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FOULE
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FOULE

Que la question de la psychologie des foules ne soit apparue qu’au XIXe siècle s’explique peut-être par le fait qu’avec les sociétés industrielles nous voyons se développer le phénomène de l’entrée des masses dans la vie publique, l’intervention du nombre comme facteur politique, le poids arithmétique des majorités contre les élites. C’est, en tout cas, la raison que se donne Gustave Le Bon, publiant, avec La Psychologie des foules , la première recherche psychosociologique sérieuse du phénomène, et qui écrit: «D’universels symptômes montrent, dans toutes les nations, l’accroissement rapide de la puissance des foules. L’avènement des foules marquera peut-être une des dernières étapes des civilisations d’Occident...»

Le Bon fait de la foule une entité où les individus sont fondus en une unité soumise à une âme collective. Car la foule a sa propre nature psychique. La foule est «féminine», impulsive, mobile, irritable, dominée par une mentalité «magique», puisqu’on voit les foules ne supporter aucun délai entre le désir et sa réalisation, être extraordinairement influençables et crédules, mues par des sentiments simples, guidées par des images ou des mots qui fonctionnent comme des formules magiques.

On peut regrouper en trois thèmes la description que Le Bon donne du phénomène de foule (une description dont Freud, qui récuse les explications de Le Bon, dit — dans Essais de Psychanalyse — qu’elle est exacte):

l’individu faisant partie d’une foule acquiert, par la seule vertu d’être en groupe, un sentiment de puissance invincible qui lui permet de passer les barrières qui, habituellement, arrêtent ses instincts;

la contagion mentale explique que l’individu qui suit les impulsions de la foule sacrifiera son intérêt personnel à celui de la foule. Cette contagion mentale est la manifestation d’un facteur plus profond, la suggestibilité;

cette suggestibilité semble s’apparenter aux phénomènes de l’hypnotisme. Tous ces caractères, il est difficile de ne pas les regrouper en un seul qui nous est offert par Freud: la régression psychique. La cause, le moteur de cette régression, pour Le Bon, c’est le meneur, car «la foule est un troupeau qui ne saurait se passer de maître»; un maître en qui il voit un illuminé, recruté parmi «ces névrosés, ces excités, ces demi-aliénés qui côtoient les bords de la folie».

La psychologie sociale et la sociologie n’en sont pas restées aux théories un peu romantiques de Gustave Le Bon.

En premier lieu, les psychologues sociaux remettent en question l’idée que les comportements de foule sont des comportements spontanés, sorte d’excitations collectives qui évoqueraient les convulsionnaires de Saint-Médard. Ils montrent l’existence de normes de comportements qui fonctionnent dans des mouvements aussi apparemment «fous» que le lynchage, la panique, etc. Des enquêtes l’ont révélé: les lynchages, par exemple, ont un caractère conventionnel, ritualisé, si l’on peut dire; ils se différencient selon la composition sociale de leurs foules. Une foule composée de gens riches, de notables, fera des lynchages bien ordonnés, visant au châtiment du coupable; une foule composée de pauvres, voire de déclassés, aura des lynchages désordonnés, frappant au hasard.

Par ailleurs, l’unanimité mentale au sein des foules est contestable. En fait, il y a une grande différenciation dans les attitudes des individus en fonction de leurs prédispositions psychologiques.

La découverte qu’on n’est jamais en présence, en sociologie des groupes, d’une masse anonyme composée d’unités homogènes, et d’où toute structuration interne serait exclue, est concommitante de la découverte, en sociologie de l’information, que les mass media n’ont pas le pouvoir de conditionner les esprits de façon absolue, parce qu’elles ne s’adressent jamais à un individu isolé et passif soumis aux flux des messages, mais toujours à des individus inscrits dans des groupes et qui reçoivent le message à travers des filtres à la fois psychologiques et sociaux.

