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qu'
2. que [kə], qu' [k] (devant voyelle et h muet) pron.
ÉTYM. 842, les Serments de Strasbourg; du lat. quem, accusatif de qui.
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I Pronom relatif (ou « conjonctif ») des deux nombres, de genre masculin, féminin ou neutre, désignant une personne ou une chose.
1 (En fonction d'objet direct). || La nouvelle que j'apporte. || « Les morts ne sont pas morts, qu'on croit encore vivants » (Rostand). → Qui (I., A., 1., rem. 4, sur la place de l'antécédent.) || Lui que j'aimais. || Ce que je dis. 2. Ce (cit. 19, 22, 23). || Elle pleura, ce qu'elle ne faisait jamais. || Ce que voyant, ce que disant… || Ce qu'il faut. || Ce qu'il arrivera ou ce qui (I., A., 1., rem. 3) arrivera.REM. Ces deux tours différents sont souvent confondus à cause de la prononciation [ki] de qu'il devant consonne. — Le livre que voici.Quoi que vous fassiez. Certains auteurs voient là une conjonction (que vous fassiez ceci ou cela).Fam. || Ah ! cette peau qu'ils ont ! (→ Pelure, cit. 1) : quelle peau ils ont.(Dans le présentatif). || C'est… que ( aussi 1. Que). || C'est lui que j'attends. || Est-ce moi que vous cherchez ? || C'est cela qu'il me faut.
1 (…) ce ne serait pas une couronne que le genre humain lui devrait, mais un autel.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., V, XI.
(Avec l'inversion du nom sujet). « Le conjonctif objet direct, étant nécessairement avant le verbe, tend à s'en rapprocher le plus possible » (G. et R. Le Bidois, in Syntaxe du franç. mod., §886).
2 Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu'écrit la raison.
Gide, Journal, Fin sept. 1894.
(Lorsque la subordonnée relative est suivie d'une complétive introduite par la conjonction que). || « Cet enfant sans parents, qu'elle dit qu'elle a vu » (Racine, Athalie, III, 4).REM. On lui préfère souvent l'infinitif, de nos jours : cet enfant qu'elle dit avoir vu.
3 Tout de même, le luxe qu'ils croient que tu pourrais lui donner, les relations qu'on sait plus ou moins que nous avons, je crois que tout cela n'y est pas étranger…
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 927.
4 Il osait rejeter l'édredon énorme qu'elle exigeait qu'il gardât toute la nuit.
F. Mauriac, Destins, p. 58.
4.1 J'ai bien reconnu tout de suite le monsieur que tu dis qu'il s'appelle Marcel.
R. Queneau, le Chiendent, p. 221.
Lorsque le sujet de la complétive est l'antécédent de que, tour fréquent dans la langue classique : Qui (I., A., 1., rem. 2).
Objet direct ayant pour antécédent une proposition.(Avec un verbe d'opinion).Il n'est pas marié, que je sache. Savoir. || « Tu n'es pas, que je pense, un homme scrupuleux » (Hugo, Ruy Blas, I, 2).REM. Seul, que je sache est d'un emploi courant et forme une locution figée, d'usage soutenu, parfois un peu prétentieux.
5 (…) mais nous ignorons, que je crois, la demeure de la postérité (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 107.
Fam. (Avec un verbe d'opinion ou un verbe déclaratif pour mettre en doute les paroles d'un interlocuteur). || « Je terminerai bientôt ce travail. — Que tu dis ! ». || « Elle ne l'aime pas. — Qu'elle croit ! »
Pop. (Employé pour éviter l'inversion dans les incises). || Alors, qu'i m'dit…; tu parles ! que j'lui réponds.
6 Pauvre petit ! nous allons mourir ensemble, qu'elle dit en regardant son enfant.
Balzac, la Femme de trente ans, Pl., t. II, p. 831.
7 Il est malade, qu'il nous écrit… J'veux bien !
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 122.
8 Vous ne me reconnaissez pas qu'il lui demande. Non qu'elle dit.
R. Queneau, Loin de Rueil, p. 76.
9 Quant au peuple, qui a le goût des racontars et du bavardage, il fait un grand usage de l'incise. Mais, plus soucieux de clarté et d'exactitude que de correction, il tourne la difficulté en rattachant la citation au moyen de la conjonction universelle que et en faisant ainsi de l'incise une véritable subordonnée (…)
Robert Le Bidois, l'Inversion du sujet dans la prose contemporaine, p. 201.
