OPÉRA
L’OPÉRA, né à Florence aux environs de 1600, est parti à la conquête de l’Europe et a connu un succès qui ne s’est jamais démenti. Les grandes œuvres qui jalonnent son histoire constituent autant de moments privilégiés où la création musicale semble avoir atteint une sorte de perfection. On peut situer la révolution esthétique du XXe siècle au moment où Debussy compose Pelléas et Mélisande , même si Puccini l’avait devancé par les audaces de son langage harmonique et la subtilité de son orchestration. Les différentes techniques d’écriture utilisées par les compositeurs pour réaliser, dans le chant, la juste entente entre la musique et le texte, permettent de suivre, au fil des siècles, l’évolution de la texture en quelque sorte «charnelle» de l’opéra. Et si nous avons la chance de voir aujourd’hui le nombre des scènes lyriques françaises se multiplier, surtout en province, et toucher un public désormais plus diversifié, force nous est de constater que le grand répertoire, les chefs-d’œuvre du passé continuent d’y être donnés. La création contemporaine semble s’orienter – à l’exception du Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen – vers l’opéra de chambre, le théâtre musical. Ces nouvelles formes prospèrent d’autant mieux qu’elles requièrent des orchestres restreints, un petit nombre de chanteurs et sont donc plus faciles à représenter. Est-ce un choix esthétique ou un diktat d’ordre économique auquel les compositeurs se soumettent? Il est difficile de se prononcer aujourd’hui; et l’opéra risque fort de continuer à nous surprendre.
opéra [ ɔpera ] n. m.
• v. 1646; it. opera
1 ♦ Poème, ouvrage dramatique mis en musique, dépourvu de dialogue parlé, qui est composé de récitatifs, d'airs (⇒ 1. chant, bel canto), de chœurs et parfois de danses (⇒ ballet) avec accompagnement d'orchestre (cf. Drame lyrique). Grand opéra ou opéra sérieux (it. opera seria), dont le sujet est tragique. Opéra bouffe, dont les personnages et le sujet sont empruntés à la comédie. ⇒ opéra-comique, opérette. Livret d'un opéra. Le compositeur et le librettiste d'un opéra. Chanteur d'opéra. Chanteuse d'opéra. ⇒ cantatrice, diva, prima donna. Choriste, chœurs d'opéra.
♢ Genre musical constitué par ces ouvrages. Aimer l'opéra. — Opéra rock : spectacle musical fondé sur la musique rock.
2 ♦ (1694) Édifice, théâtre où l'on joue ces sortes d'ouvrages. La Scala de Milan, célèbre opéra italien. — (À Paris) L'Opéra (Académie nationale de musique). Chœurs, orchestre, ballet, danseur, petit rat de l'Opéra.
3 ♦ Vieilli Couleur rouge pourpre.
● opéra nom masculin (italien opera, du latin opera, pluriel de opus, -eris, œuvre) Œuvre théâtrale mise en musique pour soli, chœur et orchestre. Théâtre où l'on joue cette sorte d'ouvrage. ● opéra (difficultés) nom masculin (italien opera, du latin opera, pluriel de opus, -eris, œuvre) Orthographe On écrit sans trait d'union : un opéra sérieux, un opéra bouffe (de préférence à opéra-bouffe), un opéra rock, mais toujours avec un trait d'union un opéra-ballet, un opéra-comique. - Plur. : des opéras bouffes (ou des opéras-bouffes), des opéras-comiques. Sans s au deuxième élément pour des opéras rock. ● opéra (expressions) nom masculin (italien opera, du latin opera, pluriel de opus, -eris, œuvre) Opéra de Pékin, nom donné en Occident au jingxi. ● opéra (homonymes) nom masculin (italien opera, du latin opera, pluriel de opus, -eris, œuvre) opéra forme conjuguée du verbe opérer opéras forme conjuguée du verbe opérer opérât forme conjuguée du verbe opérer
opéra
(théâtre de l') à Paris, théâtre national consacré à l'origine aux spectacles lyriques et chorégraphiques et, depuis 1989 (V. Opéra-Bastille), uniquement à la danse. Construit à Paris de 1862 à 1874 par l'architecte C. Garnier.
