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CHEMINS DE FER
CHEMINS DE FER

À la lettre, ce n’est qu’un chemin, un chemin en acier, imaginé à l’origine pour deux raisons essentielles: permettre le guidage et, surtout, réduire la résistance au roulement, donc l’effort de traction nécessaire. Ces deux caractéristiques fondamentales sont encore celles du chemin de fer d’aujourd’hui: le guidage est un facteur de sécurité, il simplifie la conduite, il soustrait le véhicule aux aléas des perturbations atmosphériques; le roulement acier sur acier permet, avec des puissances modérées, de remorquer de grosses charges à grande vitesse.

Mais l’expression «chemin de fer» évoque tout autre chose qu’un certain type de voie. Sous cette dénomination, l’usage a fait entrer, en même temps que les rails et les traverses, tout ce qui roule: les locomotives, les wagons..., et aussi tout ce qui concourt à l’écoulement du trafic: les gares de voyageurs ou de marchandises, la signalisation... Ce qui n’était, à l’origine, qu’un nouveau mode de roulement est devenu, en se développant, tout un système de transport.

Autre trait caractéristique: cet ensemble très complexe de moyens se trouve rassemblé, partout où il existe, dans les mains d’une seule entreprise. Alors que les autres chemins terrestres, la route, la voie d’eau, sont offerts à tous ceux qui veulent les emprunter, le chemin de fer n’accepte sur ses voies que ses propres véhicules, conduits par son propre personnel. De cette centralisation résulte une notion importante: le chemin de fer peut pousser très loin l’organisation. C’est peut-être là sa caractéristique la plus actuelle.

À l’origine, il y a le roulement fer sur fer devenu acier sur acier, inventé peu de temps après que la machine à vapeur eut apporté une véritable révolution dans la technique du transport. Le guidage et l’attelage ont permis de faire des convois, dont la charge et la vitesse augmentaient avec les perfectionnements de la locomotive à vapeur. Puis, celle-ci a progressivement laissé la place aux locomotives électriques ou Diesel, dont les performances se sont sans cesse améliorées. Aujourd’hui, la capacité de traction est devenue considérable. Mais, en même temps, les autres modes de transport terrestres ou aériens et, surtout, les transports individuels se sont considérablement développés. Si le chemin de fer se trouve sévèrement concurrencé, il conserve cependant de solides avantages qui se mesurent en termes d’économie d’énergie, de sécurité et d’environnement.

1. Naissance et développement

Deux cents ans avant la locomotive, le rail était né. Dès le début du XVIIe siècle, les mines de Newcastle utilisaient des chariots dont les roues, munies d’un rebord, roulaient sur des longrines de bois, fixées sur des traverses. Ces longrines furent ensuite protégées contre l’usure par des plaques de métal. C’était une préfiguration du rail.

Quant à la locomotive, elle remonte aux premières années du XIXe siècle. En 1671, Denis Papin avait découvert la force motrice de la vapeur d’eau. En 1765, James Watt avait construit la première machine à vapeur vraiment pratique. En 1769, un Français, Nicolas Cugnot, imaginait le premier véhicule automobile à vapeur. Mais c’est en Angleterre que naquit l’idée de combiner le tracteur à vapeur et le roulement sur des rails. En 1804, Richard Trevithick fait circuler la première locomotive à vapeur dans une houillère; en 1808, il présente à Londres, sur une voie ferrée circulaire, une autre locomotive; elle s’appelait Catch me who can (m’attrape qui peut) et remorquait un wagon où le public pouvait prendre place; elle remporta un grand succès, de pure curiosité.

L’opinion doutait que la simple adhérence d’une roue métallique sur un rail lisse fût suffisante pour remorquer des charges importantes sans patiner sur place. C’est l’Anglais William Hadley qui apporta, six ans plus tard (1814), la preuve expérimentale de l’adhérence en faisant porter le poids total de la locomotive sur deux essieux moteurs accouplés. Sa locomotive Puffing Billy , actuellement conservée au Museum de Londres, pesait 8 tonnes et pouvait remorquer 50 tonnes à 8 kilomètres par heure. La possibilité du chemin de fer était démontrée.

En 1823, les Anglais George et Robert Stephenson fondent, à Newcastle, la première usine de construction de locomotives. En 1825, le premier train de voyageurs circule sur la ligne de Stockton à Darlington; la locomotive peut tirer 90 tonnes à 20 kilomètres par heure.

Ce sont aussi des locomotives construites en Angleterre par Stephenson qui furent essayées en France par Marc Seguin en 1827, sur une première section de ligne d’Andrézieux à Saint-Étienne. Le rendement de ces locomotives étant médiocre, Marc Seguin les perfectionna grandement en leur apportant deux innovations: le tirage forcé et la chaudière tubulaire (selon son brevet de 1827).

La ligne Lyon - Saint-Étienne fut achevée en 1832. Mais, déjà en 1830, l’Angleterre avait ouvert la ligne Liverpool-Manchester. Un concours avait été lancé pour de nouveaux modèles de locomotives, et c’est la fameuse Fusée ou Rocket de Stephenson (dotée d’une chaudière tubulaire de même inspiration que celle de Seguin) qui avait été couronnée en 1829: elle traînait 13 tonnes à presque 26 kilomètres par heure et elle avait atteint la vitesse record de 47 kilomètres par heure.

Après le succès de Liverpool-Manchester, grandes et petites lignes de chemin de fer se succèdent en Angleterre et aussi, à un rythme moins rapide, en Belgique, en France (Paris Saint-Germain en 1837). Il est remarquable de constater que la quasi-totalité de ces lignes, pourtant isolées les unes des autres, finissent par s’aligner en Europe sur le même écartement, celui des houillères britanniques: 1,435 m (sauf l’Espagne, le Portugal et la Russie).

En même temps que le rail s’allongeait en Europe, il partait à la conquête du continent américain. Au milieu du XIXe siècle, vingt ans après la mise en service de Liverpool-Manchester, le chemin de fer comptait déjà 90 000 kilomètres de lignes dans le monde, parmi lesquels 14 000 kilomètres aux États-Unis, 10 500 en Angleterre, 5 800 en Allemagne et un peu moins de 4 000 kilomètres en France.

En multipliant la vitesse par dix et les charges remorquées par cent, le chemin de fer apportait une véritable révolution dans l’économie des nations. Les relations commerciales en reçurent un vigoureux coup de fouet ainsi que la production industrielle, du fait de la réduction considérable du prix des transports, permettant notamment la diffusion de la houille loin du carreau des mines. La reconversion des voituriers avait bien posé quelques problèmes, rapidement oubliés dans la montée générale de l’activité et de la prospérité. Le tourisme lui-même prenait naissance, grâce au chemin de fer.

Cet essor commença vers 1850 et se prolongea jusque vers 1900 en Europe et aux États-Unis. Entre ces deux dates, la longueur des voies ferrées a été, en gros, multipliée par dix en Europe et par vingt aux États-Unis. C’est là que la conquête du pays par le rail a été le plus extraordinaire. En dix ans, de 1850 à 1860, toute la région de l’est des États-Unis et celle des Grands Lacs se sont quadrillées de voies ferrées, qui y drainaient la population et la richesse. En 1869, la jonction était faite entre l’Est et l’Ouest, le chemin de fer reliait New York à San Francisco (5 000 km). Le travail avait été conduit dans une véritable fièvre: on posait quelquefois le rail à même le sol, l’essentiel étant d’aller vite.

En France, dès 1833, le plan Legrand avait tracé autour de la capitale les grandes lignes en étoile qui vont confirmer la géographie économique et sociale du pays. En 1859, à l’inspiration du duc de Morny, les lignes concédées sont réparties en six grandes compagnies. En 1878, le plan Freycinet prévoit de porter le réseau ferré français de 20 000 kilomètres environ à près de 40 000, y compris un grand nombre de lignes secondaires, qui ont connu de sérieuses difficultés économiques bien avant le développement de l’automobile.

