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crever

crever [ krəve ] v. <conjug. : 5>
Xe crever les yeux; lat. crepare « craquer »
I V. intr. (XIIe)
1S'ouvrir en éclatant, par excès de tension. éclater. Nuage qui crève. Bulle qui crève. Sac trop plein qui risque de crever. péter. Abcès qui crève. percer. Faire crever du riz, le faire gonfler à l'eau bouillante jusqu'à ce que les grains s'ouvrent.
Spécialt Le pneu de sa bicyclette, de sa voiture a crevé ( crevaison) ,la chambre à air a été percée et s'est dégonflée. — (Sujet personne) Avoir une crevaison. Il a roulé six mois sans crever ( increvable) .
2Par ext. CREVER DE... Être sur le point d'éclater; être trop gonflé, trop plein de. Crever d'embonpoint, de graisse. Fig. Crever d'orgueil, de jalousie, de dépit. C'est à crever de rire, à éclater de rire. ⇒ crevant.
3Par ext. (XIIIe) Mourir (animaux, plantes). Arrosez cette plante, ou elle crèvera. Il a laissé crever un arbuste. (Personnes; fam. jusqu'au XVIIIe) Pop. Il va crever. mourir . Crever à l'hôpital. « C'est l'heure de payer ton terme, ou d'aller crever dans la rue » (Bloy). Fam. Il fait une chaleur à crever. Crever de froid, d'ennui. Crever de faim, crever la faim : mourir de faim, être dans la misère ( crève-la-faim) . Pop. La crever : avoir très faim. Je la crève (cf. Je la saute).
II V. tr.
1Faire éclater (une chose gonflée ou tendue). Crever un pneu en le perçant. déchirer, percer, fam. péter. Crever un ballon, un tambour, le sac d'un papier d'emballage. Crever les yeux à qqn. éborgner.
2Loc. fig. Crever les yeux : être bien en vue, tout proche; par ext. être évident. ⇒ sauter (aux yeux). Il l'aime, ça crève les yeux. Crever l'abcès. Crever le cœur : faire de la peine. ⇒ crève-cœur. Crever l'écran. Crever le plafond.
3(déb. XVIIe) Exténuer par un effort excessif. Crever un cheval. (personnes 1680) Fam. Ce travail vous crève. épuiser, éreinter, fatiguer, tuer; fam. claquer. « Je me crevais la santé à faire du commerce » (Aymé). Pronom. Se crever au travail.

crever verbe intransitif (latin crepare, éclater) Éclater, se rompre, en parlant de quelque chose qui est gonflé, rempli de gaz, de liquide : Bulle de savon qui crève à la surface de l'eau. Céder sous l'effet d'une forte pression : Le barrage a crevé sous la poussée des eaux. Avoir un pneu qui se perce accidentellement : Nous avons crevé deux fois sur ces mauvaises routes. En parlant d'un abcès, s'ouvrir. Se résoudre en eau, éclater, en parlant des nuages. Mourir, en parlant des bêtes, des végétaux, et, dans la langue populaire, en parlant des hommes : Le chien est allé crever au fond du jardin. Familier. Éprouver un sentiment, une sensation au plus haut point, à un degré excessif : Crever de joie, de chaleur, de soif. Populaire. Avoir très envie de : Il crève de la revoir.crever verbe transitif Faire éclater quelque chose, le percer : Crever un sac, un abcès. Faire une brèche, un trou dans quelque chose, le faire céder : Les troupes ont crevé le front. Familier. Épuiser quelqu'un, un animal, le tuer de fatigue : La course, la chaleur m'a crevé.crever (expressions) verbe transitif Populaire. Crever (la peau, la paillasse) à quelqu'un, le tuer à coups de couteau. Crever le cœur, faire éprouver une grande pitié, faire beaucoup de peine. Crever l'écran, en parlant d'un acteur, jouer de manière remarquable. Vieux. Crever la faim, mourir de faim. Crever le plafond, dépasser le maximum prévu ou fixé. Crever le silence, se produire brusquement alors que le plus grand silence régnait. Crever les yeux, être tout à fait visible ou absolument évident. Populaire. La crever, mourir de soif, de faim. ● crever (synonymes) verbe transitif Faire éclater quelque chose, le percer
Synonymes :
- déchirer
- fendre
- percer
crever (citations) verbe intransitif (latin crepare, éclater) Émile Augier Valence, Drôme, 1820-Paris 1889 Académie française, 1857 Crève donc, société ! Les Effrontés, I, 7, le marquis Michel Lévycrever (difficultés) verbe intransitif (latin crepare, éclater) Conjugaison Attention à l'alternance e/è : crever ; je crève, il crève, mais nous crevons ; il crèvera ; qu'il crève mais que nous crevions ; crevé. ● crever (expressions) verbe intransitif (latin crepare, éclater) Crever de faim, être dans un état de misère extrême, au point de ne rien avoir à manger.

