Akademik

ARABIE
ARABIE

L’Arabie, ultime et massif prolongement de l’Asie sud-occidentale, s’inscrit entre le golfe Persique, l’océan Indien et la mer Rouge que prolonge, au nord-est, la fosse du Jourdain. La péninsule d’Arabie, traversée en son milieu par le tropique du Cancer, est un immense désert de près de deux millions et demi de kilomètres carrés, rattaché géologiquement à l’Afrique dont seul l’effondrement récent de la mer Rouge le sépare. La plate-forme arabique, qui n’est accidentée qu’à l’est, le long du golfe d’Oman, par une seule ride montagneuse, est par contre relevée et brisée sur sa bordure sud-occidentale, au-dessus de la mer Rouge: là se dresse un massif de granite et de laves qui culmine à plus de 3 000 mètres dans l’extrême Sud: cette région doit à son altitude d’être assez arrosée pour avoir mérité, dès l’Antiquité, le nom d’«Arabie heureuse». Sur le reste de la péninsule s’étendent les déserts de sable et de rocailles les plus désolés du monde; en effet, à la sécheresse quasi totale s’ajoutent un froid très vif durant deux mois d’hiver et une chaleur torride le reste de l’année.

Foulée par le flux et le reflux des envahisseurs, la péninsule paraît habitée dès le IXe siècle avant J.-C. par une population de langue arabe. Celle-ci, en majorité nomade, organisée en tribus souvent dressées les unes contre les autres, ne parvint pas à s’organiser en entité durable. Pourtant, de la religion islamique, née au VIe siècle au cœur de l’Arabie, sortira, sinon le ciment, tout au moins un ferment puissant qui détermina et détermine encore le destin des peuples arabes.

1. L’Arabie préislamique

Avant l’histoire

À l’époque où l’Europe vivait sa dernière période glaciaire, l’Arabie semble avoir connu, grâce à une pluviosité plus abondante, un certain développement de sa végétation. Il devait y exister des savanes et des pâturages.

L’Arabie était habitée à l’époque quaternaire par des chasseurs utilisant des outils de pierre taillée. Au Hadramo t, les outils paléolithiques attestent une coupure radicale avec l’Afrique, plus avancée à l’époque. Au Rab‘al-Kh li, l’outillage néolithique montre au contraire des affinités avec l’Afrique.

Un peu partout dans la péninsule, on a signalé des tumulus de formes diverses, abritant une ou deux chambres funéraires, souvent entourés d’un mur circulaire. Ils sont dans certaines régions en nombre considérable : 1 500 au sud de Firzan dans l’oasis d’al-Kharj, 100 000 dans l’île de Bahrein. Ces monuments paraissent dater d’époques très différentes : les plus anciens pourraient remonter au début du IIIe millénaire avant J.-C.

Sur la côte du golfe Persique, des fouilles récentes (notamment danoises) ont révélé les restes impressionnants d’une culture en relation étroite avec celles de la vallée de l’Indus dans la seconde moitié du IIIe millénaire et au début du IIe. La capitale de l’île de Bahrein était conçue selon un plan géométrique et d’après les règles d’urbanisme appliquées sur l’Indus. Toute cette région devait former le pays de Dilmoun, intermédiaire commercial entre l’Inde et la Mésopotamie selon les textes sumériens et akkadiens. Magan, mentionné dans les mêmes textes comme exportant de la diorite et du cuivre vers la Mésopotamie, était probablement l’Oman. Les souverains d’Akkad envoyèrent dans ces régions des expéditions et elles leur auraient payé tribut.

Au nord-ouest, les représentations et les textes égyptiens depuis la plus haute antiquité situent vaguement (Sinaï, Syrie, Palestine, Midian) des nomades appelés de divers noms, surtout ‘Amou après une certaine époque, et dont certaines mœurs évoquent les Arabes nomades actuels : nomadisme perpétuel, fraternité de sang, etc. Les Égyptiens entrèrent certainement en contact direct ou indirect avec les régions d’Arabie du Sud productrices d’encens. Le Pount où ils allaient le chercher, entre autres produits, désigne peut-être parfois et la côte d’Afrique orientale et ces mêmes régions.

On tend à penser actuellement que le nomadisme chamelier, qui devait imposer sa marque pour plusieurs millénaires à l’Arabie, ne fut pas l’aboutissement d’une évolution économique autonome. Les cultivateurs néolithiques du Croissant fertile devaient déjà utiliser les herbages du désert, florissant en hiver et au printemps, pour y faire paître leurs troupeaux de petit bétail. Avec la domestication du dromadaire au cours de la seconde moitié du IIe millénaire avant J.-C., ce seraient surtout ces originaires des régions de vie rurale, éleveurs de petit bétail, qui auraient adopté le genre de vie imposé par l’élevage de cet animal.

Les Arabes dans le monde oriental ancien

Nous ignorons quand apparut en Arabie l’ethnie arabe, c’est-à-dire une population parlant la langue arabe. Cette population, sans doute peu nombreuse, peut-être celle-là même qui a introduit le nomadisme chamelier, dut assimiler des éléments plus anciennement établis.

