HÉTÉROCYCLES
Les hétérocycles sont des composés chimiques dont la chaîne carbonée, cyclique, comporte un ou plusieurs atomes autres que le carbone (hétéroatomes). Ils occupent une place chaque jour plus importante dans la chimie organique. Ces molécules réunissent en effet dans une même structure les caractères remarquables des composés cycliques saturés, partiellement saturés ou aromatiques, et ceux non moins intéressants des groupements fonctionnels construits autour des hétéroatomes.
Bien que dans certains cas (hétérocycles saturés en particulier) le comportement de ces molécules ne diffère pas sensiblement de celui de leurs analogues à chaîne ouverte, dans de très nombreux autres la cyclisation entraîne l’apparition de propriétés nouvelles, qui font de la plupart des molécules hétérocycliques les pièces uniques d’un ensemble original aux multiples applications.
Ces cycles peuplent abondamment les séries des composés naturels les plus divers, animaux ou végétaux, et la chimie des médicaments naturels ou de synthèse leur est redevable de ses plus belles réussites. Les mystérieuses propriétés des acides nucléiques en particulier sont directement liées à de subtiles différences de structure caractéristiques de quelques hétérocycles seulement. Peu d’industries fines peuvent se passer des hétérocycles, celle des colorants leur doit beaucoup, et la photographie en couleur n’existerait pas sans eux. L’industrie chimique plus lourde met à profit la très grande réactivité de certains d’entre eux, comme les époxydes, pour produire des matières intermédiaires, fondamentales pour l’économie moderne.
On conçoit que l’extrême diversité de ces composés rende difficile leur présentation dans un cadre logique, leur étude a cependant fait depuis le début du siècle suffisamment de progrès pour qu’une analyse systématique puisse être proposée sur la base de critères relativement simples.
1. Classification et nomenclature
Les hétérocycles sont habituellement classés selon le nombre de cycles et, pour chaque cycle, sa taille, son degré d’insaturation, le nombre et la nature des hétéroatomes.
Il est aisé de prévoir que le nombre des hétérocycles possibles est extrêmement grand, c’est pourquoi on se limitera ici aux cas les plus typiques. On considérera avant tout les dérivés monocycliques en ne citant que quelques exemples particulièrement importants de composés polycycliques. La nomenclature est aujourd’hui à peu près systématisée, bien qu’un grand nombre de composés hétérocycliques courants portent des noms particuliers, adoptés par l’usage.
La nature des hétéroatomes présents dans le cycle est indiquée par un préfixe: oxa- (oxygène); thia- (soufre); séléna- (sélénium); aza- (azote); phospha- (phosphore); sila- (silicium); bora- (bore).
Le nombre des chaînons du cycle est indiqué par la racine: -ir- = 3; -et- = 4; -ol- = 5; -in- = 6; -ep- = 7; -oc- = 8; -on- = 9; -ec- = 10.
Le degré d’insaturation est indiqué par un suffixe qui varie avec la taille du cycle et la nature des hétéroatomes. Le tableau résume les principaux noms usuels d’hétérocycles, et la figure 1 donne quelques exemples de nomenclature. On trouvera les règles de nomenclature et de numérotage des hétérocycles dans les ouvrages cités dans la bibliographie.
On suivra l’usage le plus répandu en se référant successivement pour les monocycles aux trois paramètres: nombre de chaînons, nombre d’hétéroatomes, degré d’insaturation puis homologues polycycliques. Les hétérocycles monocycliques les plus nombreux comportent cinq ou six chaînons et un, deux et plus rarement trois ou quatre hétéroatomes. Ceux d’entre eux qui sont entièrement ou partiellement saturés ont des propriétés physiques et chimiques généralement assez voisines de celles de leurs analogues à chaîne ouverte. Par contre ceux qui présentent une conjugaison cyclique se rapprochent dans une large mesure de leurs homologues homocycliques, les dérivés benzénoïdes: ils manifestent une aromaticité plus ou moins prononcée [cf. AROMATICITÉ].
