DÉVALUATION
La dévaluation consiste à modifier le taux de change officiel d’une monnaie (parité) par rapport à une monnaie internationale de référence: or, dollar, écu, par exemple. Dans un sens extensif, elle désigne l’altération de l’objectif de change que les autorités monétaires d’un pays s’assignent dans le cadre de leur politique économique globale, qu’elles soient ou non liées par des engagements internationaux en la matière. La dévaluation doit donc être bien distinguée de la dépréciation – même si, très souvent, elle ne fait que la consacrer. Cette dernière est, en effet, un mouvement du taux de change déterminé spontanément par le marché qui constate une perte continue de valeur de la monnaie domestique par rapport aux monnaies étrangères. Si l’analyse de la dévaluation éclaire celle de la dépréciation, ces deux événements monétaires peuvent avoir des conséquences très différentes. De la même manière, il n’y a pas de symétrie absolue entre dévaluation et réévaluation. Bien que l’idée d’un biais systématique entre les effets de changements de parité de sens opposé mais de même montant ait été discutée, l’inversion des résultats de l’un, aussi bien théoriques qu’empiriques, pour déterminer ceux de l’autre ne peut être pratiquée sans précaution.
Pour une économie, l’objectif immédiat de la dévaluation est d’améliorer sa compétitivité en termes de prix. Celle-ci résulte de la comparaison entre les prix domestiques et les prix étrangers exprimés dans la même monnaie. En modifiant le taux de change, la dévaluation a pour effet de modifier, simultanément, les prix d’exportation exprimés en monnaie étrangère et les prix d’importation exprimés en monnaie domestique. Ainsi, une dévaluation du franc par rapport au Mark entraînera une baisse du prix, exprimé en Marks, des exportations françaises à destination de l’Allemagne, ce qui accroîtra la capacité compétitive des produits français sur le marché allemand; en sens inverse, le prix des produits allemands, exprimé en francs, sera plus élevé, ce qui réduira l’avantage compétitif de ces produits sur le marché français. L’augmentation de la compétitivité a normalement pour effet d’améliorer la balance commerciale du pays qui dévalue. Cette amélioration agit, à son tour, sur le niveau de la production: il y a, en effet, une hausse des exportations, c’est-à-dire de la demande internationale adressée au pays considéré, et une baisse des importations, qui se traduisent par une augmentation de la demande de produits domestiques. Lorsque l’économie dispose de capacités de production inemployées, l’amélioration de la balance commerciale entraîne une augmentation de la demande globale. La dévaluation apparaît alors comme une arme dont la politique économique peut jouer pour relancer l’activité sans affecter négativement l’équilibre externe.
Vision séduisante, mais qui se heurte à de nombreuses objections mises en évidence par la théorie économique récente. En particulier, l’amélioration de la balance commerciale est soumise à des conditions d’élasticité des fonctions d’importation et d’exportation du pays qui dévalue. L’effet de compétitivité lui-même, qui est à la source de l’amélioration de la balance commerciale, n’apparaît que si le pays est en mesure d’imposer ses prix sur les marchés extérieurs. En tout état de cause, les conséquences favorables à la dévaluation ne sont pas instantanées, et l’on peut assister, au contraire, à une dégradation des échanges extérieurs plusieurs mois après le changement de parité; à plus long terme, les effets de l’opération sont érodés par la hausse des prix qu’elle suscite en augmentant le prix des exportations ou en se heurtant à une flexibilité insuffisante de la production si elle n’est pas accompagnée d’une politique de gestion rigoureuse de la demande interne. Elle est, enfin, sans efficacité si les salaires réels sont rigides, et peut même, dans certains cas, s’accompagner d’une dégradation du revenu réel de la collectivité liée à la dégradation des termes de l’échange. Pour toutes ces raisons, l’efficacité de la dévaluation doit être appréciée avec beaucoup de prudence: lorsque les objectifs de lutte contre l’inflation deviennent prioritaires, comme c’est le cas très général dans les économies contemporaines, cet instrument n’est plus privilégié – quand il n’est pas rejeté – pour assurer une amélioration durable de la compétitivité.
Ces remarques étant gardées présentes à l’esprit, le domaine d’analyse propre à la dévaluation apparaît comme extrêmement complexe. Cette complexité se révèle à la lecture même de l’histoire des dévaluations: les objectifs poursuivis sont divers; les résultats, immédiatement visibles, déconcertants par leur variété. Il y a des dévaluations «réussies» (celle du franc en 1969, celle du dollar en 1934 par exemple). D’autres, au contraire – dévaluation de la livre en 1949, du franc en 1957-1958 – se sont traduites par des échecs, en ce sens qu’elles n’ont pas permis de rétablir, de manière durable, l’équilibre externe. Les théories de la dévaluation tentent de jeter quelque lumière sur les raisons du succès ou de l’échec. Leurs résultats, éclairés par l’analyse économétrique, permettent de tirer des conclusions utiles en matière de politique économique.
1. Points de repère historiques
La période qui va de la fin du XVIIIe siècle à la Première Guerre mondiale est caractérisée par la stabilité des changes. Le régime dominant de l’étalon-or (gold standard ) impose que chaque monnaie nationale soit définie par un poids déterminé de métal. Les déséquilibres éventuels des balances commerciales imputés aux différences de niveau de prix entre partenaires sont réputés devoir se résorber sous l’influence des mouvements de déflation des prix dans le pays en déficit (qui perd ses avoirs en or et voit, de ce fait, se réduire sa masse monétaire interne), d’inflation dans les pays en excédent. Voilà pour la théorie.