Enfin, dernier point que nous évoquerons pour mesurer la distance qui sépare l’ouvrage de Le Bon des recherches contemporaines: la nature du meneur. Le psychologue social sait que l’autorité est inhérente à toute situation collective et que tout groupement fait émerger des leaders. Mais ceux-ci existent parce qu’ils catalysent et expriment les aspirations collectives plus ou moins conscientes. Le leadership ne se comprend jamais au seul niveau de la personnalité du leader considéré en lui-même. Il renvoie au groupement et n’existe que par la façon dont il répond à une demande ignorée, liée à la menace ou au sentiment de la perte d’une identité collective.

foule [ ful ] n. f.
• 1538; « endroit où l'on est foulé, pressé » XIIIe; de fouler
1Multitude de personnes rassemblées en un lieu. affluence, monde. « Il y avait une foule immense, bigarrée, diaprée, fourmillante » (Gautier). Foule grouillante. bousculade, cohue, presse. Se mêler à la foule. Prendre un bain de foule. Fendre la foule. La foule se presse à l'entrée du théâtre. Un mouvement de foule. Foule en marche. cortège, troupe. Contenir la foule. La foule des badauds, des curieux. Il y a foule : il y a beaucoup de monde, d'affluence.
Sociol. Réunion d'êtres humains considérée comme une unité psychologique et sociale ayant un comportement, des caractères propres. 1. masse. « Psychologie des foules », de G. Le Bon.
2 ♦ LA FOULE : le commun des hommes (opposé à l'élite). ⇒ 1. masse, multitude, peuple, fam. populo, 1. tourbe, troupeau, vulgaire. La voix, le jugement de la foule. « Quant à flatter la foule, ô mon esprit, non pas ! [...] Ah ! le peuple est en haut, mais la foule est en bas » (Hugo). Fuir la foule. L'engouement de la foule pour un artiste (cf. Grand public).
3 ♦ UNE FOULE DE : un grand nombre (de personnes ou de choses de même catégorie). ⇒ armada, armée, collection, 1. masse, quantité , tas; fam. chiée, flopée, foultitude, tapée. REM. Accord. Totalité considérée collectivement : v. au sing.; pluralité considérée individuellement : v. au plur. Une foule de clients, de visiteurs est venue aujourd'hui. Une foule de gens pensent que c'est faux. Elle nous a donné une foule de détails. J'ai une foule de choses à faire aujourd'hui. Elle « me posait sans réserve une foule de questions auxquelles j'évitais de répondre » (Loti).
4 ♦ EN FOULE : en masse, en grand nombre, en quantité. Se presser en foule à une exposition. Le public est venu en foule. « Le peuple saint en foule inondait les portiques » (Racine). Les idées « ne viennent point ou elles viennent en foule » (Rousseau).
⊗ HOM. Full.

