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OUTIL
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Prolongement de la main de l’homme, l’outil est un moyen grâce auquel celui-ci peut transformer la nature. Tout se passe comme si la libération de la main venait compenser au centuple la force buccale que l’homme perd par rapport aux autres mammifères. L’outil, en effet, à la différence des organes, ne meurt pas avec l’individu; il ne se transmet pas par hérédité mais par héritage et, en raison même de sa mobilité, son perfectionnement est indéfini. Ainsi l’outil, loin d’être abandonné au hasard comme l’instrument occasionnellement utilisé par le singe, est transmis, avec la série des gestes qu’il suppose, de génération en génération. L’outil est de l’ordre de la culture.

On peut donc, par extension métaphorique, appeler outil tout ce qui est de l’ordre des moyens pour une société. Toutes les institutions, tous les instruments de pensée (langue, parole, concept) sont de l’ordre des outils. La problématique de l’outil, parente de celle de la production, du moins de la production artisanale, renvoie à l’idée d’activité, de construction. Parler d’outillage mental, c’est se situer à l’intérieur d’une problématique critique de la connaissance.

C’est, cependant, avec le mode industriel de production et l’avènement de la machine que l’outil, selon une évolution sémantique de caractère négatif, passe d’un sens très général à un sens précis. La civilisation de l’outil était celle de la maîtrise de la matière par l’individu. L’outil permet, en effet, une relation quasi immédiate avec l’objet fabriqué; ainsi s’expliquent la valeur humaniste qu’on lui attribue et la nostalgie de l’artisanat que son idée suscite, comme sa réapparition tenace sous diverses formes dans la société industrielle, capitaliste ou socialiste. La machine, au contraire, crée une autre relation de l’homme avec la matière. La marchandise suppose le jeu des rapports de production, dans lequel l’individu n’est qu’un chaînon. Certes, sans la maîtrise de l’homme, aucun complexe technique ne pourrait fonctionner et l’homme n’a pas à craindre de devenir totalement l’esclave de la machine. Néanmoins, suivant que l’instrument de production est la machine ou l’outil, on a affaire à l’une ou l’autre de deux manières de travailler et de transformer le monde. La manière «machiniste» est si compliquée qu’elle ajoute à l’aliénation du travail celle du savoir; le monde du machinisme échappe, en effet, à la majeure partie des hommes, même à ceux qui en font partie.

outil [ uti ] n. m.
• 1538; hustil, ostilXIIe; du lat. usitilium, sing. de usitilia, lat. class. utensilia ustensile
1Objet fabriqué qui sert à agir sur la matière, à faire un travail. appareil , engin, instrument, machine . REM. Outil désigne en général un objet simple utilisé directement par la main. « Un outil humain est [...] un objet façonné, transformé, de manière à pouvoir être utilisé commodément et efficacement pour accomplir un certain genre d'action » (G. Viaud). Outils de cordonnier, de maçon, d'orfèvre. Outils à travailler le bois. Outils de jardinage ( ustensile) . Manier des outils. Caisse, trousse à outils. Panoplie d'outils. Boîte à outils. matériel, outillage. Manche d'outil. Loc. prov. Les mauvais ouvriers ont toujours de mauvais outils : on s'excuse d'un mauvais travail en alléguant les moyens mis à sa disposition.
Fig. Dans le régime nazi, « l'homme n'est plus qu'un outil au service du Führer » (Camus).
2Ce qui permet de faire (un travail). Ce livre est un outil indispensable. La télévision, outil de communication. Sa voiture est son outil de travail.
Ling. Mot-outil. mot.

Outil matériel, moyens servant à la production et, en particulier, entreprise industrielle ou commerciale, exploitation agricole, considérées du point de vue de ceux qui y travaillent.

outil
n. m. Instrument qui sert à effectuer un travail.
Spécial. Instrument destiné à être tenu par la main, qui sert à façonner la matière. Outil de maçon, de plombier, de sculpteur.

⇒OUTIL, subst. masc.
A. —1. a) Objet fabriqué, utilisé manuellement, doté d'une forme et de propriétés physiques adaptées à un procès de production déterminé et permettant de transformer l'objet de travail selon un but fixé. Synon. appareil, instrument, ustensile. Maman Fipart avait sous son lit une caisse dans laquelle se trouvaient divers objets (...); parmi eux, Rocambole trouva cet outil qu'on nomme une tarière, sorte de grosse vrille qui fait un trou de la dimension d'un goulot de bouteille environ (PONSON DU TERR., Rocambole, t.5, 1859, p.331):
1. L'outil n'est pas seulement le matériau adéquat ramassé ici ou là, dans la forme que lui a donnée la nature et les circonstances, c'est une matière préparée pour l'usage qu'on veut en faire, une forme raisonnée.