————————
opéra
n. m.
d1./d OEuvre dramatique, représentée au théâtre avec un accompagnement de musique orchestrale et dont toutes les paroles sont chantées (récitatifs, airs, etc.). Les opéras de Mozart, de Verdi.
— Opéra bouffe: V. bouffe.
— Grand opéra ou opéra sérieux, dont l'action est tragique.
d2./d Genre lyrique constitué par ces ouvrages. Amateur d'opéra.
— L'opéra italien.
d3./d Théâtre où l'on joue des opéras.
|| L'Opéra: l'Opéra de Paris.
⇒OPÉRA, subst. masc.
A. —1. Vx. Chose difficile à réaliser; chose excellente, oeuvre admirable, chef d'oeuvre. Quel opéra qu'une cervelle d'homme, quel abîme peu compris, par ceux mêmes qui en ont fait le tour, comme Gall, s'écria le médecin (BALZAC, Massimilla Doni, 1839, p.417).
2. JEUX DE CARTES, loc. verb. Faire opéra. Gagner tout ce qu'il y a au jeu. Faire grand opéra. Au nain jaune, se débarrasser de toutes ses cartes sans que ses adversaires puissent en placer une. Il arrive, très exceptionnellement, il est vrai, que le premier joueur se débarrasse de toutes ses cartes en un seul coup, avant que personne d'autre ait pu jouer. C'est le grand opéra (ALLEAU 1964, s.v. nain jaune).
B. —THÉÂTRE LYRIQUE
1. OEuvre dramatique lyrique entièrement chantée, interprétée avec accompagnement d'orchestre et mêlée éventuellement de ballets. Air, livret d'opéra; composer, mettre en scène un opéra; entendre, jouer un opéra; opéra italien. M. Jannois, élevé en vue du conservatoire de musique, avait rêvé un moment la vie fastueuse des chanteurs d'opéras (CHAMPFL., Souffr. profess. Delteil, 1855, p.158). Il y a toujours opposition entre un drame bien noir et les chants et récitatifs qui le traduisent en opéra. La musique n'exprime pas les passions, elle les efface (ALAIN, Propos, 1928, p.765):
• 1. La philosophie moderne aura de même sa dernière expression dans un drame, ou plutôt dans un opéra; car la musique et les illusions de la scène lyrique serviraient admirablement à continuer la pensée, au moment où la parole ne suffit plus à l'exprimer.
RENAN, Drames philos., Append. Abbesse Jouarre, 1888, p.372.
♦Grand opéra, ou opéra sérieux. Opéra à sujet tragique. Il y a ce soir grand opéra et feu d'artifice! (DUMAS père, Intrigue et amour, trad. de Schiller, 1847, III, 2, p.249).
— [Avec une valeur caractérisante, employé en compl. déterminatif] Affecté, grandiloquent, pompeux. Il le hurla, ce «jamais», les doigts allongés dans le vide, avec l'ample geste tragique d'un conspirateur d'opéra qui jure la mort du tyran (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 4e tabl., III, p.155).
♦En emploi adj., littér. J'ai horreur des couchers de soleil, c'est romantique, c'est opéra (PROUST, Sodome, 1922, p.812).
2. P. méton.
a) Genre artistique constitué par les opéras. À propos d'Ozaï, un ballet nouveau, il fit une sortie à fond contre la danse, et, à propos de la danse, contre l'opéra (FLAUB., Éduc. sent., t.2, 1869, p.12). Quel enseignement tirer de tout cela? Renoncer à la musique concrète pour l'opéra, ou à l'opéra pour la musique concrète? (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p.110):
• 2. Que l'opéra soit, entre tous les genres de spectacles, le plus désuet, destiné à disparaître, en fait disparu, c'était pour nous, jusqu'à ces représentations de Salzbourg, une vérité que nous ne discutions pas.
