POP ART
Né et baptisé dans l’Angleterre des années cinquante, quand l’Europe de l’après-guerre découvrait la société de consommation, les mass media et leur iconographie importés d’outre-Atlantique, le pop art n’eut sur le continent qu’un écho faible et déformé. Il caractérise surtout les États-Unis des années soixante où, spontanément et sans esprit d’école, des artistes nés au cours des années vingt et trente utilisèrent les images quotidiennes de la publicité, du cinéma, de la télévision ou de la bande dessinée et les proposèrent au public des galeries new-yorkaises et californiennes sans qu’elles aient apparemment subi de transformation artistique. Ainsi firent irruption dans les beaux-arts les bouteilles de Coca-Cola d’Andy Warhol, les Mickey Mouse et Donald Duck de Roy Lichtenstein, les signalisations routières de Robert Indiana ou d’Allan D’Arcangelo et tant d’autres objets quotidiens, peints ou intégrés tels quels dans des assemblages en trois dimensions.
Le pop art eut un grand succès de scandale, parce qu’il utilisait des matériaux et des images jusqu’alors négligés ou méprisés. Phénomène plus grave, peut-être, aux yeux de l’école expressionniste abstraite alors au sommet de sa gloire, il eut aussi un grand succès public et semblait annoncer, au moment où triomphait le modernisme, le retour d’une figuration facile et l’intrusion d’une réalité vile et mercantile dans le domaine idéal de l’art.
Considéré sur le moment comme une mode passagère, consommable donc jetable, à l’image de ses thèmes, le pop art représente en réalité un tournant dans l’histoire de l’art moderne. D’apparence simpliste, son iconographie fut l’objet de critiques faciles, mais les artistes pop, conscients des enjeux esthétiques de leur travail, furent à l’origine de bien des développements artistiques des années soixante-dix et quatre-vingt, et, en dépit du mépris intellectuel dans lequel ils furent tenus, nombre d’entre eux sont devenus des artistes influents et reconnus.
Le pop art anglais
On cite parfois Francis Bacon comme précurseur du pop art anglais, parce qu’il s’inspira, dès 1949, de reproductions photographiques. Mais il faudrait aussi mentionner Eduardo Paolozzi, Écossais d’origine italienne qui inclut, dès 1947, dans son collage I Was a Rich Man’s Plaything (Tate Gallery, Londres), une pin-up, une bouteille de Coca-Cola et le mot «pop». Cependant, ce ne sont là que signes avant-coureurs, intuitions précoces. L’origine du premier pop art anglais remonte en réalité à la création, en 1952, du séminaire interdisciplinaire de l’Independent Group (I.G.) au sein de l’Institute of Contemporary Art (I.C.A.) de Londres, alors sous l’influence moderniste de Herbert Read, partisan de l’abstraction et du Bauhaus. D’abord connu sous le nom de Young Group, l’I.G. représentait une nouvelle génération en rupture avec les idées de Read et la culture élitiste. Il comprenait, entre autres, le critique Lawrence Alloway et les artistes Richard Hamilton, Eduardo Paolozzi et William Turnbull. Ce groupe s’intéressait aux effets de la société moderne et de la communication de masse sur la perception du monde et sur l’art. Reproductibilité, «philosophie de l’obsolescence» (Richard Hamilton), design industriel et invention publicitaire caractérisent un nouveau mode de production massive d’images et de formes qui remet en cause les définitions élitistes de la culture et de l’art, au profit de la vision plus anthropologique d’un continuum artistique reliant les «beaux-arts» à ce que Alloway, le premier (dès 1956-1957), appelle le pop art, dans son sens initial d’art populaire de masse. Dans cette perspective, l’artiste doit intégrer l’imagerie pop dans son art, la commenter, l’analyser, utiliser son énergie plutôt que de la mépriser – sans pour autant accepter béatement capitalisme et consumérisme.
