spleen [ splin ] n. m. ♦ Littér. Mélancolie sans cause apparente, caractérisée par le dégoût de toute chose. ⇒ cafard, ennui, hypocondrie, neurasthénie. « J'ai le spleen, et un tel spleen, que tout ce que je vois [...] m'est en dégoût profond » (Vigny). « Spleen et idéal », partie des « Fleurs du Mal », de Baudelaire.
● spleen nom masculin (anglais spleen, du latin splen, rate, parce que les Anciens croyaient que l'humeur noire était produite par la rate) Littéraire. Mélancolie sans cause précise. ● spleen (synonymes) nom masculin (anglais spleen, du latin splen, rate, parce que les Anciens croyaient que l'humeur noire était produite par la rate) Littéraire. Mélancolie sans cause précise.
Synonymes :
- cafard (familier)
- ennui
- mélancolie
- neurasthénie
- vague à l'âme
spleen
n. m. Litt. Ennui que rien ne paraît justifier, mélancolie.
⇒SPLEEN, subst. masc.
Littér. État affectif, plus ou moins durable, de mélancolie sans cause apparente et pouvant aller de l'ennui, la tristesse vague au dégoût de l'existence. Synon. fam. bourdon2, cafard1; dépression, ennui, hypocondrie, langueur, neurasthénie. Spleen abominable, atroce, indicible, intolérable, maladif, profond; spleen baudelairien, verlainien; accès, crise de spleen; avoir, chasser, donner le spleen; souffrir de spleen; être disposé, en proie au spleen; plonger, sombrer, tomber dans le spleen. L'ennemi est en moi et se fait sentir au moment où je le crois endormi. Je crois que ce mal est proprement le spleen des Anglais, causé par un engorgement du foie (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 299). Aujourd'hui, le spleen est venu; ou plutôt le pressentiment, la peur à l'approche du spleen. Le spleen est surtout fait d'orgueil; cela me plaît; mais on souffre terriblement; jusqu'au désir de la souffrance physique, ou d'un abrutissement pour dériver cette angoisse vagabonde de l'âme et pour l'user (GIDE, Journal, 1891, p. 19). V. cafard1 ex. de Morand.
♦ Par personnification. [Avec une majuscule] Dans ces grands parcs anglais peuplés d'arbres stériles, Où le Spleen au front pâle, à l'œil morne, au pas lent, De vapeurs obsédé, se promène en bâillant (FONTANES, Œuvres, Maison rustique, t. 1, 1821, p. 225).
— P. méton.
♦ Manifestation de cet état affectif. Le spleen, s'est-elle dit [la foule des poètes], plaît à la nation: Faisons-lui donc du spleen, de la consomption (POMMIER, Crâneries, 1842, p. 158).
Spleen de qqc. Il faut que je te voye cinq à six jours. Je sens venir le dégoût de tout, qui est le spleen de l'amour (BALZAC, Lettres Étr., t. 3, 1846, p. 347).
♦ Caractère, aspect de ce qui inspire un tel état. L'artiste est donc venu, qui aura rendu la mélancolique grandeur des sites anémiques couchés sous l'infini des ciels; voici donc enfin exprimée cette note poignante du spleen des paysages, des plaintives délices de nos banlieues! (HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 117).
REM. Spleenuosité, subst. fém., hapax. Maisons de blanc: pompes voluptiales; maisons de deuil: spleenuosités, rancœurs à la carte (LAFORGUE, Complaintes, 1885, p. 181).
Prononc. et Orth.:[splin]. Éventuellement voy. longue comme en angl. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1745 spleen subst. masc. (J.-B. LEBLANC, Lettres d'un François, t. 1, p. 118); 1748 spleen subst. fém. (I. DE YONGE, Comtesse de Denbigh, in Hist. mss. Commission, Report on the mss of the Earl of Denbigh, 5, 167 ds QUEM. DDL t. 25); 1750 (PRÉV., s.v. splenique: la maladie particulière aux Anglois, que nous nommons Spline d'après eux. Ils écrivent Spléen); 1760 spline subst. masc. (DIDEROT, Lettres à Sophie Volland, p. 167); 1763 spleen subst. masc. (FAVART, Angl. à Bordeaux, VIII ds BONN., p. 140). Empr. à l'angl. spleen, terme désignant la rate, att. dep. le XIVe s., puis spéc. la rate en tant que siège de la mélancolie, d'où son empl. pour désigner des manifestations excessives de l'humeur, et en partic., dep. la fin du XVIIe s. un état dépressif, la mélancolie ou une morosité maladive (v. NED). Spleen est issu directement, ou par l'intermédiaire de l'a. fr. esplen (fin XIIIe s., G. DE BIBBESWORTH, Traité, éd. A. Owen, 159), du lat. d'époque impériale splen, -is empr. au gr. « rate » concurremment au lat. class. lien, -enis désignant cet organe considéré comme le siège des humeurs. Fréq. abs. littér.:182. Bbg. GOHIN 1903, p. 330. - POHL (J.). Contribution à l'hist. de qq. mots. Arch. St. n. Spr. 1969, t. 205, p. 372.