2 (En fonction de complément indirect). Vx ou littér. (repris dans la langue familière). Dont. || De l'air (→ 2. Air, cit. 1) qu'on s'y prend. || « Me voyait-il de l'œil qu'il me voit aujourd'hui ? » (Racine, Andromaque, II, 1). || De la manière (cit. 32) qu'ils sont ici dépeints. || Du ton que vous dites cela. || Du train que vont les choses.
De nos jours (pop. et incorrect). Dont. || Celui que je vous parle et que je connais sa fille.Lequel ou qui (chaque fois qu'il s'emploie avec une préposition). || L'ami que je sors avec. || Le pont qu'on est passé dessus.
(Comme complément circonstanciel). (I., 1.).(Au sens propre). || Du côté qu'il penche. || De l'endroit qu'il vient. (I., 2.). || Le jour, le moment que… || L'été qu'il fit si chaud; la semaine qu'il est venu. || Chaque fois, la fois que… || Le temps que… (suivi du subjonctif).REM. Les constructions sont parfois senties et dénoncées comme fautives, ce qui n'est pas le cas. — Il y a… que, voici (voilà)… que, exprimant le temps écoulé. || Il y a trois semaines qu'il est arrivé ici. || « Mais voilà cinquante ans que nous habitons ici » (Maupassant, le Bonheur). || Voilà longtemps, il y a longtemps que (→ Longtemps, cit. 6 et supra; et aussi avoir, cit. 89 et supra).
REM. 1. La langue familière supprime parfois il y a, voici, voilà. || « Quatre jours que je marche depuis Toulon » (Hugo, les Misérables, I, II, III).
2. Lorsque l'antécédent est déterminé, l'emploi de que pour est vieilli ou familier.
10 (…) j'ai disputé votre cœur à Don Fadrique, jusqu'au jour que vous lui avez donné la préférence.
A. R. Lesage, le Diable boiteux, XV.
(Comme complément de mesure). || Ce que coûte une maison. || Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses (→ Destin, cit. 13).
11 Il sentit le peu que pèse tout l'orgueil du monde, au prix d'un peu d'amour.
R. Rolland, Jean-Christophe, Le matin, III, p. 218.
3 (En fonction d'attribut). a Avec un substantif pour antécédent de que, le sujet du verbe étant un pronom. || « La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles » (Malherbe). || Le vieillard que je suis.Le sujet du verbe étant un nom, et dans ce cas presque toujours en inversion. || Le savant qu'était mon père. || Le mystique qu'était Gilles de Rais (Huysmans, in G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç., mod., §886).
12 L'être que je serai après la mort n'a pas plus de raisons de se souvenir de l'homme que je suis depuis ma naissance que ce dernier ne se souvient de ce que j'ai été avant elle.
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 985.
13 Dans son livre La route des Indes, l'observateur qu'est Paul Morand faisait une observation du même ordre.
André Siegfried, in Revue de Paris, juin 1950, p. 7.
Introduit par en, comme.
14 Elle les a rassurés sans difficulté, en gentille fourbe qu'elle était.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XI, XVIII, p. 177.
15 Le conquérant se relève, sanglotant comme un pauvre bébé qu'il est.
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, III, VIII.
b (Avec un adjectif. — En apposition).REM. Certains grammairiens voient dans ce que un adverbe issu de la conjonction, au sens de « comme ». 1. Que.
16 Oh ! Misérables que nous sommes (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, VIII, IV.
17 Infernal que tu seras toujours, disait le garde (…)
M. Aymé, la Jument verte, VII.
(Employé avec tout, pour). || « Tout Picard que j'étais, j'étais un bon apôtre » (Racine, les Plaideurs, I, 1). || Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes (→ Autre, cit. 2, Corneille).(Employé avec quel). || Quelles que soient vos opinions (considéré parfois en ce cas comme une conjonction).
Introduit par de marquant l'état initial et le passage d'un état à un autre.
18 La duchesse (…) de timide et d'interdite qu'elle avait été au commencement de l'audience, se trouva vers la fin tellement à son aise (…)
Stendhal, la Chartreuse de Parme, I, VI.
c Avec un participe. (Littér.). :
19 Ils ne se parlaient pas, trop perdus qu'ils étaient, dans l'envahissement de leur rêverie.
Flaubert, Mme Bovary, II, XII.