foule nom féminin (de fouler) Multitude de personnes réunies en un même lieu : L'orateur harangue la foule. Le commun des hommes pris collectivement, la masse, la multitude : L'engouement des foules pour un artiste. Un grand nombre de : Il faut tenir compte d'une foule de détails. Rassemblement fortuit de nombreux animaux de la même espèce, sans structure ni fonction. Sociologie Ensemble d'individus anonymes et semblables, et dont les sentiments et les idées sont orientés dans une même direction. ● foule (citations) nom féminin (de fouler) Antonin Artaud Marseille 1896-Ivry-sur-Seine 1948 Il faut suivre la foule pour la diriger. Lui tout céder pour tout lui reprendre. Lettre à Mme Allendy, 19 avril 1929 Gallimard André Breton Tinchebray, Orne, 1896-Paris 1966 L'acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la foule. Second manifeste du surréalisme Pauvert André Gide Paris 1869-Paris 1951 Je hais la foule. Prétextes Mercure de France Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Quant à flatter la foule, ô mon esprit non pas ! Ah ! le peuple est en haut, mais la foule est en bas. L'Année terrible Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Le théâtre doit faire de la pensée le pain de la foule. Les Burgraves, Préface Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 Un grand peuple sans âme est une vaste foule ! Premières Méditations poétiques, Ressouvenir du lac Léman Gustave Le Bon Nogent-le-Rotrou 1841-Paris 1931 Le véritable progrès démocratique n'est pas d'abaisser l'élite au niveau de la foule, mais d'élever la foule vers l'élite. Hier et demain Flammarion Victor Segalen Brest 1878-Huelgoat 1919 Repose-toi du son dans le silence, et, du silence, daigne revenir au son. Seul, si tu sais être seul, déverse-toi parfois jusqu'à la foule. Stèles Plon Horace, en latin Quintus Horatius Flaccus Venusia, Apulie, 65-Rome ? 8 avant J.-C. Je hais la foule profane. Odi profanum vulgus. Odes, III, I, 1 Callimaque Cyrène vers 305 avant J.-C.-vers 240 Je ne veux pas du chemin où se traînent les pas de la foule. Épigrammes, XXVIII, 1-2 (traduction E. Cahen) foule (difficultés) nom féminin (de fouler) Accord Une foule de..., la foule des : l'accord avec foule peut se faire au singulier ou au pluriel selon que prédomine l'idée d'ensemble ou celle de nombre. La foule des curieux qui se massait sur le passage du cortège, au singulier. Mais : la foule des curieux qui voulaient assister au défilé, au pluriel. Remarque Dans beaucoup de cas, le sens même interdit toute hésitation : la foule des grands jours se pressait sur l'avenue entraîne nécessairement l'accord au singulier. ● foule (expressions) nom féminin (de fouler) En foule, en grand nombre, en masse : Les amis sont venus en foule. Familier. Il y a foule, il y a beaucoup de monde, une grande affluence. ● foule (homonymes) nom féminin (de fouler) full nom masculinfoule (synonymes) nom féminin (de fouler) Multitude de personnes réunies en un même lieu
Synonymes :
Le commun des hommes pris collectivement, la masse, la multitude
Synonymes :
Un grand nombre de
Synonymes :
- flopée (familier)
- nuée
- ribambelle (familier)
- tas
- tripotée
foule nom féminin (de foule) Angle formé par les deux nappes de fils de chaîne d'un tissu et dans lequel est insérée la trame. ● foule (homonymes) nom féminin (de foule) full nom masculin

foule
n. f.
d1./d Multitude de gens réunis.
|| Une foule de: une grande quantité (de gens ou de choses). Avoir une foule d'idées.
d2./d La foule: le commun des hommes, le vulgaire. Ne plaire qu'à la foule, être méprisé de l'élite.
d3./d En foule: en grande quantité.

