tutoyer [ tytwaje ] v. tr. <conjug. : 8> ♦ S'adresser à (qqn) en employant la deuxième personne du singulier. ⇒ te, toi, 1. ton, tu (cf. Vouvoyer). En règle générale, on tutoie de nos jours les personnes auxquelles on est uni par des liens étroits de parenté, d'amitié ou de camaraderie, ainsi que les enfants. Dans le style élevé, on tutoyait Dieu ou les grands. « les enfants aiment-ils mieux leurs parents aujourd'hui qu'ils les tutoient et ne les craignent plus ? » (Chateaubriand). « (Bas, à son mari) Surtout ne me tutoie pas devant cette dame [...] C'est commun... c'est bourgeois ! » (Labiche). — Pronom. (récipr.) Ils se tutoient depuis le collège.
● tutoyer verbe transitif (de tu et toi) User de la deuxième personne du singulier pour s'adresser à quelqu'un, par opposition à vouvoyer. Être proche de ; frôler : Tutoyer la mort. ● tutoyer (difficultés) verbe transitif (de tu et toi) Conjugaison Les formes conjuguées du verbe s'écrivent avec un i devant e muet : je tutoie, tu tutoies, mais nous tutoyons. - Attention au futur et au conditionnel : je tutoierai ; je tutoierais. - Attention également au i après le y aux première et deuxième personnes du pluriel, à l'indicatif imparfait et au subjonctif présent : (que) nous tutoyions, (que) vous tutoyiez. ● tutoyer (expressions) verbe transitif (de tu et toi) Tutoyer l'obstacle, en équitation, le frôler sans le faire tomber.
tutoyer
v. tr. User de la deuxième personne du singulier en s'adressant à (qqn).
|| v. Pron. (Récipr.) Ils se tutoient.
⇒TUTOYER, verbe trans.
A. — S'adresser à quelqu'un en lui disant « tu ». Il se disait, s'étonnant: « Bigre, tu as de la race, toi! » Et il avait envie de la tutoyer vraiment, comme il tutoyait dans sa pensée, comme on tutoie, la première fois qu'on les voit, les femmes qui sont à tous (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Yvette, 1884, p. 515). « Liebling, tu dormais? » Jamais encore elle ne l'avait tutoyé (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 811).
— Empl. pronom. réciproque. Ces gens, de tous les états, se tutoyaient depuis le commandant jusqu'au simple volontaire (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 40). — On peut se tutoyer, entre artistes. — Si tu veux (QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 165).
B. — P. anal.
1. Avoir des familiarités avec une femme, user avec elle de façons libres. Les hommes l'abordèrent avec familiarité, la tutoyèrent du regard, du ton, du geste, de la main (GONCOURT, G. Lacerteux, 1864, p. 99). Les fils de famille qui la tutoient de près sont bigrement heureux (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 747).
2. Défier quelqu'un par des bravades, par des provocations; lui imposer sa loi, sa supériorité. Il monte aux barricades, fouaille le prince et tutoie le sacripant (FAURE, Hist. art, 1921, p. 140). Il s'établit pesamment dans son fauteuil, et, rentrant le menton, élargissant ses bajoues, il défiait, tutoyait Gaspard du regard (POURRAT, Gaspard, 1930, p. 193).
3. Tutoyer qqc. En avoir une connaissance intime et approfondie. Il avait assez tutoyé la châsse de sainte Geneviève pour donner des ordres à la fiole de saint Janvier (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 699). Un métier qui permet de tutoyer les chefs d'œuvre (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 33).
Prononc. et Orth.:[tytwaje], (il) tutoie [-twa]. Conjug., v. aboyer. Étymol. et Hist. A. 1. 1394 tutoyer (Arch. nat. JJ 147, fol. 34 r° ds GDF. Compl.); 2. 1871, 23 avr. « caresser sans manières » (GONCOURT, Journal, p. 779: Une fille, un peu tutoyée des deux mains par un officier de la Garde nationale, se dérobe). B. XIVe s. [ms.] tutoiser (GAUTIER DE BIBBESWORTH, Traité, éd. A. Owen, av.505, texte du ms. 5). A dér. de tu; suff. -oyer avec intercalation de t. B formé à partir de tu, prob. sur le modèle des verbes dér. en -er, -oyer de mots en -ois, du type pantois, pantoisier/pantoiser, v. panteler. Fréq. abs. littér.:520. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 332, b) 1 245; XXe s.: a) 1 023, b) 640.