crever
v.
rI./r v. intr.
d1./d éclater, s'ouvrir sous l'effet d'une tension. Le ballon a crevé. Pneu d'une voiture qui crève.
|| Fam. J'ai crevé: un pneu de ma voiture a crevé.
d2./d Fig., Fam. être envahi à l'extrême (par un sentiment, une émotion). Crever d'orgueil, d'envie, de jalousie. Crever de rire.
d3./d (Plantes, animaux.) Mourir. Tous les arbres ont crevé. Le chien a crevé.
|| Fam. Crever de faim, de froid: avoir très faim, très froid.
rII./r v. tr.
d1./d Percer, rompre, faire éclater. Crever un sac en papier, un ballon. Crever les yeux à qqn.
|| Fig., Fam. Cela crève les yeux: c'est évident.
|| Fig. Crever le coeur de: causer une vive contrariété, une grande peine à.
d2./d épuiser (un animal ou, Fam., une personne) en lui imposant un effort excessif. Crever un cheval. Ce travail la crève.
|| v. Pron. Fam. Se crever au travail, à la tâche.

⇒CREVER, verbe.
I.— Emploi trans.
A.— [Le compl. d'obj. désigne une chose]
1. Percer violemment un objet gonflé ou tendu ou une surface continue :
1. Il se fit tout à coup un grand tumulte parmi les spectateurs du cirque, qui goûtaient une scène comique imprévue. Une bande de gamins avaient crevé la toile avec un couteau, et s'était introduite économiquement dans le cirque en passant sous les gradins.
CHAMPFLEURY, Les Bourgeois de Molinchart, 1855, p. 177.
2. Derrière une brume bleue, le groupe des gratte-ciel se lève, grandit peu à peu, crève de la tête la brume, offre au soleil des fronts dont aucun édifice humain n'égale la hardiesse.
COLETTE, En pays connu, 1949, p. 197.
SYNT. Crever un pneu. ou absol. (en emploi quasi intrans.) crever. Avoir un pneu de son véhicule percé accidentellement. Crever le riz. Faire gonfler et ramollir le riz à l'eau bouillante, au point d'en faire ouvrir les grains. Vous passerez votre bouillon au tamis et vous y ferez crever votre riz (VIARD, Cuis. royal, 1831, p. 16). Crever la peau (à qqn). Trouer la peau à quelqu'un avec une arme tranchante ou par balle, absol. tuer. Pour elle, à l'ombre du drapeau, Nous nous ferons crever la peau! (A. Bruant ds FRANCE 1907). Crever les yeux (à qqn). ) Rendre quelqu'un aveugle en lui perçant les globes oculaires. Il ne s'est pas crevé les yeux. Pourtant, plus qu'Œdipe nous le jugeons malheureux entre tous les mortels (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 142). ) Au fig. S'imposer à l'esprit par son caractère d'évidence. Ceux qui les payent [les tueurs] obéissent à de bons gros motifs, qui crèvent les yeux tant ils sont énormes (ID., Nouv. Bloc-notes, 1961, p. 160) :
3. ... cet argent, il irait, l'insensé, s'exposer bêtement à le perdre? Allons donc! L'invraisemblance d'une telle hypothèse crèverait les yeux à un enfant de dix-huit mois, et il faut, pour que vous-même vous n'en soyez pas aveuglé, qu'un furieux amour vous possède, du sophisme et du paradoxe.
COURTELINE, Messieurs-les-Ronds-de-cuir, 1893, 4e tabl., 3, p. 158.
