la réplication virale s’effectue avec la même fidélité dans les cellules sénescentes que dans les cellules jeunes: celles-là ne contiennent donc pas de protéines altérées. Cependant, plus récemment, l’équipe de Holliday a trouvé que la fidélité de l’ADN polymérase, c’est-à-dire sa capacité à catalyser la réplication de l’ADN sans erreurs de copie ou presque (présence de nucléotides «incorrects»), diminue avec l’âge des fibroblastes humains en culture. La question n’est donc pas résolue, d’autant moins que les autres théories sont peu satisfaisantes. Le rôle de l’accumulation de substances toxiques dans les cellules est contredit par les expériences d’hybridation qui ont prouvé que le rôle du noyau (et non du cytoplasme) est prépondérant dans la sénescence.
La fréquence des désamidations a conduit A. Robinson à les considérer comme un mode général de vieillissement: ce serait une sorte d’horloge moléculaire, les désamidations se produisant spontanément (car les résidus amides sont instables) et dépendant du type de séquence environnant les résidus glutamyl ou asparagyl. L’accroissement des charges négatives (l’acidification) augmenterait la susceptibilité de la molécule à la protéolyse. Il faut noter toutefois que l’aldolase désamidée a les mêmes propriétés cinétiques que l’aldolase native.
Actuellement, on tend à se rallier à l’hypothèse de Hayflick pour qui la sénescence est génétiquement programmée: ce serait une différenciation terminale , commandée par des gènes de vieillissement, gènes qui ne s’exprimeraient qu’à la fin de la vie; de même qu’à la naissance certains gènes qui commandent la synthèse de l’hémoglobine adulte et de certains isozymes très spécifiques s’expriment aux dépens des gènes de l’hémoglobine fœtale et des isozymes fœtaux.
L’hypothèse de Hayflick est aujourd’hui confortée par des preuves expérimentales. Un argument en sa faveur est la différence d’une espèce à l’autre de la durée de vie moyenne, ainsi que la possibilité de sélectionner des lignées à longévité plus importante que d’autres au sein d’une même espèce. Chez la Drosophile, en croisant entre eux des individus appartenant à ces lignées, Michael Rose a pu tripler la durée de vie de cet insecte. Chez le Coenorhabditis elegans , des mutants obtenus par Thomas Johnson au niveau du gène Âge-1 ont une durée de vie deux fois plus longue que celle des individus non mutés.
La recherche des gènes responsables – dits gérontogènes – utilise les techniques les plus récentes de la génétique moléculaire. Elle a démontré l’entrée en scène, chez le sujet âgé, de gènes jusqu’alors silencieux, tel p53. En revanche, un proto-oncogène comme c-fos [cf. ONCOGENÈSE] est réprimé dans les cellules sénescentes, mais les agents mitogènes le transforment en oncogène. Ce fait expliquerait pourquoi les cultures cellulaires normales («non transformées») ont une durée de vie limitée, alors que les cultures provenant de cancers, ou bien «transformées» par des virus ou des cancérogènes chimiques, se multiplient indéfiniment. La théorie des erreurs ne rend nullement compte de l’immortalité des cellules cancéreuses, alors que la théorie génétique permet de supposer que les remaniements chromosomiques qui accompagnent le cancer ont entraîné la perte ou la modification de ces hypothétiques gènes de vieillissement.
À l’heure actuelle, il semble bien que le vieillissement moléculaire a des causes multiples et qu’il est vain de chercher à l’expliquer par une hypothèse unique et globale.
Le séquençage du génome humain permettra sans doute de faire la part, dans le phénomène du vieillissement, des causes génétiques et des facteurs épigénétiques. Le projet Chronos lancé en 1992 par le C.E.P.H. (Centre d’études du polymorphisme humain) dispose d’un large échantillon d’individu centenaires (450) et de cent vingt fratries de nonagénaires, ce qui permet l’analyse statistique des fréquences d’altération génique en rapport avec les atteintes physiologiques liées à l’âge (athérosclérose, affaiblissement des défenses immunitaires, etc.).
vieillissement [ vjejismɑ̃ ] n. m.
• 1596 au sens 2; de vieillir
1 ♦ Fait de devenir vieux ou de s'affaiblir par l'effet de l'âge. — Processus physiologique normal que subit tout organisme vivant au cours de la dernière période de sa vie. ⇒ sénescence. Étude des phénomènes liés au vieillissement (⇒ gérontologie; gériatrie) . — Démogr. Vieillissement d'une population : augmentation de la proportion des personnes âgées résultant de l'allongement de l'espérance de vie et de la baisse de la natalité.