2. Hétérocycles à trois et quatre chaînons
Hétérocycles monohétéroatomiques à trois chaînons
Les composés saturés de base sont l’aziridine ou éthylène-imine, l’oxiranne et le thiiranne.
Préparation
Une méthode générale (réaction 1) consiste à traiter par une base un dérivé difonctionnel-1,2 dans lequel l’une des fonctions, nucléophile, apporte l’hétéroatome Z (amine Z = NH, alcool Z = O, thiol Z = S) et l’autre, Y, est un groupe facilement remplaçable par un mécanisme S2 (ou éventuellement S1) comme un halogène, une fonction ester sulfonique, un groupe ammonium quaternaire. Le rôle de la base est d’activer la réactivité nucléophile de la fonction ZH en la transformant en sa base conjuguée Z-. Cette méthode est encore utilisée à l’échelle industrielle pour préparer l’époxypropane ou oxyde de propylène à partir de la chlorhydrine du propylène glycol (chloro-1-hydroxy-2-propane) dérivant elle-même du propylène (réaction 2).
Une méthode également générale de préparation des oxirannes ou époxydes consiste à traiter une oléfine par un réactif apportant un atome d’oxygène électrophile, et qui peut être soit un peracide, soit un hydroperoxyde en présence de catalyseur (réaction 3).
L’oxyde d’éthylène, ou oxiranne, est préparé industriellement par oxydation directe de l’éthylène par l’air ou l’oxygène à 280 0C sur catalyseur hétérogène à base d’argent.
Propriétés chimiques
Bien que ces composés hétérocycliques à trois chaînons soient des analogues cycliques respectivement des amines, des éthers et des thio-éthers, leur réactivité chimique est considérablement supérieure à celle de ces fonctions aliphatiques. Cette réactivité particulière est attribuée à la structure (électronique et géométrique) de ces cycles à trois chaînons, comparable, dans une certaine mesure, à celle du cyclopropane.
Les réactifs nucléophiles attaquent ces cycles en les ouvrant selon un mécanisme inverse de celui de leur formation (réaction 4): l’ouverture du cycle se produit alors au niveau de l’atome de carbone le moins substitué (SN2 sensible à l’effet stérique); en catalyse acide par contre, l’ouverture se produit le plus souvent au niveau de l’atome de carbone le plus substitué (importance relative du mécanisme S1).
Les organométalliques conduisent à l’amine, l’alcool ou le thiol de la classe la plus élevée. Certains réactifs électrophiles (acides, sels de magnésium) catalysent l’isomérisation des époxydes en dérivés carbonylés: préparation de l’éthanal à partir de l’oxyde d’éthylène en présence de bromure de magnésium.
Des réactions de polyaddition, très importantes au plan industriel, sont provoquées par des quantités catalytiques d’agents nucléophiles ou électrophiles: l’oxyde d’éthylène conduit ainsi aux di-, tri-..., polyéthylèneglycols.
Usages
Seuls les époxydes ont trouvé des applications intéressantes. L’oxyde d’éthylène est fabriqué par oxydation directe de l’éthylène, il est l’un des intermédiaires importants de la pétroléochimie moderne. Il sert à fabriquer le glycol (antigel, fibres synthétiques), les polyéthylèneglycols, les éthanolamines (bases), les éthers des mono- et polyglycols (solvants), des détergents non ioniques, et il est lui-même employé comme biocide.
L’oxyde de propylène est fabriqué à partir du propylène soit par le procédé à la chlorhydrine, soit par époxydation directe. Il sert principalement à produire les polypropylèneglycols, matières premières de la fabrication des polyuréthanes (mousses souples ou rigides, matières plastiques).
Hétérocycles monohétéroatomiques à quatre chaînons
Les composés saturés de base sont l’azétidine ou triméthylène-imine, l’oxétanne ou oxyde de triméthylène et le thiétanne ou sulfure de triméthylène.
