PRÉCEPTE
PRÉCEPTE
Le participe passé, præceptum , du verbe præcipere , ordonner, est employé dans la langue juridique classique pour désigner un ordre ou une «prescription», sans que ce terme ait une signification technique précise. Le jurisconsulte Ulpien parle des «trois préceptes» fondamentaux du droit (juris præcepta ): vivre honnêtement; ne pas léser autrui; donner à chacun son dû (Digeste I, I; X, X). Il s’agit là en réalité de règles de morale très générales, qui peuvent fonder certaines dispositions du droit positif. Dans d’autres textes, præceptum désigne une injonction du juge au cours d’un procès, l’ordre d’un gouverneur de province, ou encore, mais assez rarement, une disposition de la loi ou de constitutions impériales.
Dans la langue juridique du Bas-Empire, le mot est d’usage plus fréquent. On le relève cent quatre fois dans les constitutions réunies au Code théodosien (438); vingt-sept fois dans les Novelles post-théodosiennes, entre 441 et 458. Sans avoir une valeur rigoureusement technique, le mot tend cependant à se spécialiser. Si, dans le Code théodosien, son acception pour quelques cas est assez vague, et si on le trouve trois fois à propos de prescriptions religieuses (des Apôtres ou d’un évêque), il est encore employé vingt fois pour signifier la volonté impériale, qu’elle s’exprime dans un ordre individuel ou dans une constitution de portée générale. Dans la langue juridique occidentale tardive (au Ve s.), on peut relever une tendance à substituer aux vocables classiques de constitution, de rescrit et de judicium , celui de præceptum pour désigner la volonté du prince. Un jurisconsulte, probablement de Gaule, parle au Ve siècle de «præcepta des princes» et la loi romaine des Burgondes mentionne les «præcepta du seigneur roi». La terminologie qui prévaut à l’époque franque a donc ses origines dans la langue juridique du Bas-Empire.
Dans les textes juridiques du VIIe au IXe siècle, præceptum désigne un acte par lequel le roi mérovingien ou l’empereur carolingien énonçaient un ordre. Le recueil des formules d’époque franque d’Eugène de Rozière (Recueil général des formules usitées dans l’empire des Francs du Ve au Xe siècle , 3 vol., Paris, 1859) a réuni vingt-neuf formulaires d’actes de ce type. Plusieurs d’entre eux gardent encore la forme du diplôme donné par le roi ou l’empereur dans un cas précis, cet acte ayant été recueilli ensuite par l’auteur d’un recueil de formules de manière à servir de modèle. On peut ainsi déterminer certains domaines dans lesquels ces actes intervenaient. D’aucuns accordent à un individu la protection (mainbournie) royale, qu’il s’agisse d’un homme libre sans autre spécification (nos 12, 14, 15), d’un juif (no 27), d’un commerçant (no 30), de dispenses de taxes diverses au profit des bateliers (no 33, 34, 35) ou d’une concession d’immunité (no 22). D’autres, par une mesure gracieuse, restituent des biens confisqués (nos 40 et 41) ou reconnaissent la qualité d’hommes libres à des personnes qui auraient été abusivement soumises à une servitude de fait (nos 447, 449, 450). Nombreux sont les præcepta qui confirment un acte juridique fait par un particulier en présence du roi (un affranchissement, no 57; une donation, nos 155, 216, 253; un échange no 317); qui garantissent l’exercice d’un droit (par exemple, la jouissance d’une adduction d’eau au profit du monastère de Saint-Germain d’Auxerre, no 120; le droit successoral d’un affranchi, no 121) ou qui reconnaissent des droits dont les titres de propriété ont disparu dans un incendie (nos 413 et 413 bis ).
