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HÉRÉSIE
HÉRÉSIE

Le terme «hérésie» désigne un phénomène capital de l’histoire du christianisme, les divergences qui l’ont déchiré et dont certaines ont abouti à la création d’Églises séparées, comme celles qui sont issues de la Réforme protestante. Ces différends ont dépassé le cadre strictement religieux et ont parfois changé la face du monde. Étant donné qu’il implique un jugement de valeur, le mot est d’un usage délicat. Son terrain d’origine est, en effet, celui des conflits entre l’Église hiérarchique et des courants doctrinaux différents de l’enseignement établi; les autorités cléricales l’ont employé pour exclure de tels mouvements en les accusant d’apostasie et d’imposture. Le grief d’hérésie entraînait à plus ou moins brève échéance une mesure d’excommunication, au terme de procédures diverses selon les époques et les lieux. Le sens péjoratif du mot dans le langage courant conserve la trace laïcisée de ces coutumes et correspond à la forme la plus aiguë de mésentente intellectuelle. Dans l’histoire des religions, le terme est appliqué par analogie à des tendances dissidentes même en dehors du christianisme.

Diversité des hérésies

Les hérésies ont joué un rôle considérable dans l’Antiquité tardive et au Moyen Âge. En un temps où toute la société était marquée par la religion, les innovations doctrinales pouvaient exprimer les aspirations les plus fondamentales et elles avaient ainsi, inéluctablement, des conséquences politiques. Sans reprendre un schéma simpliste qui réduirait toutes ces mutations au jeu de facteurs sociaux, on est obligé d’admettre leur influence pour comprendre la puissance des hérésies et leurs effets. Dès l’Antiquité, la crise donatiste, qui secoue l’Afrique du Nord, a tous les traits d’un mouvement socio-religieux.

Au Moyen Âge, certains courants hétérodoxes, d’origine populaire, sont même, à leur racine, l’expression d’un ressentiment social, tels ceux qui se manifestent à partir de l’an mil. Nombre d’hérésies veulent réformer l’Église et le monde dans le sens de la pauvreté et de la pureté et produisent des utopies qui mobilisent les énergies, ainsi le joachimisme en Italie et dans les provinces occitanes de la France. La réaction de l’Église officielle est souvent violente; les moyens qu’elle emploie pour combattre les hérésies au XIIIe siècle font de cette période l’une des plus sombres de son histoire. Il suffit de citer la croisade organisée par la papauté contre les Cathares du Languedoc et le recours à l’Inquisition et de rappeler la collusion, en cette affaire, des intérêts de l’Église et de ceux des princes. L’hérésie peut traduire aussi la rébellion d’un sentiment national autant que social: c’est le cas, après la mort de Jan Hus sur le bûcher en 1415, du hussitisme en Bohême, qui dresse les Tchèques contre l’Empereur. Il arrive même que, dans les ruptures hérétiques, les divergences doctrinales aient une part très faible par rapport aux oppositions ethniques: celles-ci l’emportent, par exemple, à l’origine des Églises orientales non orthodoxes au VIe siècle.

Réalité multiforme, l’hérésie a été, tour à tour ou à la fois, protestation religieuse, innovation ou réaction théologique, exigence de réforme, création d’une religion nouvelle, revendication sociale, dissidence ethnique, résistance nationaliste. Les conflits dont elle a été le prétexte ont donné leur part de bruit et de fureur à l’histoire humaine. Elle a produit aussi des systèmes conceptuels et moraux parmi les plus subtils ou les plus puissants que l’esprit ait inventés, depuis les spéculations des gnostiques jusqu’à l’œuvre d’un Luther. Elle n’a pas été sans effet non plus dans le domaine artistique, soit que les artistes aient emprunté des symboles aux représentations jugées hérétiques, soit qu’ils aient soumis leur création au verdict des Églises officielles, ou encore que d’autres aient retenu les formes exacerbées du phénomène pour les intégrer à une esthétique révolutionnaire de la rupture.