MAURIAC, Journal 2, 1937, p.139.
b) Représentation d'un opéra. Aller à l'opéra. Grâce à cette habitude de couper l'opéra par un ballet, les entractes sont très courts (DUMAS père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.478).
c) [Avec une majuscule] Théâtre où l'on joue des opéras et où sont donnés différents autres spectacles, de danse notamment.L'Opéra de Milan. La vie publique en France est dans les salons et à l'Opéra. En Angleterre, en Amérique, elle est à la tribune et dans les clubs (VIGNY, Journal poète, 1835, p.1030).
— En partic. L'Opéra (de Paris). Choeurs, danseur, petit rat de l'Opéra. Jamais, dit le Dr Pasquier, nous ne tiendrons tous dans cette bonbonnière. Parlez-moi des loges de l'Opéra! C'est royal. On pourrait s'y faire servir à souper (DUHAMEL, Cécile, 1938, p.217).
d) Ensemble des personnes qui interprètent un même répertoire d'opéras, jouent dans un même lieu. Je possède tout l'opéra. Mes douze danseuses peuvent me tromper avec douze danseurs, (...) je les possède eux aussi. C'est comme si elles me trompaient avec moi-même (GIRAUDOUX, Folle, 1944, II, p.150). Nous entendîmes Le prince Igor, exécuté par l'opéra russe (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p.304).
REM. Opéra entre, comme 1er élém., dans divers mots composés. V. opéra-comique, opéra bouffe et: a) Opéra(-)ballet,(Opéra ballet, Opéra-ballet) subst. masc. Aux XVIIe et XVIIIe s., spectacle de chants et de danses composé de plusieurs actes différents et complets, reliés entre eux par une idée générale. (Dict. XIXe et XXe s.). b) Opéra-rock, subst. masc. Spectacle théâtral avec danses et chants, sur une musique de rock. L'opéra-rock écrit par le groupe anglais The Who, puis filmé par Ken Russel (Cinéma, 2 oct. 1978, p.145, col.1).
Prononc. et Orth.:[]. Homon. formes de opérer. Ac. 1694 et 1718: opera; dep. 1740: opéra. Invar. de 1694 à 1762; dep. 1798: des opéras. Étymol. et Hist. 1. 1659 «chose excellente» (SCARRON, lettre à M. de Villette, 12 nov. ds OEuvres, éd. 1786, t.1, p.263); 1675 «chose difficile» (BOUHOURS, Rem. nouv. sur la lang. françoise, p.165); p. ext. 1690 faire un opéra terme de jeu, ici au piquet (FUR.); 2. 1669 mus. date du privilège accordé au poète Perrin par le Roi pour créer une Académie d'Opéra (d'apr. Hist. de la mus., t.1, p.1573 [Encyclop. de la Pléiade]). Mot ital. signifiant proprement «oeuvre» (à l'orig. de 1; v. oeuvre), att. comme terme de mus. dep. 1639 (OUDIN d'apr. DEI; le 1er opéra ital. représenté en France est l'Orfeo de Rossi, joué à Paris en 1647, v. CANDÉ). Fréq. abs. littér.:1977. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 3647, b) 4104; XXe s.: a) 2367, b) 1671. Bbg. BOULAN 1934, p.41. —HOPE 1971, pp.295-296. —QUEM. DDL t.10.
opéra [ɔpeʀa] n. m.
ÉTYM. 1646; ital. opera, du lat. opera, de opus. → Œuvre.