P. métaph. Réduire à néant. J'ai crevé honnêtement les notions qui m'embarbouillaient l'esprit (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1894, p. 218) :
4. Il faudra détruire un à un, patiemment, leurs espoirs, crever leurs illusions, leur faire voir à nu leur condition épouvantable, les dégoûter de tout, de tous et, pour commencer, d'eux-mêmes.
SARTRE, La Mort dans l'âme, 1949, p. 213.
SYNT. Crever le cœur. Causer un violent chagrin. De passer si près de Phalsbourg sans voir ceux que j'aimais me crevait le cœur (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 133).
2. P. anal. Former un contraste violent avec quelque chose. Cinquante coups de fusil crevèrent le silence glacé des champs (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Souvenir, 1882, p. 170) :
5. ... elle avait l'air très jeune, (...) un peu honteuse et embarrassée du luxe débordant de ses cheveux, qui crevaient la nudité de son chapeau.
ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, p. 522.
SYNT. Crever l'écran. Au fig. [En parlant d'un acteur de cin.] Manifester dans un jeu une grande intensité d'expression (attesté ds Lar. encyclop.). Crever le plafond. Faire œuvre originale. Je disais à un jeune écrivain qu'en littérature il fallait crever le plafond, autrement cela ne valait pas la peine de songer à écrire (GREEN, Journal, 1950-54, p. 169).
B.— Pop. [Le compl. d'obj. désigne un être animé] Tuer :
6. Un jour ils ont voulu me mettre de semaine aux prisonniers de guerre. J'ai dit au doublard : « Si vous me foutez avec les Fritz, j'en crève un... Je ne veux plus voir leurs sales gueules... »
DORGELÈS, Les Croix de bois, 1919, p. 275.
P. hyperb. et affaiblissement de sens conjoints. Épuiser de fatigue. Crever de travail des hommes pauvres, cela est très honteux (MALRAUX, Conquér., 1928, p. 107).
SYNT. Crever un cheval. Exténuer un cheval en lui imposant des efforts excessifs. Mais dussé-je crever mon cheval; je suivrai la chasse (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 5, 1859, p. 455).
II.— Emploi pronom.
A.— Emploi pronom. réfl. Se ruiner la santé; se fatiguer à l'extrême; s'éreinter. Tu travailles comme un cheval, tu te crèves (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1101).
B.— Emploi pronom. non réfl. (le pron. agglutiné n'a pas de valeur pers.). S'ouvrir sous l'effet d'une pression excessive. À chaque heure du jour ton cœur se crevait de dégoût (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 203) :
7. ... l'eau se gonfle, se crève en quelques bulles dont les cercles blanchâtres tournoient comme des anneaux d'argent...
DU CAMP, En Hollande, 1859, p. 183.
III.— Emploi intrans.
A.— [Le suj. désigne une chose]
1. S'ouvrir brusquement sous l'effet d'une pression ou d'une tension excessive :
8. ... Mais les captifs furent sérieusement incommodés par les miasmes exhalés des fissures du sol et les bulles qui crevaient sous la tension des gaz intérieurs.
VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, t. 3, 1868, p. 112.
9. Ah! Je voudrais qu'une nuit toutes les digues du Rhône crèvent, et que le fleuve emporte la ville d'Arles, avec celles qui y sont.
A. DAUDET, L'Arlésienne, 1872, II, tabl. 2, 2, p. 387.
P. métaph. Disparaître subitement. La simplicité de ces innocents fera crever l'orgueil du serpent qui est logé dans ces démoniaques (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 211).
2. P. anal.
a) Regorger de quelque chose au point de paraître prêt à en éclater. Son front me parut près de crever sous l'effort du génie (BALZAC, L. Lambert, 1832, p. 81). Un hôtel qui crevait d'hommes et de meubles (ZOLA, Nana, 1880, p. 1356).
b) Se manifester subitement au grand jour. Une haine de vingt années crève à présent comme un abcès (BERNANOS, Mme Dargent, 1922, p. 12).