Pour illustrer la progression du chemin de fer dans la seconde moitié du XIXe siècle, disons qu’en France le nombre de voyageurs-kilomètres est passé de 100 millions à 11 milliards, tandis que le nombre de tonnes-kilomètres passait de 400 millions à 14 milliards.

2. Le chemin de fer au XXe siècle dans le monde

En France, les chemins de fer ont été à l’origine construits et exploités par de petites entreprises; mais, dès le milieu du XIXe siècle, six grandes compagnies avaient été créées: le Nord, l’Est, le P.L.M. (Paris-Lyon-Méditerranée), le P.O. (Paris-Orléans), l’Ouest et le Midi. Celles qui desservaient les régions les plus actives du pays connurent la prospérité. Certaines lignes du Sud-Ouest étaient au contraire déficitaires et furent groupées dans un réseau d’État, lequel racheta également la Compagnie de l’Ouest en 1908. Après la Première Guerre mondiale, la situation des compagnies devint critique, du fait d’un déséquilibre entre les prix de revient et les tarifs. Des conventions furent passées entre l’État et les compagnies en 1921; un Conseil supérieur des chemins de fer et un Fonds commun furent créés.

Les résultats ne répondirent pas à l’attente et la nationalisation des chemins de fer intervint en 1938. La Société nationale des chemins de fer (S.N.C.F.) avait été créée alors pour quarante-cinq ans; elle avait le statut d’une société d’économie mixte dans laquelle l’État détenait la majorité. Depuis le 1er janvier 1983, la S.N.C.F., établissement public industriel et commercial, fait partie intégrante du domaine de l’État. Elle jouit de l’autonomie de gestion prévue par la loi d’orientation des transports intérieurs. Le conseil d’administration est composé de représentants de l’État, de représentants du personnel et de personnalités choisies en fonction de leurs compétences.

La S.N.C.F. doit à la fois assurer des missions de service public et se comporter comme une entreprise dans un environnement concurrentiel. Elle reçoit des concours financiers de l’État et des collectivités publiques; mais, au titre du contrat de plan, elle devait éliminer tout déficit en 1989 et cet engagement fut tenu. Malgré la concurrence de l’automobile et de l’avion, le trafic voyageurs de la S.N.C.F. ne cesse d’augmenter du fait de l’amélioration des services offerts. Le trafic marchandises, au contraire, a diminué après être passé par un maximum dans les années soixante-dix.

La S.N.C.F. a réalisé de très importants efforts de productivité et l’effectif de son personnel n’était plus que de 204 000 agents en 1989 environ contre 360 000 en 1960.

La situation des réseaux de l’Europe de l’Ouest est relativement comparable à celle de la S.N.C.F. mais, en général, moins favorable en ce qui concerne les parts de marché du chemin de fer.

Dans les pays de l’Europe de l’Est, le chemin de fer assure des trafics très importants du fait de la faiblesse des transports routiers.

Dans l’ex-U.R.S.S., le chemin de fer joue un rôle vital lié à la dimension du pays, à l’importance des trafics à assurer et au climat. C’est le plus important du monde; chaque jour, il transporte 11 millions de voyageurs et 11 millions de tonnes. Le réseau continue à se développer avec, en particulier, la construction du nouveau Transsibérien.

En Asie, le chemin de fer tient une place considérable dans de nombreux pays. Au Japon, qui a été le premier pays à créer des lignes nouvelles à grande vitesse à partir de 1964, le trafic voyageurs est colossal; celui des marchandises est très modeste. Le chemin de fer japonais a fait l’objet d’une profonde réorganisation le 1er avril 1987, avec l’éclatement des Japanese National Railways en une dizaine de sociétés.

En Chine, le chemin de fer qui ne comptait que 29 000 kilomètres en 1949, lors de la création de la République populaire, représentait près de 54 000 kilomètres à la fin des années quatre-vingt, et 1 000 kilomètres de lignes nouvelles sont mis en service chaque année. Le trafic augmente de manière très rapide en relation étroite avec les progrès réalisés par ce pays.

Pour l’Inde, le chemin de fer joue également un rôle essentiel, et le trafic est en constante augmentation.

En Amérique du Nord, la situation est très différente, le chemin de fer n’a plus qu’une place marginale en ce qui concerne les voyageurs, même si de brillants résultats sont obtenus par l’Amtrak sur certaines lignes comme New York-Washington. En revanche, dans le domaine des marchandises, il tient une place considérable, supérieure à celle de la route.

Dans beaucoup de pays en voie de développement, le chemin de fer assure un trafic qui semble souvent modeste mais n’en joue pas moins un rôle essentiel. C’est le cas de nombreux pays africains.

En cette fin du XXe siècle, le chemin de fer n’a plus, bien entendu, la situation de monopole qu’il a connue autrefois. Mais, pour les voyageurs, il connaît un regain de jeunesse avec la construction des lignes à grande vitesse et il joue un rôle important pour les services de banlieue du fait du développement de l’urbanisation.

Dans le domaine des marchandises, il est soumis à une dure concurrence dans les pays à économie libérale, mais reste irremplaçable pour de nombreux trafics.

La construction de nouvelles lignes de chemin de fer est toujours à l’ordre du jour et le réseau ferré est en constante expansion dans le monde.

3. La traction

La locomotive à vapeur

Par rapport à la conception très simple d’origine des locomotives à vapeur du début du XIXe siècle, de notables perfectionnements ont été progressivement apportés:

– Dans la chaudière, avec l’élévation graduelle du timbre (pression limite) de 3,5 à 21 hectopièzes (hpz ou atmosphères), l’amélioration de l’échappement a été la clef de la puissance et du rendement de la vaporisation; la surchauffe de la vapeur (W. Schmidt, 1898) a élevé le rendement de Carnot et réduit les pertes par condensation dans les cylindres.

– Dans le moteur, à la distribution à détente fixe du début, on a rapidement substitué des distributions à détente réglable: le mécanisme le plus simple, celui de Egide Walschaerts (1844), a duré jusqu’à nos jours; l’organe actif de la distribution, le tiroir de Matthew Murray (1814), a été remplacé en vue d’un moindre frottement et d’un meilleur passage de la vapeur, par le distributeur cylindrique de T.-L. Ricour (1882), ou par des soupapes; la double expansion (Anatole Mallet, 1876) a permis de plus fortes détentes, donc un fonctionnement plus économique, la complication corrélative du moteur (généralement à 4 cylindres) trouvant une compensation dans une marche mieux équilibrée et un démarrage plus prompt, par injection de vapeur vive dans le moteur basse pression.

– Dans les organes de roulement, l’accouplement des roues par bielles est réalisé dès 1831; le bogie facilitant l’inscription en courbe apparaît dès 1835; enfin, l’application généralisée, mais tardive, de roulements à rouleaux sur le mécanisme a constitué un facteur de fiabilité et d’économie.

Ces perfectionnements furent amalgamés de diverses façons, et on peut distinguer quatre écoles de construction:

– L’école anglaise bénéficia de son avance initiale, de la qualité de sa métallurgie, de son charbon et de ses voies, mais fut gênée plus tard par l’exiguïté de son gabarit. Elle se caractérise surtout par ses foyers profonds (coke, puis anthracite), par une préférence pour la simple expansion et par la recherche constante de la simplicité fonctionnelle et de la pureté du dessin.

– L’école française a toujours été attentive à l’économie et aux performances, d’où sa préférence pour la double expansion, remarquablement mise en œuvre par Gaston du Bousquet et Alfred de Glehn dès 1891, et portée par André Chapelon en 1935 – grâce à une étude poussée de l’échappement et des circuits de vapeur et à une haute surchauffe (400 0C) – au maximum de la puissance massique atteinte par une locomotive.

– L’école allemande, d’abord favorable à la double expansion, s’est vouée ensuite, sous l’impulsion de R. Garbe, à la simple expansion avec une haute surchauffe, un châssis et un mécanisme largement dimensionnés, et un vif souci de normalisation.

