Akademik

jargonner

jargonner [ ʒargɔne ] v. intr. <conjug. : 1>
XIIIe; de 1. jargon
IParler d'une façon peu intelligible. J'apprends l'anglais, « à ton arrivée, nous pourrons jargonner ensemble » (Sainte-Beuve). II(XVIe; par crois. avec jargo, forme dial. de jars) Rare Pousser son cri, en parlant du jars.

jargonner verbe intransitif (de jargon) Parler en jargon ou parler de façon peu intelligible. ● jargonner verbe transitif Dire quelque chose en marmonnant de façon peu intelligible. ● jargonner verbe intransitif (de jargon) Crier, en parlant du jars.

jargonner
v. intr.
d1./d Parler un jargon.
d2./d Crier, en parlant du jars, de l'oie.

⇒JARGONNER, verbe
Gén. intrans.
A. — [Correspond à jargon1 A]
1. Employer le langage particulier à un groupe socio-culturel ou professionnel, à une activité. Vous payez un verre? Il en fait une soif, jargonnait-elle dans l'affreux argot des rencontres de faubourg (LORRAIN, Phocas, 1901, p. 362).
Emploi trans. Bussières jargonnait déjà le vocabulaire professionnel. Les mots de serge, d'alpaga, de cheviote lui venaient (BOURGET, Tapin, 1928, p. 28).
2. S'exprimer plus ou moins correctement, de façon plus ou moins intelligible dans une langue dont on maîtrise mal les structures et le vocabulaire. Jargonner en anglais. Du portugais, en un clin-d'œil, il passe au siamois : il en est bientôt maître, et peut jargonner et caqueter dans les deux langues (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 3, 1851, p. 440).
Emploi trans. Un vieux concierge portant moustache grise, jargonnant un français mélangé d'italien (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 2, 1859, p. 334) :
J'ai dit (...) : « Il y a pourtant plus de six cents ans qu'il [Villehardouin] a écrit dans le français qu'on jargonnait alors... » Ce mot de jargonnait me chiffonne; il me donne après coup des scrupules, et je sens le besoin de faire jusqu'à un certain point réparation à Villehardouin et à nos bons aïeux de la seconde moitié du douzième siècle.
SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 9, 1851-62, p. 526.
B. — [Correspond à jargon1 B] Péj. Parler dans une langue étrangère que l'auditeur ne comprend pas; s'exprimer dans un langage, un style jugé obscur, hermétique, affecté. Les hommes de troupe (...) jargonnaient en hachant la paille. — La métayère ne revenait point de cela, que ne parlant pas patois, ils ne parlassent pas français (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 145). La rivalité est traditionnelle entre professeurs de français et de philosophie, les premiers accusant les seconds de « jargonner » (Le Monde, 6 sept. 1966 ds GILB. 1971).
Emploi trans. Jargonner un patois. Les Mémoires, charmans d'ailleurs de la savante Marguerite ou Margot de Valois, jargonnent une méta-physique sentimentale qui couvre assez mal des sensations très-physiques (CHATEAUBR., Litt. angl., t. 1, 1836, p. 213).
Emploi pronom. passif. Il faut aussi la prévenir que les écrits de fantaisie, les peintures intimes (comme cela se jargonne), sont bornés (CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 553).
C. — [En parlant du jars, de l'oie] Pousser son cri. Il les entendait, de sa chambre, repartir en jargonnant et en cacadant comme des oies (MORAND, Flagell. Séville, 1951, p. 337).
REM. 1. Jargonnant, -ante, adj. Qui emploie un langage affecté, excessivement recherché, hermétique. Cet étudiant en sociologie parlait le langage compliqué et jargonnant de l'université (Le Nouvel Observateur, 17 avr. 1968 ds GILB. 1971). 2. Jargonnement, subst. masc., hapax. Action de jargonner. Au fig. Un silence (...) meublé de paroles d'hommes tranquilles (...), du jargonnement d'un poêle (...), d'une pipe qui jute (ARNOUX, Rhône, 1944, p. 359). 3. Jargonneur, -euse, subst. et adj. (Personne) qui jargonne. (Dict. XIXe et XXe s.). Le galimatias des jargonneurs (ROB. Suppl. 1970). 4. Jargouiller, verbe, hapax. Synon. péj. de jargonner, supra B. Il coupa court à toutes les réponses qu'elle jargouillait (HUYSMANS, Sœurs Vatard, 1879, p. 123).
Prononc. et Orth. : [], (il) jargonne [-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1200 gargonner « discourir en un langage étrange » (Anseis de Metz, ms. BN fr. 4988, f° 215 r° ds DEAF, col. 260); b) ca 1225 jargonner « bavarder (en médisant) » (GAUTIER DE COINCI, Mir., éd. V.Fr. Koenig, II ch. 9, 1447); c) ca 1460 « parler le jargon, la langue des malfaiteurs » (VILLON, Balade [des menus propos] 13 ds Œuvres, éd. L. Tuasne, t. 1, p. 270); 2. 1585 « (de l'oie) pousser son cri [par rapprochement avec jars] » (A. PARÉ, Livre des animaux, chapitre II, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 3, p. 739). Dér. de jargon1; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 10. Bbg. GOHIN 1903, p. 241 (s. v. jargonneur).

jargonner [ʒaʀgɔne] v.
ÉTYM. v. 1225; gargonner, fin XIIe; de 1. jargon; s'est employé aussi au sens de « chanter, gazouiller », en parlant des oiseaux (→ Complainte, cit. 1, Ronsard), et en parlant du jars. → ci-dessous, II.
———
I
1 Parler un jargon. S'exprimer d'une façon peu intelligible.
1 J'apprends l'anglais par forme de désœuvrement; et, à mon retour, sinon à ton arrivée, nous pourrons jargonner ensemble.
Sainte-Beuve, Correspondance, 10, 14 sept. 1822.
2 Il n'est pas très difficile de bavarder (…) avec de petites filles japonaises. L'honorable voyageur jargonnait très médiocrement; mais ses trois partenaires rivalisaient de bonne volonté pour bien l'entendre.
Claude Farrère, la Bataille, XXIII.
Transitif :
3 (Notre armée) assemblage confus d'hommes faits, de vieillards, d'enfants descendus de leurs colombiers, jargonnant normand, breton, picard, auvergnat, gascon, provençal, languedocien.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 42.
2 (1966). Parler un langage obscur, compliqué, rempli de termes techniques.
3 Spécialt. Parler de la manière caractéristique de la jargonaphasie.Transitif :
4 Une nouvelle dialectique. Libérer enfin le langage de la pensée. Jargonner encore cent millions de mots. Et cela s'accompagne, sans qu'on le sache, et bien sûr, de logorrhée, on ne peut plus s'arrêter de jargonner, parce que tous les freins sont brisés, il n'y a pas de contrôle.
R. Gary, Clair de femme, p. 110.
———
II (V. 1560; gargonner, XIIIe; par croisement avec jargo, forme dial. de jars). Cacarder, en parlant du jars.
5 Eh ! bien le jars, il jargonne.
Claude Mauriac, le Dîner en ville, p. 151 (1959).
DÉR. Jargonnant, jargonneur.

Encyclopédie Universelle. 2012.