suicider (se) [ sɥiside ] v. pron. <conjug. : 1>
• 1787 ; de suicide; le pronom. a été critiqué
♦ Se tuer par un suicide. ⇒ se détruire, se supprimer. Se suicider d'un coup de revolver, de fusil. ⇒fam. se flinguer (cf. Se brûler la cervelle; fam. se faire sauter le caisson). « Des personnes qui se suicident, les unes se font violence; les autres au contraire cèdent à elles-mêmes » (Valéry).
♢ Trans., iron. On l'a suicidé, on a déguisé son meurtre en suicide.
● suicider verbe transitif Familier Amener quelqu'un à se suicider. Maquiller un assassinat en suicide.
suicider (se)
v. Pron. Se tuer volontairement.
⇒SUICIDER (SE), verbe pronom., SUICIDER, verbe trans.
A. — 1. Se tuer volontairement. Synon. se détruire, se supprimer, se donner la mort (v. donner I C 1 a ), mettre fin à ses jours (v. fin1), attenter à ses jours. Menacer, essayer, tenter de se suicider; se suicider de désespoir, de dépit; se suicider par amour, par protestation, par ennui. — Vous voulez vous suicider ensemble? — Cathie rit d'un rire faux: — Comme c'est romanesque! — Non, pas nous suicider, mourir ensemble (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 180). V. ennui ex. 1, non-conformiste B ex. de Breton:
• ...ce Russe affamé, presque son voisin, qui, devenu manœuvre, s'était suicidé un jour de trop grande misère, et dont la femme folle de rage avait giflé le cadavre qui l'abandonnait, avec quatre gosses dans les coins de la chambre...
MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 312.
— Au part. passé. Michelle la rousse, celle qu'on voyait toujours avec Machin, suicidée aux barbituriques (A. ERNAUX, La Femme gelée, 1989 [1981], p. 116).
— En partic. Avoir un comportement ou une conduite dont le but ou la conséquence est la mort. Il aimait sa femme. Il sut tout [de son inconduite]. Il se suicida en quelques mois par des excès de toute sorte (GONCOURT, Journal, 1869, p. 525).
— P. anal. [Le suj. désigne un animal] La légende veut même qu'il [le Scorpion] se suicide de son aiguillon lorsqu'il ne peut échapper à un danger (Divin. 1964, p. 200).
— P. ext. [En parlant d'un groupe hum.] Deux armées aux prises, c'est une grande armée qui se suicide (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 7). Au moins, qu'elle soit [cette guerre] la fin de cette société moribonde, qui ne s'aperçoit pas qu'elle se suicide elle-même (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 618).
2. Au fig.
a) Synon. de s'anéantir, se détruire. [Elle] prit le parti de se suicider socialement, en se vouant à un célibat éternel (SAND, Lélia, 1839, p. 428). La question qui se pose maintenant est de savoir si dans ce monde qui glisse, qui se suicide sans s'en apercevoir, il se trouvera un noyau d'hommes capables d'imposer cette notion supérieure du théâtre (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p. 39).
b) [Le suj. désigne une personnalité, un personnage] Avoir une conduite qui ruine ou qui risque de ruiner son crédit, son autorité, sa carrière. On nous demande de nous suicider, de jeter de la boue en l'air pour qu'elle nous retombe à tous sur le nez! (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 302). Il serait impossible de demander à cinquante députés U.N.R. de « se suicider ». Ce suicide serait pourtant nécessaire s'il fallait faire place aux candidats « recommandés » par MM. Pisani, Joxe ou Edgar Faure (Le Nouvel Observateur, 18 mai 1966, p. 5, col. 3).
B. — Empl. trans. dir.
1. a) Fam. Assassiner quelqu'un et faire passer son meurtre pour un suicide. On l'avait suicidé de trois balles, à la suite d'une tentative de coup d'État (A. FRANCOS, Sauve-toi, Lola, 1983, p. 80).
— À la forme passive. Les juges des tribunaux militaires qui condamnent leurs camarades aujourd'hui, seront eux-mêmes arrêtés, tués ou « suicidés » demain (P. NORD, L'Intoxication, 1971, p. 72).
b) Provoquer le suicide de quelqu'un. Entre deux gardes municipaux, l'œil en vrille sous la toque de loutre, Mme Humbert exploite la fortune Crawford, suicide les ministres et amuse la foule (COCTEAU, Portr.-souv., 1935, p. 119).
c) Aider quelqu'un à se donner la mort. [L'euthanasie] nouvelle projection de Thanatos, l'instinct de mort et de violence, où l'on suicide son prochain avec l'illusion que l'on se supprime un peu soi-même (M. LANCELOT, Campus, 1971, p. 189).
2. Au fig. Détruire (quelque chose qui fait partie de soi). Tu voulus vivre pour ton compte, et suicider ta gloire par mépris de toutes les choses humaines (SAND, Lettres voy., 1834, p. 12). La royauté, qu'avaient aux trois quarts suicidée l'aveugle bonté et la faiblesse capricieuse d'un prince mal conseillé, devait d'ailleurs disparaître (VERLAINE, Œuvres posth., t. 2, Voy. Fr., 1896, p. 60).