– L’école américaine s’est signalée par des tendances originales: application du bogie dès l’origine, chauffe au bois jusqu’en 1880 (ce qui a entraîné la consommation de plus de 500 000 ha de forêt), puis énorme accroissement des dimensions (large foyer à chauffe mécanique ou combustible liquide) et souci constant de robustesse (châssis monobloc en acier moulé). Le désir d’obtenir des efforts de traction considérables a conduit, pour le service marchandises, à des machines articulées du type Mallet pouvant comporter jusqu’à douze essieux dont huit ou dix sont moteurs.

La locomotive à vapeur a régné pendant plus de cent ans sur les chemins de fer. Sa silhouette, ses panaches de fumée, son rythme sonore ont été, pour bien des générations, le symbole même de la traction ferroviaire. Le mouvement de ses pistons et de ses bielles, l’échappement de la vapeur, écho de ce mouvement, autant d’images qui donnaient à la machine sa personnalité. Rarement la mécanique et l’esthétique se sont accordées comme dans la locomotive à vapeur; d’âge en âge, l’allongement et l’exhaussement du corps cylindrique, l’amenuisement de la cheminée et des dômes ont donné à la machine des lignes plus évoluées, non pas comme des modes changeantes, mais comme la traduction visible d’un progrès d’une ascension de puissance.

Le règne de la vapeur se termine, mais elle assure une part notable du trafic dans des pays comme la Chine. La traction à vapeur disparaît pour des raisons qui se ramènent toutes à des questions de prix de revient: son très faible rendement énergétique (15 p. 100 environ pour le moteur à vapeur proprement dit, 5,5 p. 100 environ pour l’ensemble de la machine), c’est-à-dire entre l’énergie utilisée au crochet de la locomotive, ses frais dans les périodes de repos, ses besoins en eau en cours de route, les nécessités de nettoyage du feu, de graissage, qui limitent les parcours journaliers à quelque 120 kilomètres, et surtout les lourdes dépenses d’entretien de la chaudière et du mécanisme.

Sur le plan financier, le remplacement de la vapeur par la traction électrique ou Diesel s’est révélé, pour le chemin de fer, un des investissements le plus largement et le plus sûrement rentables. Au surplus, cette traction moderne a apporté une amélioration des performances déjà appréciable pour le Diesel, considérable pour l’électricité.

La modernisation de la traction

Faut-il remplacer la traction à vapeur par la traction Diesel ou par la traction électrique? Si la décision ne devait reposer que sur des considérations techniques (puissances réalisables, capacités de surcharge, facilité d’entretien, sécurité de service), la traction électrique serait souvent préférée. Mais, bien entendu, ce sont les considérations économiques qui prévalent et la décision est fournie par un bilan financier. Dans les deux cas, les économies sur les frais de traction sont massives; cependant, la traction électrique implique des installations fixes d’alimentation en énergie qui sont importantes. Elles sont, pour une grande part, indépendantes du trafic. Les économies d’exploitation sont au contraire proportionnelles au trafic; on conçoit donc que la traction électrique ne soit économiquement rentable par rapport à la vapeur que si le trafic dépasse un certain seuil. En traction Diesel, toutes les dépenses, y compris l’acquisition du parc, sont en revanche directement liées au trafic. Le remplacement de la vapeur par le Diesel est financièrement avantageux pour tous les trafics; mais le Diesel, du fait de sa puissance massique, a surtout pour vocation les services marchandises et il ne permet pas d’offrir la même qualité de service que la traction électrique pour les voyageurs.

Il reste à comparer la rentabilité de l’électrification et de la diésélisation. D’une ligne à l’autre, les conditions sont trop variables pour qu’on puisse énoncer un chiffre général pour le seuil de trafic à partir duquel l’électrification devient financièrement plus intéressante. Il faut, dans chaque cas, calculer le coût total «actualisé» de l’opération pendant une certaine période, vingt ans par exemple, en tenant compte de l’évolution escomptée du trafic.

En France, la traction électrique assure maintenant une part très importante du trafic. Sur 34 322 kilomètres de lignes exploitées en 1989, 12 430 kilomètres étaient électrifiés, mais la proportion du trafic assuré en traction électrique était de 85 p. 100 environ.

D’une manière générale, la traction électrique tient une très grande place en Europe, dans l’ex-U.R.S.S., au Japon. Elle se développe rapidement en Inde; elle en est à ses débuts en Chine, mais va progresser très vite.

Sur le continent américain, c’est au contraire la traction Diesel qui tient une place prépondérante. Aux États-Unis, par exemple, la part du trafic assuré par la traction électrique est insignifiante.

Dans de nombreux pays en voie de développement, la modernisation de la traction s’effectue par le remplacement de la vapeur par le Diesel. Ces pays n’ont généralement pas la possibilité de réaliser les investissements très importants que nécessite la traction électrique et souvent leur production d’électricité est insuffisante.

La traction électrique

Si la première expérimentation d’un véhicule électrique sur rails, celui de R. Davidson, remonte à 1840, la première exploitation commerciale date de 1879, avec le petit tracteur construit par Siemens pour l’Exposition industrielle de Berlin. Le tramway électrique se répand alors dans les villes, puis la recherche d’un site propre au nouveau service public conduit, à partir de 1890, aux premiers métros (Londres, Chicago, Budapest...). Parallèlement apparaissent les premiers chemins de fer électriques de montagne et aussi les premières électrifications de banlieue autour des grandes villes de la Nouvelle-Angleterre (Baltimore, 1895).

Concurrence des systèmes et dispersion technique

Héritiers directs des tramways, les premiers chemins de fer électriques avaient adopté les mêmes formules techniques: moteur série à courant continu suspendu «par le nez»; alimentation sous une tension de 400 à 600 volts. Certes, le moteur série est le plus apte aux efforts de démarrage et aux régimes variables nécessités par la traction, mais il imposait un choix difficile entre la tension modérée qu’il pouvait supporter et celle qui eût été souhaitable pour réduire les pertes en ligne et faire transiter une puissance importante; d’où, dès le début du siècle, la conception de deux systèmes d’électrification:

– le courant continu à 600 ou 750 volts nécessitant une ligne de contact largement dimensionnée (le plus souvent un troisième rail) et alimentée par des sous-stations de conversion nombreuses, elles-mêmes reliées à une ligne à haute tension;

– le courant alternatif à tension relativement élevée, de 6 000 à 13 000 volts, amené par fil de contact aérien et alimentant les moteurs par l’intermédiaire d’un transformateur porté par le véhicule. L’utilisation de ces fréquences spéciales inférieures à celles du courant industriel (50 Hz ou 60 Hz) permet d’améliorer la commutation des moteurs de traction alimentés en courant alternatif mais impose un système de production d’électricité propre au chemin de fer. Cette technique d’électrification débouche vers la grande traction, sur la ligne New York-New Haven en 1907, et sur quelques autres lignes américaines, puis dans toute l’Europe centrale et septentrionale (Loetschberg, 1913; Kiruna, 1914).

Le courant continu progresse entre-temps, et la tension des lignes de contact atteint 1 500, voire 3 000 volts. Après une première application à grande échelle sur le Chicago-Milwaukee en 1915, le courant continu s’étend à partir de 1920 en France sous l’impulsion de J. R. Paul et Henri Parodi, ainsi qu’en Europe occidentale, en Pologne, en U.R.S.S. et au Japon.

La convergence technique et le courant industriel 50 hertz

L’augmentation de la puissance massique des moteurs rend superflu, vers 1930, le recours à des essieux porteurs pour le service mixte ou marchandises; quinze ans plus tard, la locomotive «Ae 4/4» du Loetschberg prouve qu’on peut s’en passer aussi pour des machines à grande vitesse; on ne construit guère, dès lors, que des locomotives «BB», «BBB» ou «CC», d’où une certaine homogénéité dans l’aspect des engins. Le développement de l’alimentation en courant industriel est venu compléter le rapprochement des techniques.