La forme du præceptum peut également être utilisée pour réaliser une donation royale (donation de Louis le Pieux à son fils Lothaire en 817-821, no 140) ou à la suite d’une enquête, pour confirmer une abbaye dans la propriété de biens qui lui sont contestés (nos 451 et 452). On trouve même un modèle de præceptum de nomination royale d’un évêque à un siège vacant (no 517) et un autre par lequel le roi autorise un laïc à se faire tonsurer et à entrer au service de l’Église (no 550). Dans tous les cas, le præceptum se présente comme un acte d’autorité. La formule habituelle par laquelle le roi ou l’empereur font connaître leur volonté est celle de præcipimus (de là vient præceptum ) et jubemus (ou decernimus atque jubemus ). Le formulaire de Marculf, composé vers 650-655 peut-être par un moine de l’abbaye de Saint-Denis, contient déjà des modèles de præcepta (I, 5, 12, 19, 22, 33) et plusieurs diplômes de Charlemagne et de Louis le Débonnaire ont été utilisés comme modèles par des collections de formulaires du IXe siècle (Rozière, nos 25, 33, 34, 35, 41, 120, 140, 155, 226, 449, 450, 451).
Utilisé par la chancellerie franque pour désigner un type d’acte du souverain, le terme de præceptum ne fut pas repris par les Capétiens. Mais, si les princes séculiers abandonnent cette terminologie, on la retrouve dans le droit canonique. Empruntant le vocabulaire de la chancellerie impériale, la papauté, au IXe siècle, qualifie de præcepta certaines de ses prescriptions. Telle une lettre du pape Grégoire IV de 833 (d’authenticité d’ailleurs discutée) déclarant que l’on ne peut transgresser les præcepta du Siège apostolique. La présence de ce texte dans deux passages du Décret de Gratien dans les Distinctiones consacrées aux sources du droit (Décret, XII, II et XIX, V) assurait à cette terminologie un long avenir. Dans le célèbre prologue de son «Décret», l’évêque de Chartres Yves, dans les dernières années du XIe siècle, soulignait le caractère particulièrement impérieux des préceptes auxquels il n’est pas possible de déroger par une dispense. La doctrine canonique classique précise les caractères du præceptum . C’est un ordre ou une injonction d’une autorité ecclésiastique qui prescrit un acte ou une abstention. À la différence de la loi, le précepte n’a qu’une durée limitée: il prend fin avec le décès de son auteur. Les préceptes peuvent s’adresser à une personne, à plusieurs, ou à toutes (préceptes particuliers ou préceptes communs). Le Codex juris canonici de 1917 a conservé la notion de précepte (ch. XXV), entendu comme l’injonction d’une autorité ecclésiastique qui doit normalement être intimée par écrit à ceux à qui elle impose une obligation.
précepte [ presɛpt ] n. m.
• precept « commandement, ordre » 1119; lat. præceptum
♦ Formule qui exprime un enseignement, une règle, une recette (art, science, morale, etc.). ⇒ leçon, maxime, prescription, principe. « Les vieillards aiment à donner de bons préceptes » (La Rochefoucauld). Préceptes moraux et juridiques. « il y a des moralistes dont la tâche est de rappeler certains préceptes imprescriptibles de la morale » (Siegfried). Suivre, observer un précepte.
♢ Commandement religieux. Les préceptes du Décalogue, de l'Évangile.
● précepte nom masculin (latin praeceptum, commandement) Énoncé qui enseigne les règles de conduite dans les domaines philosophique, religieux, moral ou artistique et qui émane d'une autorité : Les préceptes de l'Évangile. Recommandation pratique enseignée par l'expérience : Les préceptes d'un jardinier concernant la taille des rosiers. Acte d'un souverain médiéval possédant force exécutoire (donation, immunité, remplacement de charte perdue ou privilège). ● précepte (citations) nom masculin (latin praeceptum, commandement) René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 Au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée, je crus que j'aurais assez des quatre suivants, pourvu que je prisse une ferme et constante résolution de ne manquer pas une seule fois à les observer. Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute. Le second, de diviser chacune des difficultés que j'examinerais en autant de parcelles qu'il se pourrait, et qu'il serait requis pour les mieux résoudre. Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à la connaissance des plus composés : et supposant même de l'ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales que je fusse assuré de ne rien omettre. Discours de la méthode François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Les vieillards aiment à donner de bons préceptes pour se consoler de n'être plus en état de donner de mauvais exemples. Maximes Georg Christoph Lichtenberg Ober-Ramstadt 1742-Göttingen 1799 N'est-il pas étrange de voir les hommes combattre si volontiers pour leur religion et vivre si peu volontiers selon ses préceptes ? Ist es nicht sonderbar, daá die Menschen so gerne für die Religion fechten und so ungerne nach ihren Vorschriften leben ? Aphorismes ● précepte (synonymes) nom masculin (latin praeceptum, commandement) Énoncé qui enseigne les règles de conduite dans les domaines...