GILLE ds Hist. des techn., 1978, p.143 (Encyclop. de la Pléiade).
P.métaph. C'est un fameux outil, que la main d'un ouvrier! Mais le cerveau de l'homme est un outil plus merveilleux encore (A. FRANCE, Servien, 1882, p.85).
Proverbes. Les mauvais ouvriers ont toujours de mauvais outils (v. ouvrier B 1); var.: à méchant ouvrier, point de bon outil; un méchant ouvrier ne saurait trouver de bon outil (ds REY-CHANTR. Expr. 1979).
Loc. Outil qui branle dans le manche, au manche (v. manche1).
Au plur. Synon. de outillage (v. ce mot A 1), de matériel. Je suis un ouvrier, disait-il qui travaille avec des outils fort peu coûteux (FROMENTIN, Dominique, 1863, p.150).
Rem. 1. Sur l'emploi de machine pour outil, v. machine (I A 1 f rem.). 2. Outil et instrument impliquent l'idée d'une utilisation manuelle. L'instrument suppose des qualités de précision qui ne sont pas exigées de l'outil, lequel est utilisé pour effectuer des travaux simples dans des métiers manuels. Les domaines (arts, sciences, etc.) dans lesquels l'instrument est utilisé lui confèrent un caractère de noblesse et d'intellectualité.
SYNT. Outil en/d'acier, de bois, de fer, d'ivoire, de métal, d'os, de pierre; outil d'arpenteur, de bijoutier, de boucher, de brodeur, de charpentier, de ciseleur, de cordonnier, de graveur, de maçon, de menuisier, de mineur, d'orfèvre, de plombier, de sculpteur, de serrurier, de taillandier, de tonnelier; outil de jardinage, de labourage; outil à affûter, aléser, biseauter, chanfreiner, couper, découper, estamper, fileter, forer, frapper, mortaiser, planer, profiler, raboter, rainurer, tronçonner; outil de coupe, de découpe, de forme, d'alésage, d'ébauche, d'emboutissage, de rabotage; outil à/pour travailler l'acier, le bois; outil coupant, émoussé, épointé, pointu, tranchant; outil composé, différencié, primitif, simple, spécialisé, universel; outil écaillé, façonné; outil à percussion (directe, indirecte, oblique, perpendiculaire); outil taillé; outil sur nucléus; fil, manche, pièces, pointe, tranchant d'un outil; baraque, boîte, cabane, caisse, coffre, planche, remise, resserre, sac, trousse à outils; panoplie, ratelier d'outils, jeu, série d'outils; affiler, affûter, aiguiser, fabriquer, façonner, forger, manier, polir, raffûter, ranger, tenir un outil; se servir d'un outil.
b) En partic. Pièce travaillante incorporée à une machine, à un appareil complexe; p.méton. la machine, l'appareil. Dans le clair-obscur de l'atelier, la poussière blonde s'envolait de son outil, comme une aigrette d'étincelles sous les fers d'un cheval au galop; les deux roues tournaient, ronflaient (FLAUB., Mme Bovary, t.2, 1857, p.159). La plus grande profondeur qu'un outil de sondage ait encore atteinte n'est guère que de 2000 mètres (LAPPARENT, Abr. géol., 1886, p.1). Dans le cas de trous horizontaux ou de trous en remontant, l'outil foreur [d'une soudeuse à bras] est monté à la suite de rallonges hélicoïdales (J. CAHEN, BRUET, Carrières, 1926, p.42).
Machine-outil. V. machine I A 1 b.
c) Outil de travail. Éléments d'un capital considérés par le fisc comme indispensables à l'exercice d'une activité économique légalement reconnue et qui ne peuvent être saisis. Défense de l'outil de travail. La forme actuellement retenue qui permettrait d'imputer sur l'impôt dû au titre de l'outil de travail, les investissements réalisés présente de multiples inconvénients: (...) elle conduira à une définition extensive de l'outil de travail et vont rapidement naître différentes revendications concernant les terres agricoles, les bois et forêts, l'immobilier, les obligations comme certains types de placements financiers (Écon. et Pol., n° 54, oct. 1981, p.47).
