dégorger [ degɔrʒe ] v. <conjug. : 3>
• 1299 se dégorger; « dire, exprimer; chanter, parler » a. fr.; de dé- et gorge
I ♦ V. tr.
1 ♦ Faire sortir de soi (un liquide, etc.). ⇒ déverser, évacuer. Égout qui dégorge de l'eau sale. Fig. Cinq ou six rues « dégorgeaient à chaque instant de nouveaux flots de têtes » (Hugo).
2 ♦ (1611) Vider de son trop-plein; déboucher pour permettre de se vider. Dégorger un évier, un égout. ⇒ purger.
3 ♦ Techn. Débarrasser (qqch.) des matières étrangères. ⇒ laver, nettoyer, purifier. Dégorger du cuir. — Pratiquer le dégorgement de (un vin mousseux).
II ♦ V. intr. (XVIe)
1 ♦ Déborder, répandre son contenu de liquide. ⇒ se déverser. L'égout dégorge dans ce collecteur. — Fig. « La fureur d'Hérodias dégorgea en un torrent d'injures » (Flaubert).
2 ♦ Rendre un liquide. Faire dégorger des sangsues. — Cuis. Faire dégorger des escargots, des concombres, leur faire rendre l'eau qu'ils contiennent. Faire dégorger une cervelle, des ris de veau, les faire tremper dans l'eau pour les débarrasser du sang, des impuretés.
III ♦ SE DÉGORGERv. pron. Épancher ses eaux. Rivière qui se dégorge dans un fleuve. Réservoir qui se dégorge dans un bassin. ⇒ se vider.
⊗ CONTR. Absorber, 1. boucher, engorger, gorger, remplir.
● dégorger verbe transitif (de engorger) Déverser son propre contenu : L'égout dégorgeait un flot fangeux. Débarrasser un conduit, un évier, etc., de ce qui les obstrue, les engorge. Rejeter par la gorge, vomir. Pratiquer, à l'aide du dégorgeoir, des congés sur des pièces forgées. Pratiquer le dégorgement d'un vin. Retirer un hameçon de la bouche d'un poisson. Nettoyer la laine et la laver en la débarrassant des matières étrangères qu'elle contient. ● dégorger (expressions) verbe transitif (de engorger) Dégorger le fer, couper le métal à chaud. Dégorger une mortaise, y enlever des copeaux. ● dégorger (synonymes) verbe transitif (de engorger) Déverser son propre contenu
Synonymes :
- épancher
- épandre (littéraire)
- rejeter
- répandre
Rejeter par la gorge, vomir.
Synonymes :
- vomir
● dégorger
verbe intransitif
Rendre les matières absorbées ; se débarrasser de ses impuretés ; rendre de sa teinture, en parlant d'un tissu.
Pour un coquillage, rejeter la vase contenue entre ses valves.
En parlant d'aliments (ris de veau, tête de veau), rejeter certaines impuretés sous l'action d'un bain d'eau froide ; en parlant de certains légumes crus, perdre une partie de leur eau sous l'action du sel ; en parlant d'escargots, perdre leurs impuretés sous l'action d'un jeûne prolongé avant cuisson.
● dégorger
verbe intransitif
se dégorger
verbe pronominal
Se déverser : Égout qui se dégorge dans une rivière.
dégorger
v.
rI./r v. tr.
d1./d Expulser, évacuer (un liquide). Oléoduc crevé qui dégorge du pétrole.
d2./d Débarrasser (un conduit) de ce qui l'engorge.
rII./r v. intr.
d1./d Se déverser, déborder. Ravines qui dégorgent dans un étang.
— (S. comp.) Réservoir qui dégorge.
|| v. Pron. S'épancher, se vider. étang qui se dégorge dans des canaux.
d2./d CUIS Faire dégorger: faire rendre du liquide à. Faire, laisser dégorger des concombres.