Le schéma effectif était certainement quelque peu différent, en raison, notamment, des interventions des banques centrales et du rôle des pays créditeurs dans ce que l’on appellerait aujourd’hui le recyclage des excédents. Mais la stabilité du système international avait été préservée, et le principe de la fixité des parités ne fut pas remis en question jusqu’à la guerre de 1914.
Les ajustements monétaires des années vingt
L’histoire des dévaluations commence donc après les bouleversements entraînés par la guerre de 1914-1918 et les perturbations monétaires qui l’ont suivie: le rythme de hausse des prix, variable selon les pays, introduit entre les monnaies des différences de dépréciations internes et externes, qui pèsent sur les cours de change. L’effondrement de la monnaie de certains pays (Russie, Europe centrale, Allemagne), la spéculation (contre le franc notamment en 1926, lors de l’expérience du «cartel des gauches»), la hausse continue des prix intérieurs imposent, lors du retour des pays à l’étalon-or ou à l’étalon de change or, une révision des parités.
Quelques pays (États-Unis en 1919; Grande-Bretagne en 1923) vont maintenir ces parités au niveau de l’avant-guerre. Cette politique constitue, en fait, pour la Grande-Bretagne, une réévaluation , si l’on considère le taux de change du marché livre-dollar de la période. Elle allait donc à contre-courant de la logique économique, et cela eut des conséquences désastreuses: on y trouve, en effet, le germe de la régression économique dans laquelle ce pays s’est engagé et de son affaiblissement politique ainsi que militaire.
D’autres pays, au contraire, tirèrent les conséquences de la dépréciation effective de leur monnaie. Ainsi, en revenant à l’étalon-or, la France dévaluera sa monnaie en 1928 (le franc, qui était défini par un poids d’or de 0,322 g par la loi de Germinal an XI – 7 avril 1803 –, est ramené à 0,065 g).
Durant cette période se dessinent déjà les deux fonctions du changement de parité. Dans le cas de la Grande-Bretagne, la réévaluation procède d’une volonté d’établir un cours du change pour des raisons extérieures (et ici contraires) au seul rétablissement de la balance des paiements. Dans le second cas, il s’agit d’une dévaluation-constat, d’ajustement du cours officiel à la dépréciation effective de la monnaie.
L’ère des dévaluations concurrentes
L’histoire de la troisième période est précisément celle où la dévaluation apparaît essentiellement comme un instrument de politique économique.
C’est la période des «dévaluations concurrentes» inaugurée par l’abandon par la Grande-Bretagne de l’étalon-or, en 1931, qui entraînera une dépréciation de la livre de 30 p. 100 sur le marché des changes. Dévaluation implicite, puisqu’il n’y a plus de parité officielle, son objectif réel est de promouvoir l’équilibre interne à haut niveau d’emploi, notamment par le développement des exportations, c’est-à-dire de combattre la crise en exportant le chômage (beggar my neighbour policy ).
De même nature est la dévaluation du dollar, survenue en 1934, après l’échec de la Conférence de Londres (1933) réunie sous l’égide de la S.D.N., dont l’objet était de rétablir un ordre monétaire international par la coopération et la concertation entre les nations. La dévaluation du dollar (41 p. 100) sera suivie par de nombreux pays qui gravitent dans l’orbite des États-Unis (Canada, Équateur, Colombie et Mexique).
La politique de change adoptée par la Grande-Bretagne et les États-Unis contraste avec celle des participants du «bloc de l’or» qui se constitue après la Conférence de Londres autour de la France, et dont les participants s’étaient engagés à maintenir la parité de leur monnaie dans la cadre de l’étalon-or. Ces pays ne résistèrent pas aux difficultés qu’entraîna la surévaluation de leur monnaie par rapport aux deux principales monnaies concurrentes: dollar et livre sterling. Avec le même esprit de rétablir l’équilibre interne, mais également sous la pression de la spéculation, ils entrèrent dans la voie des dévaluations (Belgique, 1935; France, 1936, 1937 et 1938; Pays-Bas, Suisse, Italie, 1936).
La dévaluation apparaît alors comme une véritable arme économique qui s’exerce au détriment de la communauté internationale et au profit de la nation qui dévalue. Par là même, elle déclenche des réactions défensives sous la forme de nouvelles dévaluations. L’instabilité des changes s’instaure dans le désordre provoqué par les égoïsmes nationaux ou cède la place au contrôle des changes (Pologne, participante au bloc de l’or, et Allemagne, en 1936; Grande-Bretagne, 1939; France, 1939...). On assiste à une segmentation de l’espace économique et monétaire international qui brise le développement des échanges commerciaux et financiers.
La dévaluation «contrôlée»
La Seconde Guerre mondiale ne fit, évidemment, que généraliser ces mauvaises dispositions. L’après-guerre se construisit, au contraire, à partir du système monétaire issu des accords de Bretton Woods (1944), qui instaure un système de changes fixes et renoue avec le principe de la convertibilité des monnaies (cette convertibilité ne sera, en fait, générale qu’en 1958). On devait toutefois s’attendre à ce que les divergences d’évolution économique (coûts, prix, productivité, taux de croissance) imposent des changements de parité. C’est pourquoi le Gold Exchange Standard de 1944 est, en fait, un système de taux de change «ajustables» dans le cadre d’une procédure assez stricte et sous le contrôle du Fonds monétaire international: celui-ci doit constater l’existence d’un déséquilibre fondamental de la balance des paiements – c’est-à-dire à caractère permanent – et autoriser le changement de parité.