Les textes akkadiens et hébraïques, à partir du IXe siècle avant J.-C., situent dans le désert syro-mésopotamien et le nord-ouest de l’Arabie une population dénommée en akkadien Aribi , Arabu , Arubu , en hébreu ‘Arab . D’après les noms propres que portaient ces gens, il s’agissait effectivement d’Arabes. La plus ancienne mention indiscutable des Arabes remonte à 853 avant J.-C.; cette année-là à Qarqar, en Syrie, le roi d’Assyrie Salmanasar III vainquit, suivant ses dires, les troupes coalisées des rois de Damas, de Hamath, d’Israël, d’Ammon et de Cilicie, ainsi que mille chameliers «de Gindibu du pays d’Arb i». Les annales assyriennes des siècles suivants narrent les luttes des monarques assyriens contre les Arabes, montés à dos de chameau, souvent soumis, mais toujours retournant à la rébellion. Ils sont souvent gouvernés par des reines qui sont en même temps des prêtresses ou des prophétesses. Leurs dieux sont pour la plupart araméens. Les textes hébraïques décrivent les Arabes du Nord comme des éleveurs, vendeurs d’agneaux, de béliers et de boucs, vivant de brigandage, ayant les tempes rasées. Ils citent souvent, comme dans les textes assyriens, le peuple de Qedar aux tentes noires (sans doute des Arabes de la Palmyrène), les Nebayoth (akkadien Nabayat) au nord du golfe d’‘Aqaba, les «fils de l’Orient» dont était Job lui-même. On parle d’Arabes renommés pour leur sagesse.

Nabonide, le dernier roi babylonien (556-539 av. J.-C.), conquit les oasis d’Arabie occidentale jusqu’à Médine et établit pendant dix ans sa capitale à Tayma. À la suprématie culturelle et à l’hégémonie partielle qu’exerçaient les États assyro-babyloniens sur les Arabes succédèrent celles de l’Empire perse. Cambyse partant conquérir l’Égypte (525 av. J.-C.) s’assura le concours d’un chef arabe du désert du Sinaï. En 481, l’armée de Xerxès contre les Grecs comprenait un contingent de chameliers arabes. C’est de cette époque, semble-t-il, que date la stèle araméenne de Tayma (Louvre), qui nous montre que les éléments sédentaires de l’Arabie du Nord-Ouest avaient adopté, en partie, l’araméen, langue de l’administration achéménide répandue alors dans tout le Croissant fertile, ainsi que les coutumes et les dieux de cette région.

LArabie du Sud et sa civilisation

La zone sudarabique, arrosée et cultivable, a été peuplée à une date inconnue par des populations parlant des dialectes sémitiques du groupe dit sudarabique (parent, mais distinct de l’arabe) et originaires sans doute du Croissant fertile. Ils ont assimilé les indigènes, ont aménagé le sol en terrasses et entrepris des travaux d’irrigation pour développer l’agriculture.

Un texte hébraïque, qui paraît remonter au IXe siècle avant J.-C., parle d’une reine de Saba qui aurait rendu visite à Salomon. Les gens de Saba ainsi que des tribus arabes du Nord envoient des chameaux et «toutes sortes de plantes odoriférantes» en tribut à Tiglatpilesar III, roi d’Assyrie (745-727). En 715 et en 685, les rois assyriens reçoivent des rois de Saba un tribut de pierres précieuses et d’aromates. De même, le livre d’Ézéchiel (vers 585?) parle des marchands de Saba qui vendent à Tyr des aromates, des pierres précieuses et de l’or.

Il existait donc un État de Saba dès le VIIIe et peut-être le IXe siècle avant J.-C. Nous possédons de nombreuses inscriptions en langue sudarabique. La chronologie reste discutée, mais les thèses de J. Pirenne plaçant les plus anciennes inscriptions au Ve siècle (et non au VIIIe) ont gagné de nombreux adhérents. Cependant de nombreux problèmes restent en suspens. La reconstitution de l’histoire sudarabique, à l’aide de textes souvent énigmatiques, est loin d’être accomplie de façon relativement sûre.

Au début du Ve siècle (?), un conquérant sabéen Karib’il Watar (toutes les voyelles des noms cités d’après les inscriptions sont hypothétiques) fit de grandes conquêtes et prit le titre énigmatique de mkrb (mukarrib ?), ce qui pourrait signifier «fédérateur». Il établit des colonies d’agriculteurs sabéens dans les divers États voisins de Saba. Jusqu’au début de l’ère chrétienne, les principaux États sont Saba (capitale M rib) au centre, M ‘ 稜n (capitale Qarnaw) au nord, Qatab n (capitale Timna‘) au nord-est, le Hadramo t (capitale Shabwa) à l’est, Aws n, État côtier à l’est d’Aden. Des luttes acharnées et obscures, des coalitions passagères divisent ou unissent ces États. À partir du IIe siècle avant J.-C., des tribus provinciales sabéennes du royaume de l’Ouest, notamment ネimyar (les Homérites des auteurs classiques) jouent un rôle de plus en plus important. En 24 avant J.-C., Auguste envoya le préfet d’Égypte, Aelius Gallus, conquérir la région. Mais les troupes romaines, si elles arrivèrent sans doute jusqu’à M rib, durent rebrousser chemin, épuisées, sans résultat durable. Le royaume minéen (de M ‘ 稜n) s’écroule vers 100 de l’ère chrétienne, le royaume de Qatab n vers 200, au bénéfice des Sabéens. De multiples dynasties sabéennes se disputent le territoire à l’ouest du Hadramo t.

Dès le Ve siècle avant J.-C., sinon plus tôt, des colonies sabéennes s’étaient établies en Éthiopie. Les colons sudarabiques d’Éthiopie forment des États qui, à partir du IIIe siècle de notre ère au moins, établissent à leur tour une tête de pont sur la côte arabe de la mer Rouge et interviennent dans les luttes des dynasties sudarabiques. Une région prend alors le nom d’Abyssinie (face="EU Dodot" ネabashat). Peu avant 300, le Hadramo t est conquis par un roi sabéen qui réalise une relative unité de l’Arabie du Sud et prend le titre de «roi de Saba, Dho Rayd n (c’est-à-dire ネimyar), Hadramo t et Yamanat (la côte sud de la mer Rouge) et leurs Arabes». Ces derniers étaient les tribus bédouines au service des divers États sudarabiques.