Hérésie et schisme

La distinction s’est faite très tôt entre hérésie et schisme, même si on ne la trouve juridiquement exprimée que dans le droit canon de la papauté médiévale. Ainsi Origène se demande-t-il, au IIIe siècle, s’il faut considérer le montanisme, un mouvement prophétique, comme une hérésie ou un schisme. D’un côté, il s’agit de rompre avec la tradition doctrinale de la grande Église et de revendiquer en même temps une légitimité fondée sur la personne et le message du Christ; de l’autre, de faire sécession pour protester contre une forme particulière de l’épiscopat ou contre ses décisions en matière de discipline. Mais les mobiles du schisme et de l’hérésie s’additionnent souvent. Il est clair, par exemple, que la Réforme possède les deux caractères; et le parti catholique n’a pas manqué d’appliquer à la fois les qualificatifs de schismatiques et d’hérétiques aux protestants. Si un groupe perçu comme hérétique par les clercs peut revendiquer son appartenance à l’Église et vivre sur ses marges, dès lors qu’il est formellement rejeté, il crée un schisme, si du moins il se constitue en Église rivale. Tel est le cas du marcionisme au IIe siècle. Inversement, les accusations réciproques d’hérésie peuvent conforter dans leurs positions respectives les partisans et les adversaires d’un schisme, comme cela s’est produit pour Novatien et les rigoristes qui refusaient de reconnaître les évêques suspects de tiédeur lors de la persécution de Dèce. Il reste que les questions doctrinales ont eu un rôle secondaire dans certains des plus grands schismes, par exemple dans celui qui a fini par séparer l’Église byzantine et celle d’Occident.

La répression des hérésies

Avant que le christianisme ne devienne religion d’État sous Constantin, seules les mesures disciplinaires prises par les autorités ecclésiastiques frappent les hérétiques. En plus de l’exclusion de ceux-ci, elles peuvent ordonner la destruction de leurs ouvrages. Origène y fait allusion, pour critiquer un tel usage. Mais, dans l’Empire chrétien, les hérétiques subissent souvent, en outre, des peines temporelles, telles que le banissement et la perte de leurs droits civils. Le premier à être condamné à mort, cependant, est l’évêque espagnol Priscillien, exécuté à Trèves en 385 sur l’ordre de l’empereur Maxime. Si les théologiens de l’époque savent justifier de telles violences, celles-ci émanent du pouvoir impérial, qui voit dans les hérésies des sources de troubles sociaux et politiques. Les codes Théodosien (438) et Justinien (529) comportent des dispositions sévères. Mais c’est en Occident, au Moyen Âge, au XIIIe siècle, que se multiplient les exécutions des irréductibles, que les autorités de l’Église, avec la mise en place de l’Inquisition, prennent l’initiative de livrer au bras séculier. Dans les Églises issues de la Réforme, la rigueur est de règle au début. Sous la pression des événements, Luther lui-même durcit son attitude. Calvin considère que l’État a le devoir de punir par le glaive le «blasphème contre Dieu». Le supplice de Servet à Genève en 1553 trouble fort les esprits. Mais, au XVIIIe siècle, les luthériens allemands vont jusqu’à répudier la catégorie même d’hérésie. Si Schleiermacher l’a réintroduite dans la dogmatique, c’est à titre de problème théorique.