2. Objet naturel permettant à certains animaux évolués d'accomplir des opérations fondamentalement instinctives. Synon. instrument. Sont des outils: le grain de sable jeté par le Fourmillion sur sa proie, la larve sécrétant de la soie dont la Fourmi oecophylle [s.v. phyll(o)-, -phylle1] se sert comme d'une navette pour coudre les feuilles qui constitueront son nid (...), le bâton brandi par un chimpanzé pour abattre des fruits, etc. (THINÈS-LEMP. 1975):
2. Rappelons seulement que la vie est un certain effort pour obtenir certaines choses de la matière brute, et qu'instinct et intelligence (...) sont deux moyens d'utiliser à cet effet un outil: dans le premier cas, l'outil fait partie de l'être vivant; dans l'autre, c'est un instrument inorganique, qu'il a fallu inventer, fabriquer, apprendre à manier.
BERGSON, Deux sources, 1932, p.122.
Organe naturel d'un animal lui permettant d'effectuer des opérations. Nulle boutique de coutelier pour la chirurgie, avec les milliers d'instruments effrayants de l'art moderne, ne peut se comparer aux monstrueuses armures des insectes des tropiques, aux pinces, aux tenailles, aux dents, aux scies, aux trompes, aux tarières, à tous les outils de combat, de mort et de dissection, dont ils vont armés en guerre, dont ils travaillent, percent, coupent, déchirent, divisent finement (MICHELET, Oiseau, 1856, p.79):
3. Dans beaucoup d'organismes (...) il existe de petits outils parfaitement ajustés, dont les pièces constituantes, comme celles du bouton-pression des crabes, se forment séparément au cours du développement embryonnaire. Pour Cuénot, tous ces petits outils biologiques témoignent d'une sorte de finalité immanente, ils attestent l'exercice d'un «quelque chose»...
J. ROSTAND, La Vie et ses probl., 1939, p.181.
3. P.ext.
a) Objet quelconque que l'on ne peut ou ne veut pas nommer précisément. L'homme escaladait de nouveau la grille, ses «outils» sous la veste, les poches gonflées, des «fafiots» noués dans un pan de chemise (CARCO, Jésus-la-Caille, 1914, p.54). C'est pas très marrant d'avoir à se mettre un bouchon chaque fois qu'on baise (...). C'est une Wac qui m'a fait cadeau de ce machin-là. Oh! c'est mignon tout plein, on dirait un petit chapeau melon; seulement pour s'installer ça convenablement, on a besoin d'une espèce d'outil en verre: j'appelle ça la brosse à dents (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.350).
b) En partic.
FR.-MAÇONN., au plur. Ustensiles de la table (truelle, triangle et marteau). [L'emblémature] du roi Numa remettant les outils maçonniques aux architectes militaires des légions qui prêtaient serment (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.118).
Arme à feu ou arme blanche. Pose là ton outil [un pistolet]. Bien. Sors l'autre aussi (MORAND, Eur. gal., 1925, p.97). —Je croyais que le sabre était votre arme préférée, vous usez quelquefois du pistolet? —Quand le jeu n'en vaut pas la chandelle. Le sabre est un hommage. Il laisse une chance. Ces outils n'en laissent pas (GIONO, Bonheur fou, 1957, p.287).
Vieilli. Outil de mort. Les officiers de hussards bleus, qui traînaient avec arrogance leurs grands outils de mort sur le pavé, ne semblaient pas avoir pour les simples citoyens énormément plus de mépris que les officiers de chasseurs (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Boule de suif, 1880, p.117)
B.Au fig. et p.métaph.
1. a) Moyen; ce qui permet d'obtenir un résultat, d'agir sur quelque chose. Synon. instrument. L'outil informatique. Un Dictionnaire n'est pas un livre: c'est un instrument, un outil pour faire des livres ou toute autre chose (DELACROIX, Journal, 1857, p.26). Rodrigue (...) mettant patiemment de l'ordre dans les pensées confuses de l'adolescence, pour se faire une conception du monde, c'est-à-dire un outil pour dominer le monde (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.65). La classe dirigeante (...) a compris que ses principes religieux et politiques étaient les meilleurs outils pour asseoir sa puissance (SARTRE, Sit.III, 1949, p.144):
4. ... quand l'ouvert et le fermé vont jouer métaphoriquement, devons-nous durcir ou adoucir la métaphore? Répéterons-nous, dans le style du logicien: il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée? Et trouverons-nous dans cette sentence un instrument d'analyse vraiment efficace pour une passion humaine? En tout cas, de tels outils d'analyse doivent être, en chaque occasion, affûtés.