Vers 350, la capitale est transférée de M rib à ベafar en pays himyarite. L’évolution vers le monothéisme, déjà commencée, se précise. Un roi est apparemment converti au christianisme arien. Mais de nombreux éléments judaïsés existent déjà et il semble que, dès la fin du IVe siècle, le souverain passe au judaïsme. D’importantes communautés chrétiennes subsistent néanmoins et s’accroissent.

L’Arabie du Sud vivait de l’agriculture; un système de terrasses avait été mis au point par les cultivateurs sur les pentes montagneuses. L’introduction d’une technique de barrages et de canaux permit d’irriguer les plaines alluviales en bordure du désert. Les vallées abritées de l’intérieur, surtout à l’est, se consacrèrent à la culture des plantes aromatiques (encens, myrrhe, ladanum, etc.), très demandées par le monde méditerranéen antique. Au commerce des aromates vint s’ajouter le transit des produits précieux de l’Inde et de l’Afrique orientale vendus dans la zone méditerranéenne et vice versa. Les Sudarabiques tiraient de grands profits de tout ce trafic, surtout quand ils le pratiquaient eux-mêmes.

La structure de cette société sédentaire était à base tribale. Les États se constituaient par domination d’une tribu sur plusieurs autres dont elle exigeait des prestations. Au sein des tribus même, une hiérarchie existait. Les souverains et les hauts fonctionnaires étaient de grands propriétaires fonciers. Les temples constituaient de puissantes entreprises économiques.

L’Arabie du Sud fut, très souvent dans son histoire, émiettée en une foule de petits États. Les États plus importants cités ci-dessus furent relativement éphémères. Certains au moins, comme Qatab n, ont eu une constitution complexe avec des assemblées représentatives.

La richesse et le luxe des Sudarabiques (qu’on appelait les «Arabes heureux») étaient célèbres dans l’Antiquité. Les restes de leurs constructions, temples, palais, barrages sont impressionnants. Leur sculpture était souvent d’une facture maladroite, mais on a aussi des pièces stylisées, quasi cubistes, d’une belle pureté de lignes. L’influence grecque et indienne sur l’art est patente. L’écriture sudarabique est elle-même une œuvre d’art par l’élégante et rigoureuse régularité de ses caractères.

On rendait un culte à de nombreux dieux, notamment ‘Athtar, qui personnifie la planète Vénus, et les grands dieux lunaires, Almaqah en Saba, Wadd en M ‘ 稜n, ‘Amm en Qatab n, S 稜n au Hadramo t. On leur offrait de l’encens, des sacrifices, des prières et des pèlerinages. Les infractions aux prescriptions concernant le pur et l’impur faisaient l’objet de confessions publiques, rédigées sur des tablettes de bronze exposées dans les temples et étaient rachetées par une amende.

Les Arabes Scénites

Les conditions de vie dans le reste de la péninsule étaient très différentes. Les Bédouins (que les Grecs appelaient Arabes Scénites, ceux qui vivent sous la tente, puis Sarrasins) pratiquaient essentiellement l’élevage du dromadaire. Certains élevaient des caprins, parfois des ovins et de rares et précieux chevaux. Les groupes bédouins suivent le bétail qui assure leur subsistance, d’où un nomadisme d’inégale amplitude. Au «printemps», la pluie tombe, l’herbe verdoie un peu partout et les groupes se dispersent. À la saison sèche, on se regroupe autour des points d’eau pérennes ou en des districts où subsistent des arbres ou arbustes. Dans les oasis, des agriculteurs cultivent le palmier-dattier. Agriculteurs et éleveurs échangent leurs produits, non sans que les Bédouins abusent de leur supériorité militaire sur les paysans qu’ils méprisent.

La vie du Bédouin est pauvre, sa nourriture insuffisante, ses biens matériels peu nombreux. Il meurt souvent de faim au sens littéral des mots. On comprend dès lors qu’il ait souvent recours au brigandage. Les razzias entre clans sont la règle et n’ont rien de déshonorant.

La société bédouine est fragmentée en multiples sociétés économiques qu’on appelle des clans ou des sous-tribus. Les tribus sont des groupes de clans, plus ou moins artificiels, dont les relations étroites sont exprimées par des généalogies fictives. Parfois une tribu parvient à imposer sa suprématie à d’autres, mais en général de façon peu durable: les vrais États de l’Arabie déserte ont été, le plus souvent, imposés de l’extérieur. Ainsi, le royaume de Kinda protégé par les Sudarabiques. Des clans et des individus s’enrichissent par la razzia, le commerce, le prélèvement de prestations sur commerçants et agriculteurs, parfois sur d’autres nomades. Ils ont pu réduire des captifs en esclavage ou acheter des esclaves. Mais les conditions de la vie arabe se prêtent mal à l’assujettissement permanent d’une classe. Les affranchissements étaient fréquents, laissant subsister un lien de «clientèle».

Chaque groupe est solidaire, lié entre autres par l’endogamie, forme la plus fréquente du mariage. Il a un chef, le sayyid , désigné par les chefs de famille, mais dont l’autorité, précaire et toujours révocable, tient à son prestige et à son habileté. La sécurité de chacun n’est assurée que par la coutume de la vendetta: chaque crime aura son vengeur.

Pratiquement le seul art que connaît le désert est l’art de la parole. Le poète est un des personnages indispensables de la vie arabe. Il joue souvent le rôle de porte-parole de son groupe.