❖
1 Poème, ouvrage dramatique mis en musique, dépourvu de dialogue parlé (à la différence de l'opéra-comique) qui est composé de récitatifs, d'airs (⇒ Chant, bel canto), de chœurs et parfois de danses (⇒ Ballet) avec accompagnement d'orchestre. ⇒ aussi Dramatique (musique dramatique), lyrique (drame lyrique); opératique. On appelle grand opéra ou opéra sérieux (ital. : opera seria), un opéra dont le sujet est tragique, opéra bouffe (opera buffa), un opéra dont les personnages et le sujet sont empruntés à la comédie (⇒ aussi Opéra-comique, opérette). || Opéra précédé d'un prologue, d'une ouverture. || Air d'opéra. || Arrangement d'un air d'opéra. ⇒ Fantaisie, paraphrase. || Libretto (cit. 1 et 2), livret d'un opéra. || Le compositeur et le librettiste d'un opéra. || Opéras de Rameau, de Mozart, de Verdi, de Wagner, de Debussy, d'Alban Berg, de Prokofiev… || Chanteur d'opéra. ⇒ Chanteur, diva, prima donna. || Chœurs, choriste d'opéra. || Ensemble de quatre opéras. ⇒ Tétralogie. — Genre musical constitué par ces ouvrages. || L'opéra moderne (→ Introduction, cit. 5). — REM. Dans la dénomination des œuvres, le mot opéra est souvent remplacé, de nos jours, par drame lyrique ou par d'autres périphrases.
1 opéra (…) Spectacle dramatique et lyrique où l'on s'efforce de réunir tous les charmes des beaux-arts dans la représentation d'une action passionnée, pour exciter, à l'aide de sensations agréables, l'intérêt et l'illusion.
Rousseau, Dict. de musique, Opéra.
2 Les modernes ont inventé un genre qui réunit tout ce qui doit charmer l'esprit et les sens. C'est l'opéra. La déclamation chantée a plus de force que celle qui n'est que parlée. L'ouverture dispose à ce qu'on va entendre, mais d'une manière vague : le récitatif expose les situations avec plus de force que ne ferait une simple déclamation, et l'air, qui est en quelque sorte le point admiratif de chaque scène, complète la sensation par la réunion de la poésie et de tout ce que la musique peut y ajouter. Joignez à cela l'illusion des décorations, les mouvements gracieux de la danse.
E. Delacroix, Journal, 16 mai 1857.
3 L'opéra m'apparaissait un chaos, un usage désordonné de parties lyriques, orchestrales, dramatiques, mimiques, plastiques, chorégraphiques, un spectacle, en somme, grossier, puisque rien ne commandait l'entrée en jeu et le contraste des puissances diverses, que rien n'en limitait l'action, et que le tout de l'œuvre était livré aux inspirations divergentes du librettiste, du musicien, du chorégraphe, du peintre de décors, du metteur en scène et des interprètes.
Valéry, Variété III, p. 86.
♦ Opéra-ballet. || Opéra-oratorio. — Opéra rock : spectacle musical fondé sur la musique rock. || « Un opéra rock somptueux » (le Point, 14 sept. 1981, p. 31).
2 (1694). Édifice, théâtre où l'on joue des opéras (1.) classiques, où l'on donne des ballets. || La Scala de Milan, célèbre opéra italien. — Spécialt. || L'Opéra de Paris, ou, absolt, l'Opéra (Académie nationale de musique). || Actrice (→ Loge, cit. 6), chœurs, danseuse, petit rat de l'Opéra. || Avoir une loge à l'Opéra. || Gala (cit. 4) de l'Opéra.
4 (…) je me figure toujours que la nature est un grand spectacle qui ressemble à celui de l'opéra. Du lieu où vous êtes à l'opéra, vous ne voyez pas le théâtre tout à fait comme il est; on a disposé les décorations et les machines pour faire de loin un effet agréable, et on cache à votre vue ces roues et ces contrepoids qui font tous les mouvements.
Fontenelle, Entretien sur la pluralité des mondes, « Premier soir ».
5 Ce rat, qui sort d'une répétition à l'Opéra, retourne faire un maigre dîner, et reviendra dans trois heures pour s'habiller, s'il paraît ce soir dans le ballet, car nous sommes aujourd'hui lundi.
Balzac, les Comédiens sans le savoir, Pl., t. VII, p. 15.
3 Fig., vx. Chose difficile.
6 Vos lettres de marquis sont signées; mais le sceau est une étrange affaire; nous verrons si nous « pourrons » les faire passer gratis : c'est un opéra.
Mme de Sévigné, Correspondance, 557, 21 oct. 1676.
4 Vx. Couleur rouge pourpre.
❖
DÉR. et COMP. Opéra-comique. V. Opératique.
Encyclopédie Universelle. 2012.