Ces dispositions sont contraignantes et assorties de sanctions: «Si un État modifie le pair de sa monnaie malgré l’opposition du Fonds, ledit membre cesse d’être admis à utiliser les ressources du Fonds» (art. 4, section 6). (La France en fit l’expérience lors de la dévaluation de 1948: non autorisée par le F.M.I., elle fut privée des droits de tirage pendant dix ans.) Elles ont certainement freiné la tentation des gouvernements de dévaluer, et les modifications de parité n’ont été – même si le taux des dévaluations a pu être contesté – que le constat officiel de la dépréciation monétaire et non un instrument au service d’objectifs économiques nationaux. De cette période, on retiendra quelques exemples (France: 1948, 1958, 1969; Grande-Bretagne: 1967) et trois dates clefs:
– dévaluation de la livre de septembre 1949 (30,5 p. 100), imitée par de nombreux pays, dans le cadre d’une remise en ordre générale des parités;
– dévaluation du dollar (déc. 1971), qui sera également l’occasion d’un réajustement général des parités et s’accompagnera de la déclaration officielle de l’inconvertibilité du dollar;
– nouvelle dévaluation du dollar (févr. 1973), qui sera l’occasion de l’abandon du système dans la forme des accords de 1944.
Le contexte actuel
L’analyse de la dévaluation (réévaluation) reste d’actualité pour les monnaies qui, dans le contexte général du flottement, ont adopté un système de change fixe en participant à des unions monétaires où les parités des monnaies sont liées, l’ensemble de la zone flottant vis-à-vis des pays tiers. Ainsi du système monétaire européen qui a fonctionné avec des vicissitudes diverses depuis 1972 mais a réaffirmé, avec l’accord monétaire européen de 1978, l’existence d’une solidarité active entre les pays de la C.E.E. qui y participent. L’organisation du système exclut l’éventualité de modifications, décidées unilatéralement, des parités définies à partir de l’écu, nouvelle unité monétaire européenne, les changements de parité ne pouvant résulter que d’un accord global des pays membres. Ainsi se trouve naturellement renforcé l’esprit des dévaluations qui avait prévalu dans le cadre des accords de Bretton Woods, et définitivement écartée l’idée de dévaluations compétitives. C’est dans ce cadre concerté qu’ont eu lieu les douze modifications de parité qui sont survenues à l’intérieur du Système monétaire européen (S.M.E.) depuis 1979 et, en particulier, les quatre dévaluations du franc de 1981, 1982, 1983 et 1986, sans oublier la réévalution de 2 p. 100 intervenue en 1985.
2. Éléments d’interprétation théorique
L’évolution de l’analyse s’est faite de manière relativement linéaire, dans le cadre d’une généralisation croissante, cohérente avec l’évolution de l’environnement économique international. Ainsi a pu se constituer un fonds commun théorique que les analyses récentes, intégrant la concurrence imparfaite et les acquis de la nouvelle théorie de l’économie industrielle ont considérablement enrichi.
L’analyse en termes d’équilibre partiel
Bien qu’il y ait eu des précédents, le problème des effets de la dévaluation s’est essentiellement posé dans le cadre d’un système mondial en crise, celui des années trente. La théorie s’est donc fondée sur des hypothèses qui reflétaient les caractéristiques générales de la période: tendance à la rigidité des salaires nominaux et des prix ; situation généralisée de sous-emploi. Les questions posées étaient alors: dans quelle mesure la dévaluaton améliore-t-elle la balance commerciale? Dans quelle mesure favoriset-elle la production et l’emploi internes? Deux orientations sont apparues: l’une de caractère micro-économique («approche par les élasticités»), attentive aux effets des changements de parité sur les marchés d’exportation et d’importation, donc sur le solde de la balance commerciale; l’autre, de nature macro-économique («approche par le revenu»), commence en ce point et peut donc être considérée comme complémentaire de la précécente: elle étudie les incidences de la variation du solde sur le revenu interne, puis les effets induits de ces changements sur la balance commerciale elle-même.
Pour l’approche en termes d’élasticité, le cœur de l’analyse réside dans l’idée selon laquelle la dévaluation modifie les prix relatifs (prix domestiques par rapport aux prix étrangers). En raison des caractéristiques de l’offre, supposée flexible, on considère que les prix domestiques et étrangers sont fixés. Dès lors, la hausse du taux de change, due à la dévaluation, fait augmenter les prix des importations en monnaie domestique, baisser celui des exportations en monnaie étrangère et modifie les rapports de prix. Prenons à titre d’exemple le cas d’une dévaluation du franc.
Si l’on part d’une situation d’équilibre – où le solde commercial est nul –, l’effet de la dévaluation sur le solde va dépendre du jeu de deux facteurs: un facteur prix et un facteur volume. L’augmentation du prix des importations tend à accroître leur valeur en francs mais, parallèlement, elle entraîne en général une baisse du volume des biens importés, fonction de l’élasticité par rapport au prix de la demande d’importation (e 1).
En sens inverse, la baisse, en monnaie étrangère, du prix des biens exportés tend à accroître la demande de ces biens en fonction de l’élasticité des prix de cette demande (e 2). Les prix-francs étant fixés, la valeur en monnaie domestique des exportations doit croître. Il est donc évident que le résultat net va dépendre de la valeur relative des élasticités. On démontre que la dévaluation aura un effet favorable si: e 1 + e 2 礪 1 (théorème des élasticités critiques ou théorème MarshallLerner-Robinson).
