estropier [ ɛstrɔpje ] v. tr. <conjug. : 7>
• 1529; it. stroppiare
1 ♦ Priver de l'usage d'un membre, par blessure ou maladie. Ce coup lui a estropié le bras. Se faire estropier. — Pronom. Il s'est estropié en tombant d'une échelle. « Je ne sache pas qu'on ait jamais vu d'enfant en liberté se tuer, s'estropier, ni se faire un mal considérable » (Rousseau).
2 ♦ Fig. Tronquer (un texte, un élément du discours) en déformant, en altérant. ⇒ défigurer, déformer, dénaturer. Estropier un nom propre, un mot étranger. ⇒ écorcher.
♢ Mal interpréter (un rôle, de la musique, etc.) Quoique « l'orchestre, alors très ignorant, estropiât à plaisir les pièces » (Rousseau).
● estropier verbe transitif (italien stroppiare, du latin populaire exturpiare, du latin classique turpis, difforme) Priver quelqu'un momentanément ou définitivement de l'usage d'un ou de plusieurs membres. Déformer un mot, une phrase, un texte, etc., les écorcher dans leur prononciation, leur orthographe : Estropier un vers. ● estropier (synonymes) verbe transitif (italien stroppiare, du latin populaire exturpiare, du latin classique turpis, difforme) Déformer un mot, une phrase, un texte, etc., les écorcher...
Synonymes :
- baragouiner (familier)
- dénaturer
- écorcher
Contraires :
estropier
v. tr.
d1./d Faire perdre l'usage d'un membre à.
|| v. Pron. Elle s'est estropiée.
d2./d Fig. Altérer, déformer. Estropier un mot.
⇒ESTROPIER, verbe trans.
A.— [Le suj. désigne une pers., une chose; le compl. désigne une pers. ou une partie du corps]
1. Fréq. au passif. Priver (quelqu'un) de l'usage normal d'un, de plusieurs de ses membres en le blessant ou en le mutilant. (Quasi-)synon. écloper, mutiler; (fam.) esquinter. Il a été gravement, cruellement estropié. Un supplice qui, au lieu d'estropier le corps, mutile l'âme et tue la raison (GONCOURT, Journal, 1862, p. 1149). On sait l'histoire de ce chirurgien qui estropiait les passants par le soupirait de sa cave, afin d'avoir des pratiques (FEUILLET, Sibylle, 1863, p. 5).
♦ P. métaph. Ceux que n'avait pas estropiés le brodequin des règlements [du collège] se mettaient à chercher leur voie (BARRÈS, Renan, Toute licence sauf contre l'amour, 1892 p. 195). L'étroitesse des intérêts dans une petite ville estropie, chère madame, littéralement estropie les âmes (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1939, p. 52).
♦ Se faire estropier. La guerre (...) débarrasse le pays des gens querelleurs, en leur permettant d'aller se faire estropier hors des frontières (ZOLA, Contes Ninon, 1864, p. 229).
— Emploi pronom. réfl. Se blesser de telle manière qu'on est privé de l'usage normal d'un, de plusieurs de ses membres. On peut s'estropier en montant l'escalier. Prends-y garde (HUGO, Ruy Blas, 1838, IV, 3, p. 424). Le chemin est mauvais. Mes chevaux vont s'estropier (CLAUDEL, Tête d'Or, 1890, 1re part., p. 44).
2. P. anal., rare. [Le compl. désigne un inanimé concr.] Abîmer, endommager. Sans jamais les estropier Il traversait le rond des pipes (BANVILLE, Odes funamb., 1859, p. 286).
B.— Au fig. [Le compl. désigne une œuvre d'art ou de l'esprit] Altérer le sens, gâter la beauté. (Quasi-)synon. massacrer, mutiler. Aurait-il été juste en voyant (...) estropier le rôle d'Oreste, de s'écrier :« Le chef-d'œuvre de Racine est une pauvreté »! (STENDHAL, Notes dilett., 1823, p. 289). La musique est infailliblement estropiée (STRAVINSKY, Chron. vie, 1931, p. 19).
— En partic., fam. [Le compl. désigne un élément ling., une langue] Déformer (en prononçant ou écrivant). Synon. écorcher. Il nous arrive parfois d'estropier les mots dont la forme et le sens nous sont peu familiers (SAUSSURE, Ling. gén., 1916, p. 238). Estropier l'orthographe des noms (GYP, Souv. pte fille, 1927, p. 131) :
• ... j'ai eu de vos nouvelles indirectement, dimanche dernier, par le général anglais (dont je ne sais pas le nom, d'autant plus que ma cuisinière l'a estropié en me l'annonçant : le nom, et pas le général)...
FLAUB., Corresp., 1878, p. 142.
Rem. On rencontre ds la docum. a) Estropiement, subst. masc. [Correspondant au sens B] Les internes riaient de l'estropiement du nom de l'actrice (GONCOURT, Journal, 1885, p. 519). b) Estropiaison, subst. fém., hapax région. [Correspondant au sens A] Elles [les eaux lustrales] guérissent (...) les plaies, paralysies et autres estropiaisons (SAND, Prom. autour vill., 1860, p. 165).