I.
⇒FOULE1, subst. fém.
A.— TECHNOL., en partic. domaine textile.
1. Vx. Action de fouler (en particulier le drap, le feutre); résultat de cette action. (Quasi-)synon. foulage. La foule des draps, des chapeaux (Ac. 1798-1878).
P. méton., vx. Atelier où l'on foule. Aller à la foule (Ac. 1835, 1878).
Au fig., littér., rare. Action d'accabler, d'opprimer. Ces privilèges tendent à la foule du Citoyen, de l'État et de la Providence (Ac. 1798-1835). Ce roi a une main qui prend et une main qui pend. C'est le procureur de dame Gabelle et de monseigneur Gibet. Les grands sont dépouillés de leurs dignités, et les petits sans cesse accablés de nouvelles foules (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 529).
2. TISSAGE
Ouverture ou ligne d'ouverture qui permet le passage de la navette entre les nappes de la chaîne. Au métier mécanique, pour obtenir une foule bien rectiligne, on double ou on triple le nombre des pas sur lesquels ces tissus doivent être montés (ARAUD, Ch. THOMAS, Fabric. drap, 1921, p. 8).
Angle que forment les deux nappes de la chaîne écartées pour le passage de la navette (cf. BLANQUET, Technol. mét. habill., 1948, p. 98).
B.— PÊCHE. Pêche à la foule. Pêche où l'on foule le sable et la vase à marée basse pour en faire sortir les poissons qui y sont enfouis et qu'on pique avec une fourche. (Dict. XIXe et XXe s.).
Prononc. et Orth. :[ful]. Ds Ac. 1798 et 1835. Homon. full. Étymol. et Hist. Cf. foule2. Bbg. DUBUC (R.). Ét. terminol. sur certains termes de text. Banque Mots. 1973, n° 6, p. 192.
II.
⇒FOULE2, subst. fém.
A.— Presse qui résulte de la présence d'une multitude de personnes en un même lieu; la multitude elle-même. Bain de foule; foule de spectateurs; se fondre, se perdre, disparaître dans la foule. (Quasi-)synon. affluence, attroupement, cohue. Je vois tout à coup une ruée, une nuée de peuple (...). Tout cela en un clin d'œil, cette foule amassée, accourue comme un grouillement sorti de terre (GONCOURT, Journal, 1864, p. 41). Le mouvement de la rue, où l'heure du déjeuner mettait un écrasement de foule extraordinaire (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 406). Cette foule qui se pressait, se bousculait pour voir un petit machin imperceptible dans le ciel (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1910, p. 238) :
1. ... c'était, depuis le crépuscule, un long acheminement, un ruissellement d'ombres silencieuses, filant isolées, s'en allant par groupes, vers les futaies violâtres de la forêt. Chaque coron se vidait, les femmes et les enfants eux-mêmes partaient comme pour une promenade, sous le grand ciel clair. Maintenant, les chemins devenaient obscurs, on ne distinguait plus cette foule en marche, qui se glissait au même but, on la sentait seulement, piétinante, confuse, emportée d'une seule âme.
ZOLA, Germinal, 1885, p. 1375.
Loc. et expr.
1. Loc. verb.
Faire (la) foule (vieilli). Être en grand nombre. Le pain devenait chaque jour plus rare et plus cher; il fallait se lever la nuit pour aller faire foule à la porte des boulangers (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 322). Avoir du succès, attirer la foule. (Ds BESCH. 1845, Lar. 19e-Nouv. Lar. ill.).
Il y a (aura, etc.) foule. Il y a (aura) beaucoup de monde. Il y avait foule dans la salle où était exposée la collection de lord Mansbury (GONCOURT, R. Mauperin, 1864, p. 170).
2. Loc. adv. En foule, à la foule (vieilli). En formant foule, en grande quantité, en grand nombre. Les images, les mots que le génie inspire (...) En foule en son cerveau se hâtent de courir (CHÉNIER, Invention, 1794, p. 22). Tout Paris se portait en foule à la fédération de 1790 (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 297).
3. Une foule de, la foule des. Un grand nombre, le plus grand nombre de. (Quasi-)synon. fam. floppée, ribambelle, tas; pop. tripotée.
a) [Le compl. est une pers.] Une foule d'écrivains, pendant dix ans, n'ont cessé de commenter les ouvrages de Kant (STAËL, Allemagne, t. 4, 1810, p. 165). Il est nécessaire de faire un choix parmi la foule des hommes civilisés (CARREL, L'Homme, 1935, p. 359).