♢ Par ext. Le vieillissement de l'esprit, du cœur.
2 ♦ Fig. Fait de vieillir, de se démoder. Le vieillissement d'une doctrine, d'une loi, d'une société; d'un mot. ⇒ obsolescence.
3 ♦ (1872) Processus naturel ou provoqué, par lequel les vins se modifient, acquièrent leur bouquet. Vieillissement forcé.
⊗ CONTR. Actualité. Rajeunissement.
● vieillissement nom masculin Fait de devenir vieux, ensemble des phénomènes qui marquent l'évolution d'un organisme vivant vers la mort : Le vieillissement de la peau. Affaiblissement naturel des facultés physiques et psychiques dû à l'âge. Fait pour un groupe de voir sa moyenne d'âge s'élever progressivement : Vieillissement du personnel d'une entreprise. (Le vieillissement de la population atteint tous les pays développés où il pose des problèmes d'ordre économique [répartition des actifs et des non-actifs, charges des retraites, frais de santé] et social.) Fait pour quelque chose de se démoder, de ne plus correspondre aux besoins d'une époque : Le vieillissement d'une doctrine. Action de donner artificiellement l'aspect d'une personne âgée à quelqu'un : Le vieillissement d'un acteur pour les besoins d'un film. Action de donner artificiellement l'aspect du vieux à quelque chose : Le vieillissement d'un bois avec un vernis spécial. Modification que subit avec le temps un vin, un alcool, etc., conservé dans des conditions déterminées, ce qui lui confère des qualités gustatives nouvelles. Propriété générale des systèmes chimiques peu stables dont les propriétés évoluent avec le temps. (Spontané ou induit par des effets extérieurs, le vieillissement est combattu par addition d'antioxydants, de stabilisants, etc.) Phénomène qui se manifeste, sur certains alliages trempés ou écrouis, par une augmentation notable de dureté, due à une évolution structurale, au cours d'un maintien prolongé à une température peu élevée. Évolution d'un film de peinture ou de vernis au cours du temps, sous l'influence des agents atmosphériques ou d'autres formes accidentelles d'altération. ● vieillissement (synonymes) nom masculin Fait de devenir vieux, ensemble des phénomènes qui marquent l'évolution...
Contraires :
Fait pour un groupe de voir sa moyenne d'âge s'élever...
Contraires :
Fait pour quelque chose de se démoder, de ne plus correspondre...
Synonymes :
- usure
Contraires :
vieillissement
n. m.
d1./d Fait de vieillir, de devenir vieux.
|| Fig. Vieillissement des doctrines.
d2./d Aspect ancien donné artificiellement à un objet neuf. Vieillissement d'un cadre.
d3./d Acquisition de certaines qualités par l'effet du temps (se dit surtout du vin, des alcools). Vieillissement en fûts.
⇒VIEILLISSEMENT, subst. masc.
A. — [À propos d'une pers.]
1. Fait de vieillir ou d'avoir vieilli, d'avancer en âge, de s'affaiblir en perdant progressivement ses forces physiques ou morales, ses capacités intellectuelles. Vieillissement d'une personne; signes du vieillissement; être atteint, frappé de vieillissement. C'est la certitude de devoir-mourir qui donne à la maladie, au vieillissement, à la perte de conscience leur valeur de pressentiment; parce que je dois mourir, mes jours sont « comptés » et le vieillissement est comme une soustraction opérée sur un capital qui s'épuise (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 433).
— En partic. Période se situant après la maturité pour aboutir progressivement à la vieillesse. Période du vieillissement. Qui grandit près d'un étang n'oublie jamais (...) On y revient toujours avec le vieillissement (...) et comme on se sent près de la mort! (LA VARENDE, Nez-de-Cuir, 1936, p. 183).