B.— [Le suj. désigne un animal ou, p. ext. péj., une pers.] Mourir. Le charlatanisme (...) s'est glissé dans toute profession (...) il n'y a si petit homme qu'il n'ait gonflé. — Le nombre est incalculable des grenouilles qui crèvent (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 148) :
10. Parce que je n'aurai songé qu'à moi, qu'à moi seul, (...) il faudra que tout un pays périsse! Il faudra qu'une pauvre femme crève à l'hôpital! Qu'une pauvre petite fille crève sur le pavé! Comme des chiens! Ah! Mais c'est abominable!
HUGO, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 283.
SYNT. Chaleur à crever. Chaleur étouffante. Dans l'exaltation générale et la chaleur à crever (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 514). Crever d'ennui. S'ennuyer à mourir. Personne ne fait attention aux vieux libertins blasés qui crèvent d'ennui et dont Parïs est pavé (STENDHAL, Amour, 1822, p. 239). Crever d'envie. Maintenant que mon chapitre est fini, je crève d'envie de dormir (FLAUB., Corresp., 1868, p. 157). Crever de faim, crever la faim ou absol. la crever. ) Dépérir de faim. Dites donc, père, nous crevons de faim. Vous nous donnerez bien du pain et du fromage (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 159). ) P. ext. Vivre dans la misère. Il n'avait pas envie de crever la faim, en s'échinant pour les autres (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 598). Crever de jalousie. Nourrir une jalousie maladive. Je lui ai dit [à Colleville] que Thuillier crèverait de jalousie en lui voyant sa rosette (BALZAC, Pts bourg., 1850, p. 120). Crever d'orgueil. Les dreyfusards devenus combistes crevaient déjà d'orgueil (PÉGUY, Notre jeun., 1910, p. 96). Crever de rage. Mme Rebondin, véritablement asthmatique, pensa crever de rage (AYMÉ, Brûlebois, 1926, p. 80). Crever de rire. Rire à en éclater. Un portrait de Joseph, avec des cils comme une star de cinéma... non, c'est à crever de rire! (GREEN, Moïra, 1950, p. 80).
Rem. 1. Crever s'emploie à la forme subst. dans la lang. pop. : attraper la crève « prendre froid ». Il a un accent lourd et traînant qu'un enrouement aggrave. Il tousse. — J'ai attrapé la crève, c'coup-ci (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 12). 2. On rencontre ds la docum. le subst. masc. creveur. Celui qui crève. La misère de ce creveur d'yeux, parricide et sacrilège, est si profonde et sa solitude si parfaite, qu'on croirait vraiment qu'il assume, à la façon d'un rédempteur, l'abomination de la multitude qui le déchire (BLOY, Femme pauvre, 1897, p. 147).
Prononc. et Orth. :[], (je) crève []. Fait partie des verbes qui changent [] muet du rad. en [] ouvert, écrit è accent grave devant syll. muette. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 2e moitié du Xe s. trans. lis ols crever (Vie de Saint Léger, éd. J. Linskill, 154); 2. 1130-40 intrans. « éclater, mourir » (WACE, Sainte Marguerite, 336 ds KELLER, p. 38b); 1613 faire crever (un cheval, par l'effort) (REGNIER, Sat. V, éd. G. Raibaud, 223); 1867 petit crevé ou subst. crevé (ds LARCH. 1880); 3. 1155 intrans. « éclater » (WACE, Brut, 12694 ds KELLER, p. 352a); ca 1223 d'ire crever (G. DE COINCI, éd. F. Kœnig, 1 mir 10, 201); av. 1630 crever d'en rire (A. D'AUBIGNÉ, Confession du Sieur de Sancy, VI, éd. Réaume et Caussade, II, 342); 1880 crevant « drôle » (ZOLA, Nana, p. 1177); 4. 1160-70 trans. « faire mourir, tuer » (WACE, Rou, 8828 ds KELLER, p. 276b); 1680 se crever « se fatiguer » (RICH.); 1876 crevant « épuisant » (ZOLA, E. Rougon, p. 32); 5. 1554 « gaver » aussi pronom. « se gaver » (CALVIN, Serm. sur le Ps. 119, p. 121). Du lat. class. crepare « rendre un son sec, éclater », attesté en b. lat. aux sens 2 et 3. Fréq. abs. littér. :2 476. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 996, b) 4 247; XXe s. : a) 5 505, b) 4 092. Bbg. GOTTSCH. Redens. 1930, passim. — MAT. Louis-Philippe 1951, p. 58, 254. — PAULI 1921, p. 44. — QUEM. 2e s. t. 2 1971 (s.v. crève).