4 Vx. || Ce que (compl. d'objet, de circonstance, d'attribut). || « Voicy que j'épreuve tous les jours » (Montaigne, Essais, II, 6). || « Tel parle de mesnaisge (ménage) qui ne sait mie que c'est » (Rabelais, Tiers livre, II, p. 357). — ☑ Loc. mod. Coûte que coûte (que cela coûte ce que cela coûte).Vaille que vaille.Advienne que pourra.
5 (Employé comme sujet). Qui. || Faites ce que bon vous semble.
REM. La confusion de que et qui était facilitée jusqu'au XVIe s. par l'élision de qui devant une voyelle : || « J'escry naïvement tout ce qu'au cœur me touche » (Du Bellay, Regrets, XXI).
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II Pronom interrogatif neutre, désignant une chose.
1 a (En fonction d'objet direct). || Que sais-je ? || Que faisiez- (cit. 42) vous au temps chaud ? (La Fontaine). || Que me veut-on ? || Qu'en dites-vous ? || Qu'en dira-t-on ? Dire.(Devant un infinitif). || Que faire ? (cit. 41). || Que lui dire ? || Qu'y faire ? || Qu'en penser ? (renforcé par diable, diantre…). || « Que diable allait-il faire dans cette galère ? » (Molière, les Fourberies de Scapin, II, 7).
20 Que vouliez-vous qu'il fît contre trois ?
Corneille, Horace, III, 6.
21 Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?
Hugo, les Orientales, XVIII.
22 (…) même Basin, que dis-je, Gilbert ! en profiteraient (…)
Proust, le Côté de Guermantes, Pl., t. II, p. 593.
b (En fonction d'attribut). || Qu'est la mort ? || Qu'est ceci ? || Qu'est-ce ?Ni quoi ni qu'est-ce. || Et les lions, que sont-ils ? (Hugo, Quatre-vingt-treize, p. 266). || Que deviens-tu ? || Que serai-je dans dix ans ? Quel (supra cit. 1). || Que vous en semble ? (Devant un infinitif). || Que devenir ?
23 Vertu, douleur, pensée, espérance, remords.
Amour qui traversais l'univers d'un coup d'aile,
Qu'êtes-vous devenus ?…
Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « Dernière vision ».
Qu'est-ce que la mort ? (pour : qu'est la mort ?). || Qu'est-ce que mourir ?REM. Dans le groupe est-ce que, le verbe être a son sens plein puisqu'il introduit l'attribut et son emploi est obligatoire; il ne faut pas confondre ce tour avec est-ce que interrogatif dans qu'est-ce que (2., ci-dessous).
24 Qu'est-ce que tout cela, qui n'est pas éternel ?
Leconte de Lisle, Poèmes tragiques, « Illusion suprême ».
25 Auprès de l'amphore arrondie et ceinte de guirlandes, qu'est-ce que l'humble et rude potier ?
France, le Lys rouge, XXIII.
26 Mais pourquoi faire tant d'histoires avec Oriane ?… En somme, qu'est-ce qu'Oriane ?
Proust, le Côté de Guermantes, Pl., t. II, p. 467.
(Renforcé par c'est que.) || Qu'est-ce que c'est que ce paquet ? || Qu'est-ce que c'est que ça ? (→ la prononc. pop., cit. 28).
27 Qu'est-ce que c'est que cette logique ?
Molière, le Bourgeois gentilhomme, II, 4.
28 Et voyant que le boulanger, après avoir examiné les trois soupeurs, avait pris un pain bis (il) jeta au boulanger en plein visage cette aspostrophe indignée : — Keksekça ?
Ceux de nos lecteurs qui seraient tentés de voir dans cette interpellation de Gavroche au boulanger un mot russe ou polonais, sont prévenus que c'est un mot qu'ils disent tous les jours (eux nos lecteurs) et qui tient lieu de cette phrase : qu'est-ce que c'est que cela ?
Hugo, les Misérables, IV, VI, II.
28.1 Sa sœur qui est malade ! Et ben, quéque ça me fait, à moi ? Est-ce que j'ai des sœurs qui sont malades, moi.
Germain Nouveau, Notes d'un réserviste, Pl., p. 450.
29 — La Zerbine ? Qu'est-ce que c'est que ça ? cria M. Verdurin comme s'il y avait le feu.
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 936.
(Dans l'interrogation indirecte, après certains verbes tels que savoir, avoir…, à la forme négative et devant un infinitif). || Je ne sais que faire (objet direct), que devenir (attribut). → Heure, cit. 49. || Il ne savait plus que dire. Quoi.