L’approche en termes de revenu complète la précédente. Admettons que l’effet ait été favorable et imputons, à titre de simplification, cet effet aux seules exportations. La théorie, fondamentalement keynésienne, de l’analyse de ce solde positif se déduit de l’équation d’équilibre du marché des produits: Y = C + I + X 漣 M, où Y est le revenu national, C la consommation, I l’investissement, X les exportations et M les importations.
Quel est l’effet sur Y de la variation initiale du solde de la balance commerciale, égale à celle de X par hypothèse, soit d X? d X représente une augmentation de la demande globale et induit, à travers un mécanisme multiplicatif, un accroissement de Y, d Y. Mais les importations sont liées au revenu par le biais d’une propension marginale à importer, m , inférieure à 1 et telle que: d M = md Y. L’augmentation des importations induites par d Y va donc jouer négativement sur le revenu. Le résultat net sera cependant positif, car le multiplicateur associé à la variation des exportations demeure positif et tel que d Y = 1/(s + m )d X, où s représente la progression marginale à épargner. Quel est l’effet en retour de d Y sur la balance commerciale? Pour d X donné, l’augmentation des importations, d M, va dégrader la balance commerciale. Sous les hypothèses du modèle, on montre cependant que le solde final sera positif.
Par conséquent, et sous réserve que les conditions relatives aux élasticités soient vérifiées, la dévaluation entraînerait toujours une amélioration de la balance commerciale. Dans ces conditions, on est fondé à admettre que la dévaluation affecte le système économique global. On ne peut donc réduire l’analyse de ses effets à une étude d’équilibre partiel.
L’analyse en termes d’équilibre général
Cette orientation de l’analyse s’est faite dans deux directions: l’approche en termes de dépense ou d’absorption, qui reste essentiellement une analyse de flux, centrée sur la balance commerciale; l’approche monétaire, qui est fondamentalement une analyse en termes de stocks, c’est-à-dire d’actifs, axée sur le solde global de la balance des paiements.
L’approche de l’absorption s’est construite, au moins initialement, en opposition à l’analyse en termes d’élasticité. Alexander (1952) propose une méthode d’analyse qui lui paraît plus fructueuse, centrée sur l’étude des relations entre la dépense et le revenu réel et sur leurs relations avec le niveau des prix, dont le schéma général est le suivant: le produit national est égal, on l’a vu, à : Y = C + I + X 漣 M; appelons B = X 漣 M le solde de la balance commerciale et C + I = A la dépense encore appelée absorption. On a donc B = Y 漣 A; la balance commerciale est donc égale au produit national moins l’absorption, donc tout ce qui affecte Y et A affecte le solde extérieur.
Or la dévaluation va affecter A de deux manières: d’une part à travers les variations de revenu réel qu’elle suscite par suite des effets de multiplication et, jouant en sens inverse, de la perte liée à la modification des termes de l’échange; d’autre part, à côté de ces effets indirects puisqu’ils transitent par le revenu, la dévaluation affecte l’absorption par une série d’effets directs dont le plus important est un «effet d’encaisse réelle»: il survient du fait de la hausse des prix entraînée par la dévaluation. En raison de cette hausse, d’autant plus forte que l’économie est proche du plein-emploi, les encaisses des agents sont réduites en valeur réelle; pour les restaurer, ils seront incités à diminuer leurs dépenses.
En définitive, l’effet de la dévaluation sur le solde commercial est fondamentalement variable, positif, négatif ou nul. La théorie implique alors qu’une politique de réduction de la dépense interne est nécessaire si l’on veut être assuré de son succès; mais elle a fait l’objet de nombreuses critiques, dont la plus importante est son ignorance des facteurs relatifs à l’offre de monnaie. Or «rien ne peut être dit sur la dévaluation à moins qu’une spécification exacte n’ait été faite de l’offre de monnaie et de crédit» (Machlup).
L’approche monétaire de la balance des paiements va répondre à cette préoccupation et s’orienter vers «une théorie générale de la balance des paiements» (Johnson, 1961), qui prolonge et élargit la théorie précédente en considérant que c’est l’accès de demande de monnaie, positif ou négatif, par rapport à l’offre qui est à l’origine des excédents ou des déficits de la balance. Les déséquilibres de la balance des paiements sont donc des déséquilibres de nature essentiellement monétaires.
Cette approche, qui a été défendue sans dogmatisme par J. Polak dès 1957, sera radicalisée dans ce que l’on a appelé le «monétarisme global» (Whitman). On peut schématiser l’analyse de la manière suivante:
– l’équilibre global en économie n’est réalisé que s’il y a équilibre entre l’offre et la demande de monnaie (équilibre de stock); l’offre de monnaie est, à un facteur multiplicatif près, égale aux réserves de change R et au crédit interne B. La demande de monnaie est une fonction stable du revenu, supposé fixe au niveau du plein-emploi;
– le niveau des prix internes s’aligne sur le niveau des prix externes: tous les biens sont échangeables sur le plan international et parfaitement substituables («loi d’unité de prix»); donc, si le taux de change est modifié, le niveau des prix internes devra changer du même pourcentage;
– de même, le taux d’intérêt interne s’aligne sur le taux international en raison de la parfaite mobilité des capitaux.