Synonymes :
- loi
- maxime
- principe
- sentence
précepte
n. m. Formule énonçant une règle, un principe d'action; cette règle, ce principe. Les préceptes de la morale.
|| Spécial. Commandement religieux.
⇒PRÉCEPTE, subst. masc.
A. —Proposition, prescription énonçant un enseignement, une conduite à suivre, une règle (ou un ensemble de règles) à observer, généralement formulée par une autorité incontestée dans un domaine précis (science, arts, lettres, philosophie, etc.). Synon. leçon, loi, maxime, principe, règle. Précepte éthique, moral; précepte(s) de l'art, de la philosophie; précepte de conduite, de sagesse, de théorie; donner, pratiquer des préceptes; les préceptes de Descartes, de Pythagore. Les préceptes sont comme des hypothèses dont nous avons à vérifier la vérité; et l'obscure clarté de la conscience est destinée à devenir (...) la pleine lumière de la science (BLONDEL, Action, 1893, p.420). Jusqu'au XIIème siècle la peinture est réglée par des préceptes fixes destinés à maintenir l'orthodoxie de toutes ses significations (BARLET, LEJAY, Art de demain, 1897, p.53):
• 1. Méthodes, poétiques bien définies, canons et proportions, règles de l'harmonie, préceptes de composition, formes fixes, ne sont pas (...) des formules de création restreinte. Leur objet profond est d'appeler l'homme complet et organisé (...) à s'imposer dans la production des ouvrages de l'esprit.
VALÉRY, Variété V, 1944, p.87.
Rem. On trouve souvent l'assoc. précepte/exemple, d'où les expr. suiv.: Doué d'un grand génie pour les sciences, il [Descartes] joignit l'exemple au précepte, en donnant la méthode de trouver, de reconnaître la vérité (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p.144). Donner l'exemple et le précepte (DELACROIX, Journal, 1874, p.279).
— RELIGION
1. Commandement de Dieu ou de l'Église, généralement contenu dans les Écritures saintes, auquel chaque fidèle est tenu de se conformer strictement. Précepte chrétien, divin, évangélique, religieux; précepte de charité, de l'Église, du christianisme; les préceptes du Décalogue. [Le] Christ qui a résumé sa doctrine dans ces deux préceptes: «Aimez-vous les uns les autres!» —«Croissez et multipliez!» (ROMAINS, Copains, 1913, p.232). Ce sont les préceptes de l'Évangile (...) qui m'ont inculqué le doute de ma valeur propre, le respect d'autrui, de sa pensée, de sa valeur (GIDE, Journal, 1933, p.1176):
• 2. ... le christianisme, universel par ses dogmes, par son culte, par ses préceptes, c'est-à-dire comme loi d'ordre et de vérité, est encore par la constitution divine de l'Église, l'institution sociale universelle.
LAMENNAIS, Religion, 1826, p.196.
Rem. S'oppose à conseil, qui, en matière de religion ne constitue pas une obligation mais seulement une recommandation (v. conseil I B 3): L'un [Grégoire VII] insiste sur l'observation des préceptes, l'autre [Bérulle] ne parle guère que des conseils (BREMOND, Hist. sent. relig., t.3, 1921, p.158).
♦[En mauvaise part] Comment osez-vous (...) parler de morale, vous dont le chef a pratiqué la licence et prêché le scandale? Vous dont le premier précepte est l'homicide et la guerre? (VOLNEY, Ruines, 1791, p.320).
2. Règle monastique particulière à un ordre religieux. Elles aussi [les Bénédictines], se lèvent à deux heures pour chanter matines; c'est un ordre de réparation qui suit les préceptes de saint Benoît dans leur rigueur la plus stricte (HUYSMANS, Oblat, t.2, 1903, p.50).