La religion était polythéiste. Partout se trouvent des djinns, esprits invisibles ou prenant des formes animales. Les morts survivent d’une existence déchue et fantomatique. Certains arbres et des pierres de forme curieuse étaient le siège d’esprits et de divinités. Des divinités résidaient au ciel et étaient même identifiées à des astres. Elles variaient suivant les régions. On invoquait partout, semble-t-il, All h, «le dieu, la divinité», personnification du monde divin sous la forme la plus haute, créateur de l’univers et gardien de la foi jurée, peut-être surnom d’un dieu autrement nommé (Hobal, l’idole en cornaline rouge adorée à La Mecque?). De grandes divinités étaient féminines: All t, «la déesse», Al-Ozz (l’une et l’autre personnifieraient Vénus, l’étoile du matin), Man t, déesse du sort.

De nombreux sanctuaires parsemaient le désert. Certains étaient des lieux de pèlerinages ( ムajj ) marqués par des tournées autour de l’objet sacré. Autour d’eux, des enceintes sacrées délimitaient un asile pour tout être vivant qui y pénétrait. Des familles sacerdotales en avaient la garde. On pratiquait beaucoup la divination et quelque peu la magie.

La valeur suprême du désert était la moro wa (virilité), fondée sur la solidarité nécessaire du groupe, comportant générosité, hospitalité, fidélité, centrée sur le concept d’honneur. C’est une sorte d’«humanisme tribal» où l’homme, intégré fortement dans son groupe, n’apparaît limité que par les vicissitudes du destin (dahr ) aveugle.

Les Arabes marginaux

Les sédentaires des oasis, des zones cultivables et des centres commerciaux du désert étaient sous la domination culturelle et souvent politique des Bédouins. Mais ils éprouvaient particulièrement aussi l’influence des cultures extérieures. C’est à eux qu’on doit, semble-t-il, beaucoup des graffiti dits «thamoudéens», écrits dans l’écriture proto-arabe qui est à la base aussi de l’écriture monumentale des Sudarabiques.

Les Minéens d’Arabie du Sud avaient établi des colonies sur la route caravanière qui allait en Palestine. Un centre minéen important se trouvait à Dedan (actuellement El-‘Ela, au nord du Hedjaz). Vers le IIe ou le Ier siècle avant J.-C., ce centre fut conquis par la tribu voisine de Lihyan. Les Lihyanites établirent un royaume dont des inscriptions et de belles statues attestent l’importance.

Dans la région au sud et à l’est de la mer Morte, des tribus arabes conquirent et absorbèrent le vieux peuple d’Edom (vers le VIe s. av. J.-C.). Elles fondèrent le royaume de Nabatène dont la capitale fut appelée par les Grecs Petra. Ces Nabatéens s’enrichirent grâce au commerce de transit et furent les alliés de Rome. La civilisation hellénistique dominait dans le royaume. En 106, Trajan l’annexa et en fit la Provincia Arabia.

Depuis longtemps, de nombreux Arabes faisaient pression sur les riches terres du Croissant fertile. Ils s’infiltraient, s’assimilaient, adoptaient la culture et la langue des Araméens plus ou moins hellénisés. Quand les États sédentaires étaient affaiblis, ils formaient de petits États arabes plus ou moins éphémères: Palmyre, ville arabe de riches commerçants, bâtit au IIIe siècle un véritable empire qui dura peu. Des Arabes de Syrie parvinrent à la tête de l’Empire romain: Élagabal, grand-prêtre de la Pierre noire d’Émèse (Homs) en 218, Philippe de Chahba au Hauran en 248.

Des coalitions de tribus se faisaient et se défaisaient, donnant parfois l’apparence de grands États. À la fin du IIIe siècle, la famille des Lakhm, de la tribu de Tano kh, paraît avoir dominé tout le désert syrien. Un de ses membres, Imrou l-Qays, mort en 328, se prétendait «roi de tous les Arabes» et aurait assiégé la lointaine Najr n en Arabie du Sud; il semble avoir été plutôt l’allié des Romains. Ses descendants, résidant à H 稜ra en Mésopotamie, se mirent au service des Sassanides iraniens et protégèrent le christianisme nestorien. Ils luttèrent au service de leurs suzerains contre les Romains. Pour les combattre, les souverains byzantins firent choix, vers 500, d’une autre famille arabe, celle de Ghass n qui nomadisait vers la Transjordanie. Les Ghass nides adoptèrent le christianisme monophysite, et leurs luttes, au service de Byzance contre les Lakhmides, furent célèbres. Les deux familles protégeaient les poètes du désert et tenaient une cour somptueuse.

2. La préparation de l’Islam

La lutte des empires

Alors que la scène politique d’une vaste région du globe était dominée par la lutte entre les Romains et les Perses Sassanides, l’Arabie, en marge de ces deux grandes puissances, en subissait le contrecoup. Cela se marquait notamment, sur le plan idéologique, par la pénétration du christianisme monophysite ou diphysite modéré lié à Byzance, du christianisme nestorien et du judaïsme protégés par la Perse.

Toutes ces religions étaient présentes en Arabie, notamment en Arabie du Sud. Les juifs avaient établi des colonies agricoles au Hedj z et étaient nombreux en Arabie du Sud où le monarque semble s’être converti au judaïsme à la fin du IVe siècle. Vers 510, un roi d’un judaïsme militant arrive au pouvoir, Yo ssouf As’ar Yath’ar, que la tradition arabe connaît sous le nom de Dho Now s. Il persécute les chrétiens. Byzance poussa l’empire chrétien d’Éthiopie à la revanche. Il fallut deux expéditions éthiopiennes pour abattre Dho Now s vers 525 (?). Les Éthiopiens placèrent la région sous l’autorité d’un noble sudarabique rallié. Une révolte amena au pouvoir un ancien esclave, Abraha, champion du christianisme mais qui oscillait entre les deux puissances. Son rapprochement avec Byzance et l’Éthiopie, accentué sans doute par ses successeurs, déclencha une contre-offensive persane. Peu avant 600, une armée persane venue par mer se rendait maîtresse du Yémen.