Parmi les principaux dérivés de ce groupe, il faut citer les azétidinones-2, ou 廓-lactames, et les oxétannes-2, ou 廓-lactones. Les pénicillines contiennent un cycle 廓-lactame et sont d’importants antibiotiques.
Préparation
Les dérivés cycliques non fonctionnels sont préparés par substitution nucléophile intramoléculaire d’un dérivé 塚-halogéné, d’une amine (ZH = NH2), d’un alcool (ZH = OH) ou d’un thiol (ZH = SH) [réaction 5]. Le rôle de la base est encore de rendre plus nucléophile le groupe fonctionnel 漣 ZH en le transformant en sa base conjuguée 漣 Z 漣. Une méthode commode et générale de préparation des 廓-lactames et des 廓-lactones consiste à faire réagir un cétène respectivement sur un dérivé carbonylé ou une imine (réaction 6).
Propriétés chimiques
Les composés saturés présentent une réactivité intermédiaire entre celle des homologues cycliques à trois chaînons et celle des fonctions aliphatiques correspondantes. Les dérivés 見-carbonylés se comportent essentiellement comme des dérivés cycliques de la fonction acide carboxylique. Les 廓-lactones par exemple subissent la coupure alkyle-oxygène des esters sous l’action d’un nucléophile en catalyse basique tandis que la coupure acyle-oxygène se produit de préférence en catalyse acide (réaction 7).
3. Hétérocycles à cinq chaînons
Hétérocycles monohétéroatomiques à cinq chaînons
Nomenclature et composés importants
Les trois cycles de base des composés monocycliques aromatiques (formule 8) sont le pyrrole (Z = NH), le furanne (Z = O) et le thiofène (Z = S). Les radicaux qui en dérivent sont appelés respectivement pyrrolyle, furyle et thiényle. Le radical furyl-2-méthyle est appelé furfuryle.
Le cycle du pyrrole se rencontre dans de nombreux composés naturels; ainsi les pigments biliaires, qui renferment quatre cycles pyrroliques en chaîne ouverte; les pigments du sang comme l’hémine, constituant de l’hémoglobine, qui renferme quatre cycles pyrroliques en chaîne fermée dont les atomes d’azote sont les ligands d’un complexe du fer [cf. HÉMOGLOBINOPATHIES]; les chlorophylles, dont la structure tétrapyrrolique cyclique est stabilisée par complexation d’un atome de magnésium; la vitamine B12. Le thiofène et ses homologues se rencontrent dans certains pétroles et dans la fraction benzénique des distillats de goudrons de houille.
Les composés monocycliques non aromatiques de base sont les pyrroles di- ou tétrahydrogénés, appelés respectivement pyrrolines et pyrrolidines, les di- et tétrahydrofurannes et di- et tétrahydrothiofènes. Deux amino-acides importants, la proline et l’hydroxyproline, sont des dérivés de la pyrrolidine. Le cycle du tétrahydrofuranne se rencontre dans de nombreux sucres (hexoses) comme par exemple le 廓D-fructofurannose encore appelé fructose. L’un des dérivés naturels les plus importants du tétrahydrothiofène est la vitamine H ou biotine, présente dans le jaune d’œuf.
Les dérivés de fusion en 見, 廓 d’un cycle benzénique sur les hétérocycles pentagonaux aromatiques (formule 9) portent des noms particuliers: l’indole (Z = NH), le benzofuranne ou coumarone (Z = O) et le thionaphtène (Z = S). Les isomères correspondant à la fusion en 廓, 塚 (formule 10) sont appelés iso-indole, isocoumarone et isothionaphtène. Parmi les dérivés bicycliques importants, on peut citer un amino-acide essentiel, le tryptophane; une hormone végétale, l’acide indolyl-3-acétique (hétéro-auxine); l’indigo, une des premières matières colorantes naturelles employées dans l’industrie, et les nombreux alcaloïdes indoliques comme la yohimbine et la strychnine. Dans certains composés bicycliques, l’hétéroatome d’azote est lui-même engagé dans les deux cycles. C’est le cas en particulier de l’indolizine (formule 11).