Après les premières réalisations de K. de Kando en Hongrie (1932) et les essais de la Reichsbahn (1936-1939), il appartint à l’école française, groupée autour de Louis Armand, d’explorer systématiquement les problèmes et les possibilités du courant industriel à 50 hertz (1945-1951); ainsi, cette école tira parti des progrès accomplis à haute tension (25 kV) avec l’efficacité du moteur à courant continu et obtint des coefficients d’adhérence (effort de traction rapporté au poids) inconnus jusque-là. L’électrification en courant industriel se répand alors en de nombreux pays et s’impose chaque fois qu’un réseau n’est pas tributaire des orientations du passé.

Le développement des redresseurs au silicium à partir de 1960, l’apparition ensuite des thyristors, le rôle de plus en plus grand joué par l’électronique puis l’introduction des moteurs triphasés à la place des moteurs à collecteurs ont donné à la locomotive électrique sa physionomie actuelle.

Il faut toutefois souligner l’accroissement des puissances (plus de 5 000 kW pour une locomotive «BB») et celle des vitesses; de nombreuses séries de locomotives sont en effet aptes à rouler à 200 kilomètres par heure.

La traction thermique

Le moteur à injection de Rudolf Diesel (1893) est le seul moteur thermique à avoir fait véritablement carrière dans la traction. Sa robustesse l’y prédisposait; son poids n’était pas rédhibitoire; sa puissance s’est assez vite élevée au niveau souhaitable, son rendement énergétique a été d’emblée satisfaisant. Néanmoins, le développement de la locomotive Diesel a été lent: il a buté sur le problème de la transmission, intermédiaire obligé entre le couple peu modulable du moteur et l’effort variable requis sur l’essieu.
C’est la transmission électrique à courant continu – déjà appliquée par J. J. Heilmann à une locomotive utilisable, celle de G. V. Lomonossoff, équipée d’un moteur M.A.N. (Maschinenfabrik Augsburg Nürnberg) et d’une transmission Brown-Boveri (1923). Dans divers pays, les réalisations se suivent alors à une cadence expérimentale: aux États-Unis, avec la locomotive de manœuvre Alco de 1923; en France, avec les locomotives P.L.M. de 1932-1936, parmi lesquelles deux unités doubles de 3 000 kilowatts, et aussi au Canada, en Roumanie, en U.R.S.S. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’effectif des locomotives Diesel dans le monde n’est que de quelques dizaines. C’est alors que les besoins en moteurs marins ou fixes, pour des applications militaires ou civiles, conduisent plusieurs industriels américains à s’équiper pour les produire. Des machines de manœuvre de quelques centaines de kilowatts sont mises sur le marché et sont très appréciées par les exploitants pour leur productivité et leur économie. Immédiatement après les hostilités, des locomotives de ligne ou mixtes se répandent largement sur les réseaux des États-Unis, d’une puissance de 1 000 à 1 500 kilowatts, associables par deux, trois ou quatre, jusqu’à éliminer totalement la vapeur (1958). La construction américaine utilise des moteurs Diesel relativement lents (de 625 à 1 100 tr/min) et lourds (de 15 à 20 kg/kW), des génératrices largement dimensionnées, des moteurs de traction suspendus par le nez; elle peut se prévaloir d’une grande robustesse.

Cependant en Europe occidentale, pour se rapprocher des performances de la traction électrique, on cherche à améliorer la puissance massique. On y parvient, par l’adoption systématique de moteurs Diesel rapides (de 1 250 à 1 500 tr/min) et légers (de 6 à 8 kg/kW), et par l’allégement de la transmission. Tandis que les Allemands ont opté résolument pour la boîte hydrodynamique, les Français ont simplifié la transmission électrique en substituant un alternateur triphasé et un redresseur au silicium à la génératrice à courant continu difficile à construire pour les puissances et vitesses de rotation considérées. L’une et l’autre formules permettent d’obtenir de 2 500 à 3 000 kilowatts en un seul engin, c’est-à-dire plus que les dernières locomotives à vapeur en service.

La S.N.C.F., du fait de la mise en œuvre d’un important programme d’électrification, n’a plus pris livraison de locomotives Diesel depuis 1975.

L’autorail, après des débuts modestes vers 1890, a connu à partir de 1930 une grande variété de types dont les plus remarquables ont été, en France, les michelines sur pneumatiques, de construction très légère (1932), et les Bugatti à forte puissance massique (1933), en Allemagne les rames doubles ou triples à moteur Maybach du Fliegender Hamburger (1933) et aux États-Unis les trains Zephyr du Burlington (1934).

Les autorails modernes font passer robustesse avant allégement: systématiquement équipés d’un moteur Diesel de quelques centaines de kilowatts, le plus souvent à transmission hydrodynamique, ils sont utilisés sur les lignes non électrifiées pour assurer les dessertes régionales.

Sous l’impulsion de la S.N.C.F., la turbine de type aviation a été appliquée à partir de 1966 dans le domaine du train automoteur à grande vitesse où sa faible masse et son faible encombrement sont précieux. Possédant les avantages d’une marche sans vibrations et d’une puissance massique élevée, la turbine à gaz présente l’inconvénient d’un rendement énergétique plus faible que le Diesel. La S.N.C.F. a mis en service commercial une cinquantaine de turbotrains sur de grandes liaisons non électrifiées.

Des turbotrains ont été également livrés à l’Iran, aux États-Unis et à l’Égypte.

4. La voie et les installations de sécurité

Le tracé de la voie, la constitution de la plate-forme, son assainissement, la qualité de l’acier des rails, la pose, le nivellement, le maintien de la qualité exigée par la sécurité et le confort sont autant de problèmes techniques très particuliers.

Le rail adopté pratiquement partout est le type Vignole qui comporte: un patin pour l’appui sur les traverses, un champignon pour le roulement et une âme entre patin et champignon. En Europe, les poids normaux sont maintenant de 60 kilogrammes par mètre pour les grandes lignes. La qualité du rail a énormément progressé et un rail moderne doit pouvoir supporter un trafic de 1 milliard de tonnes avant d’être retiré du service. Les traverses en béton se substituent progressivement aux traverses en bois, car elles présentent de nombreux avantages: elles sont plus lourdes, elles confèrent une plus grande stabilité à la voie et leur durée de vie est plus longue.

Pendant très longtemps, il a été admis comme une nécessité physique de ménager entre les rails successifs des intervalles de dilatation, des joints, qui ont rythmé pendant plus d’un siècle le bruit des trains. Aujourd’hui, les voies sont faites de «barres longues», qui peuvent atteindre de très grandes longueurs en pleine voie. Dans toute la longueur d’une telle barre, les contraintes qui se développent sous l’effet des variations de température se trouvent équilibrées par la résistance longitudinale du rail sur les traverses et des traverses sur le ballast. La douceur et le silence du roulement sur barres longues constituent un élément de confort remarquable. L’entretien de la voie est aussi beaucoup plus économique que dans le cas de la voie traditionnelle. Cet entretien a considérablement évolué du fait de la mécanisation qui est à la fois un facteur d’économie et de meilleure qualité.

L’automatisation des installations de sécurité répond à la triple nécessité d’améliorer le débit des lignes, de renforcer la sécurité et de faciliter le travail du personnel des gares.

Pour l’espacement des trains, la signalisation manuelle est remplacée par le bloc automatique lumineux qui équipe les axes les plus importants.

Les anciens postes d’aiguillage à leviers et à faible rayon d’action sont regroupés, dans les zones les plus denses, en un seul poste équipé de moyens modernes de commande automatique des itinéraires, capable de tracer simultanément les itinéraires de plusieurs trains. Le recours à ces postes électriques permet une fluidité maximale de la circulation.

