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MANNE
MANNE

MANNE

Nom de la nourriture miraculeuse (en hébreu, man ) que mangèrent les Hébreux lors de leur séjour au Désert (Exode, XVI). Les récits bibliques évoquent un phénomène qu’on peut observer de nos jours dans la péninsule sinaïtique: est encore appelé man (en arabe) par les habitants nomades un liquide transparent, sécrété par une variété de tamaris; tombé à terre, il se durcit par l’effet du froid nocturne; doux au goût, il demeure une nourriture appréciée des Bédouins. Une étymologie populaire du mot «manne» se rencontre dans l’Exode (XVI, 15); on y explique le terme par la question que posèrent les Hébreux surpris de voir ce produit insolite: man hû? («qu’est-ce que c’est?»).

Outre celles du récit de l’Exode, on retrouve des mentions de la manne du désert dans le Deutéronome (VIII), dans les Nombres (XI), dans Néhémie (IX), dans la Sagesse (XIX). Au don de la manne font écho les expressions: «le froment des cieux» (Ps. LXXVIII, 24) et «le pain des cieux» (Ps. CV, 40).

Dans la littérature juive, apocalyptique et plus tardivement midrashique, apparaît la croyance au renouvellement du don de la manne lors des temps messianiques: «En ce temps-là des provisions de manne tomberont de nouveau d’en haut» (Baruch syriaque , XXIX). Cette idée se retrouve dans l’Apocalypse (II, 17): «Au vainqueur, je donnerai de la manne cachée.» Elle n’est pas non plus étrangère au récit évangélique de la tentation au désert, où Jésus est présenté comme le «nouveau Moïse» («Ordonne que ces pierres se changent en pain», Matth., IV, 3) ni à celui de la multiplication des pains (Marc, VI). Et, surtout, elle sert de base au midrash eucharistique de Jean (VI, 22-51). La séquence exodique de la manne est aussi un élément marquant dans la typologie paulinienne: «Tous ont mangé le même aliment spirituel [...]. Ces faits se sont produits pour nous servir d’exemples» (I Cor., X, 3-6).

1. manne [ man ] n. f.
• v. 1120; lat. ecclés. manna, hébr. man
1Bibl. Nourriture miraculeuse envoyée aux Hébreux dans le désert (Exode, XVI, 15). La manne tombée du ciel.
2Fig. Nourriture providentielle, don ou avantage inespéré. La manne de ses bienfaits.
3(1755) Manne des poissons : éphémères qui abondent sur les rivières et dont les poissons se nourrissent.
4(XIVe) Exsudation sucrée de divers végétaux (frêne, mélèze, eucalyptus).
manne 2. manne [ man ] n. f.
• 1467; mande 1202; moy. néerl. mande et var. manne
Grand panier d'osier. banne, panière. « des mannes pleines de foin et d'œufs » (Huysmans).

manne nom féminin (latin ecclésiastique manna, de l'hébreu mān) Nourriture providentielle et miraculeuse dont bénéficièrent les Hébreux dans la traversée du désert du Sinaï après leur sortie d'Égypte. Littéraire. Aubaine, chose providentielle. Exsudation sucrée provenant de différents végétaux. Ensemble des éphémères qui abondent sur certaines rivières en juin-juillet et dont se nourrissent les poissons. ● manne (expressions) nom féminin (latin ecclésiastique manna, de l'hébreu mān) Manne de Pologne, nom usuel d'une glycérie (graminée) comestible des pays slaves. ● manne (homonymes) nom féminin (latin ecclésiastique manna, de l'hébreu mān) mânes nom masculin plurielmanne nom féminin (moyen néerlandais manne, panier) Grand panier dans lequel on transportait des marchandises. ● manne (homonymes) nom féminin (moyen néerlandais manne, panier) mânes nom masculin pluriel

manne
n. f.
d1./d Nourriture miraculeuse qui, d'après la Bible, tomba du ciel pour nourrir les Hébreux dans le désert.
|| Fig. Aubaine, avantage que l'on n'espérait pas.
d2./d Manne des pêcheurs ou des poissons: éphémères qui s'abattent sur l'eau en grande quantité.
d3./d Matière sucrée qui exsude de certains végétaux (frêne, eucalyptus, tamaris).