Préparation
Deux méthodes principales sont utilisées pour la synthèse des hétérocycles de cette série:
– les réactions avec formation d’une liaison entre l’hétéroatome et le squelette carboné; les cycles à caractère aromatique peuvent être obtenus à partir des 塚-dicétones. De nombreuses réactions particulières ont été développées pour la synthèse de ces hétérocycles (réactions 12);
– la réaction avec formation de la liaison C3 漣 C4; ici aussi de nombreuses voies ont été proposées, particulièrement en série pyrrolique. On citera seulement: la synthèse des pyrroles selon Knorr, condensation d’un ester 廓-cétonique avec une 見-aminocétone (réaction 13); la synthèse des indoles selon Fischer, qui correspond à un réarrangement orthobenzidinique d’une phénylhydrazone (réaction 14); la synthèse de Hantzsch qui utilise une cétone 見-halogénée dans une réaction avec une énamine, un ester 廓-cétonique ou une aniline pour donner respectivement un pyrrole, un furanne ou un indole (réaction 15).
Propriétés chimiques
Les réactions typiques de l’hétéroatome des amines, éthers et sulfures aliphatiques ne se retrouvent pas ici, ce qui s’explique aisément par la participation d’un doublet non partagé de l’hétéroatome à la conjugaison cyclique de la molécule avec, comme conséquence, la non-disponibilité de ce doublet pour les réactifs électrophiles. Cette conjugaison est cependant assez limitée dans le cas de l’oxygène si l’on considère la relative facilité avec laquelle les furannes subissent la cyclisation de Diels-Alder, caractéristique des diènes conjugués.
La structure électronique correspond (cf. AROMATICITÉ) à une diminution du caractère aromatique dans l’ordre thiofène, pyrrole, furanne, et on rencontre effectivement des réactions d’addition avec le furanne. Les réactifs électrophiles attaquent souvent l’atome de carbone en position 2 des monocyles, et la vitesse de réaction est alors très supérieure à celle du benzène. Les dérivés benzo-, par contre, réagissent de préférence en position 3. Les effets d’activation ou de désactivation sont analogues à ceux qu’on observe en série benzénique (réactions 16).
La nitration du thiofène donne plus de 80 p. 100 de nitro-2 et moins de 10 p. 100 de nitro-3-thiofène. La sulfonation de cet hétérocycle, plus facile que celle du benzène, fournit l’acide thiényl-2-sulfonique. L’halogénation conduit aux dérivés 見-mono- et 見見 -dihalogénés du thiofène. Dans les mêmes conditions, le pyrrole subit des résinifications. En présence de catalyseur de Friedel et Crafts le thiofène peut être acylé. D’autres réactifs électrophiles réagissent avec le furanne, le pyrrole et le thiofène, notamment les acides conjugués des aldéhydes et des cétones, et on observe, dans ces séries, des réactions de chloro- et d’aminométhylation. Les furannes et les pyrroles sont sensibles aux agents oxydants, les thiofènes sont plus résistants à ces agents; ils donnent parfois des produits d’oxydation au niveau du soufre (sulfones). Le pyrrole se distingue essentiellement des amines secondaires par l’acidité particulière de sa fonction NH, conséquence de la participation du doublet de l’atome d’azote à la conjugaison cyclique de la molécule. Cet atome d’hydrogène peut être remplacé par du magnésium dans la réaction du pyrrole ou de l’indole avec un organomagnésien, et le dérivé obtenu réagit facilement pour donner des produits de substitution en position-2 (pyrrole) et -1 ou -3 (indole). Les dérivés organoalcalins correspondants sont obtenus par action des métaux eux-mêmes ou de leurs amidures. Les thiofènes sont réduits par le nickel de Raney avec désulfuration: cette réaction est utilisée en synthèse pour construire de longues chaînes carbonées (réaction 17).