Les origines

Le terme d’hérésie renvoie à un schème idéologique emprunté au grec. Dans l’historiographie hellénistique, hairesis désigne un courant de pensée, rattaché de manière assez lâche aux écoles philosophiques pourvues d’institutions stables, telles que l’Académie de Platon ou le Lycée. Avant les chrétiens, les juifs d’expression grecque ont adopté le terme pour l’appliquer aux tendances internes du judaïsme, celles des pharisiens et des sadducéens par exemple, dans un sens neutre. Telle est encore sa valeur dans les Actes des Apôtres. Cependant, saint Paul l’emploie déjà pour réprouver la formation de «partis» dans les communautés chrétiennes. En outre, les écrits du Nouveau Testament attestent l’existence de différends nombreux et mettent en garde contre les faux prophètes. Mais les représentations de l’erreur sont très diverses. Elles le restent à l’étape des Pères dits apostoliques. Il faut attendre le milieu du IIe siècle pour qu’apparaisse un modèle commun destiné à justifier l’exclusion, sous le nom d’hérésies, de doctrines jugées perverses. L’intervention de Justin martyr, à Rome, est déterminante. Il exploite dans un sens péjoratif l’analogie avec les appellations des écoles de pensée grecques, rapportées à leurs fondateurs, pour priver les adversaires de la référence au Christ et souligner l’origine humaine et, au-delà, diabolique, de leurs opinions. Il reprend ainsi un thème traditionnel, qui fait du diable et des démons mauvais les inspirateurs de l’erreur. Dérivant de l’apostasie de Satan et des ennemis du Christ, l’hérésie devient une réalité radicalement étrangère au christianisme. Justin systématise cette représentation polémique en proposant un ordre de succession des hérésies et en esquissant le thème qui fait de Simon le Mage le père de toutes les hérésies. La liste des hérétiques implique la création d’une succession authentique, remontant au Christ. Le précédent du judaïsme rabbinique, qui, après la ruine du Temple, a réussi à imposer l’unicité d’une orthodoxie fondée sur une succession légitime, a eu probablement sur ce point une influence. Ces composantes de la notion d’hérésie sont développées et complétées par Irénée en 180 environ. Il accentue l’altérité des «sectes» en dénonçant des liens avec le paganisme ou l’hellénisme, ébauchant un motif appelé à un grand avenir, celui de la philosophie comme pourvoyeuse des hérésies. On trouve chez lui une liste de succession des évêques de Rome, qui s’oppose à la tradition de l’erreur et à la multiplicité des hérésies. Il joint, en effet, à la thèse de l’engendrement issu de Simon celle des dissensions entre les sectes, qui rivalisent dans le mensonge et l’absurdité. L’instrument dont il dispose ainsi a un grand pouvoir réducteur: il peut faire entrer dans la même série, sous le nom d’Ébionites, les judéo-chrétiens – restés proches, par l’observance, les croyances ou la conception de l’Écriture, des origines juives du christianisme – et les gnostiques, qui répudient le Dieu de l’Ancien Testament. Et le procédé de l’amalgame, à jamais fécond en hérésiologie, est omniprésent.

Deux faits sont aussi à considérer. D’une part, le contexte intellectuel dans lequel s’est élaborée chez Justin la notion d’hérésie explique le primat de l’aspect doctrinal. Ce trait a été fort commode par la suite: il a permis de masquer l’appartenance effective des «hérétiques» au christianisme, en laissant dans l’ombre leur pratique ecclésiale, et de maintenir à l’écart les causes non théologiques des conflits. D’autre part, à l’époque où les premiers traités antihérétiques ont été composés, le danger le plus grave venait des gnostiques. Or le gnosticisme chrétien était l’une des formes d’un mouvement religieux qui dépassait les limites du christianisme. Cette donnée a rendu plus plausible, au départ, l’argument soulignant l’altérité de l’hérésie.

La naissance de la notion d’hérésie a coïncidé avec la définition de concepts fondamentaux de l’ecclésiologie, ceux de tradition et de succession. Les débats qui l’ont accompagnée ont donné, en outre, son essor à la réflexion théologique. Le contenu de la foi n’a été d’abord déployé intellectuellement qu’à la faveur de la discussion des thèses jugées hérétiques. Cela reste vrai pour une grande part aux siècles suivants, comme l’attestent les controverses associées aux grands conciles, ceux de Nicée ou de Chalcédoine par exemple. Dès l’origine aussi, l’interprétation de la Bible et même la formation du canon scripturaire ont figuré parmi les enjeux principaux des dissensions que recouvre le grief d’hérésie. De part et d’autre, la référence à l’Écriture a été la pierre de touche de l’orthodoxie et le développement des méthodes exégétiques s’en est profondément ressenti.