L’Arabie du Sud, malgré les apparences de puissance qu’elle garda longtemps, déclinait tant sur le plan économique que politique. Les luttes du VIe siècle lui furent fatales. Son déclin donnait de l’importance aux Bédouins, ceux-ci remplacèrent souvent les Sudarabiques comme trafiquants et caravaniers. À la même époque, les infiltrations arabes dans le Croissant fertile et en Arabie du Sud se font plus massives et plus cohérentes. Un afflux d’argent se déversait sur l’Arabie déserte. Des centres commerciaux comme La Mecque prospéraient. L’économie monétaire exerçait son influence dissolvante habituelle sur les structures tribales et sur les valeurs traditionnelles. Les grosses fortunes individuelles éloignaient les riches des pauvres, distendaient les liens tribaux. Les cultes traditionnels subissaient la concurrence des religions universalistes, judaïsme et christianisme, qui accordaient une valeur éminente à l’individu. Mais leurs liaisons politiques externes poussaient beaucoup d’Arabes à rechercher des voies indépendantes dans la même orientation.

LÉtat musulman de Médine

La Mecque (en arabe Makka) était un centre commercial important établi autour d’un sanctuaire réputé. Elle était habitée par la tribu de Qoraysh, vouée presque totalement au VIIe siècle au trafic caravanier. Un membre de cette tribu, Mohammed ibn ‘Abdall h, en français Mahomet (né dans les années 570), orphelin, pauvre, puis agent commercial d’une riche femme d’affaires qu’il finit par épouser, Khad 稜ja, était à la recherche de nouvelles voies religieuses. Vers 610, il reçut les premières révélations célestes et il prêcha qu’All h était tout-puissant, qu’il était le seul Dieu et qu’il fallait se préparer au grand Jugement. La secte, qui réunit autour de lui une poignée de Mecquois à l’esprit libre, fut persécutée. En 622, le Prophète et ses sectateurs cherchèrent refuge dans l’oasis de Médine ou Yathrib.

Mahomet fut accueilli par les deux tribus païennes et les trois tribus juives de Médine, divisées par des querelles incessantes, comme un arbitre inspiré par le Ciel. Un pacte régla leurs rapports. Mahomet conduisit les émigrés mecquois venus avec lui et des volontaires médinois au pillage des caravanes qorayshites. En 624, à Badr, il défit une armée qorayshite venue défendre ses biens. En 625, il fut par contre vaincu à Ohod, mais les Qorayshites durent renoncer à prendre Médine en 627 après un siège vain.

À Médine, la communauté constituée autour de Mahomet s’accrut peu à peu. Les fidèles s’appelaient (au singulier) moslim (en français: musulmans), c’est-à-dire soumis à All h. Mahomet, repoussé par les Juifs dont il croyait à La Mecque suivre à peu près le message, donna des traits plus spécifiquement arabes à sa doctrine. Son groupe, enrichi par la guerre privée, acquit peu à peu les caractéristiques d’un État théocratique. Il finit par dominer pratiquement Médine dont il chassa et en partie massacra les Juifs. Il engagea des pourparlers avec les tribus arabes du Hedj z, puis de toute la péninsule. Un réseau de pactes finit par le lier à la plupart des tribus arabes. Une conversion même superficielle à l’islam, la nouvelle religion, était en général exigée. Les tribus alliées payaient l’aumône légale ou zak t (une taxe spéciale était perçue sur ceux qui restaient juifs ou chrétiens), s’engageaient à ne plus attaquer d’autres groupes musulmans et à participer à la guerre contre les non-musulmans, bénéficiant du butin pris sur ceux-ci.

À La Mecque même, la puissance révélée du système institué par Mahomet inclinait d’éminents Qorayshites à rechercher la conciliation avec celui-ci. Après des péripéties diverses, La Mecque capitula en 630 devant l’armée musulmane. Les idoles y furent détruites. L’aristocratie qorayshite se fit offrir des fonctions importantes par son ancien ennemi.

La pax islamica s’étendait alors sur presque toute la péninsule. Mais les relations des tribus avec Médine étaient infiniment variées; le degré de conversion, d’adhésion et de fidélité au système musulman était différent. Mahomet songea peut-être à diriger vers l’extérieur les énergies et les appétits de la masse arabe qu’il dominait. En 629 et en 630, il organisa des expéditions vers le nord, qui atteignirent les marches de l’Empire byzantin. Une troisième était prête à partir, quand il mourut, le 8 juin 632 (an 11 de l’hégire).

L’Arabie à la mort du Prophète

La mort de Mahomet privait la jeune communauté musulmane non seulement de son chef religieux, mais aussi d’un chef politique dont le prestige et l’autorité avaient permis de créer une unité qui risquait de se dissoudre rapidement. En effet, le Prophète n’avait rien prévu pour sa succession, et chacun des clans réunis sous sa bannière essaya de pousser son candidat, tandis que certaines tribus faisaient sécession, reprenant leur complète indépendance. On vit ainsi s’opposer les Médinois, revendiquant l’honneur d’appartenir à la ville choisie comme résidence par le Prophète, et les Mecquois, concitoyens d’origine de Mahomet. Opposition également entre les Anç r (auxiliaires), qui furent les premiers Médinois à soutenir Mahomet, et les Mouh jjiro n (émigrés), premiers fidèles du Prophète; opposition encore entre les convertis de longue date et les néo-musulmans tels les Qorayshites. Enfin, un certain nombre de tribus bédouines, qui s’étaient ralliées à Mahomet parce que celui-ci représentait la force et l’autorité, mais qui supportaient peut-être difficilement les impositions, abandonnèrent l’islam pour suivre de faux prophètes ou pour reprendre leurs habitudes antérieures.