crever [kʀəve] v. [CONJUG. lever.]
ÉTYM. Xe, crever les yeux; du lat. crepare « craquer ».
———
I V. intr.
1 S'ouvrir en éclatant, par excès de tension. Éclater. || Nuage qui crève. || Bulle qui crève. || Sac trop plein, ballon trop gonflé qui risquent de crever. || Abcès qui crève. Percer.Faire crever du riz, le faire gonfler à l'eau bouillante jusqu'à ce que les grains s'ouvrent.(1891, in Petiot). || Le pneu de sa bicyclette, de sa voiture a crevé ( Crevaison).Vx. Éclater. || Bombe qui crève en l'air. || Fusil qui crève dans les mains, qui éclate au moment où l'on veut tirer. Péter. — ☑ Fig. Affaire qui crève dans les mains, qui échoue, qui rate. Claquer (fam.).REM. Le pron. se crever, qui correspond syntactiquement au sens transitif II, s'est employé dans la langue classique et jusqu'au XIXe s. comme exact synonyme de crever (→ ci-dessous, cit. 1, 5 et 6).
1 Terre, crève-toi donc, afin de m'engloutir.
Corneille, Clitandre, variante, 1.
2 La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
La Fontaine, Fables, I, 3.
3 (…) la nuée creva le soir à dix heures (…)
Mme de Sévigné, 126, 31 déc. 1670.
4 Son fusil lui creva dans la main.
Mme de Sévigné, 476, in Littré.
5 Il avait un abcès dans la poitrine, qui s'est crevé tout d'un coup, et l'a étouffé.
Mme de Sévigné, 659, 4 oct. 1677.
6 Le bourgeon cotonneux du pommier se gonfle et se crève.
Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature, I, in Littré.
7 Je crèverais comme un obus,
Si je n'absorbais comme un chancre.
Baudelaire, Poèmes divers, II, Bribes, « Le goinfre ».
Loc. Plein, rempli à crever : trop plein. || Une armoire pleine (cit. 2) à crever.
Figuré :
8 (…) furieusement, son long silence creva en un flot de paroles.
Zola, Germinal, t. III, p. 39.
9 (…) ce premier sommeil, grignoté par les mille bruits du coucher des autres, cède et crève de toutes parts.
Gide, Journal, 24 août 1926.
(Sujet n. de personne, de véhicule). Avoir un pneu qui crève. || Nous avons crevé deux fois de suite : plus de pneu de rechange !La voiture n'a pas crevé depuis six mois.
9.1 On arriverait à la ville tard dans la soirée à condition de ne pas trop crever en route.
M. Duras, Un barrage contre le Pacifique, p. 156.
2 Être sur le point d'éclater; être trop gonflé, trop plein. || Crever d'embonpoint, de graisse (→ cit. 11). || Manger à crever, excessivement.
10 Il soupe, il crève; on y court
On lui donne maints clystères.
La Fontaine, Glout., in Littré.
11 Nanette crève de graisse.
Racine, Lettres.
12 (…) ils mangeront jusqu'à regorger, jusqu'à crever.
Rousseau, Émile, II.
Crever de (suivi d'un nom ou d'un infinitif) : être sur le point d'éclater, de mourir; être gorgé, rempli de (selon les compl., acquiert des valeurs différentes). || Crever d'argent. Regorger. || Crever de santé (→ Péter de santé).Être rempli (d'un sentiment qui ravage). || Crever de dépit, de colère rentrée, de jalousie.C'est à crever de rire, à éclater de rire. Crevant (fam.).
13 Mais je suis trop barbon pour oser soupirer,
Et je ferais crever de rire.
Molière, Amphitryon, I, 4.
14 Je crève de dépit.
Molière, les Précieuses ridicules, 15.
15 Mme de Coulanges, qui crève d'argent, a prêté mille francs.
Mme de Sévigné, 1069, 8 oct. 1688.
16 Je ne connais pas cet abbé qui était là, mais il est redondant et rubicond, il pète dans sa graisse et crève de joie.
Huysmans, Là-bas, XVII, p. 231.