Fam. Une foule de gens. Une foule de gens sans ressources et sans asile (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24 p. 307).
P. méton. Cette foule compacte de visages au ras desquels elle voguait (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 190).
b) [Le compl. est une chose concr. ou abstr.] Une foule de défauts ou de qualités qu'il nous est impossible d'énumérer ici (SUE, Atar Gull, 1831, p. 7). Un grand hurlement, composé d'une foule de cris discordants (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 105). Une foule d'embarcations grouille entre les deux rives. Les caïques foisonnent, moins nombreux cependant que les barques vulgaires (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 76).
Rem. Foule ayant un sens collectif est suivi d'un verbe au sing. ou au plur. a) d'un sing. si la pensée s'arrête sur la totalité, l'ensemble des êtres ou choses rassemblés : la foule des manifestants s'est heurtée à un barrage de police; b) d'un plur. si la pensée retient la notion de pluralité, d'êtres, de choses particuliers : une foule d'auditeurs demandèrent des explications (d'apr. DUPRÉ 1972).
Spéc., SOCIOL., souvent au plur. Groupe d'individus considéré comme un être collectif, ayant une unité psychologique et sociale, des caractères propres. Psychologie des foules. L'infirmité mentale des foules tolérera les lâchetés et les hontes dont nous sommes témoins (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 80). Le bon cœur impulsif des foules, la contagion, le faire-comme-les-autres (DUHAMEL, Journal Salav., 1927, p. 117) :
2. ... les préjugés lentement enracinés dans les foules, débonnaires de nature, mais crédules et inflammables, engendreront à leur tour, dans les classes cultivées même, cet antisémitisme à prétentions scientifiques...
WEILL, Judaïsme, 1931, p. 51.
B.— La masse humaine, le commun des hommes, pris collectivement par opposition à l'élite intellectuelle, morale ou sociale qui en émerge. La foule ignorante, inconstante; se mettre par ses talents au dessus de la foule. Se faire remarquer, se tirer de la foule, être confondu dans la foule (Ac. 1835-1932). Si le sort m'a fait naître dans un rang peu élevé, avec une fortune médiocre, des facultés bornées (...) je ferai tout pour sortir de la foule, pour augmenter mon pouvoir, ma fortune, mes jouissances (COUSIN, Hist. philos. mod., t. 2, 1847, p. 248). Quant à flatter la foule, ô mon esprit, non pas, Ah! le peuple est en haut, mais la foule est en bas (HUGO, Année terr., 1872, p. 7). — L'homme de gauche (...) : son premier mouvement est toujours de protester, d'ameuter la foule, de la persuader de ses droits, de l'éveiller, de l'engager à la résistance (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 168) :
3. ... c'est le monde à l'envers si le chef est moins raisonnable que la foule. À bien regarder l'honneur, qui porte si promptement les foules à l'action, est justement ce qui doit retenir le chef. Qu'il soit donc cérémonieux; et, si ses pensées ont des épines, qu'il ne pense pas trop. Le peuple n'estime certainement pas assez la majesté, même vide.
ALAIN, Propos, 1930, p. 914.
REM. Foultitude, subst. fém., fam., plais. Grand nombre, grande quantité. Synon. multitude. Il [Banville] nous parle (...) d'une foultitude de gens et d'un tas de choses (GONCOURT, Journal, 1882, p. 209).
Prononc. et Orth. Cf. foule1. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1690 « action de fouler (ici tissus et chapeaux) » (FUR.); 2. 1172 « multitude de gens qui se pressent » (CH. DE TROYES, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 1091); 1670 « le commun des hommes » (RACINE, Bérénice, III, 1). Déverbal de fouler.
STAT. — Foule1 et 2. Fréq. abs. littér. :10 202. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 16 833, b) 15 583; XXe s. : a) 14 779, b) 11 784.
BBG. — JOURJON (A.) Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1915/16, t. 29, pp. 225-226.