3. L’Arabie depuis la mort de Mahomet

Querelles et divisions

S’il y eut discorde à Médine, cela ne dura pas, car Anç r et Mouh jjiro n comprirent vite que cette discorde pouvait entraîner la ruine et la destruction de la communauté musulmane. L’influence des Mouh jjiro n l’emporta, appuyée sur le fait qu’à la fin de sa vie Mahomet avait désigné l’un d’eux, Abou Bekr, pour diriger la prière. Soutenu par Omar b. al-Khatt b, celui-ci fut nommé calife (khal 稜fat an-nab 稜 , successeur du Prophète); il semble que les Qorayshites se soient ralliés facilement à ce candidat, qui faisait l’unanimité par ses qualités de croyant de la première heure, de beau-père de Mahomet, d’homme simple, intègre et désintéressé. Il fut donc reconnu comme chef de la communauté par les «sédentaires». Il n’en fut pas de même des Bédouins.

En effet, certaines tribus, comme celles des Asad et des Ghatafan, se soulevèrent dans le centre et le sud de l’Arabie; elles trouvèrent un appui auprès des faux prophètes qui utilisèrent le mécontentement des tribus, dû à l’obligation de payer l’impôt et à la suprématie des sédentaires sur les nomades au sein de la communauté. Face à cette révolte, Abou Bekr se montra intransigeant: les tribus lui devaient obéissance entière, comme à Mahomet, et devaient payer l’impôt (zak t); le refus de payer l’impôt fut considéré comme une apostasie. Abou Bekr entreprit sans tarder de refaire l’unité musulmane en Arabie; ses troupes, placées sous le commandement de Kh lid b. al-Wal 稜d, soumirent rapidement les Asad et les Ghatafan et leur prophète Toulayha. Puis il se tourna contre les autres tribus soulevées, et d’abord les Banou Tam 稜m qui dans le nord-est de la péninsule avaient un moment suivi la prophétesse Sajjah: celle-ci, dès la mort de Mahomet, avait prêché un vague christianisme et la lutte contre les musulmans. Ayant échoué dans ses tentatives de regroupement des adversaires de l’islam, elle se réfugia en Mésopotamie où elle mourut peu après; les Banou Tam 稜m furent rapidement soumis.

Plus redoutables furent les Banou Han 稜fa qui s’étaient groupés dans la région du Yem ma, autour de Mousaylima: celui-ci se prétendait prophète et l’égal de Mahomet. Il prêchait au nom du Dieu ar-Rahm n (le Clément), et lui-même se proclamait ar-Rahm n. Sa doctrine prônait l’ascétisme et la chasteté et était plus ou moins imprégnée de christianisme. Mousaylima acquit une assez grande audience et il ne fallut pas moins de deux armées musulmanes pour venir à bout des Banou Han 稜fa, qui finalement furent massacrés en même temps que Mousaylima. À la suite de cette victoire, Kh lid put soumettre les populations du Bahreïn et du golfe Persique, elles aussi révoltées sous la conduite d’un descendant des anciens souverains de Hir ; puis ce furent les tribus du ‘Om n qui subirent la loi des musulmans. Restaient le Yémen et le Hadramao t. Après la prise de La Mecque par Mahomet, les tribus du Yémen étaient venues faire leur soumission au Prophète; celui-ci avait envoyé auprès d’elles des missionnaires qui étaient en même temps des collecteurs d’impôts; leur attitude parfois brutale déclencha une insurrection dans le Hadramao t, du vivant même de Mahomet. Puis un prophète apparut, al-Assouad, surnommé Dho l-Khim r (l’Homme au voile) qui, à l’annonce de la mort de Mahomet, prit l’offensive et s’empara du Yémen. Il fut assassiné peu après, mais un de ses partisans, Qaïs, continua la lutte contre les musulmans. Une armée envoyée par Abou Bekr reconquit le Yémen, puis le Hadramao t. Moins d’un an après la mort du Prophète, les révoltes locales étaient écrasées, l’Arabie soumise à l’islam dans sa totalité: elle connut alors une unité politique qu’elle ne devait plus retrouver par la suite.

Les premiers califes

Sous les trois premiers califes, Abou Bekr, ‘Omar et ‘Othm n, l’Arabie connut une période de prospérité et de richesse grâce au butin que les conquérants de la Syrie, de l’Irak et de l’Égypte envoyaient à La Mecque et à Médine. Mais le luxe entraîna un relâchement des mœurs dont on rendit responsable ‘Othm n, qui fut assassiné en 35/656. Par ailleurs la désignation de ‘Ali, gendre et cousin de Mahomet, comme calife suscita contre lui l’opposition d’un certain nombre de notables et, malgré ses victoires sur eux, ‘Ali abandonna Médine et l’Arabie pour s’installer en Irak, à Koufa. De son côté, son principal adversaire, Mo‘ wiya, faisait de la Syrie et de la Palestine le centre de son pouvoir; l’Arabie perdit alors sa prééminence, surtout après la victoire de Mo‘ wiya sur ‘Ali. Durant les règnes des califes omeyyades Yaz 稜d (680-683) et ‘Abd al-Malik (685-705), l’Arabie se trouva sous l’autorité de Ibn al-Zoubayr, opposant déterminé des Omeyyades: de violents combats se déroulèrent jusque dans La Mecque, mais finalement Ibn al-Zoubayr fut vaincu et tué, et les califes de Damas administrèrent l’Arabie par l’intermédiaire de gouverneurs établis à La Mecque et à Médine pour l’Arabie occidentale (Hedjaz et Yémen) et à Basra pour l’Arabie orientale. Les villes saintes furent l’objet de soins constants des califes, et elles devinrent des centres intenses et prospères de vie religieuse et intellectuelle.