Dans ce contexte, quels seront les effets de la dévaluation? La hausse du taux de change entraîne une augmentation des prix domestiques qui réduit l’encaisse réelle détenue par les agents et crée un déséquilibre entre offre et demande de monnaie. Pour restaurer leur encaisse, les agents vont vendre, sur le marché interne et sur les marchés extérieurs, des biens et des titres, créant une amélioration du solde de la balance des paiements. Mais cet effet favorable n’est que provisoire: l’entrée de réserves, consécutif à l’excédent, augmente la masse monétaire, c’est-à-dire l’offre de monnaie. Il restaure donc l’équilibre entre la demande et l’offre. Lorsque cet équilibre est restauré, il n’y a plus d’incitation à l’augmentation des encaisses, et le solde de la balance revient à son niveau antérieur. L’effet net de la dévaluation sera donc nul, de ce point de vue; elle aura cependant conduit à un changement dans la structure de la masse monétaire en ayant augmenté le niveau de la composante externe par rapport à la composante interne et à une hausse du niveau général des prix.
Nouvelles qualifications théoriques
Les effets déconcertants, notamment à court terme, de nombreuses dévaluations devaient toutefois conduire à l’enrichissement progressif de ces théories simples. Celles-ci se dégagèrent d’abord des hypothèses restrictives sur lesquelles elles s’étaient construites en introduisant: l’inélasticité des fonctions d’offre, l’existence de biens non échangeables, le rôle des élasticités de revenu, etc. Puis, on imputa l’absence ou la faiblesse des résultats de la dévaluation à l’insuffisance des élasticités de demande qui ne remplissaient pas les conditions. Ce fut la période dite de «pessimisme des élasticités». Mais les analyses économétriques ultérieures montrèrent au contraire que, malgré une faiblesse certaine, ces élasticités satisfaisaient à ces conditions nécessaires. Plus tard, on fit valoir que, en raison de décalages dans la réponse des flux d’exportations et d’importations, la dévaluation avait des effets pervers: le solde commercial commençait par se dégrader avant que ne s’opère un redressement ultérieur (courbe en «J»), parfois suivi d’une autre dégradation (courbe en «W»). De même, l’attention fut attirée sur l’importance des monnaies de facturation et de règlement, qui pouvaient neutraliser les effets de la dévaluation sur les prix relatifs, et sur le comportement de prix des exportateurs ou des importateurs qui risquaient d’annuler la répercussion du changement de parité sur les prix des biens importés (en monnaie nationale) et des biens exportés (en monnaie étrangère): problème du pass through ou de la «prise en charge». Au cours des années quatre-vingt, des travaux (Dornbusch, Krugman, par exemple), réintroduisant explicitement les stratégies des entreprises en situation de concurrence imparfaite, établissaient que les effets de variations de change sur les prix étaient fonction des parts initiales de marché, du nombre de firmes concurrentes, de la différenciation des produits similaires et, par conséquent, de l’imparfaite substitualité des biens. Divers auteurs, enfin (Baldwin, Krugman), ont montré que, à plus long terme, les effets de la dévaluation sur la compétitivité et sur le solde commercial pouvaient être très affaiblis, voire neutralisés par les effets de mémoire (hysteresis effect ) du système productif: celui-ci garde la trace des effets engendrés dans le passé par la surappréciation que tente précisément de corriger le changement de parité. Cet effet d’hystérèse traduit l’idée que les pertes de marché subies avant la dévaluation, en raison d’une compétitivité insuffisante, ne sont pas immédiatement récupérables et qu’un long délai peut s’écouler avant que la dévaluation ne se traduise par une amélioration notable de la balance commerciale; ainsi aux États-Unis: après la période de surévaluation du dollar (1980-sept. 1985), la dépréciation de la monnaie américaine ne s’est pas traduite, au moins jusqu’en 1988, par une amélioration sensible du solde commercial.
Tous ces travaux l’ont souligné: la faiblesse des élasticités ne tenait pas à une insuffisance méthodologique des analyses économétriques mais traduisait un phénomène bien réel, lié à la complexité des comportements et à la diversité des structures de marché. Une telle conclusion devait-elle renforcer le scepticisme auquel conduisait la théorie monétaire de la balance des paiements? En fait, ici encore, de nombreux assouplissements sont intervenus pour lever les hypothèses très restrictives de la théorie (celle de plein-emploi et de flexibilité parfaite des salaires et des prix, par exemple), hypothèses qui conduisaient à une position jugée, très généralement, extrême quant à l’inefficacité de la dévaluation. Ils ont consisté également à élargir la gamme des actifs en prenant en considération les actifs financiers à côté des actifs monétaires; à distinguer, dans la production nationale, bien échangeables et non échangeables; ce qui réintroduit le rôle des prix relatifs éliminé par l’hypothèse du prix unique et ouvre la voie à une analyse des mécanismes de transmission des effets de la dévaluation dans l’économie (modèle scandinave), etc. Enfin, la causalité purement monétaire des déséquilibres a été elle-même contestée: en tout cas, le rôle du compte courant, et spécialement de la balance commerciale, comme celui de la balance des capitaux doivent certainement être réintroduits explicitement dans l’analyse.
Ces diverses considérations conduisent à penser que si, au moins à court terme (effets d’impact) et à moyen terme, les effets de la dévaluation ne sont pas neutres, leur incidence sur les valeurs réelles de l’économie (production, emploi, etc.) dépend étroitement de la nature et de la rapidité des processus d’ajustement. Ces derniers sont eux-même liés au mode de formation des anticipations; au fait de savoir quels sont les marchés qui s’équilibrent en premier (marché des biens ou marché des actifs), quels sont les décalages; au degré de flexibilité des salaires réels, en l’absence de laquelle la dévaluation n’a aucune efficacité; à la mobilité des capitaux qui joue certainement un rôle essentiel comme l’a montré Williamson, etc. Dans ces conditions, n’est-il pas téméraire de vouloir dégager des règles simples capables d’orienter les responsables de la politique économique?