1. foule [ful] n. f.
ÉTYM. V. 1265, « action de fouler »; déverbal de fouler.
1 Vx. Action de fouler, spécialt (1690), les draps, le feutre.
2 (1304, « moulin à fouler le drap »; « atelier où l'on foule les chapeaux », 1737; sens mod., in Larousse 1930). Techn. (tissage). Ouverture que produit le métier à tisser dans la chaîne pour laisser passer la navette.Angle dièdre que forment deux nappes de la chaîne pour le passage de la navette.
0 Les lames mobiles ouvrent des foules dans lesquelles la navette portant la trame insère des duites.
Charles Martin, la Laine, p. 98.
3 (1829). || Pêche à la foule, dans laquelle on pique les poissons que l'on fait sortir du sable en foulant le fond d'une rivière ou le bord de la mer.Mât de foule. 2. Fougue.
DÉR. et HOM. 2. Foule.
————————
2. foule [ful] n. f.
ÉTYM. 1538; issu d'une spécialisation de 1. foule, « endroit où l'on est foulé, pressé », « ensemble de gens pressés ».
1 Multitude de personnes rassemblées en un lieu. Affluence, monde, presse. || Une foule compacte, énorme, (→ Étager, cit. 3), immense (→ Écrabouiller, cit. 2). || Un grand concours de foule. Attroupement. || L'entassement (cit. 5) de la foule. || La foule continuait d'affluer (cit. 3), s'épaississait (→ Déborder, cit. 9), se répandait, se pressait dans les rues, sur les trottoirs. Animation. || L'agitation, le mouvement de la foule. || La foule s'arrêtait, ne marchait plus (→ 1. Marcher, cit. 2). || Foule frémissante, délirante (→ Évacuer, cit. 5). || Le bourdonnement (cit. 5) de la foule. || La foule bruyante du dimanche. || Les applaudissements et les brouhahas de la foule. || Une foule bariolée (cit. 4). || Se laisser coudoyer (cit. 2) par la foule. || Foule clairsemée (cit.). || Foule rassemblée dans un théâtre, une salle de conférences, de réunions. Assemblée, assistance, auditoire, public. || Il y avait foule au Théâtre français. || Regarder, voir passer la foule. || Se mêler à la foule, se glisser dans la foule. → Masse, cit. 19. || Foule de gens, de promeneurs, de passants, de badauds, de curieux. || Foule désœuvrée. || Foule en désordre. Bousculade, cohue, encombrement, grouillement. || Foule grouillante. || Foule en marche. Cortège, défilé, troupe. || La foule assiège (cit. 6) une porte. || Foule en attente devant les guichets. File, queue. || Contenir la foule.Fendre la foule. || La foule s'écarte. || Se fondre dans la foule (→ Atteinte, cit. 2). || Faire évacuer la foule. || La foule s'écoule (cit. 5 et 6).Il y a foule : il y a beaucoup de monde, d'affluence.
1 (…) s'ils se promènent, c'est aux Champs-Élysées, ces solitaires y vont voir les passants, disent-ils; et pour voir ces passants, ils vont s'en faire mépriser et s'asseoir sur quelques restes d'herbe parmi la poussière que fait la foule.
É. de Senancour, Oberman, t. I, Lettre XX.
2 Il y avait une foule immense, bigarrée, diaprée, fourmillante, avec un grand mouvement d'éventails et de mouchoirs.
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 274.
3 Mais, à la tombée de la nuit, la foule s'accrut de minute en minute : et quand tous les réverbères furent allumés, deux courants de population s'écoulaient, épais et continus, devant la porte.
Baudelaire, Trad. E. Poe, Nouvelles histoires extraordinaires, « L'homme des foules ».
4 (…) la foule s'écoulait par les trois portails, comme un fleuve par les trois arches d'un pont (…)
Flaubert, Mme Bovary, III, VII.
5 La foule compacte se rassemble autour du corps. Ceux qui ne peuvent pas voir, parce qu'ils sont derrière, poussent tant qu'ils peuvent ceux qui sont devant.
Lautréamont, les Chants de Maldoror, p. 108.