BACHELARD, Poét. espace, 1957, p.199.
[En parlant d'une pers. ou d'un groupe de pers.] Ce dont il souffrait surtout, dans son écrasement, dans sa déchéance d'homme déjeté sous la meule, devenu un simple outil, c'était d'avoir gardé la conscience obscure qu'il aurait pu être une intelligence (ZOLA, Travail, t.1, 1901, p.214). L'homme n'est plus, s'il est du parti, qu'un outil au service du Fürher, un rouage de l'appareil (CAMUS, Homme rév., 1951, p.228):
5. ... l'outil que les mains d'Hindenburg et de Ludendorff maniaient au printemps de 1918 apparaissait par son matériel et l'instruction de la troupe comme un instrument de combat dont la mise au point et la trempe ne laissaient rien à désirer. Chaque soldat allemand était convaincu qu'il allait livrer et gagner les grandes batailles pour la paix. Confiant dans cet outil excellent, la direction suprême allait l'appliquer à un but stratégique dont elle espérait des résultats aussi rapides que décisifs.
FOCH, Mém., t.2, 1929, p.6.
b) LING. Outil grammatical [P.oppos. à mot plein, mot de signification] Signe linguistique plus ou moins vide de sens. Synon. mot-outil (infra). Noms et verbes représentent les éléments vivants du langage par opposition aux outils grammaticaux (prépositions, conjonctions, articles ou pronoms) (J. VENDRYES, Le Lang., 1968 [1923], p.153).
2. Pop. et fam. Personne gauche, maladroite, intellectuellement limitée. Tu ne vois pas que je viens chercher mes étrennes? Faut-il te le hurler pour que tu le comprennes? Outil! Fourneau! Paquet! Tête à poux! (COURTELINE, Vie mén., Droit aux étrennes, 1896, p.90). Je ne sais pas pourquoi je m'esquinte après cet outil [le Vieux Troglodyte]: quand je lui parle de Chaliapine, il croit que je lui dis des cochonneries! (COLETTE, Vagab., 1910, p.152).
3. Pop. Synon. de pénis, membre viril. Le petit rieur a montré son petit outil qui refera tout. Et, de même, à l'autre fenêtre, le petit pisseur, admiré de la laide petite fille qui n'en rit pas moins et dit:je suis fendue; donc c'est pour moi (MICHELET, Journal, 1857, p.369).
REM. Mot-outil, subst. masc., ling. [P.oppos. à mot plein, mot de signification] Signe linguistique plus ou moins vide de sens. Tandis que les mots de structure ou mots-outils, sémantiquement «vides», (articles, prépositions, pronoms, etc.: le, de, il, ce, qui...), au nombre d'une centaine, sont les plus fréquents (...), les mots de signification, ou mots «pleins» se répartissent en trois catégories (H. MITTERAND, Les Mots fr., Paris, P.U.F., 1965, p.15). L'attitude la plus simple consiste à reprendre telles quelles les catégories de la grammaire traditionnelle, les mots forts comprenant les verbes, substantifs, adjectifs et adverbes, et les mots-outils englobant tout le reste: articles, conjonctions, prépositions et pronoms (Ch. BERNET, Le Vocab. des tragédies de Jean Racine, Genève, Slatkine, 1983, p.20).
Prononc. et Orth.:[uti]. Att.ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. Début du XIIe s. ustilz «équipement, objets nécessaires qu'on embarque pour un voyage» (S. Brendan, éd. I. Short et Br. Merrilees, 179); 2. 1174 «objet fabriqué qui sert à faire un travail» (GUERNES DE PONT-SAINTE-MAXENCE, S. Thomas, 5408 ds T.-L.); 3. XIIIe s. «membre viril» (Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t.1, p.235); 4. av. 1272 fig. «moyen d'action» (JEAN BRETEL, Jeux-partis, éd. A. Långfors, 41, 45); 5. av. 1615 «personne qui sert d'instrument, d'exécutant à une autre» (E. PASQUIER, Recherches de la France, 396, 412); 6. 1808 «personne maladroite, inefficace» (HAUTEL). Du b. lat. , sing. de , plur. neutre, altération du lat. class. «objets nécessaires, meubles, ustensiles», dér. de «se servir de, employer». Un croisement de avec «employer» (v. user) rend compte du -s- de , mais le passage reste inexpliqué (cf. cependant FOUCHÉ, pp.184-185). Les formes b. lat. en os- sont att. dès le VIIIe-IXe s., v. FEW t.14, p.88a. Fréq. abs. littér.:1188. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 712, b) 1746; XXe s.: a) 1653, b) 2514. Bbg. COMTE (H.). Philos. de l'outil. Thèse, Paris-Sorbonne, 1980, pp.38-44.