17 (…) ces filles qui crèvent de misère et d'orgueil, belles de leur dénûment éclatant.
Colette, la Vagabonde, II, p. 99.
REM. Cet emploi tend à se confondre avec le sens 4 (« mourir de… »). Cf. Il crève de dépit, et il a manqué en crever de dépit, ou : qu'il en crève ! (sous-entendu : de dépit).
3 (XIIIe). Mourir, en parlant d'un animal, d'une plante. Mourir. || Faire crever un chien à force de mauvais traitements. || Les poissons rouges crèveront si on ne change pas l'eau. || Arrose cette plante, ou elle crèvera. Dessécher (se), sécher.
18 Voilà mes chiens à boire : ils perdirent l'haleine,
Et puis la vie; ils firent tant
Qu'on les vit crever à l'instant.
La Fontaine, Fables, VIII, 25.
19 Un serpent piqua Jean Fréron.
Que pensez-vous qu'il arriva ?
Ce fut le serpent qui creva.
Voltaire, Épigramme.
19.1 Pendant la campagne de France, officier de Napoléon, il sonna un soir, son cheval ayant crevé, à la porte d'un château (…)
M. Leblanc, l'Aiguille creuse, p. 157.
4 (En parlant d'une personne; fam. jusqu'au XVIIIe; très fam. de nos jours). Mourir. || Il va crever. Mourir; claboter, clamser, claquer (→ Attraper la crève). || Plutôt crever que de céder. || « J'ai une soif à crever » (Zola, Rome, p. 541). || Il fait une chaleur à crever. — ☑ Crever de faim : mourir de faim.Fig. Avoir grand faim. Être dans la misère. Crève-la-faim. → ci-dessous II., 5., Crever la faim (même sens). — Par ext. Être très incommodé par… || Crever de chaud, de froid. || Crever d'ennui.
20 (…) elle et son équipage ont pensé crever des chaleurs (…)
Mme de Sévigné, 1211, 31 août 1689.
21 Ou la malade crèvera, ou bien elle sera à vous.
Molière, le Médecin malgré lui, II, 5.
22 Sitôt que je m'assieds, je crève d'ennui. — Je ne chasserais pas trois jours à Fontainebleau sans périr de langueur.
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, III, V, p. 209.
22.1 Non ! dit-elle, je ne crois pas ça… D'ailleurs, il n'y a personne qui soit resté trois jours sans manger. Quand on dit : « Un tel crève de faim », c'est une façon de parler. On mange toujours, plus ou moins… Il faudrait des misérables tout à fait abandonnés, des gens perdus…
Zola, le Ventre de Paris, t. I, p. 136 (1875).
23 « C'est l'heure de payer ton terme, ou d'aller crever dans la rue, parmi les enfants des chiens ! » répond le propriétaire (…)
Léon Bloy, la Femme pauvre, II, p. 284.
24 Avoir, à Paris, un foyer confortable, être le frère d'un médecin, et courir le risque de crever dans un hôpital d'Afrique (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 82.
25 (…) son travail de journaliste, honnêtement payé, l'aurait juste empêché de crever de faim !
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XVII, p. 235.
26 Qu'il crève la gueule ouverte, seul dans le bled, en appelant sa mère, conclut le caporal-clairon.
P. Mac Orlan, la Bandera, XII, p. 147.
27 Non, dit Kyo aux ouvriers : avant on ne mangeait pas. Je le sais, j'ai été docker. Et crever pour crever, autant que ce soit pour devenir des hommes.
Malraux, la Condition humaine, p. 130.
Pop. || Il est crevé : il est mort. → ci-dessous Crevé, 4.
———
II V. tr.
1 Faire éclater (une chose gonflée ou tendue). || Crever un pneu en le perçant. Déchirer, percer. || Crever un ballon, un tambour, un papier d'emballage. || Crever les yeux à qqn. Éborgner.
28 Et la foudre qui va partir,
Toute prête à crever la nue,
Ne peut plus être retenue.
Corneille, Polyeucte, IV, 2.
29 En mai, une végétation formidable crevait ce sol de cailloux.
Zola, la Faute de l'abbé Mouret, p. 31.