Avec les expositions Parallel of Life and Art (I.C.A., 1953) et Man, Machine and Motion (I.C.A., 1955), l’I.G. montra son intérêt pour divers modes de production d’images – (macro)photographie, radiographie – ainsi que pour la vitesse, la science et la science-fiction. Mais le pop art toucha un plus large public avec les environnements de This Is Tomorrow (Whitechapel Gallery, Londres, 1956). L’affiche de Hamilton, organisateur de l’exposition, Just what Is it that Makes Today’s Homes so Different, so Appealing? (collection de l’artiste), est aujourd’hui considérée comme l’œuvre fondatrice du pop; ce collage d’images de la société de consommation reconstitue un intérieur cacophoniquement et ironiquement saturé de modernité et de technologie. Si Paolozzi, sculpteur, s’intéressait aux robots de la science-fiction, Hamilton ne cessa de pratiquer le collage, association de «métaphores ready-made» appelant un commentaire sur l’idéologie de la consommation: dans $he (1958-1961, Tate Gallery, Londres), la femme et l’électroménager sont associés dans une image combinée de vamp et de ménagère. Peter Blake, plus jeune de dix ans, créa à la même époque une forme «nostalgique» du pop, le folk pop , en puisant dans un registre plus traditionnel d’imagerie populaire: famille royale, gazon anglais et bouteilles de lait (On the Balcony , 1955-1957, Tate Gallery, Londres).
La deuxième génération du pop art anglais vit le jour au Royal College of Art de Londres (1959-1962) où étudiaient David Hockney, Allen Jones, Derek Boshier, Peter Phillips, Patrick Caulfield et l’Américain R. B. Kitaj. Regroupés dans l’exposition Young Contemporaries du R.C.A. (1961), ces jeunes artistes s’inspirent de leur environnement urbain et assurent son premier grand succès public au pop anglais, avant l’exposition itinérante Nieuwe Realisten (1964, La Haye, Vienne, Berlin). Leur approche est plus picturale; ils utilisent le matériau pop, le reproduisent, le transforment pour en faire un véritable art pop, une authentique forme d’expression individuelle, plastique et sensible, et non plus exclusivement un commentaire intellectuel de l’art populaire. Ainsi, l’œuvre de Kitaj est-elle nourrie de culture littéraire et poétique; celle de Hockney, très autobiographique, traite de son homosexualité; Jones cultive dans ses sculptures-objets et dans ses peintures un érotisme fétichiste et sado-masochiste inspiré des magazines spécialisés; et Boshier mêle image publicitaire et touche expressionniste pour peindre l’«homme manipulé». Mais, comme l’a noté Alloway, éloigné de sa source iconographique, la culture américaine, «le pop art britannique n’a pas la densité et la rigueur du pop new-yorkais. D’une précocité historique admirable [...], sa crainte d’être trop simple semble l’avoir empêché de donner naissance au véritable style pop».
Les développements européens du pop art
Les tendances diverses que l’on a voulu appeler pop art sur le continent européen souffrent des mêmes handicaps. Là, plus encore qu’en Angleterre, l’intellectualisme et une forte politisation du regard ont dérogé à l’esprit pop de la «neutralité calculée» (Livingstone). À cet égard, le nom de réalisme capitaliste que les Allemands donnèrent au pop art américain est symptomatique: il n’y était question ni de réalisme ni de propagande, comme la référence au réalisme socialiste voulait le laisser croire.