I.
⇒MANNE1, subst. fém.
A. — 1. [P. allus. à la Bible] Nourriture providentielle que Dieu envoya aux Hébreux pendant la traversée du désert. Ces enfants de Jacob, premiers nés des humains, Reçurent quarante ans la manne de tes mains (LAMART., Médit., 1820, p. 244). Il est écrit que la manne prenait le goût de toutes les viandes que les Israélites désiraient (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 473):
1. L'histoire de la manne récoltée et mise de côté par les Hébreux est singulièrement profonde. En effet, cette manne pourrissait quand on la gardait. Et cela veut dire, peut-être, que toute lecture spirituelle qui n'est pas consommée — par la prière et par les oeuvres — finit par causer en nous une sorte de pourriture.
GREEN, Journal, 1941, p. 155.
2. P. ext.
a) Nourriture abondante et inespérée. C'est une bonne manne, une vraie manne (LITTRÉ). Sa brûlante imagination lui peignait (...) une destinée calme au bord d'un ruisseau frais (...) sous un bananier qui dispensait une manne savoureuse, sans culture (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 21). On nous annonça (...) que nous allions percevoir une soupe chaude; et les interprètes ajoutaient: avec de la viande. Chacun, dans l'attente de cette manne extraordinaire, se mit en quête d'un récipient (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 38).
En partic. Éphémère qui abonde en fin d'été sur les rivières, dont les poissons sont très friands et qui peut servir d'appât. Manne des rivières, des poissons (BAUDR. Pêches 1827):
2. Le fleuve à ce tournant que les herbes grasses obstruent et les feuillages accumulés,
Et ça et là une grosse brème comme une bûche pour happer la manne qui saute pesamment hors de l'eau.
CLAUDEL, Ours et lune, 1919, 1, p. 590.
Au fig. Bienfait d'origine divine, grâce. Mais pour goûter ce repos sacré, pour savourer cette manne, il faut une parfaite tranquillité extérieure (DUPANLOUP, Journal, 1858, p. 205).
En partic.
La manne céleste. La parole de Dieu. Les séraphins visitoient l'anachorète du rocher, ou enlevoient son ame brillante sur les nues; (...) les corbeaux, devenus intelligens, apportoient au saint hermite la manne céleste (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 378).
La manne cachée. La nourriture spirituelle et les bienfaits qu'on peut en retirer:
3. Quand la lumière divine commence à nous éclairer, alors on voit dans la vraie lumière (...); les mêmes choses qu'on avait entendues cent fois froidement et sans fruit nourrissent l'âme comme d'une manne cachée...
MAINE DE BIRAN, Journal, 1823, p. 394.
b) Ressources financières ou avantages inattendus. Manne budgétaire. La soie est la manne du pauvre pays. Avec la soie, il a de l'argent (MICHELET, Journal, 1844, p. 567). Un mystérieux monsieur (...) qui, très haut placé dans la bonne grâce présidentielle, semait à son bon plaisir des mannes de rubans violets (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 2e tabl., 3, p. 84). On signale maint député qui (...) ne peut se faire à l'idée que ses comités et sous-comités seront privés de la manne préfectorale (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 336).
B.P. anal. Suc qui s'écoule de certains végétaux, naturellement ou après incision, que l'on utilise comme édulcorant ou comme laxatif. Manne du cèdre, du frêne, du mélèze; manne en larmes. Des casuarinas et des eucalyptus, dont quelques-uns devaient fournir au printemps prochain une manne sucrée (VERNE, Île myst., 1874, p. 107):
