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épancher

épancher [ epɑ̃ʃe ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1312; lat. pop. °expandicare, class. expandere « répandre » épandre
I
1Vx ou poét. Faire couler. verser. « Une fontaine épanche son eau pure » (Gautier).
Fig. et littér. Produire généreusement. répandre. « Il [le Ciel] a sur votre face épanché des beautés » (Molière).
2Cour. Communiquer librement, avec confiance et sincérité. confier, livrer. Épancher sa peine, sa joie. « Tout ce que j'avais, enfant, rêvé de plus doux dans l'amour [...] c'était, devant celle que j'aimais, d'épancher librement ma tendresse » (Proust).
Par ext. Épancher son cœur. découvrir, libérer, ouvrir, soulager.
II ♦ S'ÉPANCHER v. pron.
1Vx ou poét. Couler, se déverser. « Je sentais comme une fontaine de miséricorde qui s'épanchait du haut du ciel dans mon cœur » (Flaubert). Mod. Méd. Former un épanchement. s'extravaser. Sang qui s'épanche dans le cœur.
Fig. Se répandre abondamment. « L'amour est inépuisable; [...] plus il s'épanche, plus il surabonde » (Lamennais).
2Fig. Communiquer librement, avec abandon, ses sentiments, ses opinions, ce que l'on cachait. s'abandonner, se confier, se livrer, s'ouvrir. Il a besoin de s'épancher ( expansif) . S'épancher dans ses lettres, dans un journal intime. S'épancher auprès de qqn. « Mon cœur ouvert et confiant s'épanchait avec des amis et des frères » (Rousseau).
⊗ CONTR. Fermer (se).

épancher verbe transitif (latin populaire expandicare, du latin classique expandere) Communiquer librement ses sentiments, les laisser déborder ; confier : Épancher ses peines dans un journal intime.épancher (difficultés) verbe transitif (latin populaire expandicare, du latin classique expandere) Orthographe Avec un a comme épandre, répandre (latin expandere), de même qu'épanchement. ● épancher (expressions) verbe transitif (latin populaire expandicare, du latin classique expandere) Épancher son cœur, l'ouvrir avec confiance.

épancher
v.
rI./r v. tr.
d1./d épancher sa bile: exhaler sa colère.
d2./d Exprimer librement. épancher ses sentiments.
rII./r v. Pron.
d1./d MED Former un épanchement.
d2./d Fig. Parler librement en confiant ses sentiments.

⇒ÉPANCHER, verbe trans.
A.— [L'obj. désigne un inanimé concr.]
1. Vx. [L'obj. désigne un liquide] Faire couler, (dé)verser. Synon. répandre. Comme un lait pur qu'un vase sombre épanche (LAMART., Chute, 1838, p. 972). L'Oise dans la Seine épanche ses eaux bleues (BANVILLE, Odes funamb., 1859, p. 108).
Emploi pronom. Couler, se déverser. S'épandre à flots. Nous vîmes s'épancher une source d'eau vive (M. DE GUÉRIN, Poésies, 1839, p. 130). Une cuve, d'où le vin s'épanche par un robinet (PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 225).
Au fig. Mes yeux s'épanchèrent en ruisseaux (SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 2, 1834, p. 162). Les rois, les chevaliers, les armées entières s'épanchaient en pleurs sincères (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p. 72).
P. métaph. Les derniers flots de ma vie s'épanchaient dans cet adieu (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 64).
2. Emplois spéc.
a) MÉD., emploi pronom. à sens passif. [Le suj. désigne gén. un liquide séreux ou sanguin] Se répandre dans un endroit inhabituel du corps. Synon. s'extravaser. La lymphe qui s'épanche entre les deux lèvres d'une plaie sous-cutanée (C. BERNARD, Notes, 1860, p. 58). Liquides épanchés dans les tissus (CARREL, L'Homme, 1935, p. 240).
b) VULCANOLOGIE. Répandre de la lave. D'innombrables orifices (...) ont épanché des coulées fluides de basalte (VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 288).
Emploi pronom. Laves qui s'épanchèrent sur tous les revers du volcan (VERNE, Île myst., 1874, p. 606).