6 Il y avait là un piétinement de troupeau, une foule que de brusques arrêts étalaient en mares sur la chaussée, un défilé sans fin d'ouvriers allant au travail, leurs outils sur le dos, leur pain sous le bras; et la cohue s'engouffrait dans Paris où elle se noyait continuellement.
Zola, l'Assommoir, t. I, p. 3.
7 Dans cette chaleur, dans cette poussière, dans cette puanteur, dans cette foule de populaire en goguette et en transpiration, dans ces papiers gras traînant et voltigeant partout, dans cette odeur de charcuterie et de vin répandu sur les bancs, dans ces haleines de trois cent mille bouches soufflant le relent de leurs nourritures (…)
Maupassant, la Vie errante, Lassitude.
8 La foule s'ouvrait sur mon passage, hostile et menaçante (…)
Loti, Aziyadé, III, LII.
8.1 Ce soir-là l'aspect du boulevard était étrange. On sentait que quelque chose d'insolite, de solennel se préparait. Une foule énorme, sérieuse, anxieuse, se pressait, encombrant le trottoir et débordant presque sur la chaussée qu'à grand-peine maintenaient libre des gardes de Paris échelonnés.
Gide, le Prométhée mal enchaîné, in Romans, Pl., p. 338.
8.2 Il était midi. La foule emplit les rues, allant et venant, se dispersant ou s'agglomérant, circulant ou stationnant, s'écoulant dans les bouches du métro comme un ruisseau de bitume, assaillant les autobus comme une nuée de sauterelles : une foule qui se marchait sur les pieds, s'enfonçait les côtes à coups de coude, se crachait dans le dos : une foule rognonneuse, ténébreuse, avagivitévée. Un beau spectacle pour la jeunesse.
R. Queneau, les Derniers Jours, p. 228.
(Av. 1850). Sociol. Réunion d'êtres humains considérée comme une unité psychologique et sociale ayant une sensibilité, une intelligence, un comportement, des caractères propres. Masse. || La psychologie des foules. || Les réactions d'une foule. || Mouvements de foule. || L'enthousiasme, la folie des foules. || Les foules sont versatiles. || Caprices (cit. 6) de la foule. || Influence de la foule (→ Atmosphère, cit. 13). || Guider la foule. || Rallier les foules. || Les foules déshéritées et misérables (→ Élargir, cit. 3). || Agitateurs qui ameutent la foule. || Le « viol des foules » (par la propagande, la publicité, etc.).
9 (…) la foule a des passions violentes et simples (…) elle est inaccessible au raisonnement (…)
France, l'Anneau d'améthyste, in Œ., t. XII, p. 167.
10 Ô les hontes et les crimes des foules
Passant sur la ville comme des houles (…)
Verhaeren, les Villes tentaculaires, « Spectacles ».
11 Dans certaines circonstances données (…) une agglomération d'hommes possède des caractères nouveaux fort différents de ceux de chaque individu qui la compose (…) La collectivité devient alors ce que, faute d'une expression meilleure, j'appellerai une foule organisée, ou, si l'on préfère, une foule psychologique.
G. Le Bon, Psychologie des foules, I, I.
12 Les foules qui se hâtent du travail au plaisir, du plaisir au travail, sans que ni l'un ni l'autre n'aient de sens profond, celles qui édifient des villes éphémères sur des puits de pétrole demain asséchés, celles qui se dégradent dans le coude à coude des grandes villes comme des objets précieux s'abîment d'être serrés les uns contre les autres et durement secoués, que laissent-elles encore de chances à la vie profonde pour se manifester ?
Daniel-Rops, Ce qui meurt et ce qui naît, p. 207.
12.1 C'est parce que la foule est une masse inerte et incompréhensive et passive qu'il la faut frapper de temps en temps, pour qu'on connaisse à ses grognements d'ours où elle est — et où elle en est.
A. Jarry, Ubu roi, Questions de théâtre, Pl., t. I, p. 417.