Les dérivés hydroxylés, aminés et thiohydroxylés de ces hétérocycles ont un comportement tautomère qui les distingue de la série aromatique normale (réactions 18).
Les pyrrolénines et indolénines sont des isomères des pyrroles et des indoles. Leur réactivité est assez différente et, en particulier, les indolénines sont plus basiques que leurs isomères indoliques.
Un dérivé indolénine important est la base de Fischer obtenue par action d’une base sur un sel quaternaire de triméthyl-1, 3, 3-indoléninium et qui, par condensation avec les aldéhydes salicyliques, donne (réactions 19) des produits de condensation spiropyranniques jouissant de propriétés photochromes [cf. PHOTOGRAPHIE].
Hétérocycles di- ou polyhétéro-atomiques à cinq chaînons
Nomenclature et composés importants
Les cycles de base les plus importants de cette série comportent au moins un hétéroatome d’azote; on les désigne sous le nom d’azoles.
Les hétérocycles purement azotés comprennent (fig. 2) le diazole-1,2 ou pyrazole, le diazole-1,3 ou imidazole, le triazole-1, 2, 3 ou -1, 2, 4, le tétrazole et le pentazole.
Les principaux hétérocycles contenant deux hétéroatomes différents sont (fig. 2) l’oxazole-1,3, l’oxazole-1,2 ou isoxazole, le thiazole-1,3, le thiazole-1,2 ou isothiazole. Les oxa- et thiadiazoles ont des nomenclatures évidentes.
Parmi les composés importants de cette série, il faut citer l’histamine responsable des allergies humaines, l’alcaloïde pilocarpine, la vitamine B1 qui contient le cycle thiazolium et le cycle pyrimidine.
Préparation
Les méthodes de synthèse dépendent du nombre et de la position relative des hétéroatomes. Parmi les méthodes générales, on peut citer les suivantes:
– lorsque les deux hétéroatomes sont en position-1,2, on condense un dérivé 廓-difonctionnel avec un réactif qui apporte les deux hétéroatomes (hydrazine ou diazoalcanes) pour les pyrazoles (réaction 20), hydroxylamine ou oxyde de nitrile pour les oxazoles. Si le réactif correspondant n’existe pas ou n’est pas stable (thiolamine par exemple), on procède à la fermeture du cycle au niveau de la liaison-1,2 par une réaction appropriée, comme l’oxydation, sur un dérivé 塚-difonctionnel;
– lorsque les deux hétéroatomes sont en position-1,3, plusieurs méthodes sont possibles; l’une des plus connues, celle de Hantzsch, condense un dérivé carbonylé 見-halogéné avec un amide (oxazoles), un thioamide (thiazoles) ou une amidine (imidazoles).
Propriétés chimiques
Les plus importants des hétérocycles à caractère aromatique sont les azoles dont les propriétés sont semblables à la fois à celles des cycles monohétéroatomiques, pyrrole, furanne, thiofène, et à celles de la pyridine. Les diazoles (pyrazole et imidazole) sont l’objet d’une protomérie. Ce sont des composés basiques par leur azote du type pyridinique, mais ils peuvent être également acides par un azote du type pyrrolique.
Les réactifs électrophiles attaquent de préférence l’atome d’azote de type pyridinique: on peut ainsi obtenir des sels quaternaires (azolium) par action d’un halogénure d’alkyle. Les réactions de substitution électrophile, caractéristiques des composés benzénoïdes, se retrouvent dans cette série de composés; toutefois, la nitration, la sulfonation et la réaction de Friedel et Crafts, qui sont généralement réalisées en milieu acide, se produisent en fait sur l’acide conjugué (azolium) de l’hétérocycle, et sont moins rapides qu’en série aromatique homocyclique. L’orientation de ces réactions de substitution électrophile résulte d’une superposition des effets des hétéroatomes, déjà observés à propos des hétérocycles monohétéroatomiques: un azote pyridinique désactive le cycle et oriente en méta-.