REM. Suicidant, -ante, part. prés. en empl. subst., psych., psychol. Personne qui exprime des intentions de suicide ou qui a déjà tenté de se suicider. Synon. suicidaire. L'écoute du suicidant; le traitement des suicidants. La suicidante savait que son mari rentrerait rapidement. Elle a donc pris le risque de mort, tout en gardant une chance de survie (M. SOURIS, Prévention du suicide, 1975, p. 14). Empl. adj. Adolescent, appelant, paranoïaque suicidant. Le geste suicidaire s'inscrit dans le cadre d'un conflit, dont il permet en partie la résolution, il ne semble pas être la marque d'une structure psycho-pathologique du sujet suicidant (Psychol. méd., t. 12, avr. 1980, p. 816).
Prononc. et Orth.:[()], (il se) suicide [-sid]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. 1787 se suicider (SCHWAN, Nouv. Dict., 98, Suppl. cité par Th. Ranft ds Z. fr. Spr. Lit. t. 35, p. 145); 2. empl. trans. dir. a) 1807 (J. DE MAISTRE, Corresp., t. 2, p. 339: si, d'une part il y a un Souverain légitime avec sa Cour, et de l'autre un casse-cou tout puissant [...] je dis qu'un Souverain qui vient se mesurer en champ clos avec un tel homme est véritablement suicidé); b) 1834 fig. « détruire » (SAND, Lettres voy., loc. cit.). Dér. de suicide; dés. -er. Fréq. abs. littér.:178. Bbg. GENIN (F.). Récréations philologiques... Paris, 1858, t. 1, pp. 197-204.
suicider (se) [sɥiside] v. pron.
ÉTYM. 1787; « ce verbe est incorrectement formé (l'élément sui équivaut à se), mais il est d'un usage courant » (Académie, 8e éd.); de suicide.
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1 Se tuer par un suicide. ⇒ Détruire (se), supprimer (se); cf. Mettre fin à ses jours, renoncer à la vie. || Se suicider d'un coup de revolver (cf. Se brûler la cervelle; se faire sauter le caisson, fam.). || Il s'est suicidé. || Il a voulu se suicider, mais il s'est raté.
1 On plaint le jeune homme qui s'est suicidé, on l'admire, mais on ne l'imite pas. Et, cependant, lui, a trouvé très naturel de se donner la mort, ne jugeant rien sur la terre capable de le contenter, et aspirant plus haut.
Lautréamont, les Chants de Maldoror, II.
2 Des personnes qui se suicident, les unes se font violence; les autres au contraire cèdent à elles-mêmes, et semblent obéir à je ne sais quelle fatale courbure de leur destinée.
Valéry, Tel quel, Rhumbs, Œ., t. II, Pl., p. 608.
♦ Par extension :
3 Deux armées qui se battent, c'est une grande armée qui se suicide !
H. Barbusse, le Feu, II, XXIV.
♦ Au p. p. employé absolument :
3.1 Chateaubriand suicidé dans le bois de Combourg (…) Lamartine noyé avec Elvire (…) les formes qu'ils créèrent eussent apparu quand même en ce qu'elles ont de général.
M. Barrès, Du sang, de la volupté…, p. 25.
2 (Av. 1850, Balzac). Fig. Causer sa propre perte. || Publier ce pamphlet serait vous suicider (syn. plus cour. : serait un suicide).
3 V. tr. Par plais. || Suicider qqn, le tuer et maquiller le crime en suicide, l'inciter ou l'aider à se suicider (cf. Cocteau, in Grevisse), ou, plus généralement, « l'aider à mourir », le tuer.
4 (…) les soldats qui communient et nous suicident dans les rues, qui escortent les processions et nous coupent le nez en passant (…)
P.-L. Courier, Pamphlets politiques, Lettres au rédacteur du Censeur, VI, 30 nov. 1819.
4.1 Alors Narcense : Votre ex-homme plat, cette nuit, je vais tuer son fils, ou mieux, je vais le suicider.
— Pardon ?
— C'est clair, je pense : je vais suicider le jeune Théo Marcel.
— Vous allez suicider son fils ?
— Vous voulez m'en empêcher ?
— Pas du tout, pas du tout. Mais pourquoi ce suicide ?
— Pourquoi ? Il a insulté ma grand-mère.
R. Queneau, le Chiendent, p. 92-93.
4.2 On dit que les prisonniers auraient été « suicidés » dans leur cellule.
Julien Green, La Terre est si belle, 27 oct. 1977, p. 205.
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suicidé, ée p. p. (→ ci-dessus, cit. 3.1), adj. et n.
ÉTYM. (1795, in D. D. L.).
♦ Qui s'est tué volontairement. || Autrefois, on refusait la sépulture chrétienne aux personnes suicidées. — N. || Un suicidé, une suicidée. ⇒ Désespéré (spécialt).
5 — Eh ! quoi ! m'écriai-je, Marguerite fut traînée sur la claie ?
— Mon ami, c'est le sort des suicidés, répondit mon père, c'est pour l'exemple. Bien plus, la sentence porte que le cadavre sera de part en part traversé d'un pieu à l'endroit de la poitrine.
Balzac, Souvenirs d'un paria, IX, in Œ. diverses, t. I, p. 304.
♦ Par analogie :
6 L'événement l'a placée (la France) entre deux alternatives :
Unie et subordonnée à l'Espagne, suicidée.
Ou bien,
Flottant à part, divisée, impuissante, suicidée.
Michelet, Hist. de France, XII, IL.
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DÉR. Suicidant, suicideur.
Encyclopédie Universelle. 2012.