L’image traditionnelle de l’histoire de l’Église, tracée fermement par Eusèbe de Césarée, mais présente dès les débuts de l’hérésiologie, suppose à l’origine la pureté et l’unité de la foi et fait de l’hérésie un phénomène postérieur, un abandon ou une trahison. Cette conception classique, perpétuée dans l’historiographie confessionnelle, a été renversée par W. Bauer en 1934 dans un livre qui ne cesse depuis lors d’alimenter le renouvellement des études sur le sujet. La plus assurée des thèses de Bauer est celle qui conclut à la diversité des formes du christianisme primitif, à l’influence prépondérante, en certains endroits, de tendances considérées par la suite comme hérétiques et à la portée toute relative des concepts d’hérésie et d’orthodoxie. Elle rétablit les droits de l’historien en un domaine que des siècles d’apologétique, de divergences confessionnelles, de querelles théologiques, voire de guerres, ont livré aux passions partisanes.

hérésie [ erezi ] n. f.
eresie v. 1120; lat. hæresis « doctrine », spécialt en lat. ecclés., du gr. hairesis « opinion particulière »
1(Dans la relig. cathol.) Doctrine, opinion émise au sein de l'Église catholique et condamnée par elle comme corrompant les dogmes. hétérodoxie, secte. Théologien coupable d'hérésie. hérésiarque. Personne qui soutient une hérésie. hérétique. Principales hérésies : adamisme, arianisme, calvinisme, jansénisme, luthéranisme, manichéisme, montanisme, protestantisme, quiétisme, socinianisme. L'hérésie des vaudois. Hérésie qui provoque un schisme. Être excommunié pour hérésie. « L'hydre de l'hérésie » (Chateaubriand).
Par ext. Doctrine contraire à l'orthodoxie au sein d'une religion établie. Les hérésies musulmanes.
2Idée, théorie, pratique qui heurte les opinions considérées comme justes et raisonnables. Une hérésie scientifique, littéraire. Par plais. Servir du bourgogne rouge avec le poisson ! Quelle hérésie ! C'est une hérésie ! 1. sacrilège.

hérésie nom féminin (latin haeresis, opinion, du grec hairesis, choix, de haireîn, saisir) Selon la théologie catholique, conception erronée en matière de foi d'un élément essentiel du dépôt révélé, ou refus volontaire d'admettre comme telle une vérité définie par le magistère. Dans une religion constituée, doctrine qui s'oppose à l'orthodoxie, au dogme. Idée, opinion, pratique qui s'oppose aux idées, aux opinions généralement admises : Une hérésie scientifique.hérésie (citations) nom féminin (latin haeresis, opinion, du grec hairesis, choix, de haireîn, saisir) Raymond Aron Paris 1905-Paris 1983 Toute foi nouvelle commence par une hérésie. Ce que je crois Grasset François Mauriac Bordeaux 1885-Paris 1970 Académie française, 1933 Un théologien a le droit d'affirmer qu'il sait comment Dieu juge une hérésie, non comment il juge ceux qui professent cette hérésie. Journal Grasset Aurore Dupin, baronne Dudevant, dite George Sand Paris 1804-Nohant, Indre, 1876 Les hérésies sont la grande vitalité de l'idéal chrétien. Étude sur le Père Hyacinthe Isaac Félix, dit André Suarès Marseille 1868-Saint-Maur-des-Fossés 1948 L'hérésie est la vie de la religion. C'est la foi qui fait les hérétiques. Péguy Émile-Paul Thomas Hobbes Westport, Wiltshire, 1588-Hardwick Hall 1679 Ceux qui approuvent une opinion l'appellent opinion ; mais ceux qui la désapprouvent l'appellent hérésie. They that approve a private opinion call it opinion ; but they that dislike it, heresy. Leviathan, I, 11hérésie (synonymes) nom féminin (latin haeresis, opinion, du grec hairesis, choix, de haireîn, saisir) Dans une religion constituée, doctrine qui s'oppose à l'orthodoxie, au...
Synonymes :
- hétérodoxie
- schisme
Contraires :
- orthodoxie
Idée, opinion, pratique qui s'oppose aux idées, aux opinions généralement...
Synonymes :
- déviation
- sacrilège
Contraires :
- conformisme
- rite
- tradition