Les commandes centralisées du trafic prennent une place de plus en plus grande sur les lignes les plus chargées. Elles permettent une bien meilleure gestion du trafic tout en apportant d’importantes économies.

L’informatique joue un rôle de plus en plus grand dans les installations de sécurité et la régulation du trafic.

Enfin, dans un souci de sécurité, les passages à niveau (lorsqu’ils ne peuvent pas être supprimés) sont progressivement équipés d’une signalisation automatique lumineuse comportant, suivant l’intensité des circulations routière et ferroviaire, deux ou quatre demi-barrières.

5. Le transport des voyageurs

Pendant la seconde moitié du XIXe siècle et le premier quart du XXe, le chemin de fer a joui d’un monopole de fait pour le transport des voyageurs. Depuis lors, la concurrence de la route et de l’air a transformé la situation. Cependant, compte tenu de la généralisation des besoins de déplacement dans toutes les catégories de la population, le trafic des voyageurs sur les chemins de fer européens a continué à augmenter en valeur absolue.

Le chemin de fer ne peut lutter de vitesse avec l’avion sur les très grandes distances; il ne peut pas avoir la même souplesse que la voiture individuelle pour les petits parcours. Mais il est le seul mode de transport qui réunisse et qui conjugue deux éléments: la vitesse et la capacité.

Les trains de grandes lignes

Pour la S.N.C.F., ce secteur a connu une progression très importante puisque le trafic a doublé en vingt-cinq ans (tabl. 1).

Le service des trains rapides et express est en évolution permanente pour adapter au mieux des possibilités techniques et financières l’offre de transport à la demande des voyageurs. La politique d’amélioration des dessertes porte à la fois sur l’aménagement des horaires, la création de circulations nouvelles et la qualité du matériel offert.

Le nombre de trains desservant les grandes relations a été sensiblement augmenté pour répondre au mieux aux besoins de la clientèle.

Un effort important a été fait pour l’amélioration du confort. Des progrès considérables ont été réalisés dans la conception des bogies, des sièges, de l’éclairage et surtout du fait de la généralisation du conditionnement de l’air.

Cette notion de confort conditionne la compétitivité du chemin de fer pour les grandes distances, de 800 à 1 200 kilomètres, distances où le rail peut encore prétendre lutter contre l’avion, car il ne réclame qu’une nuit de voyage, mais à condition d’offrir des places couchées. Ce ne seront pas uniquement des places de voitures-lits, mais des places de couchettes de première et de seconde classe, susceptibles d’attirer une large clientèle.

Des formules modernes, dont le succès s’est affirmé, associent le train et la voiture particulière: formule «train + auto» où une voiture sans chauffeur, commandée à l’avance, attend le voyageur à l’arrivée; trains avec automobiles ou motos accompagnées, formule qui présente l’intérêt de concilier une grande sécurité pour les voyageurs et les avantages du transport individuel.

La réservation électronique des places constitue une des applications les plus intéressantes de l’informatique au chemin de fer. Sur la S.N.C.F., la Résa (réservation électronique des places) fonctionne pour l’ensemble des T.G.V., des trains rapides et express et des trains «autos accompagnées».

Mais l’effort essentiel a porté sur les vitesses. Depuis plus d’une vingtaine d’années, la vitesse de 160 kilomètres par heure est considérée comme normale sur les grandes lignes. Elle est même portée à 200 kilomètres par heure sur un certain nombre de lignes de différents pays (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, États-Unis).

Les grandes vitesses et le T.G.V.

Lorsque deux locomotives électriques de types différents remorquant trois voitures ont atteint, en mars 1955 sur la ligne des Landes, l’une et l’autre, la vitesse de 331 kilomètres par heure, établissant alors un record mondial de vitesse sur rails, il était démontré que que des vitesses nettement supérieures aux vitesses traditionnelles pouvaient être pratiquées (tabl. 2).

À partir de cette époque, la gamme de vitesses qui va de 200 à 300 kilomètres par heure a été systématiquement expérimentée.

Pour atteindre de grandes vitesses, la construction de lignes nouvelles s’est imposée, car le problème qui, matériellement, limite la vitesse des trains est celui du franchissement des courbes. Pour circuler à 200 kilomètres par heure sur une ligne, il ne faut pas de courbes d’un rayon inférieur à 1 700 mètres. Pour rouler à 270 kilomètres par heure, le rayon des courbes doit être de l’ordre de 4 000 mètres.

On a pu s’étonner de voir entreprendre la construction de voies ferrées nouvelles réservées au service de voyageurs. Cependant, les besoins grandissants de déplacements des personnes, les menaces d’encombrement au voisinage des grandes agglomérations imposent la création d’infrastructures nouvelles. Du point de vue économique, le chemin de fer peut faire valoir les arguments suivants:

– il occupe au sol une très faible surface;

– il pénètre déjà au cœur des grandes villes, et l’on sait que l’infrastructure d’entrée dans une ville coûte infiniment plus cher que la même infrastructure en rase campagne;

– même renouvelé dans ses performances, il reste compatible avec ce qui existe, les rames à très grande vitesse pouvant, au-delà d’une ligne nouvelle, continuer leur parcours sur les lignes existantes.

En France, la saturation de l’axe ferroviaire Paris-Lyon a imposé la construction d’une ligne nouvelle. La S.N.C.F. a opté pour une ligne électrifiée à grande vitesse, exclusivement réservée au transport des voyageurs et directement greffée au réseau existant de la banlieue parisienne et à la proche périphérie de Lyon. La spécialisation de la ligne au trafic des voyageurs a permis d’admettre des rampes de 35 p. 1 000 contre 10 p. 1 000 pour une ligne classique. Ainsi, la distance entre Paris et Lyon a pu être réduite de 86 kilomètres et la construction de tunnels évitée. La vitesse maximale est de 270 kilomètres par heure.

Le T.G.V. constitue une véritable mutation de l’offre de transport des voyageurs. Ce train réalise, en effet, la synthèse des progrès de la technologie ferroviaire et réussit à concilier la technique avec l’esthétique. Ce T.G.V. reliant Paris à Lyon, dont l’aérodynamisme a été étudié en soufflerie, se présente sous la forme d’une rame articulée longue de 200 mètres, d’un poids de 386 tonnes, et offrant 386 places – 111 en première classe et 275 en seconde classe.

Le T.G.V. Paris-Lyon

La ligne T.G.V. Paris-Lyon a une longueur de 390 kilomètres. Sa construction a commencé en 1976. La mise en service commercial s’est effectuée en septembre 1981 lorsque le tronçon sud a été ouvert au trafic. L’ensemble du projet a été achevé en septembre 1983. Le temps de parcours entre le centre de Paris et le centre de Lyon (425 km) est passé de 3 heures 50 minutes à moins de 2 heures.

En 1987, les 109 rames de 8 voitures du parc T.G.V. avaient parcouru 35,2 millions de kilomètres, desservant non seulement Lyon, mais également Lille, Rouen, Marseille, Grenoble, ainsi que Lausanne, Genève et Berne en Suisse. 17,5 millions de voyageurs avaient été transportés, soit une moyenne de 50 000 personnes par jour. Le 21 février 1987, un total de 88 862 voyageurs fut atteint.

Ce résultat représente une augmentation de 54,8 p. 100 par rapport au trafic de 1980 sur les mêmes axes. Cela provient du trafic détourné de la route et de l’avion. La compagnie aérienne intérieure a effectivement perdu 30 p. 100 de sa part de marché sur l’ensemble des relations desservies par le T.G.V. et 50 p. 100 sur l’itinéraire Paris-Lyon. Toutefois, une part notable de cette augmentation de trafic (probablement 3 millions de voyageurs) est véritablement «induite» par le T.G.V.: ces voyages n’auraient pas été effectués s’il n’existait pas.