outil [uti] n. m.
ÉTYM. 1538; hustil, ostil, ustil, XIIe; oustil, v. 1268; du lat. usitilium, plur. neutre usitilia, du lat. class. ustensilia. → Ustensile.
1 Objet fabriqué, conçu et fait pour agir sur la matière, pour exécuter un travail, produire un objet. Accessoire, appareil, engin, instrument, machine et machine-outil (cit. 5), ustensile; et aussi suff. -oir, -oire. || Les outils sont des objets techniques.
REM. Le mot outil, comme le mot instrument, implique, d'une manière générale et théorique, l'idée d'un objet mû directement par la seule main de l'exécutant. Sur la différence entre outil et instrument, et l'emploi de l'un pour l'autre, → Instrument (1., rem.). — L'homme (supra cit. 12) et l'outil (homo faber).
1 L'intelligence (…) est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils à faire des outils, et d'en varier indéfiniment la fabrication.
H. Bergson, l'Évolution créatrice, p. 140.
2 Un outil humain est quelque chose de plus qu'un instrument simple, du type de ceux dont se servent les singes : c'est un objet façonné, transformé, de manière à pouvoir être utilisé commodément et efficacement pour accomplir un certain genre d'action (…) les hommes façonnent leurs outils en prévision d'emplois plus ou moins généraux, et par conséquent leur donnent une forme en rapport avec les emplois auxquels ils les destinent.
Gaston Viaud, l'Intelligence, p. 53.
2.1 La liberté de la main implique presque forcément une activité technique différente de celle des singes et sa liberté pendant la locomotion, alliée à une face courte et sans canines offensives, commande l'utilisation des organes artificiels que sont les outils. Station debout, face courte, main libre pendant la locomotion et possession d'outils amovibles sont vraiment les critères fondamentaux de l'humanité.
A. Leroi-Gourhan, le Geste et la Parole, t. I, p. 33.
2.2 Nous percevons notre intelligence comme un bloc et nos outils comme le noble fruit de notre pensée; l'Australanthrope, lui, paraît bien avoir possédé ses outils comme des griffes. Il semble les avoir acquis non pas par une sorte d'éclair génial qui lui aurait fait un jour saisir un caillou coupant pour armer son poing (hypothèse puérile mais favorite de bien des ouvrages de vulgarisation) mais comme si son cerveau et son corps les exsudaient progressivement.
A. Leroi-Gourhan, le Geste et la Parole, t. I, p. 151-152.
2.3 Le XVIIIe siècle a été le grand moment du développement des outils et des instruments, si l'on entend par outil l'objet technique qui permet de prolonger et d'armer le corps pour accomplir un geste, et par instrument l'objet technique qui permet de prolonger et d'adapter le corps pour obtenir une meilleure perception; l'instrument est l'outil de perception.
G. Simondon, Du mode d'existence des objets techniques, p. 114.
Outils de cordonnier, de frotteur (cit.), de maçon, de mineur (→ Houille, cit. 2), d'orfèvre (→ Dire, cit. 12), de tonnelier (→ Copeau, cit.). || Outils à bretteler, à couper, à travailler le bois. || Outils pour la ciselure. || Outils de jardinage. || Il ne peut faire cette réparation, faute des outils nécessaires. Matériel, outillage. || Manier des outils (→ Figure, cit. 3; main, cit. 15). || « Je vois l'outil obéir à la main; mais la main, qui la guide ? » (cit. 4, La Fontaine). || Bêcher une terre glaiseuse (cit. 1) qui adhère à l'outil. || Caisse, planche, râtelier, trousse à outils. || Panoplie d'outils.Boîte à outils : réceptacle conçu pour recevoir un ensemble nécessaire à une profession, à un type d'opération technique. Outillage. || Outils fabriqués par un mécanicien, par un taillandier.Pièces d'un outil. || Mèches d'un outil à forer. || Coupant, épointement d'un outil. || Affiler, affûter, aiguiser, raffûter un outil. || Outil bien à la main. || Outil désemmanché, mal emmanché, qui branle au manche, dans le manche. || Outil qui broute. || Mauvais outil. Sabot.
tableau noms d'outils.