Figuré :
30 (…) l'empire énervé et dépeuplé n'eut plus assez d'hommes ni d'énergie pour repousser les Barbares. Leur flot entra, crevant les digues, et, après le premier flot, un autre, puis encore un autre, et ainsi de suite pendant cinq cents ans.
Taine, Philosophie de l'art, t. I, I, II, VI, p. 77.
31 (…) le dernier numéro des Marges où Suarès crève sa poche à fiel.
Gide, Journal, 14 avr. 1933.
Crever le cœur de qqn, crever le cœur à qqn : faire de la peine; provoquer de l'attendrissement, de la compassion chez qqn. Crève-cœur. || Un spectacle qui crève le cœur. || Cette injustice lui crève le cœur. Fendre.
32 Cela nous creva le cœur, et nous fit voir (…) qu'à la mort on dit la vérité.
Mme de Sévigné, 288, 24 juin 1672.
Vx. || Se crever pron. → ci-dessus, cit. 1 et rem. supra.
2 Loc. fig. (Sujet n. de chose). Crever les yeux : être bien en vue, tout proche; par ext. être évident. Sauter (aux yeux). || Cela crève les yeux : c'est évident, manifeste.
33 (…) les saletés y crèvent les yeux (dans cette pièce).
Molière, la Critique de l'École des femmes, 3.
34 Mais j'étais alors si bête, que je ne voyais pas même ce qui crevait les yeux à tout le monde.
Rousseau, les Confessions, IX.
35 (…) l'évolution de la France vers la guerre crève les yeux !
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 187.
35.1 (…) Vous le saviez ? — Mais bien sûr qu'on le savait. Ça crève les yeux voyons.
N. Sarraute, Vous les entendez ?, p. 85.
Se crever les yeux à lire dans la pénombre, s'altérer la vue.
Loc. Crever l'écran.Crever le plafond.
3 Faire mourir. a Vx. || Que la peste te crève ! imprécation contre quelqu'un.
b (Idée de coup de couteau). Pop. || Crever qqn. Tuer. — ☑ Crever la peau de qqn. || Se faire crever la peau, la paillasse…
35.2 Le boucher dit à Chabouillet, venu chez lui pour prendre sa première leçon de savate : « Mon petit, donne-moi 60 francs et je t'apprendrai à crever un homme ! »
Ed. et J. de Goncourt, Journal, t. I, p. 65.
36 Allez prévenir les agents. Moi… la Fernande… Oui… oui… Moi, j'ai crevé mon homme !
Francis Carco, Jésus-la-Caille, III, IX, p. 225.
c Argot. Arrêter, prendre (qqn).
36.1 (…) c'est toujours avec un petit détail de rien qu'on se fait crever.
A. Sarrazin, la Cavale, p. 97.
4 (1895, in Petiot). Fam. (Sujet n. de chose). Exténuer (qqn) par un effort excessif. Claquer, épuiser, fatiguer. || Ce travail vous crève. Crevaison, crevant.Pron.Se crever à faire qqch. || Je me crève à te l'expliquer.
37 Il est (…) usé, dit un grand; il s'est crevé à me suivre : qu'en faire ?
La Bruyère, les Caractères, IX, 7.
37.1 Mais à partir de ce jour a commencé l'indisposition qui m'a fort retenu et fort donné à penser sur la sottise de vouloir se crever de travail et compromettre tout par le sot amour-propre d'arriver à temps.
E. Delacroix, Journal, 17 nov. 1852.
38 Qu'est-ce que vous avez fichu pour avoir vos places ? Pendant que je me crevais la santé à faire du commerce, vous n'avez jamais bougé un orteil.
M. Aymé, la Tête des autres, IV, 5.
REM. Le faux pronominal se crever la santé, le tempérament (vulg. se crever le cul) correspond à un transitif inusité et a le même sens que se crever.
Spécialt. || Crever un cheval, le tuer de fatigue.
39 Pour moi, ajouta-t-il (encouragé par le sourire de quelques femmes), je ne croirai à la vertu de Mme de Merteuil, qu'après avoir crevé six chevaux à lui faire ma cour.
Laclos, les Liaisons dangereuses, II, LXX.