REM. 1. Dans cet emploi que semble plus abstrait, plus vague que quoi. Ainsi on dira plutôt : je ne sais plus que faire, si l'on ne trouve rien pour s'occuper, et je ne sais plus quoi faire, si l'on se demande quelle est la meilleure solution. Néanmoins le langage familier emploie quoi dans tous les cas.
2. À l'affirmative, on emploie « quoi » devant l'infinitif (je ne sais quoi faire), « ce que » devant l'indicatif (je sais ce que je ferai).
30 Je ne sais qu'est devenu son fils (…)
Racine, les Plaideurs, II, 7.
31 Cet enfant dévore tout (…) on ne sait plus que lui donner !
F. Mauriac, Journal, III, p. 8.
c (En fonction de compl. circonstanciel sans préposition). || « Que gagnez-vous par an ? » (La Fontaine, VIII, 2). || Que vaut cet objet ? Combien.
d Que implicitant un sujet impersonnel. || Que faut-il ? || Qu'y a-t-il ? || Que se passe-t-il ? || Que vous manque-t-il pour être heureux ? || Qu'arrivera-t-il si… ? || Qu'importe ! Que vous semble de cela ?
32 Que te semble de cette nouvelle acquisition (…)
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, VI.
33 (…) et que t'a-t-il fallu pour cela ? un sourire !
A. de Musset, Barberine, I, 3.
2 (Employé avec est-ce que pour éviter l'inversion et renforcer le monosyllabe que).Qu'est-ce que… (compl. d'objet direct). || Qu'est-ce que vous faites ? || Qu'est-ce qu'ils ont à rire ? || Qu'est-ce qu'on mange aujourd'hui ?(Attribut). || Qu'est-ce que c'est ? || Qu'est-ce qu'ils deviennent ?(Impersonnel). || Qu'est-ce qu'il y a ?, pour : Qu'est-ce qui se passe ?, → ci-dessous.(Complément circonstanciel). || Qu'est-ce que ça vaut ? || Qu'est-ce que vous pesez ?
34 — Qu'est-ce que vous pensez de ce qui se passe ?
Hugo, Quatre-vingt-treize, I, IV, IV.
35 — Qu'est-ce que vous avez donc, vous autres, à m'aimer tant que ça ?
Zola, la Terre, IV, III.
36 (…) qu'est-ce que vous seriez devenu, gaspilleur comme vous êtes ?
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 847.
(Dans l'interrogation indirecte, pour ce que).
37 (…) Maman (…) vous savez qu'est-ce qu'elle fait ?… — Ne dis pas : qu'est-ce qu'elle fait (…) ce qu'elle fait.
A. Maurois, le Cercle de famille, III, XVI.
Pop. || Qu'est-ce que c'est que vous voulez ?
(Exclamatif). || Qu'est-ce qu'il a pris ! || Qu'est-ce qu'elle lui a passé comme savon ! || Qu'est-ce qu'il lui faut !
38 (…) mais quand ils auront repéré la crête, qu'est-ce qu'on va déguster !
R. Dorgelès, les Croix de bois, XI.
Qu'est-ce qui… Locution servant à interroger sur le sujet lorsque c'est une chose. || Qu'est-ce qui fait ce bruit ? || Qu'est-ce qui vous prend ? (cit. 40 et 41). || Qu'est-ce qui vaut mieux ? Lequel.
REM. Dans la langue classique, et encore au XIXe s., on employait qui pour les choses, au lieu de qu'est-ce qui : || « Qui fait l'oiseau, c'est le plumage » (La Fontaine, II, 5). Qui (II., rem.). — L'emploi de que est réservé à certains cas (sujet impersonnel ci-dessus, cit. 32 et 33, devant est-ce que : « qu'est-ce que », ci-dessus, cit. 34 à 36). Aussi qu'est-ce qui est-il d'un usage très courant, et obligatoire dans la plupart des cas.
39 Qu'est-ce qui m'aide (moi, parmi d'autres, et à titre d'exemple) ? Peut-être l'idée que, pour moi ça pourrait être encore pire.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. XV, XV, p. 171.
40 — Eh ben, ça y est ! dit Lubéron. — Quoi ? Quoi ? demanda Pierné brutalement. Qu'est-ce qui y est ?
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 67.

Encyclopédie Universelle. 2012.