2 (1670). || La foule : le commun, la masse des hommes, opposé à l'élite. Masse, multitude, peuple, plèbe, populace, populaire, populo (fam.), tourbe, troupeau, vulgaire. || La voix, le jugement de la foule, vulgum pecus. || Être perdu, confondu dans la foule obscure (→ Déployer, cit. 15). || Mépriser, flatter la foule. || Homme méprisé par la foule. || Se tirer de la foule. Élever (s'). || Se mêler à la foule, avec la foule (→ Aristocrate, cit. 4). || Génie mal compris par la foule (→ Fatalement, cit. 2).
13 Un grand peuple sans âme est une vaste foule !
Lamartine, Premières Méditations, « Ressouvenir du lac Léman ».
14 Quant à flatter la foule ô mon esprit, non pas ! (…)
Ah ! le peuple est en haut, mais la foule est en bas.
Hugo, l'Année terrible, Prologue.
15 On le raille. Qu'importe ! Il pense.
Plus d'une âme inscrit en silence
Ce que la foule n'entend pas.
Hugo, les Rayons et les Ombres, « Fonction du poète », II.
3 (1538). Une foule de : un grand nombre de (personnes ou choses de même catégorie). Armée, beaucoup, collection, flopée (fam.), masse, nombre, quantité. || Une foule de petits hommes (→ État, cit. 107), d'ennuyeux (→ Écart, cit. 11), d'éclopés (cit. 2). || Une foule d'amants (→ Briguer, cit. 5), de grisettes (→ Étudiant, cit. 4). || Une foule de faits, de noms, de documents présentés en désordre. Pêle-mêle. || Administrer (cit. 2) une foule de médicaments. || Une foule de trucs inédits (→ Caler, cit. 6). || Une foule de petits canards (cit. 5), de publications éphémères (cit. 10). || Une foule d'idées (→ Éveiller, cit. 12), de sentiments (→ Audience, cit. 7; critérium, cit. 1). || Une foule de révélations (→ Abstrus, cit. 1), d'aspirations (cit. 6) confuses, de projets. || Une foule de probabilités (→ Athée, cit. 6).
REM. L'accord du verbe avec le sujet foule accompagné d'un complément au pluriel se fait, en principe, selon la règle suivante :a) l'accord a lieu avec foule si l'on a en vue la totalité des êtres ou des objets dont il s'agit, considérés collectivement (|| « Alors une foule de noirs inonde le tillac » Mérimée, Mosaïque, IV);b) l'accord a lieu avec le complément si l'on a en vue la pluralité des êtres ou des objets dont il s'agit, considérés individuellement (Une foule de gens diront qu'il n'en est rien). Cf. Grevisse, p. 646-647.
16 Quelle foule d'États je mettais à vos pieds.
Racine, Mithridate, IV, 4.
17 (…) je suis empêtré dans une foule de lectures que je me hâte de terminer : je travaille le plus que je peux et je n'avance pas à grand'chose.
Flaubert, Correspondance, 186, début 1847.
18 Elle insistait surtout sur l'étrangeté de ma vie, et me posait sans réserve une foule de questions auxquelles j'évitais de répondre.
Loti, Aziyadé, III, XLVI.
4 (Mil. XVIe). En foule : en masse, en grand nombre, en quantité. || L'assemblée en foule s'écoule (cit. 5) par les portes. || « On briguerait (cit. 4) en foule une si belle mort ». || Les préjugés accourent (cit. 10) en foule. || Les idées surgissent en foule. || Avoir (cit. 3) des biens en foule.
19 Seigneur, de tous côtés le peuple vient en foule (…)
Corneille, Nicomède, V, 5.
20 Car il eut des femmes en foule.
La Fontaine, Fables, VII, 13.
21 Le peuple saint en foule inondait les portiques.
Racine, Athalie, I, 1.
22 Je ne prévoyais pas que j'aurais des idées; elles viennent quand il leur plaît, non quand il me plaît. Elles ne viennent point, ou elles viennent en foule (…)
Rousseau, les Confessions, IV.
23 — J'étais pauvre, on me méprisait. J'ai montré quelque esprit, la haine est accourue. Une jolie femme et de la fortune (…) — Les cœurs vont te revenir en foule.
Beaumarchais, le Barbier de Séville, V, 19.
24 (…) ces manuscrits latins et grecs, qui se pressent en foule à cet angle (…)
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, Œ., t. VIII, p. 72.
CONTR. Désert. — Élite. — Individu. — Peu, poignée.
HOM. 1. Foule, full.

Encyclopédie Universelle. 2012.