5 (1873, Zola, cit. 39.1, crève-la-faim semble antérieur). Fam. Crever la faim : crever de faim (ci-dessus, intrans.).Crever la dalle (même sens).(1870). Ellipt. || La crever. → La péter, la sauter. || On la crève, sers-nous quelque chose à bouffer !
39.1 Quand il s'éveilla de son sermon sur la fraternité, il crevait la faim sur la dalle froide d'une casemate de Bicêtre.
Zola, le Ventre de Paris, t. I, p. 70.
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crevé, ée p. p. adj.
1 Qui a crevé, présente une déchirure, une crevaison. Percé, fendu. || Pneu crevé. || Ballon crevé.Par ext. || Yeux crevés. || Il, elle a un œil crevé. Borgne.
40 (…) la montagne semble avoir eu des convulsions, tant elle est soulevée, fendue, crevée dans tous les sens.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, p. 61.
41 Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées (…)
Rimbaud, Poésies, « Ma bohème ».
42 (…) une bourre grise qui se dénoue en neige comme un édredon crevé.
Colette, l'Étoile Vesper, p. 12.
2 N. m. || Un, des crevés : fente pratiquée aux manches de certains habits et servant à les orner, en laissant apercevoir la doublure. || Les manches à crevés étaient de mode sous François Ier. || Un crevé Henri II (→ Gigot, cit. 7).
42.1 Il distingua des habits noirs, puis une table ronde éclairée par un grand abat-jour, sept ou huit femmes en toilettes d'été, et, un peu plus loin, Mme Dambreuse dans un fauteuil à bascule. Sa robe de taffetas lilas avait des manches à crevés, d'où s'échappaient des bouillons de mousseline, le ton doux de l'étoffe se mariant à la nuance de ses cheveux.
Flaubert, l'Éducation sentimentale, Pl., t. II, p. 267.
42.2 (…) il était vêtu d'un pourpoint et d'un haut-de-chausses violet avec des aiguillettes de même couleur, sans aucun ornement que les crevés habituels par lesquels passait la chemise.
Dumas, les Trois Mousquetaires, t. I, p. 20.
42.3 (…) la conversation (…) va à l'étymologie, et l'on recherche celle de petit crevé. L'un dit que c'est l'antiphrase de gros crevé, c'est-à-dire, crevant de santé, l'autre soutient que cela vient des chemises bouillonnées qu'ils avaient l'habitude de porter, et du nom donné à ces chemises par les blanchisseuses : chemises à petits crevés.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, t. V, p. 149.
3 Vx. Gros, bouffi.N. || Un crevé, une crevée. || Un gros crevé → ci-dessus cit. 42.3.
43 (…) elle (Mme de Verneuil) n'est plus rouge, ni crevée, comme elle était.
Mme de Sévigné, 261, 1er avr. 1672.
44 (…) je ne suis plus une grosse crevée : j'ai le dos d'une plateur qui me ravit (…)
Mme de Sévigné, 556, 8 juil. 1676.
4 Mort (animal, plante). || Un chat crevé.Fam. (vx); pop. (mod.). En parlant d'une personne :
45 (…) vous n'êtes point crevé de toutes les médecines qu'on vous fait prendre (…)
Molière, le Malade imaginaire, III, 3.
46 J'aime mieux te voir crevée que de te voir à un autre.
Molière, Dom Juan, II, 3.
N. m. || Avoir une gueule de crevé.
5 Fam. Très fatigué. Claqué. || Être complètement crevé.
47 — Écoute, il est tard et nous sommes tous les deux un peu crevés. Mais sortons ensemble un de ces soirs, et tâchons d'avoir une vraie conversation (…)
S. de Beauvoir, les Mandarins, p. 469.
N. || Des crevés. Crevard.
Loc. Vieilli. Petit crevé : jeune homme malingre, efféminé, élégant, qui mène une vie oisive et dissipée. → ci-dessus, cit. 42.3.
48 C'était un petit crevé, d'assez jolie mais fort insignifiante binette (…)
Louise Michel, la Misère, t. II, p. 478 (1881).
CONTR. Résister, tenir. — Reposer.
DÉR. Crevable, crevage, crevaille, crevaison, crevant, crevard, crève, crevée, crevure.
COMP. Crève-cœur, crève-la-faim, crève-tonneau, crève-vessie.

Encyclopédie Universelle. 2012.