2.4 Or, construire un simple canot, même en ayant les outils nécessaires, était un ouvrage difficile, et, les colons n'ayant pas d'outils, il fallait commencer par fabriquer marteaux, haches, herminettes, scies, tarières, rabots, etc., ce qui exigerait un certain temps.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. I, p. 190.
3 Un établi, avec un étau, un marteau, des limes, des tenailles et une boîte à clous, rendait, à mes yeux, ce lieu singulièrement respectable. Je m'y plaisais. Toucher aux outils, je ne l'osais pas. Bénichat l'avait défendu formellement.
H. Bosco, Antonin, p. 67.
Prov. Les mauvais ouvriers ont toujours de mauvais outils (ou, vieilli,) À méchant ouvrier point de bon outil : les meilleurs outils deviennent mauvais entre les mains d'un ouvrier maladroit qui leur impute sa maladresse.
Par anal. Organe animal ayant une fonction instrumentale.
3.1 La notion même d'outil exige d'être reprise à partir du monde animal car l'action technique est présente aussi bien chez les invertébrés que chez l'homme et on ne saurait la limiter aux seules productions artificielles dont nous avons le privilège. Chez l'animal, l'outil et le geste se confondent en un seul organe où la partie motrice et la partie agissante n'offrent entre elles aucune solution de continuité. La pince du crabe et ses pièces mandibulaires se confondent avec le programme opératoire à travers lequel se traduit le comportement d'acquisition alimentaire de l'animal. Le fait que l'outil humain soit amovible et que ses caractéristiques soient non pas spécifiques mais ethniques ne change fondamentalement rien.
A. Leroi-Gourhan, le Geste et la Parole, t. I, p. 35-36.
Par métaphore, fig. Personne, chose permettant la réalisation de qqch., d'une opération. || « Le soldat, rude outil de la guerre » (→ Barbarement, cit. 3, Michelet). || La langue, outil de la civilisation (→ Linguistique, cit. 3), de l'écrivain.
4 L'homme est l'outil, Dieu seul est l'ouvrier de l'œuvre,
Donc servons pour servir, avec simplicité.
Hugo, la Légende des siècles, LV, « Ire, non ambire ».
5 Leconte de Lisle possède le gouvernement de son idée; mais ce ne serait presque rien s'il ne possédait aussi le maniement de son outil. Sa langue est toujours noble, décidée, forte, sans notes criardes, sans fausses pudeurs (…)
Baudelaire, l'Art romantique, XXII, IX.
6 Le résultat est que l'homme n'est plus (dans le régime nazi), s'il est du parti, qu'un outil au service du Führer, un rouage de l'appareil, ou, s'il est ennemi du Führer, un produit de consommation de l'appareil.
Camus, l'Homme révolté, p. 228.
(1922). Ling. || Mot-outil : mot fonctionnel, grammatical (servant à « construire » la phrase), et exprimant des relations fonctionnelles.
2 Fam. ou pop., vieilli. Individu aux manières bizarres, excentriques, ou au comportement turbulent. Numéro, phénomène, pistolet. || Un drôle d'outil.Péj. Individu quelconque, dont on a lieu de se plaindre.
7 (…) j'ai sonné à fond (…) l'outil en question. Comme je le pensais bien, il appartient à la Sûreté. C'est un envoyé de Madrid.
P. Mac Orlan, la Bandera, XVI.
3 Fig., fam. Pénis.
8 Il y avait là, cachée derrière les rideaux et au lit, une toute jeune fille de 16 à 17 ans, blanche, brune (…). Mais quand nous avons couché ensemble (…), après que ma main avait parcouru lentement deux belles colonnes d'albâtre couvertes de satin (style polisson empire), je l'entends qui me demande en italien à examiner mon outil pour voir si je ne suis pas malade.
Flaubert, Correspondance, déc. 1850, Pl., p. 729.
COMP. et DÉR. Machine (cit. 5) -outil, mot-outil, porte-outil. — Outiller, outilleur.

Encyclopédie Universelle. 2012.