hérésie
n. f.
d1./d RELIG CATHOL Doctrine contraire à la foi, condamnée par l'église catholique. L'hérésie arienne.
|| Toute doctrine contraire aux dogmes établis, au sein d'une religion quelconque.
d2./d Opinion, doctrine, pratique en opposition avec les idées communément admises. Cette théorie fut d'abord considérée comme une hérésie scientifique.
|| Plaisant Ce mélange de couleurs est une hérésie.
Encycl. Relig. - Dès les temps apostoliques, le christianisme connaît des hérésies "judaïsantes" ou "hellénisantes", qui portent sur la nature de Jésus, homme pour les uns, dieu pour les autres. Aux IVe et Ve s. apparaissent les hérésies trinitaires; la plus connue est l' arianisme qui affirme que le Père seul est Dieu et que le Fils est donc subordonné au Père; les Vandales qui occupèrent l'Afrique du Nord (430-530) étaient ariens. Parmi les hérésies christologiques des Ve et VIe s., le monophysisme affirme qu'il n'y a en Jésus qu'une seule nature, la nature divine; c'est la foi des Coptes (égypte) et, par eux, de l'église d'éthiopie. Le bogomilisme, forme de manichéisme née en Bulgarie au Xe s., gagna Byzance, puis, au XIIe s., la France où il fut pratiqué par les cathares. à partir du XIe s., les hérésies portent principalement sur la pratique religieuse et l'organisation de l'église. L'Anglais Wycliff au XVIe s., le Bohémien Hus au XVe s., l'Allemand Luther et le Français Calvin au XVIe s. visaient à réformer l'église. Leurs mouvements, qui furent alors des schismes (protestantisme), ont connu ensuite des déviations doctrinales. Aujourd'hui, l'église catholique, tout en restant théoriquement aussi intransigeante face aux positions hétérodoxes, privilégie le dialogue. - Du fait de l'absence de magistère unique, il n'y a pas, dans l'islam, de définitions dogmatiques, donc d'hérésies, mais seulement des schismes ou des écoles théologiques dont les autres groupes religieux ne mettent pas en doute l'appartenance à la foi musulmane.

⇒HÉRÉSIE, subst. fém.
A. — THÉOL. Doctrine, opinion qui diffère des croyances établies, condamnée par l'Église catholique comme contraire aux dogmes. Anton. orthodoxie. Hérésie cathare; abjurer l'hérésie. L'hérésie est moins à craindre aujourd'hui que l'irréligion (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 418). Qu'était l'hérésie albigeoise? Un mouvement politique (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 67) :
1. ... [le mouvement gnostique] est en outre à l'origine du manichéisme et peut-être encore, soit à travers le manichéisme, soit plutôt directement, de plusieurs hérésies du moyen âge. La gnose serait donc l'une des plus anciennes hérésies chrétiennes et une hérésie singulièrement tenace.
Philos., Relig., 1957, p. 34-7.
P. ext. Doctrine contraire aux dogmes établis d'une religion. Christianisme : hérésie de la religion juive (RENARD, Journal, 1903, p. 869).
Loc. verb., vx et fam. Il ne fera point d'hérésie. ,,Se dit d'un homme sans esprit`` (Ac.; ds LITTRÉ, DG).
B. — P. anal.
1. Doctrine, opinion, méthode qui choque les opinions couramment admises. Ses hérésies politiques me mettaient tout hors de moi-même (MICHELET, Journal, 1820, p. 125). Le goût de la liberté, la mode et le culte du bonheur du plus grand nombre, dont le XIXe siècle s'est entiché, n'étaient à ses yeux qu'une hérésie qui passera comme les autres (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 129). La technique active semble à mi-chemin entre la psychanalyse et la psychothérapie. Beaucoup de psychanalystes l'ont repoussée comme une hérésie (CHOISY, Psychanal., 1950, p. 206) :
2. Mettre ou faire mettre en prose un poème; faire d'un poème un matériel d'instructions ou d'examens, ne sont pas de moindres actes d'hérésie. C'est une véritable perversion que de s'ingénier ainsi à prendre à contre-sens les principes d'un art...
VALÉRY, Variété III, 1936, p. 50.
2. Ce qui heurte la tradition, les us et coutumes; défi au bon sens, à l'usage établi.
a) Péj. Autre hérésie : un ministre, dit-on, n'est pas obligé de suivre aux Chambres ses projets de loi (CHATEAUBR., Mél. pol., 1816, p. 92). Restaurée sans trop d'hérésies, elle [la vieille église Saint-Martin-du-Val] était actuellement englobée dans un hospice (HUYSMANS, Cathédr., 1898, p. 385).
b) GASTR. En cet Armagnac, où l'on cuit presque tout encore à la fine graisse d'oie, user du beurre pour les aliments paraissait une hérésie (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 245).
REM. 1. Hérésiologie, subst. fém. Étude des hérésies. L'hérésiologie chrétienne est un champ si trouble qu'on n'y peut suivre aucune piste sans s'égarer (RENAN, Hist. peuple Isr., t. 5, 1892, p. 77). 2. Hérésiologique, adj. Qui se rapporte à l'hérésiologie. Des notices hérésiologiques plus ou moins suspectes (Philos., Relig., 1957, p. 42-11). 3. Hérésiologue, subst. masc. Celui qui écrit sur les hérésies. Saint Épiphane, hérésiologue, ne nous offre pas (...) un enseignement didactique sur la divinité (Théol. cath. t. 4, I 1920, p. 1077).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1121-34 eresie « opinion condamnée par l'Église catholique comme contraire aux dogmes » (PH. DE THAON, Bestiaire, éd. E. Walberg, 1022); 2. ca 1140 fig. heresie « action contraire aux opinions de l'Église » (G. GAIMAR, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 1115); 3. fin XIIe s. iresie « pratique contraire aux idées généralement admises » ici « sodomie » (CONON DE BÉTHUNE, Chanson, éd. A. Wallensköld, X, 31). Empr. au lat. haeresis « doctrine, système », eccl. « doctrine contraire aux dogmes de l'Église catholique », du gr. « action de prendre; choix »; dér. de « prendre ». Fréq. abs. littér. : 469. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 837, b) 444; XXe s. : a) 692, b) 625.