L’étiquette nouveau réalisme, dont fut initialement affublé le pop art (Nieuwe Realisten, New Realists), y fit associer à tort les nouveaux réalistes (Yves Klein, Arman, Christo, Jean Tinguely) et certains peintres ou assemblagistes – Valerio Adami, Daniel Spoerri – qui employaient objets de la vie quotidienne et déchets de la société industrielle comme éléments ou référents de leurs œuvres. Cependant, dès les années cinquante, les «décollages» d’affiches de Jacques de la Villeglé, Raymond Hains et Mimmo Rotella qui prélèvent directement dans la rue les images qui font leurs œuvres, les machines impersonnelles de Konrad Klapheck, les citations kitsch d’Enrico Baj peuvent être assimilés au pop art. Dans la France des années soixante, Martial Raysse et Alain Jacquet créent des œuvres authentiquement pop en employant des couleurs agressives et des citations mêlées des classiques, des médias et du pop art américain, en exploitant l’ambiguïté des images reproduites ou répétées. En Suisse, les pneus, traces de pneus, objets agrandis de Peter Stämpfli rappellent Warhol, Rosenquist et Lichtenstein, tandis qu’en Allemagne et dans les pays nordiques la tendance est plus à l’exploitation politique des images de masse, comme chez Wolf Vostell ou Erró et, de façon plus évidente encore, dans les œuvres d’Öyvind Fahlström qui sont un commentaire de la politique mondiale (World Politics Monopoly , 1970, collection privée). L’inspiration purement pop décline en Europe à la fin des années soixante, alors qu’à la même époque le pop art américain poursuit dans la même veine.
Le pop art américain
Berceau de la société de consommation, les États-Unis sont la véritable patrie du pop; c’est là qu’il se développa sous sa forme la plus pure et survécut le plus longtemps, influençant durablement les jeunes générations d’artistes. Le pop américain prend ses racines dans l’art populaire des peintres d’enseignes des XVIIIe et XIXe siècles, dans le cubisme et les objets quotidiens de Stuart Davis. Mais il a aussi des sources européennes par le biais, dans les années cinquante, du néo-dadaïsme, préfiguration du pop art qui doit beaucoup à la présence à New York de Marcel Duchamp – le premier à avoir remis en cause les définitions traditionnellement idéalistes de l’art – et à l’assemblage, hérité à la fois du collage cubiste et de l’objet trouvé surréaliste, qui permet à de jeunes artistes de se démarquer de l’académisme de la New York School.
En Californie, le Funk(y) Art – Edward Kienholz, Bruce Conner – récupère les déchets de la société moderne pour en faire des assemblages volontairement repoussants ou macabres. À New York, le Junk Art exploite le rebut de la société industrielle et de consommation. Robert Rauschenberg assemble des matériaux de récupération (carton, métaux, vieux meubles) en les intégrant parfois à des compositions – mi-peinture, mi-sculpture – qu’il baptise combine paintings . Influencé par les théories aléatoires d’inspiration zen de son ami le musicien John Cage, rencontré au Black Mountain College, il compose aussi de nombreuses œuvres à partir d’images de journaux et de magazines qu’il reporte sur toile (Retroactive I , 1964), car pour lui ni «la vie ni l’art ne peuvent se fabriquer», et le peintre doit «agir dans le fossé entre les deux».
Jasper Johns réintroduit le figuratif dans la peinture (Flag , 1954-1955). Drapeaux, cibles, cartes, plats comme la toile, sont déjà des signes: ils cernent les ambiguïtés de la peinture et contestent le lien entre abstraction et planéité picturale, considéré par le critique Clement Greenberg comme le dogme absolu du modernisme. Certes, Johns déclare s’intéresser à l’aspect formel et non au contenu référentiel de ses motifs, ce qui en fait le précurseur du minimalisme; mais l’apparence figurative demeure et fait scandale, lors de sa première exposition personnelle, en 1958 à New York, chez Leo Castelli, qui exposera la plupart des artistes pop. Ses déclarations manifestent le souci d’un jeune peintre de se situer dans une tradition intellectuelle dont il connaît les enjeux théoriques – preuve que la jeune génération ne se contente pas de prendre le contre-pied de l’ancienne –, mais son évolution ultérieure montrera qu’il s’intéresse aussi au contenu iconographique des images, et c’est là un apport essentiel du pop art.