4. — (...) j'offre du cassis. — V'là son cassis qui purge comme de la manne, dit l'étudiant en médecine à voix basse.
BALZAC, Goriot, 1835, p. 202.
Manne d'encens, et, p. ell., manne. Encens de qualité supérieure. J'aime à brûler parfois l'oliban et la manne (BOREL, Rhaps., 1832, p. 36).
Prononc. et Orth.:[man] et []. Pt ROB., Lar. Lang. fr. [a]; WARN. 1968 [] et [a]; MARTINET-WALTER [] 9/17, [a] 8/17; LITTRÉ, BARBEAU-RODHE 1930 []. Homon. mânes. Att. ds Ac. dep. 1694: ,,On prononce mâne``. Comparez avec manne2 [a]. Manne1 relève du domaine biblique où manne et grâce vont souvent de pair (anal. de prononc.). Étymol. et Hist. A. 1. 1re moitié XIIe s. «nourriture tombée du ciel pour nourrir les Hébreux dans le désert» (Psautier Cambridge, éd. F. Michel, 77, 25); 2. a) ca 1231 fig. «symbole de l'Eucharistie» (GAUTIER DE COINCI, Salu Nostre Dame, 565, éd. V. F. Koenig, t. 4, p. 570); b) 1532 «nourriture de l'esprit» (RABELAIS, Pantagruel, chap. 8, éd. V. L. Saulnier, p. 45); c) 1842 «bienfait quelconque» (REYBAUD, J. Paturot, p. 323: la manne du budget); 3. a) ca 1350 fig. «provisions de bouche, victuailles» (Miracles de Nostre-Dame, éd. G. Paris et U. Robert, I, 1158); 1559 «nourriture abondante» (RONSARD, Chant pastoral... 469 ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 9, p. 99); b) 1755 «éphémères dont se nourrissent les poissons» (Encyclop. t. 5, p. 771 a). B. Début XIVe s. s. bot. «suc qui exsude de certains végétaux» (Antidotaire Nicolas, éd. P. Dorveaux, § 64). Empr. au lat. chrét. manna «nourriture des Hébreux dans le désert» (Deut. 8, 3 etc., var. man Ex. 16, 31 etc.); «Eucharistie» (BLAISE Lat. chrét.; d'apr. l'Évangile de St Jean, 6, 31-40), gr. (var. ), et ceux-ci à l'araméen , de l'hébr. «nourriture des Hébreux dans le désert» (FEW t. 6, 1, pp. 232-234; KLEIN Etymol.). Bbg. QUEM. DDL t. 3. — SAIN. Sources t. 2 1972 [1925], p. 165, 445.
II.
⇒MANNE2, subst. fém.
Grand panier d'osier de forme rectangulaire ou cylindrique, muni de deux anses, qui sert à transporter divers objets. Une manne de poissons. Manne à linge, manne de pâtissier (Ac. 1935). Ces amateurs de livres qui fouillent et bouleversent toutes les mannes du passage des Jacobins (JOUY, Hermite, t. 2, 1812, p. 57). Agenouillées sous les riflards de cotonnade bleue, larges comme des tentes, elles échangeaient des réflexions, parmi les mannes d'osier emplies de fromages, et les cages à claire-voie où grouillaient des volailles (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 134). Des hommes vigoureux, (...) qui à quatre-vingts, ou plus, traversaient notre cour avec une manne de pommes sur chaque épaule (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1511).
Prononc. et Orth.:[man]. [] uniquement ds LITTRÉ, BARBEAU-RODHE 1930. Att. ds Ac. dep. 1694. ,,L'a est bref`` (Ac. dep. 1798). Comparez avec manne1 [] et [a]. Étymol. et Hist. 1. 1467 «grand panier d'osier» (Statuts des tourneurs ap. R. DE LESPINASSE, Les Métiers et corporations de la ville de Paris, t. 2, p. 683: corbeilles et corbillons, picotins, paniers à vendengier, mannes et mannequins); 2. 1680 manne d'enfant «berceau d'osier» (RICH.). Empr. au m. néerl. manne «panier», var. de mande, qui avait été empr. par l'a. fr. (1202 mande «panier» ds GDF.) et qui s'est maintenu en wallon et en pic. (FEW t. 16, p. 510).
DÉR. Mannette, subst. fém. Petite manne. (Dict. XIXe et XXe s.). []. 1re attest. mil. du XVe s. (Comptes des mines de Jacques Coeur, Arch. KK 329, f° 62 r° ds GDF.); de manne2, suff. -ette v. -et.
STAT. Manne 1 e t 2. Fréq. abs. littér.: 182.