3. Politique économique
Les résultats de l’analyse précédente sont, en effet, ambigus, tant dans les effets immédiats ou à moyen terme qu’à long terme. L’incertitude peut être en partie levée par la recherche empirique et économétrique qui permet d’estimer les effets nets des changements de parité. Cette recherche renforce l’idée – déjà explicite dans la théorie de l’absorption – selon laquelle ces résultats sont fragiles et provisoires et que la dévaluation doit nécessairement être accompagnée de mesures de politique économique propres à en préserver les effets favorables. D’aucuns, toutefois, au regard des réflexions les plus récentes sur le sujet, proposent d’aller plus loin et considèrent que les changements de parité introduisent trop de biais dans les systèmes économiques courants pour qu’ils puissent conduire à une amélioration significative de leur fonctionnement, en termes de revenu réel et d’emploi. La question est d’importance, spécialement lorsqu’on a en vue d’éclairer les conséquences que pourraient avoir sur les économies européennes l’évolution du S.M.E. vers une monnaie unique, confisquant ainsi aux États membres l’arme du taux de change.
Les enseignements de la recherche économétrique
La recherche économétrique propose quelques résultats fondamentaux, issus de l’analyse des dévaluations du passé et des simulations concernant leurs effets potentiels. On retiendra deux exemples particulièrement significatifs.
W. Robinson (1979) étudie, sur la période 1958-1976, l’effet des changements du taux de change dans dix-huit pays industriels. Il en ressort que la dévaluation peut avoir des effets favorables en fonction des caractéristiques structurelles propres à chaque pays et de la période où elle se réalise. De ce point de vue, une différence majeure apparaît entre les dévaluations antérieures et postérieuses à 1970. Avant cette date, les changements de parité semblent bien conduire, conformément à l’approche des élasticités, à des modifications durables des prix relatifs. En revanche, après 1970, ils ont entraîné très rapidement (un ou deux ans) des modifications compensatoires des prix intérieurs qui érodent l’avantage de compétitivité et restaurent les prix relatifs au niveau antérieur. En conséquence, les dévaluations ont de moins en moins d’effet sur les variables réelles (production, emploi, etc.) de l’économie et de plus en plus sur ses variables nominales (prix). Dès lors, les modèles monétaires de la dévaluation s’appliqueraient de mieux en mieux aux économies contemporaines, en raison sans doute de leur intégration croissante dans l’espace mondial.
Miles, en 1979, propose à son tour une analyse exhaustive de la dévaluation. Il prend en considération ses effets immédiats et à terme, afin de déterminer leur caractère provisoire ou permanent, tente de les isoler des autres éléments (variation du produit national, mesures de politique économique) qui contribuent également à déterminer la balance des paiements, estime enfin les résultats nets par rapport à la période de pré-dévaluation afin de déterminer l’avantage du changement de parité. Des résultats de l’auteur, obtenus sur seize pays, on retiendra l’élément suivant: il n’y a pas d’effet significativement favorable à la dévaluation sur la balance commerciale; par contre, elle améliore la balance des paiements grâce à son action sur la balance des capitaux, ce qui confirme des thèses soutenues antérieurement par Laffer et Salant en 1976. Un avantage net de la dévaluation apparaît donc à ce niveau.
Mais ces conclusions doivent être maniées avec prudence, car elles sont très contingentes à la période analysée et à la méthode d’analyse. Les autorités politiques sont peut-être mieux éclairées par les résultats obtenus à partir d’un modèle représentatif de leur propre pays. Des analyses de ce type ont été faites pour la France à partir des modèles D.M.S. et Métric. En particulier, on a pu estimer, par simulation, les effets d’une dévaluation de 10 p. 100 du franc, dans différents cas de figure. Les conclusions obtenues à partir de la version 1988 de Métric (Métricx) font état de plusieurs résultats dignes d’intérêt montrant notamment la diversité des effets des changements de parité selon qu’ils affectent le taux de change du franc par rapport au Mark ou par rapport au dollar. Dans les deux cas, on assiste à une augmentation des salaires et des prix de consommation qui ne dépasse pas 1,6 p. 100 et se diffuse sur toute la période de simulation (1987-1994). Mais la dévaluation par rapport au dollar entraîne une dégradation de la balance commerciale, de l’investissement et du P.I.B., alors qu’un effet contraire est obtenu dans le cas d’un changement de la parité franc-Mark.
En résumé, le coût de la dévaluation, en termes de solde commercial, peut se révéler élevé par rapport aux gains à moyen terme et l’avantage de compétitivité apparaître très provisoire. De même, l’opération peut entraîner une dégradation du revenu réel de la communauté et, en tout cas, se traduit par une baisse, en pourcentage du P.I.B., de la consommation. En revanche, la hausse des prix à un caractère permanent. Seule peut apparaître comme un effet net satisfaisant la promotion du secteur exportateur par l’intermédiaire de l’augmentation des investissements, lorsque celle-ci apparaît. Ce dernier aspect est loin d’être négligeable puisque l’amélioration de ce secteur est une des conditions d’un ajustement en profondeur de l’économie aux contraintes qu’impose la concurrence internationale.