3. P. anal.
a) [L'obj. désigne une sensation auditive, olfactive, visuelle] Répandre généreusement. Les bois, sous leur ombre odorante, Épanchant un concert que rien ne peut tarir (LECONTE DE LISLE, Poèmes ant., 1852, p. 307). L'aube (...) épanchait une clarté laiteuse au haut des futaies (PERGAUD, De Goupil, 1910, p. 25). Un blanc magnolia (...) Épanche son parfum de neige et de melon (NOAILLES, Forces étern., 1920, p. 252).
P. métaph. :
1. Bianca, ton chaste nom, lorsqu'il flotte à la bouche, D'un charme toujours neuf vous remue et vous touche, Et comme le parfum nage autour de la fleur, Sur Venise il épanche une amoureuse odeur.
BARBIER, Iambes et poèmes, Il pianto, 1840, p. 171.
Emploi pronom. à sens passif. La lumière s'épanchait magnifiquement dans la brume lointaine (LA VARENDE, Centaure de Dieu, 1938, p. 193).
b) Emploi pronom. à sens passif. [Le suj. désigne une chevelure] Se répandre librement. Sa chevelure qui s'épanche Au gré du vent prend son essor (LAMART., Harm., 1830, p. 372). Sa douce chevelure s'épanche comme un flot de lumière immobile (MAETERLINCK, Joyzelle, 1903, p. 98).
B.— Au fig.
1. [L'obj. désigne un sentiment ou le cœur comme siège des sentiments] Donner libre cours à un sentiment, le confier en toute liberté et sincérité. Épancher son cœur, sa joie. Un cœur où je pourrais épancher mes douleurs quand elles surabondent (BALZAC, Lys, 1836, p. 92) :
2. Verse-la, cette tendresse qui t'emplit, et plus tu l'épancheras, plus elle surgira de toi inextinguible et tiède; répands ton cœur dans la méditation des souffrances de Jésus, dans la contemplation des merveilles créées, dans la dilection de tes frères; ...
FLAUBERT, La Tentation de St-Antoine, 1849, p. 333.
Emploi pronom. à sens passif. Il faut que ma douleur s'épanche dans un cœur ami (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 285). L'indignation et la douleur trop longtemps contenues s'épanchèrent (SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 464).
Épancher sa bile, son fiel. Donner libre cours à son amertume, à son indignation. Synon. déverser, exhaler. Il y a des jours où je brûle d'être journaliste, pour épancher ma bile (FLAUB., Corresp., 1873, p. 80). Il dut se borner à épancher son fiel en un soliloque navré et imprécis (COURTELINE, Ronds-de-Cuir, 1893, 2e tabl., I, p. 60).
2. Emploi pronom. à valeur subjective
a) [Le suj. désigne une pers.] Se confier, s'exprimer en toute liberté et sincérité. S'épancher dans le sein de qqn, besoin de s'épancher. Il avait besoin de s'épancher, de trouver quelqu'un à qui tout dire (CHAMPFL., Avent. Mlle Mariette, 1853, p. 177). Il s'épanche volontiers en confidences, en rires ou en pleurs (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 500).
b) P. ext. [Le suj. désigne un sentiment] Se répandre abondamment. L'amour est inépuisable; il vit et renaît de lui-même, et plus il s'épanche, plus il surabonde (LAMENNAIS, Paroles croyant, 1834, p. 150).
Rem. 1. Dans la plupart de ses emplois, le verbe appartient à la lang. poét. 2. On rencontre ds la docum. a) Épancher, employé par erreur pour son paron. étancher. Nous sommes la nature et la source éternelle Où toute soif s'épanche, où se lave toute aile (HUGO, Rayons et ombres, 1840, p. 1067). Une soif de l'ingénu, que tout le Paradis ne lui épancherait pas (TOULET, Almanach, 1920, p. 170). b) Épanchoir, subst. masc. Ouvrage d'art où se déverse le trop plein d'un canal ou d'un étang. Synon. usuel déversoir. P. métaph. Parlez de vous, de vos peines, de vos affaires toujours. Ne suis-je pas votre « épanchoir? » (E. DE GUÉRIN, Lettres, 1840, p. 350).