Même si elles se situent souvent dans le prolongement de préoccupations modernistes, ces démarches passent toutes par la réintroduction du quotidien, du figuratif ou du référentiel dans l’art et heurtent de front les sensibilités expressionnistes abstraites, comme ce geste exemplaire de Rauschenberg qui, dès 1953, efface un dessin de De Kooning (Erased De Kooning , collection de l’artiste). D’apparence nihiliste, ce geste est en réalité un acte libérateur et constructif; et c’est pour aller plus loin dans le sens d’une libération, mais aussi d’une plus grande interaction avec le public que nombre d’artistes pop – Jim Dine, Claes Oldenburg, Robert Rauschenberg, Red Grooms – furent à l’origine du happening. On comprend que le néo-dadaïsme puis le pop aient pu représenter la déchéance de l’art, une certaine forme de facilité illusionniste réactionnaire et la collusion avec le système capitaliste, à une période et en un lieu – New York – où le dogme, établi par les critiques Clement Greenberg et Harold Rosenberg, reposait sur l’abstraction et l’hermétisme théorique, sur une conception romantique et élitiste du créateur inspiré, de l’unicité de l’œuvre originale et sur une idéologie révolutionnaire, bref sur une certaine forme de puritanisme que l’iconographie provocatrice, triviale, répétitive et parfois érotique du pop art battait en brèche. À la suite du néo-dadaïsme, et plus encore que lui, le pop art fut taxé de simplisme, de collusion avec le système capitaliste, de démagogie, et les critiques redoublèrent de surcroît lorsqu’il rencontra un grand succès et public et commercial.
En 1961-1962, une série d’expositions personnelles marque l’émergence soudaine d’un style nouveau qui introduit conjointement dans l’art l’iconographie et les techniques de la communication de masse; Oldenburg et Dine utilisent ou reproduisent des objets quotidiens; James Rosenquist, peintre de billboards (panneaux publicitaires géants), utilise cette technique commerciale dans des compositions magrittiennes inspirées du quotidien, mais aussi du cinéma (Early in the Morning , 1963); Warhol, artiste commercial professionnel travaillant pour les revues de mode et les grands magasins, reproduit sérigraphiquement et en nombre des boîtes de soupe Campbell ou des photos de célébrités prises dans la presse (Marilyn , 1964); Roy Lichtenstein abandonne l’abstraction pour se consacrer à la bande dessinée (comics ) et décide d’agrandir les points de la trame typographique (Ben Day Dots ) en même temps que les images (O. K. Hot Shot , 1963). À l’automne de 1962, l’exposition The New Realist (Galerie Sidney Janis, New York) réunit tous ces artistes et consacra la naissance du pop art, inaugurant une série d’expositions collectives qui parcoururent les États-Unis de 1963 à 1965. La consécration internationale intervint en 1964 avec le scandale du grand prix de la Biennale de Venise attribué à Rauschenberg.
Parallèlement se développe une école californienne du pop art. Le peintre réaliste Wayne Thiebaud, précurseur discret, reproduit la consistance crémeuse ou glacée de pâtisseries alignées sur des présentoirs. Ed Ruscha photographie et peint des immeubles ou des stations-service. Mel Ramos peint des pin-up émergeant nues d’emballages de produits de consommation courante (corn-flakes, cigarettes Lucky Strike), ou bien en compagnie d’animaux incongrus, ou bien encore les substitue aux nus célèbres de l’histoire de l’art, leur coiffure des sixties et leurs marques de bronzage soulignant encore leur anachronisme. Billy Al Bengston peint des motos, les sigles de leur marque, ou des pièces détachées.