Les politiques d’accompagnement
Une certitude se dégage: la dévaluation ne saurait apparaître comme un instrument au service d’une politique agressive de conquête des marchés extérieurs. L’ère des dévaluations concurrentes devrait, en logique, être close de manière définitive. Il reste que les déséquilibres externes peuvent nécessiter des changements de parité qu’imposent les écarts de compétitivité entre pays, les faiblesses des spécialisations, et la perte continue des réserves de change, souvent accélérée par la spéculation. Les causes profondes des dévaluations dans les économies contemporaines attirent l’attention sur la nécessité d’accompagner les changements de parité par des mesures structurelles. Les effets pervers auxquels elle donne naissance, particulièrement en matière de prix, dictent l’importance des mesures de stabilisation qui permettent de les réduire.
Sur le premier plan, celui des politiques structurelles , on comparera avec profit les résultats des dévaluations françaises de 1957-1958 avec celle de 1969. Ainsi, malgré le fait que les dévaluations de 1957-1958 aient restauré la compétitivité prix, le solde extérieur s’est dégradé de 1959 à 1968 en raison de l’insuffisance des investissements dans les secteurs exposés à la concurrence internationale, ce qui eut un double effet: réduire la capacité concurrentielle (compétitivité prix et non-prix) des exportateurs français et faciliter la pénétration du marché intérieur par les produits étrangers. Ce qui est donc en jeu, c’est non point l’augmentation indifférenciée des investissements, facilitée éventuellement par la dévaluation, mais leur orientation vers les secteurs exposés. En revanche, la dévaluation de 1969 sera une dévaluation «réussie», accompagnée d’un plan de redressement qui favorisera les mutations structurelles au profit des secteurs exposés. Cette orientation sélective de la politique économique est particulièrement essentielle à l’heure actuelle où, sous l’effet des bouleversements technologiques et de la nouvelle division internationale du travail qui voit l’accès des pays du Tiers Monde à la production industrielle, se trouvent remises en cause les modalités de la croissance. Les variations de parité (à la hausse ou à la baisse) traduisent l’efficacité relative des nations avancées à s’adapter à ces transformations. De ce point de vue, il est clair que les dévaluations successives du début des années quatre-vingt, en France, ne sont que le reflet de spécialisations inefficaces de son économie.
Sur le second plan, celui des politiques de régulation conjoncturelles , la dévaluation de 1969 – qui fut accompagnée d’un plan de redressement de l’économie comportant en particulier des mesures de réduction de la dépense globale – constitue également un bon exemple de la démarche qui doit être suivie pour éviter l’érosion rapide des avantages potentiels de la dévaluation.
D’une manière plus générale – et mis à part les mesures de contrôle des mouvements de capitaux ou autres phénomènes spéculatifs (décalage dans les termes de paiement, par exemple) préalables à la dévaluation –, des politiques visant à faciliter le glissement de la dépense vers la production nationale de biens productifs ou (et) à la réduire dans les autres secteurs pour limiter l’absorption s’imposent naturellement. Les suites de la dévaluation du franc de 1981 – avec mesures de relance axées sur la consommation –, qui rendit inéluctable une seconde dévaluation (1982), montrent bien les dangers de politiques inverses à celles que dicte la logique économique.
C’est donc bien à un contrôle et à une orientation sélective de la dépense publique et privée que doivent tendre les politiques monétaires et budgétaires d’accompagnement, pour éviter les effets pervers immédiats de la dévaluation (dégradation de la balance commerciale), les réactions défavorables des comportement «spéculatifs», l’affaiblissement, l’annulation ou même l’inversion des effets favorables à moyen terme des changements de parité. Elles conditionnent ce qui doit être considéré aujourd’hui comme un succès réel – et possible – de ces modifications: la réalisation des changements structurels qui permettent de rompre avec le cercle vicieux des dévaluations en chaîne.
Dans cette perspective où l’on est fondé à admettre que des politiques économiques adaptées permettent de conserver une certaine efficacité à la dévaluation, comment évaluer le coût que représente l’abandon de l’arme du taux de change dans le cadre d’une zone monétaire vers laquelle s’engagent désormais les pays appartenant au S.M.E.? Selon le Rapport Christophersen (1990), ce coût ne doit pas être surestimé: les simulations effectuées montrent que si les modifications du taux de change peuvent protéger, dans un premier temps, le revenu et l’emploi en face de chocs économiques défavorables, cet effet initial se paie, dans un second temps, en termes d’inflation et d’une dissipation des effets favorables sur l’emploi. Néanmoins, on peut redouter qu’une insuffisante flexibilité des salaires réels et de l’emploi ne conduise à des récessions plus fréquentes ainsi qu’à des modifications de la répartition de la richesse à l’intérieur de la communauté.
En vérité, il est aujourd’hui assez clair que l’utilisation de la dévaluation pour résorber les déséquilibres ou, au contraire, de mesures de gestion directe de l’offre et de la demande ne repose pas strictement sur des arguments, en définitive très contingents, de nature théorique; elle est également très orientée par le degré d’aversion des autorités vis–à-vis de l’inflation.
dévaluation [ devalɥasjɔ̃ ] n. f.
• 1928; angl. devaluation, d'apr. évaluation
♦ Diminution volontaire de la valeur officielle d'une monnaie nationale par rapport à l'or, aux monnaies étrangères. Dévaluations du franc, de la livre, du dollar. Dévaluation après une période d'inflation. Spécialt Diminution de la parité officielle d'une monnaie (dans un système de changes fixes). — Fig. Perte de valeur, de crédit.