Prononc. et Orth. :[], (j')épanche []. Enq. : // (il) épanche. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 « répandre » la cervele ... espancier (Beuve de Hantone, I, 2337 ds T.-L.); en partic. 1669 « verser abondamment un liquide » (RACINE, Britannicus, V, 5); 1832 pronom. « (d'un liquide organique) se répandre dans une cavité qui n'est pas destinée à le recevoir » (KARR, Sous tilleuls, p. 297); 2. 1669 « exprimer, communiquer ses sentiments » ici pronom. (RACINE, op. cit., V, 3). Empr. au lat. pop. expandicare, lat. class. expandere, v. épandre. Fréq. abs. littér. :553. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 060, b) 1 317; XXe s. : a) 628, b) 361. Bbg. GOHIN 1903, p. 245 (s.v. épanchoir).

épancher [epɑ̃ʃe] v. tr.
ÉTYM. V. 1200, espancier « répandre »; du lat. pop. expandicare, rare av. XVIIe; du lat. class. expandere « étendre, ouvrir ». → Épandre.
1 (1669). Vx ou poét. Faire couler (un liquide). Verser. || Épancher du vin, de l'huile.
1 Là nulle humaine créature
Ne touche aux animaux pour leur sang épancher.
La Fontaine, Fables, XII, 12.
2 Ma main de cette coupe épanche les prémices.
Racine, Britannicus, V, 5.
3 Dans un carrefour de Naples, une fontaine épanche son eau pure, un brocanteur de tableaux expose ses croûtes.
Th. Gautier, in Pierre Larousse.
Fig. et littér. Répandre avec prodigalité; produire généreusement. Déverser, épandre. || Bois, forêt qui épanche son ombre (→ Bois, cit. 7). || Épancher ses bienfaits, ses dons… Prodiguer.
4 Il (le Ciel) a sur votre face épanché des beautés
Dont les yeux sont surpris et les cœurs transportés (…)
Molière, Tartuffe, III, 3.
5 (…) des fruits que la terre épanchait de son sein (…)
Fénelon, Télémaque, II.
6 (…) les prêtres ne demandaient pour elle (la religion) aux maîtres du monde que de la laisser épancher dans le sein de l'homme ses bienfaits inestimables.
Mirabeau, Collection, t. IV, p. 333, in Littré.
2 Fig. et cour. Communiquer librement, avec confiance et sincérité. Confier, livrer.Épancher sa douleur (→ Amour, cit. 41), sa peine. || Épancher sa joie (→ Chant, cit. 7). || Épancher son secret, ce qu'on a sur le cœur. Exprimer, révéler.
Par ext. || Épancher son cœur, son âme. Débonder, décharger, découvrir, dégonfler, libérer, ouvrir, soulager. || Épancher son cœur sans réserve (→ Controuver, cit. 1), épancher le trop-plein de son cœur.
7 Il épanche son cœur dans celui de son ami.
Rousseau, Émile, V.
8 (…) elle (la foule) semblait avoir besoin d'épancher enfin un sentiment contenu.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., p. 173.
9 (…) le soupir le plus doux, le plus abandonné où une âme de femme puisse épancher son secret (…)
Paul Bourget, Un divorce, IV, p. 161.
10 Tout ce que j'avais, enfant, rêvé de plus doux dans l'amour et qui me semblait de son essence même, c'était, devant celle que j'aimais, d'épancher librement ma tendresse, ma reconnaissance pour sa bonté, mon désir d'une perpétuelle vie commune.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XII, p. 180.
Déverser sans retenue (une humeur, la bile). || Épancher sa bile, son fiel. Déverser, distiller, exhaler.Exprimer (un sentiment amer). || Épancher sa rancœur, son ressentiment.
11 (…) il dut se borner à épancher son fiel en un soliloque navré et imprécis.
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 2e tableau, 1.
——————
s'épancher v. pron.
1 Vx ou poét. Couler, se déverser. Déborder, regorger (vieux).
12 Lorsqu'il est plein, ses eaux s'épanchent en cascades; mais, dans les temps de sécheresse, ces épanchoirs n'en versent plus, et alors c'est du fond du réservoir qu'on les tire.
Marmontel, Mémoires, VII.
13 Plus loin, sur la rive où s'épanche
Un fleuve épris de ses coteaux.