2. BIOL., PHYSIOL. Processus par lequel un organisme humain subit une série de transformations entraînant la dégénéres-cence de certaines cellules, ce qui provoque l'affaiblissement et le ralen-tissement des fonctions vitales et des modifications d'ordre physique, physiologique et psychique. Vieillissement (progressif) de l'organisme; causes, conséquences, mécanismes, processus du vieillissement; vieillissement des tissus, des cellules; vieillissement biologique ; étude du vieillissement. Ce qu'il y a de proprement vital dans le vieillissement est la continuation insensible, infiniment divisée, du changement de forme. Des phénomènes de destruction organique l'accompagnent d'ailleurs, sans aucun doute. À ceux-là s'attachera une explication mécanistique du vieillissement. Elle notera les faits de sclérose, l'accumulation graduelle des substances résiduelles, l'hypertrophie grandissante du protoplasme de la cellule (BERGSON, Évol. créatr., 1907, p. 19). Les prétendus remèdes contre le vieillissement, les déficiences sexuelles ou l'obésité trouvent parmi eux [les empiriques] des zélateurs fervents (BARIÉTY, COURY, Hist. méd., 1963, p. 814).
♦ Vieillissement précoce, accéléré, rapide. Évolution anormalement rapide des phénomènes qui entraînent des modifications physiques, l'altération des fonctions physiologiques et psychiques d'un individu. Il y avait des mois de souffrance, une déchéance physique momentanée, un vieillisement précoce qui, pas un instant, ne se laissaient oublier (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 784).
— Vieillissement de. Altération, dégradation physique ou psychique (d'un organe, d'une partie du corps, d'une faculté) due aux atteintes de l'âge. La maladie qui hâte le vieillissement de son corps retarde celui de son esprit (PROUST, Temps retr., 1922, p. 930). Ce n'est pas le vieillissement du visage qui inquiète, s'il arrive qu'on s'en aperçoive, mais la mobile physionomie intérieure d'une femme (CHARDONNE, Éva, 1930, p. 32).
3. [À propos d'un coll.]
a) DÉMOGR. Vieillissement de la/des population(s). Augmentation du nombre des personnes âgées par rapport à la population totale. Anton. rajeunissement. Le vieillissement de la population dans les économies évoluées menace les conquêtes accomplies, directement par alourdissement des charges de vieillesse et de maladie (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 358). Le vieillissement des populations, conséquence de la baisse de la natalité et non de celle de la mortalité (...) revêt (...) une grande importance sociologique (Traité sociol., 1967, p. 284).
b) [Dans une entreprise] Vieillissement du personnel. Augmentation de la moyenne d'âge du personnel par rapport à une époque antérieure. Il serait (...) imprudent (...) de procéder dans certains services à des licenciements massifs d'agents jeunes. Tous les inconvénients du vieillissement actuel du personnel s'en trouveraient aggravés (PINEAU, S.N.C.F. et transp., 1950, p. 22).
B. — [À propos d'un inanimé]
1. État de ce qui vieillit, perd de sa fraîcheur, s'abîme, se détériore avec le temps ou, au contraire, traverse les ans sans grand dommage. Les toiles s'altèrent à l'usage par vieillissement et sous l'action de la lumière (GUILLEMIN, Constr., calcul et essais avions, 1929, p. 32). Le climat (...) de Madrid (...) est le plus favorable au vieillissement de la peinture (LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 35).
2. Fait de se démoder, de perdre de son actualité, de sa vogue, de ne plus répondre aux besoins, aux aspirations ou aux techniques d'une époque. Synon. obsolescence. Vieillissement d'une culture, d'une doctrine, d'une pensée. Les communistes sont coincés entre le vieillissement du mythe matérialiste et la crainte d'introduire la division (...) dans leurs troupes (SARTRE, Sit. III, 1949, p. 225). Le vieillissement de l'outillage et la relative stagnation technique de la fabrication du superphosphate faisaient lentement augmenter le prix réel de cet engrais (Industr. fr. engrais chim., 1954, p. 46).
C. — Spécialement
1. INDUSTR. Transformation, modification de certaines propriétés d'une substance, d'un matériau par le simple effet du temps ou par le traitement spécial auquel on le soumet. Vieillissement du bois. Les essais sur le vieillissement du caoutchouc dans l'eau de mer ont été exécutés au laboratoire du Centre National de la Recherche Scientifique à Bellevue (ROMANOVSKY, Mer, source én., 1950, p. 48).
♦ Vieillissement d'un alliage, d'un métal. ,,Variation, en fonction du temps, à la température ambiante ou au cours d'un léger chauffage, des propriétés du métal ayant subi un traitement préalable`` (Norme NF A02-010, mars 1966 cité par Constr. métall. 1975).