Si la thématique rapproche ces artistes, il ne faut pas négliger l’aspect formel de leurs recherches. Comme le notait, dès 1964, le critique Harold Rosenblum, le pop art «n’a pas seulement à voir avec ce qui est peint, mais aussi avec la façon de le peindre». En effet, ses techniques ne s’apparentent pas à celles du réalisme ou de l’illusionnisme. Avec leurs grands à-plats de couleurs acryliques, Tom Wesselmann, dans sa série des Great American Nudes , Allan D’Arcangelo dans ses scènes stylisées de la route américaine et Robert Indiana, dans ses compositions de lettres et de mots qui en font l’héritier des sign-painters , évoquent plus Matisse que Courbet; la plupart de ces artistes utilisent d’ailleurs un espace peu profond, voire inexistant, plus proche de la planéité greenbergienne que de la tradition perspectiviste. En outre, leurs innovations techniques, tout en servant leur iconographie, posent plus de questions qu’il n’y paraît. En associant ses muettes figures de plâtre à des objets réels, le sculpteur George Segal exprime un tragique moderne (Cinema , 1963) mais questionne aussi, par sa technique de moulage, la nature même de la sculpture. Les combine paintings de Rauschenberg brouillent la démarcation entre peinture et sculpture. Images de l’ennui, de la consommation et du désir médiatisé modernes, les sérigraphies de Warhol, en répétant un motif à l’infini, mettent en cause l’unicité de l’œuvre et l’implication de l’artiste dans sa fabrication. Lichtenstein semble se contenter d’agrandir une image pour en faire de l’art, mais pose ainsi la grande question du pop art: La transformation est-elle le critère distinctif de l’art? Ses Brushstrokes où figurent, en Ben Day Dots, coups de pinceau, giclures et coulures de peinture interrogent plus sérieusement qu’il n’y paraît les rapports entre la représentation et l’abstraction – sans parler de leur ironie envers la peinture gestuelle.
Or c’est là un aspect essentiel du pop art. L’humour, souvent manifeste dans le choix de sujets dérisoires magnifiés par l’art, agrandis ou transformés par l’artiste – comme les sculptures molles à connotations sexuelles d’Oldenburg (Ghost Drum Set , 1972) –, s’accompagne aussi d’une ironie qui rejaillit sur l’art lui-même. L’iconographie pop, qui a fait l’objet de débats passionnés sur l’engagement des artistes pour ou contre la société de consommation, pour ou contre les images qu’ils utilisent, n’est pas tant prétexte à un commentaire politique ou sociologique (Warhol est-il pour la peine de mort parce qu’il peint la série des Electric Chairs ?) que l’outil d’une réflexivité qui permet à l’art de se commenter et de susciter une réflexion sur sa nature. Humour et ironie, en une période de sérieux et d’austérité conceptuels, furent cause du dénigrement du pop art dont on réduisit l’existence historique aux années 1961-1968. Mais ils furent aussi une respiration dans l’art du XXe siècle. En brisant le carcan austère de l’abstraction, le pop art dérangea. Surgi spontanément comme par l’effet d’une nécessité, il annulait les tabous qui pesaient sur le monde de l’art et déployait l’éventail des possibilités créatrices: rupture salutaire et irréversible, digne de Dada, de Duchamp et de l’Independent Group. La plupart des mouvements qui suivirent en furent, de près ou de loin, volontairement ou non, les bénéficiaires.
Les développements du pop art
Malgré la tendance de la critique formaliste à en minimiser la portée, et même si ses artistes, plutôt individualistes, n’ont jamais publié de manifeste, ce qui leur aurait peut-être assuré le respect des «avant-gardes», le pop art a fortement influencé les générations suivantes ou, du moins, a rendu leur travail possible. L’art conceptuel, le land art et le body art des années soixante-dix, au plus fort de l’éclipse du pop art, se situaient dans la continuité théorique des happenings et des environnements, formes d’expression très tôt expérimentées par des artistes pop, et dans la lignée thématique de leur réflexion sur la consommation d’images et de messages.