Les investissements nécessaires à la construction et à l’équipement de la ligne nouvelle ainsi qu’à l’achat des rames ont représenté 17 milliards de francs aux conditions économiques de 1988. Le financement a été entièrement assuré par les ressources internes de la S.N.C.F. et par des emprunts sur le marché des capitaux. Aucune subvention n’a été reçue de l’État, toutefois, les emprunts ont bénéficié de la garantie de ce dernier.

Les résultats financiers ont été particulièrement favorables. En 1987, les recettes avaient atteint plus de 4 milliards de francs pour des dépenses d’exploitation de 1,6 milliard seulement; l’excédent d’exploitation a donc été de 2,5 milliards de francs.

En plus du coût total de l’exploitation et de l’entretien des rames et de la ligne nouvelle, les dépenses citées ci-dessus incluent les coûts marginaux de l’exploitation du T.G.V. sur les lignes classiques qu’il parcourt avec d’autres services voyageurs et marchandises: énergie, circulation des trains et entretien des installations fixes (voie, signalisation, télécommunications), etc.

Les 2,5 milliards de francs d’excédent d’exploitation (60 p. 100 des recettes) permettent de couvrir les intérêts et le remboursement des emprunts qui sera achevé au début des années 1990, soit dix ans après la mise en service de l’ensemble du projet.

Le T.G.V. Atlantique

Le succès retentissant du T.G.V. Paris-Sud-Est est à l’origine d’un second projet de ligne à grande vitesse, le T.G.V. Atlantique. La fiabilité reconnue de la méthode utilisée pour les études de faisabilité a beaucoup aidé la S.N.C.F. à obtenir l’accord du gouvernement français.

Les travaux ont commencé en février 1985. La ligne nouvelle a été mise en service, en partie, à l’automne de 1989 et le sera, en totalité, un an après.

Cette ligne de 285 kilomètres, en forme de Y, relie le centre de Paris avec Tours et Le Mans puis s’intègre aux lignes actuelles desservant l’ouest et le sud-ouest de la France, c’est-à-dire la totalité de la côte Atlantique, de la Bretagne jusqu’à la frontière espagnole. Cette ligne est plus courte que celle du T.G.V. Paris-Sud-Est.

Ce T.G.V. est construit suivant les normes du T.G.V. Paris-Sud-Est. Toutefois, un certain nombre de progrès techniques ont été intégrés. La majeure partie d’entre eux concernent les rames, qui constituent véritablement une seconde génération de T.G.V. Du fait de l’augmentation de la puissance, les rames comportent dix voitures au lieu de huit et circulent à la vitesse commerciale de 300 kilomètres par heure. Outre diverses améliorations permettant d’économiser l’énergie et d’abaisser les coûts d’entretien, le confort des voyageurs est accru: les caisses des voitures sont plus larges, la suspension plus souple, la climatisation et l’insonorisation améliorées. Il y a des cabines téléphoniques à bord et le bar est agrandi. 95 rames sont livrées sur quatre ans. Une rame peut transporter 485 voyageurs assis dans ses dix voitures contre 386 pour les huit voitures du T.G.V. Paris-Sud-Est.

Le T.G.V. Nord

La synergie entre le T.G.V. Nord et le tunnel sous la Manche remonte au début des années 1970. Dès cette époque, des liaisons rapides à grande vitesse entre Paris-Lille-Bruxelles et Londres étaient jugées intéressantes et rentables, autant que le futur T.G.V. Paris-Sud-Est, en cours d’étude à ce moment-là.

L’abandon du tunnel sous la Manche en 1974 avait entraîné la mise en sommeil de ce projet de T.G.V. Nord jusqu’en juillet 1983 quand fut créée une structure d’étude commune pour la liaison rapide Paris-Bruxelles-Cologne. En juillet 1984, un premier rapport a été déposé concluant à l’intérêt économique de cette liaison, et ce, malgré l’absence de tunnel et donc de liaison directe vers Londres. Certes, le tunnel n’a jamais été vraiment absent des préoccupations françaises et il était clair que ces études anticipaient le moment où des décisions définitives seraient prises pour le lien fixe. Une seconde phase d’études a été entreprise, avec la participation des Pays-Bas, qui envisageait une deuxième branche Bruxelles-Amsterdam.

Cette seconde phase s’est achevée à La Haye, en décembre 1986. La Grande-Bretagne devint alors «membre associé» au projet car 1986 fut, comme on le sait, l’année décisive pour le tunnel. La liaison vers Londres redevint d’actualité. Le système de sustentation magnétique, développé par l’Allemagne et jusqu’alors concurrent sur le T.G.V. Nord de la technique ferroviaire, fut officiellement abandonné.

Il restait à mettre au point les tracés et le mode de financement. L’année 1987 y fut consacrée avec la constitution d’une Commission pour les tracés et la concertation qui l’a suivie. Pour le financement, diverses études ont été menées permettant de confirmer la faisabilité et la rentabilité du T.G.V. Nord dont le tracé définitif avait été annoncé par le gouvernement français en octobre 1987.

Parallèlement à ces travaux, la desserte de l’aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle par T.G.V. a fait l’objet d’une analyse approfondie. Celle-ci a montré le grand intérêt d’offrir une desserte ferroviaire de l’aéroport d’excellente qualité, notamment à partir des villes de province ou de Bruxelles. Cette desserte sera considérablement renforcée par la construction «du barreau» d’interconnexion, qui reliera le T.G.V. Nord à celui de Paris-Sud-Est, via l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle.

La mise en service de la relation T.G.V. Paris-Londres devrait être effectuée fin 1993-début 1994, à la date d’ouverture du tunnel.

Depuis 1987, le T.G.V. a largement fait ses preuves en transportant plusieurs dizaines de millions de voyageurs dans d’excellentes conditions de sécurité.

L’exploitation du T.G.V. Paris-Sud-Est, puis celle du T.G.V. Atlantique ainsi que le T.G.V. Nord participent à la réalisation d’un véritable réseau ferroviaire à grande vitesse en Europe (fig. 1).

Les trains à grande vitesse dans le monde

Le Japon a donné l’exemple en créant, dès 1964, la New Tokaido Line qui relie T 拏ky 拏 à 牢saka. Il s’agit d’une voie à écartement normal, alors que le réseau japonais est à écartement métrique. La New Tokaido Line a connu un succès prodigieux, et très rapidement les Chemins de fer japonais ont été amenés à la prolonger par la New San-Yo Line jusqu’à Hakata à plus de 1 000 kilomètres de T 拏ky 拏 dans l’île de Ky sh .

Le chemin de fer nouveau, le Shinkansen, est rapidement devenu le symbole du Japon moderne (fig. 2).

Deux autres nouvelles lignes au départ de T 拏ky 拏 ont été construites, la New Joetsu Line et la New Tohoku Line, l’objectif étant de doter le pays d’un véritable réseau à grande vitesse reliant les principales villes. Un programme considérable est engagé; il devrait conduire à la constitution d’un réseau de 3 000 kilomètres de lignes nouvelles qui serait le plus grand du monde.

La mise en service en 1988 du tunnel du Seikan de 53 kilomètres de longueur permet d’envisager la construction du cinquième Shinkansen qui desservira Sapporo. Un sixième reliera Takasaki à 牢saka et un septième desservira l’île de Ky sh .

Par ailleurs, des lignes anciennes à voie métrique seront transformées en lignes à voie normale pour prolonger certaines dessertes du Shinkansen.

Si la vitesse initiale ne dépassait pas 240 kilomètres par heure, elle devrait être prochainement augmentée.

L’Allemagne doit construire 426 kilomètres de lignes à grande vitesse. Le prototype des futurs trains à grande vitesse, l’I.C.E. (Inter City Express), a battu le record mondial de vitesse en atteignant 406 kilomètres par heure en 1988.

En 1991, soit dix ans après la France, le Chemin de fer fédéral allemand devrait exploiter des services commerciaux à des vitesses égales ou supérieures à 250 kilomètres par heure avec quarante et une rames. Chaque rame comprend deux motrices et quatorze voitures pour offrir jusqu’à 660 places.