Lamartine, Nouvelles méditations, « Le passé ».
Par métaphore :
14 (…) priant les deux bras étendus je sentais comme une fontaine de miséricorde qui s'épanchait du haut du ciel dans mon cœur. Elle est tarie, maintenant. Pourquoi ? (…)
Flaubert, la Tentation de saint Antoine, I.
15 Et partout où l'on frappe ce tendre rocher, l'ondée s'épanche; et elle n'est jamais tarie, cette eau amoureuse.
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », p. 269.
16 Les flots de son cœur et de son esprit ne s'épanchaient plus en cascades tourmentées, en cataractes turbulentes, ils coulaient largement et doucement sur une pente unie.
Gobineau, les Pléiades, III, IV.
(1832). Mod. Méd. Former un épanchement. Extravaser (s'). || Le sang s'est épanché dans la poitrine.
Fig. Se répandre abondamment, généreusement. Déverser (se).
17 L'amour est infatigable, il ne se lasse jamais. L'amour est inépuisable; il vit et renaît de lui-même, et plus il s'épanche, plus il surabonde.
F. de Lamennais, Paroles d'un croyant, XV.
18 (…) il n'y a pas un comédien, dans les prisons (…) leur métier est un exutoire par où s'épanche leur déraison, ce besoin d'extravagance que nous avons tous, plus ou moins.
Flaubert, Correspondance, t. IV, p. 250.
2 (1668, in D. D. L.). Fig. et cour. Exprimer, communiquer librement ses sentiments, ses opinions, ce que l'on cachait. Abandonner (s'), confier (se), livrer (se), ouvrir (s'). || Chercher à s'épancher (→ Cacher, cit. 27). || Il a besoin de s'épancher. Expansif. || S'épancher en disant ce que l'on a sur le cœur. || Il ne veut pas s'épancher. Parler. || S'épancher dans ses lettres, dans un journal intime. || S'épancher avec des amis (→ Confiant, cit. 3), auprès de ses amis, (littér.), dans le sein de qqn. || Enfant qui s'épanche (→ Attention, cit. 12).
19 Il s'épanchait en fils, qui vient en liberté
Dans le sein de sa mère oublier sa fierté.
Racine, Britannicus, V, 3.
20 Je reçois votre aimable lettre et suis dans un état de souffrance et d'irritation qui vous vaudra une réponse bien prompte, car j'ai besoin de m'épancher vers les amis. D'abord je suis furieux contre M. Vinet ou pour mieux dire blessé.
Sainte-Beuve, Correspondance, t. IV, p. 322.
20.1 Je crois que ce malheureux a souffert, qu'il a durement expié ses fautes, quelles qu'elles soient, et que le besoin de s'épancher l'étouffe. Ne le provoquons pas à nous raconter son histoire ! Il nous la dira sans doute.
J. Verne, l'île mystérieuse, p. 528.
21 Puis elle parla de nouveau. Elle semblait, à s'épancher, trouver un amer allégement.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VII, XXVIII, p. 254.
22 (…) contente seulement de s'épancher librement dans ces lettres exquises qui vont lui valoir désormais les regrets de plus d'un amoureux posthume.
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 242.
Cœur, âme qui s'épanche. Déborder. || Sentiments qui s'épanchent sans contrainte.
23 Un cœur plein d'un sentiment qui déborde aime à s'épancher : du besoin d'une maîtresse naît bientôt celui d'un ami.
Rousseau, Émile, IV.
24 (…) la confidence solitaire de l'âme trop pleine qui ne parle que pour se décharger et s'épancher.
Taine, les Origines de la France contemporaine, I, t. I, p. 305.
25 Et l'on sait de reste qu'il arrive aux cœurs les plus naïfs et sincères, et les moins soucieux de mots, de s'épancher spontanément en proverbes, locutions banales, et lieux communs.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 98.
——————
épanché, ée p. p. adj.
|| Sang épanché.(Littér.). || Lyrisme épanché.
CONTR. Accumuler. — Étancher. — Fermer (se), renfermer (se), replier (se replier sur soi-même).
DÉR. Épanchement, épanchoir.

Encyclopédie Universelle. 2012.