DÉR. Tutoyeur, -euse, adj. et subst. a) (Personne) qui tutoie, dont l'habitude est de tutoyer. Oui, j'ai pu voir encore les derniers représentants de cette génération de tutoyeurs de Dieu assister au culte avec leur grand chapeau de feutre sur la tête (GIDE, Si le grain, 1924, p. 375). b) (Personne) qui se comporte familièrement, voire librement avec autrui. Mais, lui dire « vous », n'est-ce pas une caresse unique que lui donne là cette Claudine un peu brutale et tutoyeuse? (COLETTE, Cl. ménage, 1902, p. 18). [P. méton.] Ma froide et tutoyeuse cordialité, à laquelle ils ne se trompent pas, les contient (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 10). — [], fém. [-ø:z]. — 1res attest. 1752 subst. ([Ch. LE ROY], Traité de l'orth. fr. d'apr. ROB.), 1823 (BOISTE), 1875 empl. adj. ton philosophique et tutoyeur (A. DAUDET, Revue dramatique ds J.O., 25 janv., p. 658a); de tutoyer, suff. -eur2.
BBG. — BENVENISTE (E.). Les Verbes délocutifs. In: [Mél. Spitzer (L.)]. Berlin, 1958, p. 60. — QUEM. DDL t. 3, 32.
tutoyer [tytwaje] v. tr. [CONJUG. noyer.]
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1 S'adresser à (qqn) en employant la deuxième personne du singulier. ⇒ Te, toi, ton, tu. || En règle générale, on tutoie de nos jours les personnes auxquelles on est uni par des liens de parenté, d'amitié ou de camaraderie (→ Familier, cit. 11; jadis, cit. 4; lier, cit. 19).
REM. 1. L'emploi du tutoiement est variable selon les variantes régionales du français et selon les milieux; cette pratique est beaucoup plus courante, surtout dans les milieux jeunes et professionnels, dans les années 1980 qu'elle ne l'était vers 1950. A l'intérieur de la famille, le tutoiement est la norme; cependant, dans quelques familles, on ne se tutoie pas entre époux, ou de parents à enfants et surtout d'enfants à parents (→ Respect, cit. 4). Les adultes ont tendance à tutoyer les enfants (→ Gamin, cit. 7).
2. Le tutoiement semble plus normal et plus étendu en français du Canada qu'en français d'Europe (France, Belgique, Suisse). Sa nature est différente en français d'Afrique, où il s'agit d'une langue seconde (ou tierce).
3. Dans le style élevé, on tutoyait Dieu ou les grands (→ Excuser, cit. 15); dans les prières, les protestants utilisent encore aujourd'hui le tutoiement (→ Tutoyeur, cit. Gide); la tragédie classique offre des exemples de tutoiement, dans les moments dramatiques, entre personnages qui se vouvoient normalement (cf. Corneille, Polyeucte, IV, 3; et Racine, Andromaque, IV, 5). — Si le tutoiement injurieux est courant, le tutoiement comme signe de supériorité sociale (→ Inférieur, cit. 10) tend à reculer.
1 En latin, le tutoiement est de règle. En ancien français, on emploie tu et vous en s'adressant à la même personne. Chez Villehardouin, dans un discours officiel, on tutoie d'abord le doge, puis on passe au « vous ». M. Frappier, qui a étudié le problème avec beaucoup de pénétration, considère que le tu s'emploie dans des circonstances solennelles, ou sous le coup d'une émotion violente.
Brunot et Bruneau, Grammaire historique de la langue franç., §425.
2 En s'écrivant, on gardait les mêmes formes que dans la conversation. Le tutoiement de Patru et de Perrot d'Ablancourt, de La Fontaine et de Maucroix (…) est chose exceptionnelle. Même en famille, on s'en gardait. Colbert tutoyait son fils, non son frère. Et bientôt Grimarest y verra une manière grossière de s'entretenir, bannie du bel usage.
Brunot, Hist. de la langue franç., t. IV, I, p. 376.
3 La vérité est qu'aucun système d'éducation n'est en soi préférable à un autre système : les enfants aiment-ils mieux leurs parents aujourd'hui qu'ils les tutoient et ne les craignent plus ?
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 59.
4 — (Bas, à son mari) Surtout ne me tutoie pas devant cette dame. — Pourquoi ? — C'est commun… c'est bourgeois !
E. Labiche, la Poudre aux yeux, I, 4.
5 Je n'osais pas la tutoyer; lorsque je ne pouvais plus me taire, je cherchais longuement mes mots, construisant mes phrases de façon à ne pas lui parler directement, car si je ne pouvais pas la tutoyer, je sentais combien il était encore plus impossible de lui dire vous.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 61.
2 Par métaphore. Être familier avec. || « Tutoyer les chefs-d'œuvre » (Duhamel, Chronique des Pasquier, IX, III).
3 Fam., vx. Manier rudement, maltraiter.
6 Une fille, un peu tutoyée des deux mains par un garde national, se dérobe avec les fuites de corps et les révérences d'une soubrette se défendant contre le désir d'un grand seigneur.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 23 avril 1871, t. IV, p. 217.
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se tutoyer v. pron. (récipr.).
♦ || Ils se tutoient. || Ils ne se tutoient pas en public.
♦ Par euphémisme. Vieilli. Avoir un échange de propos sans aménité, une querelle. || Ils se sont un peu tutoyés.
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DÉR. Tutoiement, tutoyeur.
Encyclopédie Universelle. 2012.