— Faire dégorger des escargots, leur faire rendre leur eau, leur bave. Syn. (Guad.) dégoutter.
⇒DÉGORGER, verbe.
I.— Emploi trans.
A.— Lang. cour.
1. [Le suj. désigne une pers. ou un animal] Rendre par la gorge, vomir. Ils [des oiseaux] apportaient de la nourriture qu'ils dégorgeaient de leurs jabots (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 154). Ses joues se gonflèrent (...). Il dégorgea à plusieurs reprises un beau sang vermeil (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 376).
— P. ext. Elle [l'abeille] se rend à la ruche, y dégorge son butin (MAETERL., Vie abeilles, 1901, p. 114).
— Au fig. Dégorger des injures. À défaut d'interlocuteur, elle se parlait à elle-même, dégorgeant et réavalant son ordure pour la revomir avec fracas, aussi longtemps que sa victime pouvait l'entendre (BLOY, Femme pauvre, 1897, p. 252) :
• 1. Il [Jacques] s'efforce de se tarir, de se désencombrer, de s'évider. Il dégorge son trop-plein de moi, concombre tartiné du sel de la misère. Il se soutire des pintes de bon sang, et sans rire. Il s'épuise, la gueule ouverte.
QUENEAU, Loin de Rueil, 1944, p. 160.
♦ En partic. Lâcher son argent, payer. (Quasi-)synon. rendre gorge. Synon. pop. cracher. Ils dégorgeaient un, deux, trois, quatre millions, plutôt que de laisser poursuivre (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 388) :
• 2. Cordoue dégorgeait ses richesses, vomissait d'un coup tout ce que, depuis les Almohades, elle avait accumulé grâce à la vente de ses huiles, de son blé, de ses vins...
MORAND, Le Flagellant de Séville, 1951, p. 118.
♦ Arg. Avouer. Synon. pop. cracher (cf. CARABELLI, [Lang. pop.]).
2. [Le suj. désigne un égout, une canalisation, un récipient] Déverser son contenu. Le Coenus dégorge son bourbier dans les eaux vives de l'étang (MAURRAS, Chemin Paradis, 1894, p. 125). La bonbonne (...) se mit à dégorger un liquide glacé (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 55).
— Emploi pronom. Se déverser. Vomir ainsi tes paroles par saccades comme une carafe qui se dégorge (CLAUDEL, Endormie, 1883, p. 10) :
• 3. Les lacs [de la Finlande] y sont rangés, du nord au midi, en forme de Cordilières; ils se dégorgent les uns dans les autres, en descendant la plupart vers la Baltique; quelques-uns se déchargent dans la mer glaciale...
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harm. nat., 1814, p. 228.
♦ P. ext. [Le suj. désigne une voie de communication, une foule] Trois rues se dégorgeaient dans le parvis (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 142). La foule arrivait (...). Il s'en dégorgeait des ruelles, des allées, des maisons (FLAUB., Mme Bovary, t. 1, 1857, p. 152).
♦ Au fig. S'épancher, s'abandonner. C'est par moi [la Charité] (...) que l'on éclate en sanglots et que se dégorge la tendresse (FLAUB., Tentation, 1849, p. 335).
— Emploi factitif. Déboucher un conduit obstrué. Dégorger les conduites d'eau des abreuvoirs (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, p. 236).
♦ MÉD. Une saignée locale, qui dégorge les vaisseaux (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p. 141).
Rem. On rencontre dans la docum. qq. ex. de dégorgé, ée, employé comme adj., en parlant d'inanimés concr. a) Vidé de son contenu. De vieux tubes [de couleurs] vides et dégorgés (GONCOURT, M. Salomon, 1867, p. 132). b) Décharné, maigre. Anton. rond. Les chevilles trop en relief (...) les mollets dégorgés (RENARD, Lanterne sourde, 1893, p. 89).
