BRUGES
Du XIIe au XIVe siècle, Bruges a été au cœur des relations maritimes commerciales et financières des pays de l’Europe occidentale. Depuis 1970, elle dispose à Zeebrugge du troisième port belge. Le centre du vieux Bruges a conservé l’aspect d’une ville de la fin du Moyen Âge. Son patrimoine artistique très riche fut redécouvert par les touristes anglais et français au XIXe siècle; aussi la ville estelle devenue aujourd’hui un des rendez-vous du tourisme de masse mondial.
L’essor
Le nom de Bruges (en néerlandais: Brugge ) provient de Brucciam (vieil islandais), embarcadère. Le site apparaît pour la première fois dans un texte de 892. C’était alors une fortification en terre entre deux bras de la rivière Reie, érigée contre les Normands par Baudouin Ier, comte de Flandre. Après la période des Normands, le site se développa et le comte y attira des marchands. Les transgressions marines de Duinkerque III A et B eurent pour conséquence que, aux XIe et XIIe siècles, les marées de la mer du Nord atteignaient la ville. À partir de 1180, un large chenal, le Nouveau Zwin, fut creusé par la mer et atteignit ce qui fut plus tard la ville de Damme (dam signifie «barrage»). Le comte de Flandre y fit construire la première écluse à sas d’Europe. Bruges fut relié à Damme par un canal, dérivé de la Reie, et les marchandises étaient transbordées à Damme, puis, au XIVe siècle, à L’Écluse, située plus au nord sur le Zwin. Le port de Bruges était le dernier port de mer pour les Hanséates avant la traversée de la Manche, comme il était le point d’aboutissement des caboteurs venant de La Rochelle et de Bordeaux. Il était donc dans la nature des choses que Bruges devînt le point de rencontre de ces marchands de l’Europe septentrionale et méridionale.
Métropole d’Occident
La ville se développa rapidement avec des fortifications en pierre (1127, 1300, entourant des superficies croissantes, allant de 86 à 460 ha). Les drapiers et marchands de Bruges étaient membres des diverses hanses (ligues de marchands) des XIIe et XIIIe siècles, faisant du commerce avec Londres et la Champagne (Troyes). En outre, Bruges devint au XIIe siècle le point de départ et d’arrivée de la nouvelle route commerciale terrestre (duchés de Brabant et de Limbourg, terres d’Empire) allant à Cologne en venant de Londres. Des bateaux génois apparurent pour la première fois en 1277, bientôt suivis par des navires en provenance de Venise et d’Espagne orientale, les marchands délaissant les routes terrestres passant par la France, à cause de la politique de Philippe le Bel (annexion de la Champagne). Ils apportaient de l’alun, des colorants, des soieries et des épices. La supériorité des Italiens sur le plan de la technique financière et le rôle qu’ils jouaient comme banquiers du Saint-Siège firent de Bruges un marché monétaire d’importance européenne. Sur l’une des places de la ville où se trouvait la maison de la famille Van der Buerze fut créée la première «bourse» d’Europe: les membres des diverses «nations» se rencontraient et échangeaient des documents financiers et effectuaient des transactions commerciales. Dans leurs rapports avec le comte de Flandre (et son suzerain le roi de France), le magistrat et les échevins de la ville de Bruges défendaient leurs privilèges juridiques et fiscaux âprement acquis (ou conquis) au long des siècles. Ce fut la ville de Bruges qui finança en grande partie le soulèvement du comté de Flandre contre Philippe le Bel (1302). Au cours des XIVe et XVe siècles, Bruges fut en lutte permanente avec Gand, guerre fratricide de deux grandes cités, à bout de souffle, s’attaquant tantôt à une dictature du patronat, tantôt à une dictature du peuple. Cette âpre lutte profita en fin de compte au prince (la maison de Bourgogne ayant succédé aux comtes de Flandre en 1384 et les Habsbourg aux Bourguignons en 1482) et le climat d’insécurité qui régnait nuisait au commerce international. L’industrie du drap flamand, véritable assise de Bruges comme matière d’échange, perdit sa supériorité par rapport au drap anglais.