Les ‘Abb size=5sides

Cette situation se prolongea sous les premiers califes ‘abb sides, qui avaient succédé en 750 aux Omeyyades; le déplacement de la capitale musulmane de Damas à Bagdad donna une impulsion nouvelle au commerce dans le golfe Persique, ce dont profita partiellement la côte orientale de l’Arabie. Mais des difficultés d’origine religieuse et politique troublèrent la paix du pays: ce furent d’abord des Ibadites, musulmans rattachés à la secte des Kharidjites, qui se rendirent indépendants dans le ‘Om n et le demeurèrent pendant près de quatre siècles. Ensuite, les descendants de ‘Ali, déçus par les ‘Abb sides, firent de l’Arabie occidentale, à La Mecque, à Médine et au Yémen, le terrain d’élection de leur propagande politico-religieuse durant la majeure partie du IXe siècle; des dynasties locales s’établirent au Yémen, au Hadramao t et au Yem ma. Au siècle suivant, les Karmates ismaéliens mirent la main sur la quasi-totalité de l’Arabie, s’emparèrent de La Mecque et transportèrent en 930 la Pierre noire de la Ka‘ba (ou Kaaba) dans leur nouvelle capitale, al-Ahs (ou al- ネas ): ils ne la rendirent que vingt ans plus tard. Au milieu du Xe siècle fut créée l’institution du chérifat de La Mecque, qui devait durer mille ans. Du XIe au XVe siècle, si les califes f timides, puis les Seldjoukides, les Ayyoubides et enfin les Mamelouks exerçaient une autorité nominale sur les villes saintes, en revanche les autres régions de l’Arabie échappaient à leur contrôle et menaient chacune une existence indépendante sous la direction de sayyids ou d’im ms locaux.

Les Rasoulides

Au Yémen en particulier apparut la dynastie des Rasoulides, qui, pendant plus de deux siècles, se maintint au pouvoir (1228-1446): certains de ses souverains connurent dans le domaine des arts et des lettres un grand renom; d’autres furent, en mer Rouge et dans l’océan Indien, de sévères concurrents pour les négociants égyptiens. Dans le ‘Om n, la communauté ibadite instaura un régime électif qui, aux XVe et XVIe siècles, assura la succession ininterrompue de ses im ms. C’est dans le courant du XVe siècle que l’ancêtre de la famille Séoud, M ni‘b. Rab 稜’a al-Mourayd 稜, s’établit dans le Nedjd, dans le W di Han 稜fa. En 1506, au Yémen, Sharaf ad-d 稜n Yahy restaura la dynastie des im ms zaydites – qui a duré jusqu’à la révolution de 1962 – et établit sa capitale à San‘ . C’est également vers cette époque que le café fut introduit au Yémen dont il devait devenir pour un certain temps une des principales richesses d’exportation.

Les Ottomans

Après la conquête de l’Égypte (1517), les Ottomans étendirent leur domination sur l’Arabie (les sultans portèrent le titre de «serviteur des deux villes saintes») et, pour éliminer le danger portugais, Soliman le Magnifique mit sous son contrôle les petits États du golfe Persique, notamment Qatif et Bahreïn, Mascate et Aden où un gouverneur ottoman fut installé. Toutefois, l’Arabie était loin d’Istanbul et les Ottomans ne contrôlèrent pratiquement que le Hedjaz, cependant que les marchands anglais et hollandais faisaient dès le XVIIe siècle leur apparition en mer Rouge et dans le golfe Persique.

Mais ce qui devait surtout apporter de profondes modifications en Arabie fut la diffusion vers le milieu du XVIIIe siècle des idées réformistes de Mo ムammad b. ‘Abd al-Wahh b, père du wahh bisme dont se réclamèrent par la suite nombre de nationalistes arabes. Ibn ‘Abd al-Wahh b condamnait toutes les innovations apportées par les califes depuis les Omeyyades, rejetait la domination ottomane et visait à instaurer en Arabie, et éventuellement dans l’ensemble du monde musulman, un islam purifié, semblable à celui de l’époque du Prophète et de ses successeurs immédiats. Ibn ‘Abd al-Wahh b acquit une grande audience dans le Nedjd et reçut l’appui de Mo ムammad b. Séoud dont le fils, ‘Abd al-‘Aziz, soumit tout le Nedjd à son autorité et y imposa la doctrine wahh bite (fin du XVIIIe s.); il se heurta ensuite aux chérifs de La Mecque et occupa même la ville en 1803; bientôt, presque toute l’Arabie tomba au pouvoir des Saoudiens contre lesquels le sultan ottoman envoya le gouverneur de l’Égypte, Mo ムammad Al 稜, qui détruisit ce premier État saoudien en 1818, mais la dynastie wahh bite des Séoud persista dans le centre de l’Arabie.

La pénétration anglaise et les indépendances

De leur côté, les Anglais établissaient leur protectorat de fait sur les émirats du golfe Persique: ‘Om n, Mascate, Côte des Pirates, Bahreïn et Koweït à partir de 1838, tandis que le territoire d’Aden devenait une colonie britannique en 1839. Seul à ce moment le Hedjaz demeurait province ottomane; toutefois, profitant de dissensions au sein de la dynastie saoudite (dont la capitale était alors Riy d), les Ottomans parvinrent à rétablir leur autorité sur l’Arabie orientale en soutenant la famille des Rash 稜d, de Ha’il, et sur une partie du Yémen, notamment la région de San‘ . Dépossédés de Riy d par Rash 稜d, les Saoudiens, sous la conduite de ‘Abd al-‘Aziz b. Séoud, purent reprendre leur capitale en 1902; dix ans plus tard, ils occupaient une large partie de l’Arabie centrale ainsi que la région du Hasa, sur la côte du golfe Persique. ‘Abd al-‘Aziz créa sur son nouveau domaine des communautés d’Ikhw n (Frères) qu’il établit en divers points du Nedjd.