spleen [splin] n. m.
ÉTYM. 1763; splene, attestation isolée, 1745; var. spline au XVIIIe; angl. spleen « mélancolie », proprt « rate » (siège des humeurs noires); lat. d'orig. grecque splen. → Splén-.
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♦ Littér. ou vx. Mélancolie passagère, sans cause apparente, caractérisée par le dégoût de toute chose. ⇒ Cafard, 2. chagrin, ennui, hypocondrie, neurasthénie, nostalgie. || « J'ai le spleen, tristesse physique (cit. 1), véritable maladie » (Chateaubriand). || Le spleen le prend (→ Peine, cit. 36). || Spleen, poèmes des Fleurs du Mal (Spleen et idéal); le Spleen de Paris, poèmes en prose de Baudelaire.
1 Vous ne savez pas ce que c'est que le spline, ou les vapeurs anglaises : je ne le savais pas non plus. Je le demandai à notre Écossais (le P. Hoop) dans notre dernière promenade, et voici ce qu'il me répondit : « Je sens depuis vingt ans un malaise général plus ou moins fâcheux, je n'ai jamais la tête libre. Elle est quelquefois si lourde que c'est comme un poids qui vous tire en devant… J'ai des idées noires, de la tristesse et de l'ennui; je me trouve mal partout, je ne veux rien, je ne saurais vouloir, je cherche à m'amuser et à m'occuper, inutilement; la gaieté des autres m'afflige. Je souffre à les entendre rire ou parler. Connaissez-vous cette espèce de stupidité ou de mauvaise humeur qu'on éprouve en se réveillant après avoir trop dormi ? Voilà mon état ordinaire, la vie m'est en dégoût (…) »
Diderot, Lettre à Sophie Volland, 28 oct. 1760.
2 C'est à propos de l'influence du climat que Montesquieu examine, au chapitre XII du Livre XIV, pourquoi les Anglais se tuent si délibérément. « C'est, dit-il, l'effet d'une maladie (…) ». Les Anglais, en effet, appellent cette maladie spleen, qu'ils prononcent splin, ce mot signifie la rate. Nos dames autrefois étaient malades de la rate (…) Les Anglais ont le splin, ou la splin, et se tuent par humeur.
Voltaire, Commentaire sur l'Esprit des lois, XLVI, Du climat.
REM. Montesquieu écrit dans le passage commenté : « (…) la machine (…) est lasse d'elle-même; l'âme ne sent point de douleur, mais une certaine difficulté de l'existence (…) ».
3 (…) depuis ce matin, j'ai le spleen, et un tel spleen, que tout ce que je vois, depuis qu'on m'a laissé seul, m'est en dégoût profond. J'ai le soleil en haine et la pluie en horreur.
A. de Vigny, Stello, II.
4 Il n'a fait que pleuvoir tout l'été, le vent m'agace, le vent ne décolère pas, Blachevelle est très pingre, c'est à peine s'il y a des petits pois au marché, on ne sait que manger, j'ai le spleen, comme disent les Anglais, le beurre est si cher !
Hugo, les Misérables, I, III, VI.
5 — Voyons, mon Chiffon, je ne pars pas pour ne plus revenir !… je ne vais pas faire le tour du monde, sois tranquille !… la France me suffit… ailleurs, j'ai le spleen !…
— Pourquoi dis-tu le spleen ?… au lieu de dire le mal du pays ?… il n'y a pas de honte à l'appeler comme ça… je déteste qu'on parle anglais !…
Gyp, le Mariage de Chiffon, p. 90 (1894).
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DÉR. Spleenétique.
Encyclopédie Universelle. 2012.