Décadence
Le Zwin s’était ensablé au cours du XVe siècle, à la suite d’une malencontreuse spéculation foncière des abbayes et des riches marchands. Un rapport officiel de 1470 témoigne de cette catastrophe écologique: «Ils ont trouve vray semblement le dit empirement estre advenu a loccasion de ce que plusieurs poldres et scors gisant au long de la mer... entre nostre ville de Lecluse et nostre ville de Dam, avoient este dicquiez et gaignez sur la mer; par le moyen et occasion des quelz dicquaiges le cours de leau a ete diverty de son anchien cours, telement que celle qui souloit entrer et yssir par ledit port, a prins ailleurs son cours et sa retraicte...» Après le soulèvement de Bruges contre Maximilien d’Autriche, au cours duquel le prince de Habsbourg fut incarcéré à Bruges même en 1484, celle-ci perdit ses privilèges au profit d’Anvers, les commerçants étrangers la quittèrent; la ville qui, au faîte de sa puissance, comptait 35 000 habitants entra en décadence. Elle ne prit partie ni à l’essor du capitalisme commercial du XVIe siècle ni à l’industrialisation du XIXe siècle. Tenue ainsi à l’écart du «progrès» industriel aux XIXe et XXe siècles, elle fut surnommée «Bruges la morte» (Georges Rodenbach).
Une grande richesse artistique
Bruges possède un vaste patrimoine architectural: beffroi et halles (environ 1300), hôtel de ville (1376), greffe civil (1537), palais de justice (1727), hôpital Saint-Jean (salles de malades du XIIIe et XIVe s.), et les églises Notre-Dame (style gothique scaldien, XIIIe-XVe s.; avec une Madone de Michel-Ange, les tombeaux de Marie de Bourgogne et de Charles le Téméraire), la cathédrale Saint-Sauveur (XIVe s.), Sainte-Anne (XIIe s.), Saint-Walburge (1642, style jésuite), le béguinage (XVIIe et XVIIIe s.). Il subsiste aussi des maisons patriciennes des différentes périodes de l’histoire, dans le style dit «brugeois ou flamand». Bruges possède de riches musées (Groeninge: primitifs flamands, en particulier Van Eyck et Van der Goes; hôpital Saint-Jean: Hans Memling). Outre sa fonction de tourisme fluvial, Bruges est un centre de festivals de musique ancienne.
Le port de Zeebrugge
À la fin du XIXe siècle, le roi Léopold II, envisageant une renaissance du rôle commercial et maritime de Bruges, fit creuser (1896-1907) le canal Baudouin de Bruges à Zeebrugge, long de 12 kilomètres avec une écluse donnant sur la mer du Nord. Cependant, il n’était pas le premier à y avoir pensé. Napoléon, déjà, avait fait creuser un nouveau canal de Bruges à L’Écluse, mais la chute de l’Empire empêcha l’achèvement de son projet. La ville de L’Écluse ne constituait plus un débouché sur la mer, et le Zwin était en voie de disparition. Pendant la Première Guerre mondiale, les Allemands utilisèrent Zeebrugge pour abriter leurs sous-marins, ce qui amena les Anglais à bloquer le port en y coulant des navires de ciment (avril 1918). Pendant l’entre-deux-guerres, l’exploitation maritime se poursuivit de façon modeste. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Zeebrugge fut bombardé par les Alliés et complètement démantelé par les Allemands en 1944. Il fallut tout reconstruire. Pendant les années 1960, on aménagea de nouveaux bassins à Zeebrugge, le trafic des marchandises et des car-ferries avec l’Angleterre se développant, on construisit un nouveau port de pêche. Dès les années 1970, le gouvernement belge et le bourgmestre de Bruges, Vandamme, s’attelèrent à la tâche. Malgré la résistance d’Anvers et de Gand, qui craignaient pour leurs propres investissements, on dressa des plans extrêmement ambitieux pour Zeebrugge. En 1992, Zeebrugge possède, outre son arrière-port avec deux bassins, desservis pour deux écluses, un nouveau port de mer, le port extérieur, sans écluses et accessible quelle que soit la marée. Il est équipé d’un certain nombre de terminaux adaptés à toutes les formes de trafic