L’Italie, qui dès le début des années 1970 avait entrepris la construction de la «Direttissima Rome-Florence», a maintenant un programme ambitieux de construction d’un réseau à grande vitesse. De nouvelles lignes seront construites de Milan à Florence, de Rome à Naples et Battipagia, et plus tard entre Milan et Venise.

Un matériel nouveau, l’ETR 500 (Elettro Treno), sera utilisé sur ces nouvelles liaisons.

Les Chemins de fer espagnols sont engagés dans un effort de modernisation considérable. À ce titre, la construction d’une nouvelle ligne de Brazatortas à Cordoue et la reconstruction de la ligne Madrid à Ciudad Real vont permettre de réaliser une liaison à grande vitesse Madrid-Séville et de diminuer le temps de parcours de près de 3 heures avec une vitesse supérieure à 250 kilomètres par heure.

En dehors de l’Europe de l’Ouest et du Japon, d’autres projets intéressent notamment la Corée du Sud, Taiwan, l’ex-U.R.S.S., le Canada, les États-Unis et l’Australie.

Les services de banlieue

La banlieue parisienne représente un secteur d’activité très important pour la S.N.C.F. En effet, l’Île-de-France, région de 12 000 kilomètres carrés, compte au total une population de plus de 10 millions d’habitants.

L’agglomération parisienne est confrontée à une densité comparable à celle des grandes métropoles, c’est-à-dire 5 500 habitants au kilomètre carré (la plus forte moyenne après T 拏ky 拏) et, dans le centre fortement urbanisé, on atteint une proportion de l’ordre de 22 000 habitants au kilomètre carré, densité assez exceptionnelle.

Depuis les années 1970, on assiste à un double phénomène: une stagnation de la croissance démographique et un dépeuplement du centre de la région au profit de la périphérie.

En 1965, le nombre des déplacements journaliers était de 11,4 millions. En 1976, il atteint les 17,2 millions. À la fin des années quatre-vingt, il avoisine les 20 millions.

La S.N.C.F. a hérité des anciennes compagnies d’un réseau de lignes radiales partant des grandes gares de Paris et assurant une bonne irrigation de la Région autonome des transports parisiens (R.A.T.P.). Ce réseau est entièrement électrifié: il a fait l’objet d’une extension volontariste des pouvoirs publics qui ont mis en place, dès 1970, un financement spécial des infrastructures nouvelles. Aucune grande urbanisation ne pouvant se passer des services du chemin de fer, la S.N.C.F. a entrepris des travaux importants afin d’assurer une desserte ferrée des villes nouvelles de la banlieue parisienne.

Mais les investissements les plus importants ont concerné la création du nouveau réseau express régional dont les lignes traversent Paris et qui dessert également l’aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle. Le matériel roulant a fait l’objet d’investissements massifs depuis 1980. Le service, à la fin des années quatre-vingt, était assuré par 140 locomotives et 3 040 voitures dont 1 240 à deux niveaux de forte capacité, offrant jusqu’à 60 p. 100 de places assises supplémentaires. Ce matériel, très apprécié de la clientèle, a joué un rôle majeur dans la modernisation des services de banlieue parisienne.

Moderniser le matériel roulant et les installations, accroître leur capacité et étendre le réseau impliquent des investissements de grande importance. Le volume des investissements réalisés pour le service des voyageurs de la banlieue parisienne a connu, depuis 1971, date de la mise en place du financement sur ressources spéciales, un accroissement considérable jusqu’en 1978, passant en millions de francs hors taxes, valeur 1986, de 940 à 2 500 pour redescendre progressivement, depuis 1979, à un montant annuel moyen de 1 400 millions de francs. Ces chiffres traduisent l’effort sans précédent consenti par les pouvoirs publics en faveur des transports de voyageurs dans la banlieue de Paris.

L’ensemble de ce réseau est exploité par des services fréquents et cadencés. Le principe est d’assurer en heure creuse une desserte au quart d’heure dans une zone de 15 kilomètres et à la demi-heure dans celle de 30 kilomètres autour de Paris. Ces fréquences sont généralement doublées ou quadruplées aux heures de pointe. 5 000 trains circulent donc chaque jour ouvrable et transportent environ 2 millions de voyageurs.

La S.N.C.F. participe donc activement à l’aménagement de l’espace dans la région d’Île-de-France.

Au moins 80 p. 100 du nombre total de voyageurs des chemins de fer dans le monde font des déplacements qui relèvent d’un service de banlieue. Ce trafic représente près de la moitié du trafic ferroviaire mondial (tabl. 3, 4 et 5).

Les grandes villes d’une vingtaine de pays bénéficient de services de banlieue d’une importance significative. Dans les pays européens, au Japon..., des efforts considérables ont été faits pour doter les grandes villes de services de banlieue modernes. Un énorme travail reste à accomplir pour doter d’un service de banlieue les grandes métropoles des pays en voie de développement, en particulier en ce qui concerne l’Asie et l’Afrique.

6. Le transport des marchandises

Comme pour les voyageurs, le chemin de fer a longtemps joui d’un monopole de fait. Actuellement, le transport des marchandises reste une activité essentielle pour les chemins de fer, mais le volume est très variable suivant les pays.

En 1989, la S.N.C.F. avait acheminé 144 millions de tonnes de marchandises, soit 52,4 milliards de tonnes-kilomètres (tabl. 6 et 7). Contrairement au trafic voyageurs, celui des marchandises, en France, a diminué pour deux raisons principales, la très forte contraction des trafics lourds qui relèvent normalement du chemin de fer et la concurrence routière.

Les trafics lourds se sont ralentis à cause de la forte réduction de la production de charbon remplacé de plus en plus par l’énergie nucléaire, la diminution de la consommation de pétrole, la chute de l’extraction de minerai de fer et la diminution de la production d’acier.

La S.N.C.F. a été amenée à chercher des parades à cette situation et à conduire de nombreuses actions pour limiter la chute de son trafic.

Depuis longtemps, une très large part du trafic est assurée par les «embranchements particuliers», c’est-à-dire une voie de chemin de fer qui pénètre chez l’expéditeur ou le destinataire et évite donc tout transbordement.

D’autres solutions ont été également envisagées, comme la livraison des wagons sur une remorque spéciale routière.

Mais le domaine qui a le plus d’avenir est, sans aucun doute, celui du transport intermodal, qu’il fasse appel aux conteneurs (dont le développement a d’abord été lié aux transports maritimes), aux caisses mobiles spécialement conçues pour le transport terrestre et aux semi-remorques routières susceptibles d’être chargées sur un wagon.

Un autre axe d’efforts a été celui de l’augmentation des vitesses ; celle de 160 kilomètres par heure est même pratiquée par certains trains qui offrent des horaires particulièrement attrayants.

Une très large partie du trafic s’effectue en trains complets dont les rames suivent des roulements aussi précis que ceux des trains de voyageurs. La part du trafic assuré par des wagons traditionnels (couverts, plats et tombereaux) va en se réduisant au profit de wagons spécialisés, parfois très sophistiqués, et qui appartiennent souvent à des entreprises clientes du chemin de fer. Par ailleurs, la charge par essieu a été portée de 20 tonnes à 22,5 tonnes.

Enfin, la vieille distinction entre trains du régime ordinaire et trains du régime accéléré a été abandonnée pour faire place à trois services de qualité différente utilisant les mêmes trains et les mêmes triages mais permettant d’offrir le rapport qualité-prix le mieux adapté aux besoins des clients.

La S.N.C.F. souffre cependant, comme tous les chemins de fer de l’Europe, de l’absence d’attelage automatique qui limite la charge des trains et entraîne le maintien de tâches dangereuses.

Le trafic mondial de marchandises représente 7 000 milliards de tonnes-kilomètres, soit quatre fois le volume du trafic voyageurs.

Pour l’ex-U.R.S.S., il atteint 3 700 milliards de tonnes-kilomètres, soit plus de la moitié du trafic mondial.