hérésie [eʀezi] n. f.
ÉTYM. V. 1120, eresie; lat. hæresis « doctrine », spécialt en lat. ecclés., du grec hairesis « choix, opinion particulière », de hairein « saisir, prendre ».
1 (Dans la relig. cathol.). Doctrine, opinion émise au sein de l'Église catholique et condamnée par elle comme corrompant les dogmes. Hétérodoxie. || De l'hérésie. Hérétique. || « L'erreur ne fait pas hérésie, mais l'opiniâtreté dans l'erreur signalée » (Capitant, Vocab. juridique). || Hérésie formelle ou matérielle, intérieure ou extérieure, occulte ou publique. || L'hérésie formelle, extérieure et publique est punie de l'excommunication majeure. || Penseur, théologien, personne coupable (cit. 4) d'hérésie. Hérésiarque. || L'auteur d'une hérésie. || Crime (cit. 16) d'hérésie.Tomber en hérésie (→ Fourvoyer, cit. 6).Accuser qqn d'hérésie (→ Brûler, cit. 56; excommunier, cit. 2). || L'hérésie des adamiens (adamisme), des albigeois ou cathares, des ariens (arianisme), des ascites, des bégards, des bogomiles (bogomilisme), des manichéens (manichéisme), des monothélites (monothélisme; → Déférer, cit. 3), des montanistes (montanisme), des quiétistes (quiétisme), des sacramentaires, des sociniens (socinianisme), de Tertullien (tertullianisme), des unitaires ou unitariens, des valentiniens, des vaudois (hérésie vaudoise)… || Les convictions religieuses de Calvin, de Luther ( Calvinisme, luthéranisme, protestantisme), de Jansénius ( Jansénisme) sont des hérésies pour le catholicisme romain. || L'hérésie du fidéisme (cit. 1). || Naissance d'une hérésie, hérésie nouvelle (→ Consommation, cit. 1; épuration, cit. 1). || Histoire, historien, théoricien des hérésies ( Hérésiographie, hérésiologie). || Sa religion côtoie, frise l'hérésie (→ Ferveur, cit. 1). || Introduire l'hérésie au sein de l'Église (→ Fraude, cit. 9). || Enseigner, semer l'hérésie. || Adhérer à une hérésie ( Secte). || Abjurer l'hérésie. || Frapper d'anathème une hérésie. || Hérésie qui entraîne une division du corps de l'Église. Schisme; dissidence. || En France, sous l'Ancien Régime, l'hérésie était réprimée par l'État comme une infraction aux lois du Royaume. || L'Inquisition poursuivait l'hérésie. || Être suspect d'hérésie. → Sentir le fagot.
1 Il y a (…) un grand nombre de vérités, et de foi et de morale, qui semblent répugnantes, et qui subsistent toutes dans un ordre admirable. La source de toutes les hérésies est l'exclusion de quelques-unes de ces vérités; et la source de toutes les objections que nous font les hérétiques est l'ignorance de quelques-unes de nos vérités (…) C'est pourquoi le plus court moyen pour empêcher les hérésies est d'instruire de toutes les vérités; et le plus sûr moyen de les réfuter est de les déclarer toutes (…)
Pascal, Pensées, XIV, 862.