B.— Spécialement
1. ART CULIN. Débarrasser un aliment du sang ou des impuretés qui l'engorgent, en le trempant dans l'eau froide. Après avoir dégorgé et blanchi un petit foie gras de Strasbourg (Gdes heures cuis. fr., Carême, 1833, p. 135).
Rem. Dégorger est surtout utilisé, en ce sens, en emploi factitif (cf. infra II B 1).
2. ŒNOLOGIE. Débarrasser un vin mousseux de ses impuretés. Mille [bouteilles] dégorgées en un jour par chaque ouvrier (HAMP, Champagne, 1909, p. 172).
3. TECHN. DIVERSES, notamment en . et TEINTURERIE. Nettoyer certaines matières à l'aide d'un solvant, pour les débarrasser de leurs impuretés. Dégorger du cuir (Ac. 1835-1932).
II.— Emploi intrans.
A.— S'écouler, se déverser. (Quasi-)synon. déboucher. L'arche du petit pont, où le torrent dégorge (LAMART., Jocelyn, 1836, p. 776). La Tamise (...) cet égout énorme, ce cloaque maxime où dégorgent les docks (MORAND, Londres, 1933, p. 321).
— P. anal. Dégorger de. Déborder :
• 4. Les femmes attendaient les arrivages de Montpellier. Robes, manteaux, chapeaux, dentelles, souliers fins et dessous dégorgeaient de malles, de cartons, de boîtes sans nombre...
PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1925, p. 109.
— Au fig. et p. métaph. La fureur d'Hérodias dégorgea en un torrent d'injures (FLAUB., Trois contes, Hérodias, 1877, p. 200). Dégorger dans le journal m'avait fait quelque bien (DU BOS, Journal, 1928, p. 19) :
• 5. ... le général de Gaulle a le style de son destin, un style accordé à l'Histoire. Ne croyons pas que cela soit commun : il n'est que de lire les autres. Le général de Gaulle les a laissés se vider de leur encre (...). Il les a laissés dégorger...
MAURIAC, Le Nouveau Bloc-Notes, 1961, p. 130.
— Arg. Éjaculer (cf. CARABELLI [Lang. pègre]).
Rem. On rencontre dans la docum. dégorgeant, ante, employé comme adj. Aux issues dégorgeantes, des traînées de blocs (TAINE, Notes Paris, 1867, p. 251).
B.— Spécialement
1. ART CULIN. Faire dégorger des cervelles, des ris de veau (Ac. 1932). Les tremper dans l'eau froide pour les débarrasser du sang. Faire dégorger du poisson (Ac. 1932). Le mettre dans l'eau claire pour lui ôter le goût de vase ou de marée. Faire dégorger des concombres. Les mettre dans du sel pour enlever leur excès d'eau.
2. TECHN. DIVERSES. Abandonner ses impuretés dans un bain. Faire dégorger des laines (Ac. 1835-1932).
Rem. On rencontre, de même, en emploi pronom. On la [l'épreuve] laisse se dégorger de son hyposulfite dans une grande bassine d'eau (LE GRAY, Phot. sur papier et verre, 1850, p. 14).
Prononc. et Orth. :[], (je) dégorge []. Le 2e g est suivi de e devant a ou o : dégorgeai(s), dégorgeons. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1299 pronom. « se déverser (d'un courant d'eau) » (Cart. du mont S. Mart., B.N. 1. 5478, f° 59e ds GDF. Compl.); 2. 1501 « rendre par la gorge, vomir » (Le Livre de conduite du Régisseur, éd. G. Cohen, p. 50a); 1575 faire dégorger [des sangsues] (PARÉ, XV, 69 ds LITTRÉ); 1580 fig. « déverser un trop plein, rendre ce dont on s'est gorgé » (MONTAIGNE, Essais, éd. A. Thibaudet, I, XXV, p. 167); 1688 « se vider de ses occupants en parlant d'un lieu » (LA BRUYÈRE, IX ds LITTRÉ); 3. 1611 « vider, déboucher » (COTGR.); 4. id. « débarrasser quelque chose des matières étrangères qu'elle contient (ici de la graisse) » (ibid.). Anton. de engorger; préf. dé(s)- (lat. dis-). Fréq. abs. littér. :151. Bbg. MAT. Louis-Philippe 1951, p. 311.
dégorger [degɔʀʒe] v. [CONJUG. bouger.]