⊗ CONTR. Réévaluation.
● dévaluation nom féminin Diminution volontaire de la valeur officielle de la monnaie nationale par rapport à un étalon de référence et aux monnaies étrangères. Perte de crédit, de faveur, de valeur ; dévalorisation : La dévaluation des diplômes. ● dévaluation (synonymes) nom féminin Perte de crédit, de faveur, de valeur ; dévalorisation
Synonymes :
- dépréciation
- dévalorisation
dévaluation
n. f. Abaissement de la valeur légale d'une monnaie par rapport aux monnaies étrangères ou à l'étalon de référence.
Encycl. En régime de change fixe mais ajustable, la dévaluation est un instrument de politique économique qui vise à améliorer la balance commerciale en rendant les exportations plus compétitives et en freinant l'entrée de marchandises étrangères, dont les prix, exprimés en monnaie locale, se trouvent accrus.
⇒DÉVALUATION, subst. fém.
A.— Technique financière consistant à diminuer par un acte gouvernemental la valeur de la monnaie d'un pays par rapport à l'or et/ou aux devises étrangères :
• 1. Hier, les banques étaient assiégées par de petites gens qui voulaient acheter de l'argent anglais, dans la crainte d'une dévaluation du franc.
GREEN, Journal, 1936, p. 59.
• 2. Dévaluation et inflation sont décrétées par l'autorité et répondent aux besoins de l'heure, elles ont pour conséquence l'irritation des peuples qui voient diminuer leurs ressources ou leurs réserves, parce que ce qui subsiste de bonne monnaie tend à disparaître ou à se dissimuler, exporté ou thésaurisé, selon la loi que l'économiste Gresham formulera au XVIe siècle.
L'Hist. et ses méthodes, 1961, p. 346.
B.— Au fig. Perte de valeur, de crédit :
• 3. Si on ne recherche que le bonheur, on aboutit à la facilité. Si on ne cultive que le malheur, on débouche dans la complaisance. Dans les deux cas, une dévaluation.
CAMUS, Actuelles I, 1944-48, p. 223.
• 4. Il pose la question de cette existence dans les termes de l'hédonisme, et par une monstrueuse simplification, il réduit la valeur de la personne à l'évaluation d'un rapport entre le plaisir et la douleur. C'est cette dévaluation qui explique le porte-à-faux de l'argument épicurien et en même temps son apparente légitimité.
J. VUILLEMIN, Essai sur la signif. de la mort, 1949, p. 76.
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. 1928 (ROLLAND, Beeth., t. 1, p. 40). Formé d'apr. évaluation avec préf. dé- (l'angl. devaluation n'est pas attesté av. 1914 ds NED Suppl.). Fréq. abs. littér. :23.
dévaluation [devalɥɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1928, diffusé lors de la dévaluation du franc de 1928; angl. devaluation (1914), de to devaluate, d'après dé-, et évaluation.
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1 Abaissement de la valeur légale d'une monnaie par une nouvelle définition du rapport de l'unité monétaire avec l'or, l'argent ou une monnaie étrangère (→ Alignement monétaire). || La dévaluation, conséquence de l'inflation, enregistre officiellement la dépréciation, la dévalorisation de la monnaie. || Stabilisation de la monnaie par dévaluation. || Dévaluations du franc (1928, 1936, 1938…). || Après une série de dévaluations, la valeur or du franc est passée de 322 mg (avant la loi du 25 juin 1928) à 2 mg 5 (en 1949). || La dévaluation de la livre en 1931, du dollar en 1933…
1 (Le père de Ninon de Lenclos) lui avait, grâce à Dieu, laissé en mourant sept à huit mille livres de rente, ce qui en ferait, à travers nos dévaluations, plusieurs millions aujourd'hui (…)
Émile Henriot, Portraits de femmes, « Ninon de Lenclos », p. 49.
2 L'inflation, obtenue en augmentant la quantité de papier-monnaie ou la dévaluation imposée par l'État en diminuant la proportion de l'or contenu dans la monnaie, diminuaient les charges de l'État et des débiteurs au détriment des créanciers. La dévaluation a fini par l'emporter (…) Elle a entraîné presque tous les États à abandonner l'étalon or (…)
Ch. Seignobos, Essai d'une hist. comparée des peuples de l'Europe, p. 456.
3 (En 1926, en France) Il fallait dissocier la notion de retour à la stabilité de celle de retour à l'ancien pair. Autrement dit, il fallait envisager, non pas une abrogation pure et simple du cours forcé, mais une stabilisation accompagnée d'une dévaluation suffisante pour neutraliser la hausse des prix intérieurs.
Bertrand Nogaro, Économie contemporaine, p. 73.
4 La stabilisation s'offre comme un moyen terme entre la solution royale, la revalorisation, et la solution catastrophique, la démonétisation (…) On se résigne par réalisme et par modestie, à une dévaluation de la monnaie. Une nouvelle définition légale est solennellement donnée.
P. Reboud et H. Guitton, Précis d'économie politique, t. I, p. 669.
2 Fig. Perte de valeur, de crédit. ⇒ Dévalorisation.
5 Si on ne recherche que le bonheur, on aboutit à la facilité. Si on ne cultive que le malheur, on débouche dans la complaisance. Dans les deux cas, une dévaluation.
Camus, Actuelles, t. I, p. 223.
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CONTR. Réévaluation.
Encyclopédie Universelle. 2012.