2 Ce n'a pas été seulement les ariens qui ont varié (…) toutes les hérésies dès l'origine du christianisme ont eu le même caractère; et longtemps avant Arius, Tertullien, avait déjà dit : « Les hérétiques varient dans leurs règles, c'est-à-dire, dans leurs confessions de foi (…) l'hérésie retient toujours sa propre nature en ne cessant d'innover (…) tout change dans les hérésies; et quand on les pénètre à fond, on les trouve dans leur suite différentes en beaucoup de points de ce qu'elles ont été dans leur naissance. »
Bossuet, Hist. des variations…, Préface, III.
3 (…) les hérésies n'ont jamais été que des opinions particulières, puisqu'elles ont commencé par cinq ou six hommes (…)
Bossuet, Avertissement aux protestants, I, XXXIII.
4 On ne vit jamais d'hérésie chez les anciennes religions, parce qu'elles ne connurent que la morale et le culte. Dès que la métaphysique fut un peu liée au christianisme, on disputa, et de la dispute naquirent différents partis (…)
Voltaire, Dict. philosophique, Hérésie, I.
5 J'apprends qu'en Espagne on vient de brûler il y a six mois une malheureuse femme pour hérésie de quiétisme.
d'Alembert, Lettre au roi de Prusse, 14 déc. 1781.
6 (…) lorsque Bossuet descendit dans la carrière, la victoire ne demeura pas longtemps indécise; l'hydre de l'hérésie fut de nouveau terrassée.
Chateaubriand, le Génie du christianisme, I, I, I.
6.1 La plupart des hérésies sont nées dans les discussions ou à l'occasion des conciles (…)
Émile Burnouf, la Science des religions, p. 339.
7 Le propre des hérésies, c'est de recéler, au point de départ, une vérité qui, ensuite, se dégrade ou s'égare. Le monde moderne, a dit quelque part Chesterton, est malade de vérités devenues folles.
Daniel-Rops, Ce qui meurt et ce qui naît, p. 18.
Par ext. Doctrine contraire à l'orthodoxie, au sein d'une religion établie autre que le catholicisme. || Les hérésies musulmanes.
2 (1690; iresie, fin XIIe). Idée, opinion, théorie, pratique qui heurte les opinions considérées comme justes et raisonnables, qui semble émaner d'une perversion du jugement ou du goût. || Hérésie scientifique, littéraire. || Au regard de la doctrine libérale, marxiste, cette opinion est une véritable hérésie. || C'est une hérésie technique (→ Électrique, cit. 2).Par plais. || Servir du bourgogne rouge avec le poisson, quelle hérésie ! Sacrilège.
8 Mais il est une autre hérésie (en poésie) […] — une erreur qui a la vie plus dure, — je veux parler de l'hérésie de l'enseignement, laquelle comprend comme corollaires inévitables l'hérésie de la passion, de la vérité et de la morale. Une foule de gens se figurent que le but de la poésie est un enseignement quelconque (…)
Baudelaire, Notes nouvelles sur Poe, in E. Poe, Œuvres en prose, IV, Pl., p. 1071.
9 Les Puritains préfèrent leurs opinions à leur pays, ce qui pour moi est l'hérésie très abominable.
A. Maurois, les Discours du Dr O'Grady, XX.
10 Il fallait donner beaucoup de gages et mener une vie exemplaire, au XIXe siècle, pour se laver du péché d'écrire aux yeux des bourgeois : car la littérature est par essence hérésie.
Sartre, Situations II, p. 281.
CONTR. Conformisme, orthodoxie. — Vérité.

Encyclopédie Universelle. 2012.