En Chine comme en Inde, il connaît une expansion considérable et les chemins de fer n’arrivent pas à faire face à la demande de transport.

Les États-Unis constituent un cas particulier, car les chemins de fer sont des entreprises privées qui doivent affronter la concurrence des autres moyens de transport sans aucune intervention financière de l’État. Le Chemin de fer américain, qui a bénéficié de la déréglementation décidée en 1980, a pu conserver la première place sur le marché des transports avec 35,7 p. 100 comme part du marché et avait réalisé un trafic record en 1988 avec 1 440 milliards de tonnes-kilomètres.

Le trafic intermodal a pris une place très importante, il a pratiquement doublé en dix ans.

Le Chemin de fer américain, par rapport à la S.N.C.F., est avantagé par l’attelage automatique qui permet des trains plus lourds, une charge par essieu plus élevée (le chargement moyen du wagon est environ le double de celui qu’on observe en France), un gabarit plus généreux qui permet, par exemple, de transporter des conteneurs superposés et des distances d’acheminement plus importantes, plus de 1 000 kilomètres en moyenne.

Enfin, contrairement à la France, des trafics lourds tiennent toujours une place importante; c’est ainsi que le transport du charbon représente plus de 500 millions de tonnes. Des trains de 110 wagons d’une charge totale de 14 500 tonnes sont souvent utilisés.

Le réseau a également été concentré avec l’abandon de plus de 20 p. 100 des lignes en dix ans. En fait, seule la moitié des lignes ont été fermées, les autres sont exploitées par de petites entreprises locales.

Les tarifs ont sensiblement baissé en dollar constant, ce qui a permis au chemin de fer de rester compétitif; cela n’a pu être obtenu que par un énorme effort de productivité. En sept ans, les effectifs du personnel ont été réduits de 40 p. 100 et le parc de locomotives et de wagons de 30 p. 100 alors que le trafic a sensiblement augmenté.

Les résultats financiers s’améliorent également avec un taux de rémunération du capital qui avait atteint 7 p. 100 en 1988 contre 5 p. 100 en 1987.

Il est très important de constater, d’après l’exemple américain, que la technique ferroviaire reste parfaitement compétitive pour le transport des marchandises.

7. Les organismes internationaux

S’il existe une concurrence entre les différents modes de transport, les chemins de fer des différents pays ne sont pas concurrents entre eux. Au contraire, leur vocation est devenue très vite internationale. À l’intérieur de la plus grande partie de l’Europe, le franchissement des frontières avait été rendu facile par l’écartement normalisé des rails, circonstance remarquable si l’on songe à l’époque où les réseaux ont été créés.

Dès 1872 était instituée une Conférence européenne des horaires. Mais bien d’autres problèmes se posaient que celui du tracé des trains internationaux: difficultés techniques d’abord pour la circulation des voitures de voyageurs et des wagons de marchandises, problèmes commerciaux ensuite pour la gestion commune du matériel et le développement du trafic.

Le plus ancien des grands organismes internationaux est l’Association internationale du congrès des chemins de fer, créée en 1885 dans un but d’information mutuelle. Plus tard, la nécessité apparut d’un organisme dépassant largement l’objectif de l’information; ce fut, en 1922, la création de l’Union internationale des chemins de fer (U.I.C.), chargée de promouvoir «l’unification et l’amélioration des conditions d’établissement et d’exploitation des chemins de fer en vue du trafic international»; il s’agit donc d’étudier, de choisir, de recommander, voire d’imposer des dispositions ou des règles. L’U.I.C., qui groupe la plupart des réseaux européens, étend de plus en plus son action à des réseaux lointains.

Une association analogue (O.S.J.D.) a groupé les chemins de fer des pays de l’Est, certains réseaux de l’Europe centrale faisant partie à la fois de l’U.I.C. et de l’O.S.J.D.

Il existe plusieurs autres organismes internationaux avec des objectifs plus spécialisés. On peut citer: le pool Europ pour l’exploitation en banalité des wagons; la société Eurofima pour le financement de commandes de matériel; la société Interfrigo pour les transports internationaux sous le régime du froid; la société Intercontainer pour les transports internationaux par conteneurs; l’O.R.E., organisme de l’U.I.C. chargé des études communes.

Il est évident que les relations entre les chemins de fer du monde entier deviendront de plus en plus étroites.

8. Les perspectives d’avenir

Bien que plus d’un siècle et demi se soit écoulé depuis son origine, le chemin de fer reste un mode de transport moderne qui apporte une réponse à bien des préoccupations contemporaines.

D’abord la technique ferroviaire est sobre en énergie:

– du fait de la circulation en convoi, la résistance de l’air est réduite par rapport à des véhicules isolés;

– grâce au roulement acier sur acier, le train n’exige que peu d’énergie pour maintenir sa vitesse;

– la circulation en site propre permet de programmer les trains et d’éviter ainsi les ralentissements et arrêts, générateurs de gaspillage d’énergie.

Le chemin de fer est aussi le seul mode de transport à utiliser l’électricité d’origine thermique, hydraulique ou nucléaire.

La traction électrique a également l’avantage de n’engendrer aucune pollution atmosphérique. Le train est ainsi le système de transport le moins polluant et le moins agressif envers l’environnement, atout appréciable pour la «qualité de la vie», tout particulièrement en milieu urbain.

Le chemin de fer se préoccupe des bruits rayonnés tant à l’intérieur du matériel roulant qu’à l’extérieur, le long des voies. Les bruits de roulement ont été fortement réduits par les progrès techniques (longs rails soudés, semelles élastiques, bogies modernes, freins à disques, carénage des matériels).

Le chemin de fer, mode de transport guidé en site propre, présente un haut niveau de sécurité par rapport à la route, qui en France coûte à la collectivité près de 100 milliards de francs par an du fait des accidents. La sécurité est à la base même de l’exploitation ferroviaire. Il peut aussi transporter, avec des garanties de sécurité très élevées, des produits dangereux tels que les explosifs, les hydrocarbures, la soude, les acides, les gaz liquéfiés et les matériaux radioactifs.

Il possède d’incontestables atouts pour une politique d’économie d’énergie, de protection de l’environnement, de renforcement de la sécurité et d’aménagement du territoire.

Un recours plus large au rail pour le transport des marchandises est souhaitable pour de multiples raisons. Dans cette optique, le chemin de fer oriente son action vers une adaptation continue de prestations compétitives: développement des techniques intermodales, extension des plates-formes de stockage et de distribution, offre de solutions personnalisées, coopération accrue entre les réseaux pour favoriser l’acheminement rapide des marchandises sur les longues distances.

Pour promouvoir les transports de voyageurs, le chemin de fer œuvre dans plusieurs directions: poursuite de la rénovation du matériel roulant et des gares; amélioration de l’accueil réservé aux voyageurs dans les gares et dans les trains; optimisation de la qualité des services offerts sur l’ensemble du réseau; politique de tarifs incitatifs; développement de l’animation touristique et culturelle; et, en ce qui concerne la banlieue, modernisation permanente des conditions de transport et tarifications intégrées multimodales (trains + métro + autobus).

Le chemin de fer de demain, c’est tout particulièrement le T.G.V., mode de transport révolutionnaire qui met la vitesse à la portée de tous. Il donne une nouvelle jeunesse au chemin de fer et lui permet de concurrencer efficacement l’avion et l’automobile sur des distances de quelques centaines de kilomètres.

La naissance d’un véritable réseau à grande vitesse est amorcée en Europe et la construction du tunnel sous la Manche constitue une nouvelle chance pour ce réseau.

À partir de 1994, le lien fixe entre la Grande-Bretagne et le continent aura véritablement révolutionné les transports ferroviaires en Europe.

chemins de fer nom masculin pluriel Entreprise qui gère les lignes de chemin de fer : Employé des chemins de fer.

Encyclopédie Universelle. 2012.