Certains artistes pop ou assimilés sont devenus des figures marquantes de l’art du XXe siècle et continuent de créer: Hockney, Rauschenberg, Johns, Lichtenstein et – le plus pop, le plus médiatisé d’entre eux – Andy Warhol (sa mort, en 1987, fit la une de tous les journaux). Ils perpétuent des thématiques pop bien après la prétendue disparition du pop art en tant que mouvement (qui n’a d’ailleurs jamais existé comme tel). Mieux encore, des mouvements des années quatre-vingt ont manifesté un retour certain aux thèmes pop, justifiant leur regroupement sous une étiquette commune: le néo-pop. Lichtenstein le déclarait en 1987: «Presque tout le monde aujourd’hui a une touche de pop. Je vois même du pop art chez les gens très abstraits.» Ainsi David Salle rappelle Rosenquist. Les collages d’assiettes brisées de Julian Schnabel évoquent Rauschenberg ou Conner. Mike Bidlo peint des copies de chefs-d’œuvre modernes, y compris des Warhol – juste retour des choses. Les graffitistes Jean-Michel Basquiat et Keith Haring, proches de Warhol, ont à leur tour trouvé leur inspiration dans une culture authentiquement populaire: celle de la rue et du métro new-yorkais. Les Russes Komar et Melamid parodient le réalisme socialiste. Plus frappante encore est l’œuvre de Jeff Koons, qui combine l’utilisation des médias et la citation kitsch, dans ses céramiques peintes, dorées et brillantes autant que dans ses films et dans ses photos érotico-pornographiques où il pose avec la Cicciolina. Le néo-pop, en insistant sur le factice, le superficiel, la copie, la citation, l’appropriation d’images et de styles, le questionnement de l’authenticité, est une renaissance et démontre le rôle de précurseur du pop art et sa position clé entre modernité et post-modernisme.
● pop art nom masculin (anglais pop art, abréviation de popular art) Courant artistique, essentiellement anglo-américain, apparu en Grande-Bretagne vers 1954-1955.
pop'art ou pop art
n. m. BX-A (Anglicisme) Mouvement artistique contemporain, mode de création plastique recourant largement aux objets les plus quotidiens ainsi qu'aux procédés graphiques de la publicité et de la mode. (Né en Angleterre entre 1954 et 1957, le pop'art s'imposa à partir de 1959 aux È.-U.; princ. représentants: Roy Lichtenstein, Andy Warhol, Tom Wesselmann, James Rosenquist, Claes Oldenburg.)
⇒POP'ART, POP(-)ART, (POP ART, POP-ART), subst. masc.
Mouvement de création plastique essentiellement anglo-américain, dont les compositions artistiques sont faites à partir des objets les plus quotidiens, les plus banals. Le pop-art (...), comme le surréalisme, recherche ou reconstitue volontairement la banalité du quotidien, pour en dévoiler l'insolite (J.-Fr. REVEL, La Pédagogie du «Kitsch» in L'Express, 6 juin 1971, p.109 ds REY-GAGNON Anglic. 1980). Surréalisme, pop'art, hyperréalisme, il [René Ferracci] a assimilé toutes les facettes de l'art actuel pour les recracher, spontanément, au bon moment (Le Point, 12 janv. 1976, p.87, col. 1). Le Pop art traduit à la fois l'émerveillement devant la vie et un besoin d'isoler et de ralentir le rythme des choses, ce qui se traduit (...) par le synchrétisme [sic], le rassemblement hétéroclite, sous-entendant la recherche d'un ordre nouveau, basé sur la vie réelle (BÉG. Dessin 1978).
Prononc.:[], []. Étymol. et Hist. 1964 Pop-Art (Elle, 6 mars, p.142b ds HÖFLER Anglic.). Empr. à l'anglo-amér. pop art comp. de pop abrév. de popular «populaire» (v. pop adj.) et de art correspondant au fr. art (1957 ds NED Suppl.2). Bbg. HUMBLEY t.2 1974, p.657.
ÉTYM. V. 1955, mot angl., de popular art.
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♦ Anglic. Courant artistique qui s'est développé entre 1950 et 1970 aux États-Unis puis en Europe, caractérisé par la représentation plastique ou graphique d'objets industriels ou quotidiens à travers leur image dans la publicité, le cinéma ou la télévision. || Roy Lichtenstein, Andy Warhol, grandes figures du pop art.
0 Avec l'Op et le Pop cette tendance techniciste s'adjoint un esthétisme. Plus précisément, le regard sur l'objet technique, regard passif, attentif au seul fonctionnement, intéressé par la seule structure (démontage, remontage), fasciné par ce spectacle sans arrière-plan, tout entier dans sa surface transparente, ce regard devient prototype de l'acte social.
Henri Lefebvre, la Vie quotidienne dans le monde moderne, p. 96.
Encyclopédie Universelle. 2012.