ÉTYM. 1501; pron., 1299; « dire, exprimer, chanter, parler » en anc. franç.; de 1. dé-, gorge, et suff. verbal.
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I V. tr.
1 Faire sortir de soi (un liquide, etc.) en parlant d'un contenant, d'un espace. ⇒ Déverser, évacuer. || Égout qui dégorge de l'eau sale.
1 (…) si tu n'as pas vu le four Martin dégorger son flot de métal en délire, ô mon ami, tu ne connais pas toutes les tristesses du monde, toutes les dimensions de l'homme.
G. Duhamel, Scènes de la vie future, VIII, p. 135.
♦ Par métaphore :
1.1 Quand tombe le soir, à cette heure du crépuscule, la terre harassée dégorge une vapeur tiède et grasse, une espèce de sueur qu'il faut toute la nuit pour dissoudre.
Bernanos, Monsieur Ouine, p. 211.
♦ Fig. || Dégorger des injures. ⇒ Débagouler, lancer. || La rue dégorge une foule dense.
2 La place du Palais, encombrée de peuple, offrait aux curieux des fenêtres l'aspect d'une mer, dans laquelle cinq ou six rues (…) dégorgeaient à chaque instant de nouveaux flots de têtes.
Hugo, Notre-Dame de Paris, I, 1.
2 (1611). Vider de son trop-plein; déboucher pour permettre de se vider. || Dégorger un évier, un égout. ⇒ Purger.
3 Techn. Débarrasser (qqch.) des matières étrangères. ⇒ Laver, nettoyer, purifier. || Dégorger du cuir. — Cuis. Faire tremper (de la viande, des abats) pour débarrasser du sang, des impuretés. — Œnologie. Débarrasser (un vin mousseux) de ses impuretés. ⇒ Dégorgement, dégorgeur.
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II V. intr. (XVIe).
1 Déborder, répandre son contenu de liquide. ⇒ Déverser (se). || L'égout dégorge dans ce collecteur.
♦ Fig. :
3 La fureur d'Hérodias dégorgea en un torrent d'injures populacières et sanglantes.
Flaubert, Trois contes, « Hérodias ».
2 Rendre un liquide. (Surtout en emploi factitif). || Faire dégorger des sangsues. — (Dans une préparation culinaire). || Faire dégorger des concombres, leur faire rendre l'eau qu'ils contiennent.
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se dégorger v. pron.
♦ Épancher ses eaux. || Rivière qui se dégorge dans un fleuve. || Réservoir qui se dégorge dans un bassin. ⇒ Vider (se).
♦ Par métaphore :
3.1 C'était un coup d'œil magnifique que le spectacle de cette foule impatiente qui se pressait autour de l'enceinte réservée, inondait la place entière, se dégorgeait dans les rues environnantes, et tapissait les maisons de la place du rez-de-chaussée aux pignons d'ardoises.
J. Verne, Un drame dans les airs, p. 178.
♦ Méd. || Jambes qui commencent à se dégorger, à cesser d'être enflées. ⇒ Désenfler.
4 Tout à coup elle trembla de tout son corps, couvrit sa relique de baisers furieux, et se dégorgea en sanglots comme si son cœur venait de crever.
Hugo, Notre-Dame de Paris, VI, III.
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CONTR. Absorber, boucher, engorger, gorger, obstruer, remplir.
DÉR. Dégorgeage, dégorgement, dégorgeoir, dégorgeur.
Encyclopédie Universelle. 2012.