♦ Vieillissement (naturel ou spontané). Vieillissement produit à température ambiante (d'apr. Constr. métall. 1975).
♦ Vieillissement artificiel. Vieillissement hâté par divers procédés (chauffage, variations thermiques, rayons ultraviolets, action mécanique etc.) (d'apr. RAMA 1973).
2. ŒNOL. Vieillissement des vins, des alcools. Opération qui consiste à donner à un vin des qualités et un bouquet qu'il n'avait pas précédemment.
♦ Vieillissement (naturel). Vieillissement obtenu après une longue conservation en fûts et un long stockage en bouteilles. Que de soins sont prodigués depuis la vendange jusqu'à une longue période « d'élevage », durant plusieurs années, et que de patience demande ensuite un long vieillissement en bouteilles de toute une gamme de vins fins nantis de leurs titres de noblesse: appellation d'origine et millésime (BRUNERIE, Industr. alim., 1949, p. 76).
♦ Vieillissement artificiel. Procédé activant le vieillissement des vins (agitation à l'air, oxygénation, chauffage, phénomènes vibratoires, etc.). Les nouveaux tonneaux géants, qui facilitent de subtiles mixtures et le vieillissement artificiel (CHARDONNE, Dest sent., I, 1934, p. 16).
Rem. gén. Ce mot, bien qu'enregistré ant. par les dict., n'apparaît dans les textes qu'à partir de 1904.
REM. Vieillissure, subst. fém., hapax. Fait de vieillir ou d'être vieux; souffrance due aux atteintes de la vieillesse. Je sens se refermer sur moi cette vie trop calme, où j'étouffe et d'où je ne saurais échapper qu'avec un nouveau déchirement. Faiblesse et vieillissure extrêmes (GIDE, Et nunc manet, 1951, p. 1149).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1564 (THIERRY, Dict. fr. lat.); 1596 (HULSIUS), att. sporadiquement dans qq. dict. — 1675, OUDIN Esp.-Fr.; à nouv. au XVIIIe s. 1798 (Ac.: Vieillissement. Etat de ce qui vieillit, acheminement à la vieillesse - le vieillissement d'un mot, d'un usage); 1872 en partic. vieillissement artificiel des vins (LITTRÉ). Dér. de vieillir; suff. -ment1; cf. envieillissement « action de vieillir » (parallèle à envieillissure « id. » att. une fois en 1311, GDF.) att. de la fin du XVe s. (ORESME, Politiq., 2e p., f° 44d, éd. 1489, ibid.) à 1700 (POMEY). Fréq. abs. littér.:134. Bbg. DOMENACH (J.M.). Vieillesse et vieillissement. Esprit. 1963, t. 31, n° 137, pp. 721-723.
vieillissement [vjɛjismɑ̃] n. m.
ÉTYM. 1596, au sens 2.; de vieillir.
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1 Fait de devenir vieux ou de s'affaiblir par l'effet de l'âge.
1 Dites-moi pourquoi, chez certains êtres comme ceux qui nous occupent, le vieillissement est un drame vécu jour après jour ?
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 358.
♦ Processus physiologiquement normal que subit tout organisme vivant au cours de la dernière période de sa vie. ⇒ Sénescence.
2 On peut avoir (…) les tissus plus vieux que son âge : on ne peut les avoir plus jeunes. C'est dire qu'il existe un vieillissement essentiel, fondamental, à peu près identique pour tous. On pourrait qualifier de « vieillissement pur » ce processus nécessaire, fatal (…)
J. Rostand, la Vie et ses Problèmes, p. 121.
♦ Sociol. || Vieillissement d'une population : augmentation de la proportion de vieillards.
♦ Par ext. || Le vieillissement de l'esprit, du cœur.
2 Fig. Fait de vieillir, de se démoder. || Le vieillissement d'une doctrine, d'une loi, d'une société; d'un mot… ⇒ Obsolescence.
3 (1872). Processus naturel ou provoqué, par lequel les vins se modifient, acquièrent leur bouquet. || Vieillissement forcé, artificiel. — Vieillissement d'une copie d'ancien. || Vieillissement du bois.
3 (…) les rangées d'antiques barriques où le cognac mûrit au contact du bois; il semble que ce lent vieillissement commande ici l'obscurité et le silence.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 12.
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CONTR. Rajeunissement. — (Du sens 2.) Actualité.
Encyclopédie Universelle. 2012.