1. manne [man] n. f.
ÉTYM. V. 1120; lat. ecclés. manna, hébreu man.
1 (V. 1120). T. bibl. || La manne : la nourriture miraculeuse tombée du ciel pour nourrir les Hébreux dans le désert (Exode, XVI, 15; Nombres, XI, 7-8).
1 Je m'explique. Cette manne tombait du ciel, et c'était l'aliment dont Dieu les avait pourvus dans le désert, et qu'il prenait soin lui-même de leur distribuer chaque jour à proportion de leurs besoins.
Bourdaloue, Sermon pour la Ve semaine de Carême, I.
2 « Qu'est-ce que c'est ? » dit la foule. « C'est le pain que Dieu vous envoie ! » répond Moïse. Ce pain, c'est la manne, la nourriture divine. « Grosse comme la graine de coriandre, ressemblant à la résine »; broyée et cuite, « elle a le goût d'un gâteau à l'huile (…) »
Daniel-Rops, le Peuple de la Bible, II, I.
2.1 Tu me fais penser à l'histoire des Hébreux dans le désert. Ils devaient consommer dans la journée la manne qui leur tombait du ciel, mais ne pouvaient sous aucun prétexte en garder pour le lendemain.
Geneviève Dormann, la Fanfaronne, p. 116.
(Fin XVIe). Par ext. Aliment abondant, inespéré, providentiel. || Une manne abondante, providentielle.
3 (…) le Français abattit quelques régimes de fruits mûrs (…) et il s'assura en goûtant cette manne inespérée, que l'habitant de la grotte avait cultivé les palmiers.
Balzac, Une passion dans le désert, Pl., t. VII, p. 1074.
2 (XIVe). Par métaphore ou fig. Bienfait, don céleste.
Spécialt. Relig. La manne céleste, cachée : la nourriture spirituelle, et, aussi, la parole divine. Pain (céleste).
4 Noble enfant, de bonne heure né,
À toute douceur destiné,
Manne du ciel, céleste don (…)
Villon, Poésies diverses, Le dit de la naissance de Marie d'Orléans.
5 La manne cachée, c'est la vérité; la manne cachée, sont les consolations spirituelles; la manne cachée, c'est le sacré corps de Jésus.
Bossuet, Élévation… sur tous les mystères…, IX, VI (→ aussi Faible, cit. 12).
Littér. Bienfaits, dons (humains). || « Il a répandu sur toute cette famille la manne de ses bienfaits » (Académie).
3 (1868). Loc. || Manne (des poissons) : éphémères qui abondent sur les rivières et dont les poissons se nourrissent.
4 (XIVe). Par anal. Exsudation sucrée de divers végétaux (frêne, mélèze, eucalyptus). || La manne s'écoule par les piqûres que des insectes (cigales) font à l'arbre, ou par des incisions. || Constituants de la manne : mannite ( Dulcite), sucre, dextrine, résine.
Par ext. || Manne d'Australie (eucalyptus), de Briançon (mélèze), du Sinaï (tamarinier, tamarix), du Liban (cèdre).
DÉR. Mannite, mannose.
————————
2. manne [man] n. f.
ÉTYM. 1467; mande, 1202; moy. néerl. mande.
Grand panier d'osier rectangulaire ou cylindrique. Banne, corbeille, panière (→ Fripier, cit. 1). || Manne cylindrique de boulanger. || Manne rectangulaire et plate de pâtissier. || Fabrication des mannes. Vannerie.
1 Les compteurs-verseurs, très-affairés, enjambant les tas, arrachaient d'une poignée la paille des bourriches, les vidaient, les jetaient, vivement; et, sur les larges mannes rondes, en un seul coup de main, ils distribuaient les lots, leur donnaient une tournure avantageuse.
Zola, le Ventre de Paris, t. I, p. 148.
2 Ils (les frères) marchaient, silencieux, les uns, portant sous un bras de grands pains ronds, les autres, tenant (…) des mannes pleines de foin et d'œufs (…)
Huysmans, En route, II, II.
DÉR. Mannée, mannette.

Encyclopédie Universelle. 2012.