Durant la Première Guerre mondiale, les Anglais, qui contrôlaient déjà une grande partie de la côte du golfe Persique, exercèrent une influence prépondérante sur les Saoudiens grâce à Harry Saint John Philby et sur le chérif de La Mecque, Husayn b. ‘Al 稜 (de la famille hashémite), grâce au fameux colonel Thomas Edward Lawrence. Celui-ci poussa à la révolte arabe contre les Turcs, en 1916, et ces derniers durent alors évacuer l’Arabie. Dans la pointe sud-ouest de la péninsule, au Yémen, l’im m zaydite Yahy b. Mo ムammad se rendit totalement indépendant; au sud-est, l’im m du ‘Om n et le sultan de Mascate, grâce à la médiation anglaise, conclurent un traité de bon voisinage. Tandis que les Britanniques poussaient en avant le chérif Husayn, proclamé roi des Arabes, puis calife en 1924, ‘Abd al-‘Aziz, plus connu désormais sous le nom d’Ibn Séoud, s’empara en 1920 de la région de l’Asir, se fit reconnaître sultan du Nedjd, puis attaqua le Hedjaz: La Mecque fut occupée en 1925 puis Djedda à la fin de la même année; le 8 janvier 1926, Ibn Séoud se fit proclamer roi du Hedjaz; un an plus tard, le 29 janvier 1927, était constitué officiellement le «royaume du Hedjaz, du Nedjd et de ses dépendances». En 1932, ce royaume devint le royaume d’Arabie Saoudite dont les frontières avec le Yémen furent délimitées à la suite d’une guerre menée contre l’im m Yahy en 1934, la région de Nadjr n revenant alors à Ibn Séoud.

Grâce à l’exploitation du pétrole, objet d’une prodigieuse expansion à partir de 1938, et plus encore de 1967, grâce aussi à la stabilité d’un régime qui a connu toutefois quelques incidents (assassinat du roi Fayçal en 1975, occupation de la Grande Mosquée de La Mecque en 1979, mort violente de milliers de pèlerins en 1987 et 1990, tension avec l’Iran), l’Arabie Saoudite est devenue la puissance majeure du Proche-Orient. Le gouvernement saoudien a encouragé les mouvements islamistes tout en resserrant les liens avec les États-Unis.

Le Yémen, indépendant depuis 1934, a ensuite été soumis au régime autoritaire de l’im m Yahy (assassiné en 1948) et à celui, plus ouvert, de son fils Sayf al-Isl m Ahmad dont la mort en 1962 a été suivie par une guerre civile (1962-1969) qui s’acheva par la victoire des républicains. La République du Yémen du Nord a connu cependant révoltes de tribus, coups d’État, relations difficiles avec le Yémen du Sud. Celui-ci a constitué après l’indépendance acquise en 1967 une République populaire et démocratique, à l’orientation très marxisante, et entretenu des liens étroits avec l’U.R.S.S. Là aussi, une guerre civile, en 1986, a créé une situation difficile. Finalement, en mai 1990 a été opérée la fusion entre les deux Yémens, avec pour capitale San‘a; le président est nord-yéménite et le gouvernement est dirigé par l’ancien chef du Yémen du Sud; mais des tensions subsistent. Lors de la crise du Golfe, le Yémen a pris parti pour l’Irak en raison des problèmes qui l’opposent à l’Arabie Saoudite.

Les émirats du Golfe ont acquis leur indépendance: Koweït en 1961 (indépendance suivie par une attaque déclenchée par l’Irak, mais contrecarrée par la Ligue des États arabes), Bahreïn, Qatar et la Fédération des Émirats arabes unis en 1971. L’expansion de leur production pétrolière a fait d’eux les États les plus riches du monde. Quant au ‘Om n, indépendant depuis longtemps, il a connu une insurrection dans la province du Dhofar (1965-1975), mais a depuis lors mené une politique de progrès et de développement. Dans tous ces États, le pouvoir est entre les mains des anciennes familles dirigeantes qui se sont regroupées au sein du Conseil de coopération du Golfe afin de coordonner leur politique extérieure et leur défense.

L’invasion du Koweït par l’Irak en août 1990 a eu pour conséquence une collaboration étroite, diplomatique et militaire entre les États de la péninsule (à l’exception du Yémen), les États arabes du Proche-Orient (sauf la Jordanie) et les puissances occidentales. La guerre déclenchée le 17 janvier 1991 s’est terminée le 28 février par la défaite de l’Irak, la libération du Koweït et l’affirmation de la prééminence de l’Arabie Saoudite au Proche-Orient.

Arabie
péninsule, à l'extrémité S.-O. de l'Asie, située entre la mer Rouge, la mer d'Oman et le golfe Persique; 3 000 000 km²; env. 23 000 000 d'hab.
Les conquêtes romaine (IIe s.) et perse (VIe s.) de certaines parties de la péninsule ne lui donnèrent pas l'unité de civilisation que lui apporta l'islam à partir du VIIe s. Auj. les états arabiques sont: l'Arabie Saoudite, le Yémen, Oman, le Qatar, le Koweït, Bahreïn, les émirats arabes unis. Le pétrole constitue la grande ressource écon. de la péninsule, qui abrite par ailleurs les principaux lieux saints de l'islam.

Encyclopédie Universelle. 2012.