moderne: le trafic conteneur et roulier principalement. C’est ici que s’effectue la réception et le stockage d’un gaz naturel liquéfié acheminé d’Algérie à bord de méthaniers. Ces atouts ont conduit un groupe norvégien à choisir Zeebrugge comme port d’arrivée du gazoduc long de 1 200 kilomètres, le Zeepipe, qui acheminera le gaz naturel norvégien offshore de Sleipnir et Troll à Zeebrugge, où il sera distribué à différents consommateurs d’Europe centrale et méridionale par un réseau de gazoducs encore à construire. Zeebrugge est aussi un port de déchargement de pondéreux, principalement de minerais et de charbon. Le terminal vraquier a une capacité de déchargement de 60 000 tonnes par vingt-quatre heures. Toutefois, le trafic conteneur a confirmé sur le plan international le principal atout du port. Il profite de l’intégration verticale des grands consortiums et des grands armements internationaux qui consiste à contrôler le transport maritime et aussi terrestre, c’est-à-dire à pratiquer le transport plurimodal, transport combiné offrant un service tout à fait intégré, de porte à porte sans rupture de charge. Une partie des conteneurs est transportée par voie ferrée vers quelques grands centres de triages (plates-formes plurimodales ou multimodales de transport) près des frontières franco-belge et germano-belge où ils sont à nouveau regroupés en vue du franchissement de la frontière et de la desserte du nord de la France et de la Rhénanie. Le succès de Zeebrugge en tant que nouveau port est foudroyant. Entre 1962 et 1991, le trafic est passé de 2,2 à 30 Mt, dont 65 p. 100 de déchargements et 35 p. 100 de chargements. Ce trafic comportait, en 1990, 56 p. 100 de marchandises générales en roulage, 15 p. 100 de produits liquides et 29 p. 100 de marchandises en vrac. Avec plus de 11 000 navires par an, Zeebrugge figure parmi les vingt premiers ports maritimes du monde. Certes, Bruges n’a pas retrouvé sa place dans le commerce mondial maritime comme Anvers ou Gand, mais le succès de Zeebrugge a prouvé qu’il y a dans l’Europe une place pour un tout nouveau port, certes dépourvu de la tradition d’Anvers, mais correspondant aux besoins actuels de spécialisation. Zeebrugge est recherché ainsi pour le trafic de fret spécifique tel que le gaz liquéfié dont le transbordement et la manutention sont interdits à Anvers ou à Gand en raison des risques qu’ils feraient courir aux populations très denses de ces agglomérations.
Bruges
(en néerl. Brugge) v. de Belgique, ch.-l. de la Flandre-Occid., la "Venise du Nord" (nombr. canaux); 118 000 hab. Industries. Port de pêche (V. Zeebrugge). Tourisme.
— Bruges fut une très importante cité commerciale et drapière (XIIIe-XVe s.): cath. goth. St-Sauveur (XIIIe-XIVe s.); basilique du St-Sang (XIIe-XVe s.); égl. N.-D. (XIIIe-XVe s.); hôtel de ville goth. (XIVe s.); halles (XIIIe-XVIe s.). Musée Memling. à partir du XVIe s., la concurrence d'Anvers atténua le développement de la ville jusqu'au XXe s.
⇒BRUGES, subst. masc.
Dentelle aux fuseaux appelée également Guipure des Flandres. Bruges ou dentelle de Bruges. Robe de noces garnie de bruges (A. DAUDET, L'Évangéliste, 1883, p. 134).
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. 1879 « dentelle qui se fabrique à Bruges » (A. DAUDET, Rois en exil, p. 81). De Bruges en Flandre occidentale où l'on fabrique différentes étoffes qui ont porté son nom; dès 1492 satin de Bruges [à Amiens] cité par BAMBECK, Untersuchungen zur Tuch- und Stoffbenennung in der französischen Urkundensprache, Tübingen, 1967, p. 154; dès le XIIIe s. a. prov. dans FAGNIEZ, Documents relatifs à l'hist. de l'industr. et du comm., Paris, 1898, t. 1, p. 230.
BBG. — BEHRENS D. 1923, p. 63.
bruges [bʀyʒ] n. m.
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♦ Dentelle au fuseau originaire des Flandres. || Robe garnie de bruges.
Encyclopédie Universelle. 2012.