infatuer [ ɛ̃fatɥe ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1380; lat. infatuare, de fatuus « fade », et fig. « insensé »
1 ♦ Vx Inspirer un engouement ridicule. Infatuer qqn d'une personne, d'un objet. — Pronom. Vieilli S'infatuer de qqch., de qqn. ⇒ s'enticher.
2 ♦ Pronom. Littér. S'infatuer (de soi-même) : devenir excessivement content de soi. Fig. L'art « s'isole orgueilleusement, s'infatue » (A. Gide).
⊗ CONTR. Dégoûter. Humilier.
⇒INFATUER, verbe trans.
A. — Emploi trans.
1. Vx et littér.
a) [Le suj. désigne une pers.] Au passif. S'éprendre. Quand cette belle princesse mourut, Charlemagne ne pouvait se séparer de ce corps dont il était follement infatué, et les jours passaient (BARRÈS, Génie Rhin, 1921, p. 239).
b) [Le suj. désigne une chose] Séduire. On songe à ce lac bleu des Vosges dont les eaux glacées avaient infatué Charlemagne (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 254).
2. Gonfler d'orgueil et de sottes prétentions. Ce fut cet amour romanesque, raffiné jusqu'au ridicule, qui infatua les précieuses (MARMONTEL, Essai sur rom., 1799, p. 309). Ce succès, loin de l'infatuer, allait devenir un jeu qui serait au jeu ce que la pêche à la ligne est au travail de la ville (COCTEAU, Enf. terr., 1929, p. 73).
B. — Emploi pronom. Afficher une trop haute opinion de soi. Un autre vice de ce fatalisme, c'est qu'à force de se confondre avec la divinité, il arrive que l'humanité s'infatue jusqu'à la folie (QUINET, All. et Ital., 1836, p. 121).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin XIVe s. « rendre inepte » (ROQUES t. 2, 5891); 2. a) 1488 [éd. 1491] infatué de « rempli d'une passion ridicule (pour) » (Mer des Histoires, I, 49d, ds Rom. Forsch. t. 32, p. 88); b) 1530 « rendre ridiculement passionné de quelqu'un ou de quelque chose » (PALSGR., p. 591b); 1530 pronom. « s'enticher de quelqu'un, de quelque chose » (ibid., p. 553b); 3. a) 1689 être infatué de soi « devenir excessivement content de soi » (LA BRUYÈRE, De la Société et de la conversation, § 11 ds Œuvres compl., éd. G. Servois, t. 2, p. 131); b) av. 1704 s'infatuer de « id. » (BOURDALOUE, Pensées, t. 2, p. 172 ds LITTRÉ). Empr. au lat. infatuare « rendre sot, déraisonnable ».
infatuer [ɛ̃fatɥe] v. tr.
ÉTYM. 1488, au p. p. (sens 1); « rendre inepte », v. 1380; lat. infatuare « rendre sot, déraisonnable », de in- marquant l'aboutissement de l'action, et fatuus « insensé, extravagant », d'abord « sans goût (au sens propre, d'une personne ou d'une chose), fade, insipide ».
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1 (1530). Vx. || Infatuer (qqn) de (qqn, qqch.) : inspirer un engouement excessif ou ridicule à (qqn).
1 Succomba-t-il (Salomon), dis-je, à cette aveugle passion qui l'infatua dans la suite; jusqu'à lui faire adorer les dieux de ses concubines ?
Bourdaloue, Dominicales, Dimanche de la Septuagésime, I.
♦ Pron. (vieilli, littér.). || S'infatuer de qqch., de qqn. ⇒ Amouracher, embéguiner (vx), engouer, enticher.
2 Des scolastiques s'en infatuèrent (de la philosophie d'Aristote) […]
Montesquieu, l'Esprit des lois, XXI, XX.
♦ Au p. p. (1488). Vx. || Infatué de. ⇒ Amoureux, assoté (vx), fou, imbu. || Musicien infatué de son art (→ Besogneux, cit. 1).
3 Monsieur Hulot fils était bien le jeune homme tel que l'a fabriqué la Révolution de 1830 : l'esprit infatué de politique, respectueux envers ses espérances (…)
Balzac, la Cousine Bette, Pl., t. VI, p. 176.
2 (Av. 1704). || S'infatuer. Pron. Vieilli ou littér. || S'infatuer (de soi-même, de qqch. qui appartient à soi), en devenir excessivement content. || Il s'infatue de ses succès. Absolt. || S'infatuer : devenir très content de soi.
4 Un orgueilleux qui s'infatue de ses prétendues bonnes qualités (…)
Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 172.
5 (…) une époque où l'art, n'ayant plus place, ne pouvant prendre part active et trouver son motif dans la vie, s'isole orgueilleusement, s'infatue et méprise ce qui n'a pas su le priser.
Gide, Nouveaux prétextes, p. 32.
♦ Au p. p. (1689). Mod. || Être infatué de ses mérites…, de sa personne et, absolt, être infatué. ⇒ Fat, orgueilleux, prétentieux, vain, vaniteux. → Être content de soi, plein de soi, faire l'important. || Être infatué de soi n'arrive guère (cit. 22) aux gens d'esprit. || Un homme très infatué. ⇒ Narcisse. || Air infatué. ⇒ Suffisant.
6 (…) cette raideur vaniteuse et infatuée (…)
Sainte-Beuve, Volupté, XXII.
7 (Il) n'était pas peu infatué de sa personne physique. Toutes les femmes d'ailleurs le confirmaient dans la bonne opinion qu'il se faisait de sa beauté.
Aragon, les Beaux Quartiers, I, VII.
8 Les contemporains (de Balzac) […] en ont fait tantôt un demi-dieu (…) tantôt un très vulgaire bonnisseur, infatué, ridicule et sale.
Émile Henriot, les Romantiques, p. 347.
3 (XXe). Rare. Rendre exagérément content de soi, rendre fat. || Sa réussite l'infatue.
9 Il est curieux que chez les trois artistes convertis que j'ai connus le mieux (…) le catholicisme n'ait apporté qu'un encouragement à l'orgueil. La communion les infatue.
Gide, Journal, 10 sept. 1922.
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infatué, ée p. p. adj.
♦ Voir à l'article.
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CONTR. Dégoûter. — Humble, modeste. — Humilier.
Encyclopédie Universelle. 2012.