♦Précepte formel. ,,Précepte plus solennel fait par un supérieur religieux à l'un de ses religieux, selon une forme canonique déterminée, et obligeant immédiatement et gravement le sujet en vertu de son voeu`` (Foi t.1 1968). Le précepte formel donne seulement au précepte une plus grande netteté et clarté, et une fermeté sans ambages (Foi t.1 1968).
B. —Conseil, recommandation dicté(e) par la sagesse et l'expérience. Précepte familial; précepte dicté par la sagesse, la raison; donner, suivre un précepte; les préceptes (de qqn). J'avancerai, comme un précepte appuyé d'une longue expérience, que, pour se plaire dans cet état de la vie [la vieillesse], il ne faut pas y arriver tout neuf (JOUY, Hermite, t.3, 1813, p.217). C'est ainsi que de l'épreuve de la vie sortent des maximes, des préceptes empiriques, des «moralités» populaires qui semblent résumer la sagesse des siècles et des nations (BLONDEL, Action, 1893 p.282):
• 3. Fabrice suivant le sage précepte de son amie la vivandière qui, la veille au matin, lui disait qu'il fallait piquer et non sabrer, abaisse la pointe de son grand sabre droit et fait mine d'en porter un coup à celui qui veut forcer la consigne.
STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.65.
REM. Préception, subst. fém., hist. (sous les Francs). Lettre ou édit royal permettant aux juges d'enfreindre les lois ou les coutumes en vigueur. En l'année 582, une préception royale (...) ordonnait que tous les Juifs domiciliés à Paris fussent baptisés (THIERRY, Récits mérov., t.2, 1840, p.325).
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694, 1718: precepte; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist.1. 1119 «commandement, ordre» precept (PHILIPPE DE THAON, Comput, éd. E. Mall, 519); 2. 1546 «enseignement, règle de conduite» (EST.); 1665 préceptes moraux (LA FONTAINE, Ballades et Rondeaux, éd. Ad. Regnier, IX, 23); 3. 1688 «principes, fondement de quelque langue» (RICH. t.2). Empr. au lat. praeceptum «leçon, règle; commandement, prescription», dér. de praecipio «prendre le premier; recommander, prescrire». Fréq. abs. littér.:795. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 1888, b) 817; XXes.: a) 954, b) 757. Bbg. GOHIN 1903, p.261 (s.v. préception).
précepte [pʀesɛpt] n. m.
ÉTYM. 1119, precept « commandement, ordre »; lat. præceptum « règle », p. p. de præcipere « recommander », de præ « avant », et capere « prendre ».
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1 Proposition, formule qui exprime un enseignement, une règle, une recette, un commandement (dans le domaine de l'art, de la science, de la morale, de la vie pratique, etc.). ⇒ Aphorisme, apophtegme, enseignement, instruction, leçon, maxime, prescription. || Préceptes de composition poétique. ⇒ Loi, règle; principe (→ Formule, cit. 11). || Préceptes moraux et juridiques (→ Opinion, cit. 36). || Préceptes de morale (→ Épargner, cit. 17). || « Les vieillards aiment à donner de bons préceptes… » (→ Exemple, cit. 8, La Rochefoucauld). || Suivre (→ Blé, cit. 11), observer un précepte (→ 2. Courant, cit. 12). — Allus. littér. || « Le conte fait passer le précepte avec lui » (→ Fable, cit. 12, La Fontaine). — Spécialt. Commandement religieux. || L'amour du prochain est un précepte. || Les préceptes du Décalogue, de l'Évangile (cit. 3). — Précepte et conseil (cit. 15 et 16).
1 À propos de préceptes de l'art, j'ai oublié, et c'est un de ses plus beaux titres à la gloire classique, que Scudéry a introduit le premier la règle des vingt-quatre heures dans son Amour libéral (…)
Th. Gautier, les Grotesques, IX, p. 319.
2 Il y a des hommes qui gouvernent comme ils peuvent et qui mènent au port par n'importe quel moyen la barque de l'État, et il y a des moralistes dont la tâche est de rappeler certains préceptes imprescriptibles de la morale.
André Siegfried, La Fontaine…, p. 17-18.
2 Hist. Acte seigneurial, charte, au moyen âge.
Encyclopédie Universelle. 2012.