En présence d’une base, les diazoles se transforment en anions très sensibles à l’attaque par un réactif électrophile. Les réactifs nucléophiles attaquent de préférence les atomes de carbone situés en 見 de l’hétéroatome le plus électron-attracteur. Les cations azolium sont particulièrement sensibles à l’attaque par ces réactifs ainsi que par les bases, et les réactions de ce type ont une grande importance pratique dans la synthèse des colorants sensibilisateurs chromatiques des émulsions photographiques (cyanines).
Les hétérocycles non aromatiques de ce groupe réagissent d’une manière analogue à celle de leurs homologues aliphatiques. La seule réaction particulière (réaction 21) qu’ils présentent est l’aromatisation par perte d’un proton (milieu basique) puis d’un ion hydrure (milieu oxydant).
4. Hétérocycles à six chaînons
Hétérocycles monohétéroatomiques à six chaînons
Nomenclature et composés importants
Les cycles de base de cette série sont donnés dans la figure 3: pour l’hétéroatome azote, la pyridine, les dihydropyridines et, notamment, les pyridones, la pipéridine ; pour l’hétéro-atome oxygène ou soufre, les 2H-pyranne et thiopyranne et les 4H-pyranne et thiopyranne et, notamment, les pyrones, les 2 et 3 dihydropyranne et thiapyranne, et le tétrahydropyranne ou oxanne.
De très nombreux composés de ce groupe ont une importance pratique: on y rencontre par exemple des vitamines du complexe B (pyridoxine ou B6, nicotinamide ou PP), la vitamine E, de nombreux alcaloïdes (nicotine, papavérine), les sucres pyrannosiques (glycopyrannose), des colorants naturels (anthocyanidines).
Préparation
Les méthodes sont très nombreuses. Parmi celles qui partent d’une chaîne ouverte, citons la synthèse des pyridines et dihydropyridines selon Hantzsch (ester 廓-cétonique + aldéhyde + ammoniac), celle des quinoléines selon Skraup (addition de Michaël d’un dérivé carbonylé 見, 廓-éthylénique sur une aniline, suivie d’une cyclisation acido-catalysée et d’une oxydation), celle des 塚-pyrones (cyclisation de 廓- 嗀-tricétones), celles des thiapyrannes par cyclisation radicalaire de mercaptans 﨎-éthyléniques.
Propriétés chimiques
Composés à caractère aromatique
La pyridine présente une bonne réactivité de son atome d’azote vis-à-vis des réactifs électrophiles (réaction 22). Elle forme des sels avec les acides protoniques (pyridinium), des complexes de coordination avec les acides de Lewis et les cations des métaux de transition, des adduits avec les halogènes et l’anhydride sulfurique, et des sels quaternaires avec les halogénures d’alkyle réactifs. Les peracides la transforment en N-oxyde. Les atomes de carbone du cycle en 廓 de l’azote sont assez difficilement attaqués par les réactifs électrophiles; comme dans le cas des azoles, la protonation de l’azote en milieu acide, difficilement évitable, rend l’attaque encore plus lente. Cette orientation est conforme aux prévisions basées sur la théorie de la substitution électrophile en série benzénoïde.
Conformément aux prévisions de la même théorie, les réactifs nucléophiles attaquent de préférence en position-2 (réaction 23). L’attaque par les radicaux libres est moins sélective, elle se porte essentiellement sur les positions -2 et -4.
Les 見- et 塚-pyridones réagissent conformément aux prévisions de la théorie: les réactifs électrophiles attaquent soit l’atome d’oxygène carbonylique, soit l’atome de carbone en position-3, tandis que les réactifs nucléophiles attaquent soit en position-2, soit en position-4. Les N-oxydes présentent une réactivité particulière: les électrophiles les attaquent en position-4 et les nucléophiles forts en position-2 avec départ de l’oxygène (réactions 24).