Prononc. et Orth. :[]. Enq. : // (il) estropie. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1529 « priver de l'usage d'un membre, par blessure ou maladie » (J. et R. PARMENTIER, Disc. de la navigation ds DG : Couper les jarrets des vaches qui demeurent la estropiees); 1585 au fig. (N. DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. II, p. 274 : ce sot en cramoisi, estropié de cerveau). Empr. à l'ital. stroppiare « priver de l'usage d'un membre », attesté dep. le XIVe s. (Storie Pistolesi ds TOMM.-BELL.), forme pop. issu p. métathèse de storpiare (1300-13, DANTE, Enfer, au part. passé, d'apr. COR., s.v. estropear), prob. issu d'un lat. vulg. exturpiare qui, comme disturpiare (attesté ds les Notes Tironiennes, v. TLL), serait dér. de turpis « laid, difforme » (v. FEW t. 13, 2, p. 433a; DEVOTO; C.C. RICE, Romance etymologies and other studies, Chapel Hill, 1946, p. 44). Fréq. abs. littér. :65. Bbg. HOPE 1971, p. 39. — RICE (C.C.). Romance etymologies and other studies. Chapel Hill, 1946, p. 44. — RITTER (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, pp. 413-414.
estropier [ɛstʀɔpje] v. tr.
ÉTYM. 1529; ital. stoppiare.
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1 Priver (qqn; un animal) de l'usage d'un membre, en mettant celui-ci dans l'incapacité de servir, par blessure ou maladie. ⇒ Écloper, mutiler. || Cette paralysie l'a estropié pour la vie. || Se faire estropier. — Pron. || Il s'est estropié en tombant d'une échelle.
1 Se faire estropier sur les pas des Césars (…)
Boileau, Satires, VIII.
2 Voilà un pendard qui me fera enrager. Viens-t'en à moi. (Ils se cognent). Ah ! le traître ! il m'a estropié.
Molière, George Dandin, III, 4.
3 Je ne sache pas qu'on ait jamais vu d'enfant en liberté se tuer, s'estropier, ni se faire un mal considérable, à moins qu'on ne l'ait indiscrètement exposé sur des lieux élevés, ou seul autour du feu, ou qu'on n'ait laissé des instruments dangereux à sa portée.
Rousseau, Émile, II.
♦ Par ext. || Estropier un membre. || Le coup lui a estropié le bras, la jambe. — Faux pron. || S'estropier un bras, une jambe.
4 C'était selon tous les principes
Qu'après les cercles de papier,
Sans jamais les estropier,
Il traversait le rond des pipes.
Th. de Banville, Odes funambulesques, « Le saut du tremplin ».
2 (1585). Fig. Altérer la beauté, le sens de. ⇒ Abîmer. || Estropier un texte, une citation, les tronquer de telle sorte qu'on en altère le sens ou qu'on en gâte la beauté. — Estropier une œuvre en la traduisant (→ Amende, cit. 6). || Estropier les paroles de qqn en les rapportant. ⇒ Défigurer, déformer, dénaturer. || Estropier un vers, un morceau de musique. || Estropier un nom propre, un mot étranger. ⇒ Écorcher.
5 (Ces gens qui) prennent par où ils peuvent les termes de l'art qu'ils attrapent et ne manquent jamais de les estropier (…)
Molière, la Critique de l'École des femmes, 5.
6 (…) ces messieurs voulurent absolument nous faire lire certains passages de Dictys de Crète, et de Métrodore de Lampsaque, que Scaliger avait estropiés.
Voltaire, le Temple du goût.
7 Quoiqu'ils (des bouffons italiens) fussent détestables, et que l'orchestre, alors très ignorant, estropiât à plaisir les pièces qu'ils donnèrent, elles ne laissèrent pas de faire à l'Opéra français un tort qu'il n'a jamais réparé.
Rousseau, les Confessions, VIII.
8 Les plus importantes découvertes ne sont dues le plus souvent qu'à la prise en considération de tout petits phénomènes, dont on ne s'apercevait jusqu'alors que parce qu'ils faussaient légèrement les calculs, estropiaient insensiblement les prévisions, inclinaient imperceptiblement de-ci de-là le fléau de la balance.
Gide, Feuillets, in Journal, 1889-1939, Pl., p. 662.
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estropié, ée p. p. adj. et n.
1 Adj. (1529). Qu'on a estropié, qui s'est estropié. || Il est vieux et tout estropié. ⇒ Éclopé, impotent, infirme; (fam.) béquillard. — Vx. || Estropié de : privé de (un membre). — Choses. || Fauteuil estropié, abîmé; (spécialt) auquel il manque un pied.
♦ Fig. Altéré, déformé. || Texte estropié. || Nom estropié.
2 N. (1680). Personne estropiée. || Un estropié. || Estropié auquel il manque un bras. ⇒ Manchot. || Le pas claudicant du pauvre estropié. ⇒ Boiteux. || Une estropiée.
9 L'estropié marcha, l'aveugle ouvrit les yeux.
Boileau, Satires, XII.
10 (…) nous connaissons sur le pont de Stamboul toutes les échopes, tous les passants, même tous les mendiants, la collection complète des estropiés, aveugles, manchots, becs-de-lièvre et culs-de-jatte !
Loti, Aziyadé, p. 209.
♦ ☑ Loc. fam. (fig.). Estropié de la cervelle : imbécile.
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CONTR. Ingambe, valide.
Encyclopédie Universelle. 2012.