Les sels de pyridinium, de pyrylium et de thiapyrylium sont très réactifs vis-à-vis des nucléophiles qui les attaquent en position-2 ou -4. Les groupes méthyle portés par ces cycles sont eux-mêmes très réactifs (condensation en cyanines). Les sels quaternaires de pyridinium, portant à l’azote un groupe fortement électron-attracteur, présentent l’intéressante propriété d’ouvrir leur cycle en milieu basique pour former la chaîne de l’aldéhyde glutaconique (réaction 25). Les groupes fonctionnels hydrogénés (face=F0019 漣 OH, 漣 SH, 漣 NH2) fixés en positions-2 et -4 sont susceptibles de protomérie (réaction 26).
Dérivés di-, tétra- et hexahydrogénés
Les dérivés dihydrogénés sont peu stables en série azotée: les dihydropyridines et quinoléines sont facilement oxydées en dérivés aromatiques. En série oxygénée et sulfurée l’aromatisation est également facile quoique les pyrannes ( 見 ou 塚) et les thiapyrannes ( 見 ou 塚) soient aisément isolables. Les dérivés tétra- et hexahydrogénés peuvent être aromatisés par oxydation, mais cette réaction est plus difficile que dans le cas précédent.
La stéréochimie des cycles saturés (pipéridine, tétrahydropyranne) est analogue à celle du cyclohexane.
Hétérocycles di- ou polyhétéroatomiques à six chaînons
Nomenclature et composés importants
Parmi les dérivés monocycliques on doit citer les trois diazines isomères: pyridazine, pyrimidine et pyrazine (fig. 4). Le cycle pyrimidine intervient dans de nombreux composés d’intérêt biologique, notamment les acides nucléiques. On le rencontre également dans la vitamine B1 et dans des médicaments de synthèse comme les acides barbituriques.
Parmi les dérivés oxygénés et sulfurés des azines, les oxazines et les thiazines, on peut citer le bleu de méthylène ainsi que certains médicaments tranquillisants et anti-histaminiques (phénothiazines).
Préparation
Les méthodes de synthèse dépendent du nombre et de la position relative des hétéroatomes.
Lorsque les deux hétéroatomes sont en position-1,2: on condense un dérivé 塚-difonctionnel avec un réactif qui apporte les deux hétéroatomes (hydrazine, hydroxylamine, eau oxygénée). La cyclisation de Diels Alder peut également être réalisée sur un diénophile bihétéroatomique (azoïque, dérivé nitrosé).
Lorsque les hétéroatomes se trouvent en position-1,3: de nombreuses méthodes sont possibles, condensation d’un dérivé 廓-dicarbonylé avec une amidine qui apporte les deux hétéroatomes d’azote ou, inversement, condensation d’un dérivé 塚-difonctionnel avec un ester carbonique qui apporte l’atome de carbone en position-2.
Lorsque les hétéroatomes se trouvent en position-1,4: on peut condenser un dérivé 廓-difonctionnel avec un réactif à deux carbones ( 見-dicétone), ou bien condenser sur lui-même un dérivé 見-difonctionnel.
Propriétés chimiques
La chimie des diazines est la mieux connue, elle se déduit assez correctement de celle de la pyridine. La basicité des diazines est nettement plus faible que celle de la pyridine, les pKa de ces bases sont respectivement 5,2 pour la pyridine; 0,4 pour la diazine-1,2; 1,1 pour la diazine-1,3 et 2,1 pour la diazine-1,4; parallèlement, la réactivité nucléophile des atomes d’azote hétérocycliques est plus faible.
L’attaque du cycle par les réactifs électrophiles est encore plus difficile que pour la pyridine. Par contre les réactifs nucléophiles réagissent bien avec ces substrats.
Les hétérocycles non aromatiques réagissent d’une manière analogue à celle de leurs homologues aliphatiques; ils présentent toutefois une nette tendance à l’aromatisation sous l’action des oxydants.
Encyclopédie Universelle. 2012.