chemise [ ʃ(ə)miz ] n. f.
• XIIe; bas lat. camisia
I ♦
1 ♦ Vêtement couvrant le torse (porté souvent sur la peau). ⇒fam. 2. limace, liquette. Chemise de femme : ancienntsous-vêtement qui se mettait sous le corset; mod. ⇒ caraco. — Chemise américaine : sous-vêtement de tricot (⇒ tee-shirt) .
♢ CHEMISE DE NUIT : vêtement de nuit, plus ou moins long (analogue à une robe), porté de nos jours surtout par les femmes. ⇒ nuisette. « une chemise de nuit classique, comme toutes les chemises de nuit d'homme » (Aragon ).
♢ Spécialt Vêtement de tissu couvrant le torse qui se boutonne sur le devant. Chemise pour femme. ⇒plus cour. chemisier, corsage. Col, manchette, plastron, pan de chemise (⇒ bannière) . Cravate et chemise assorties. Chemise à manches longues, à manches courtes (⇒ chemisette) . Chemise blanche, à rayures. — Chemise de ville, de sport. Chemise-veste : chemise qui tient lieu de veste. — Porter une chemise sous sa veste. Être en manches (abusivt en bras) de chemise, sans veston; par ext. avoir une tenue négligée.
2 ♦ Anciennt Chemise de mailles. ⇒ cotte, haubert, jaseran.
3 ♦ Chemise d'uniforme de certaines formations politiques paramilitaires, et par ext. Ces formations, leurs membres. Chemises rouges. ⇒ garibaldien. Chemises brunes. ⇒ hitlérien, nazi. Chemises noires. ⇒ fasciste.
4 ♦ Loc. Changer de (qqch.) comme de chemise, constamment. — Se soucier, se moquer d'une chose comme de sa première chemise, n'y accorder aucun intérêt (cf. Comme de sa première culotte). — Laisser dans une affaire jusqu'à sa dernière chemise, s'y ruiner. — Mouiller sa chemise. — Fam. Être comme cul et chemise : être inséparables. — Nègre en chemise. Ail en chemise : gousses entières cuites, non pelées.
II ♦
1 ♦ (1752) Couverture (cartonnée, toilée) dans laquelle on insère des documents. ⇒ dossier, région. 2. farde. Mettre des factures dans une chemise. Chemise à rabats.
2 ♦ (1753 « partie intérieure du haut fourneau ») Revêtement de protection. Chemise de maçonnerie : crépi, enveloppe de mortier. Chemise de cylindres d'automobile. Chemise d'un canon, d'un projectile.
● chemise nom féminin (bas latin camisia) Vêtement masculin qui couvre le buste, boutonné devant, avec des manches et avec un col ou pied de col. Papier fort en cartonnage léger plié en deux, dans lequel on classe des papiers. Armement Revêtement métallique d'un projectile pour arme à canon rayé. Bâtiment Revêtement d'enduit ou de maçonnerie, notamment revêtement intérieur ou extérieur d'un conduit. Mécanique Élément qui recouvre extérieurement ou intérieurement une pièce de machine, employé soit pour la soustraire à une usure prématurée, soit pour permettre la circulation d'un fluide destiné à la refroidir ou à la réchauffer. Reliure Couverture de livre, jaquette. ● chemise (citations) nom féminin (bas latin camisia) Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Ah ! que j'ai de dépit que la loi n'autorise À changer de mari comme on fait de chemise ! Sganarelle, 5, la femme de Sganarelle ● chemise (expressions) nom féminin (bas latin camisia) Familier. Changer de quelque chose comme de chemise, en changer sans cesse, y renoncer sans peine, être versatile. Familier. Donner, laisser jusqu'à sa dernière chemise, se dépouiller de tout. Être en manches, en bras de chemise, avoir quitté sa veste. Familier. Louer, engager, vendre sa chemise, tout risquer, tout dépenser. Familier. Se soucier de quelqu'un, de quelque chose comme de sa première chemise, ne pas y penser, ne pas s'en occuper du tout. Chemise de garantie, pièce métallique située à tout emplacement des couvertures où les conditions d'étanchéité doivent être particulièrement observées. En chemise, se dit d'un mets enrobé d'une préparation spécifique qui le masque au regard. Chemise américaine, sous-vêtement en tricot porté à même le corps. Chemise de nuit, vêtement de nuit long et ample porté par les femmes. Chemise amovible, cylindre détachable dont sont munis certains moteurs à combustion interne. Chemise de vapeur, synonyme de enveloppe de cylindre. Chemise d'eau, circulation d'eau autour des cylindres d'un moteur à combustion interne, d'un four. ● chemise (synonymes) nom féminin (bas latin camisia) Vêtement masculin qui couvre le buste, boutonné devant, avec des...
Synonymes :
- liquette (populaire)
Bâtiment. Chemise de garantie
Synonymes :
Mécanique. Chemise de vapeur
Synonymes :
chemise
n. f.
d1./d Couverture en papier ou en carton dans laquelle on range des papiers, des documents.
d2./d En armurerie, enveloppe métallique d'un projectile. Chemise d'une balle, d'un obus.
d3./d CONSTR Revêtement de protection extérieur.
d4./d TECH Enveloppe métallique intérieure ou extérieure d'une pièce. Chemise d'un piston.
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chemise
n. f.
d1./d Vêtement, surtout masculin, de tissu léger qui couvre le torse. Chemise en coton. Chemise d'homme ou, absol., chemise.
— être en manches, en bras de chemise, en chemise, sans veste.
d2./d Loc. fig., Fam. Changer de (qqch) comme de chemise, en changer très souvent, sans réflexion. Il change d'opinion comme de chemise.
— Ils sont (comme) cul et chemise, inséparables.
⇒CHEMISE, subst. fém.
I.— [La chemise est un vêtement]
A.— Partie de l'habillement d'homme et de femme couvrant le buste et les bras, généralement porté sur la peau.
SYNT. Chemise à col, sans col; chemise de coton, de flanelle, de tricot; enfiler, mettre une (sa) chemise; enlever, garder, ôter sa chemise; porter une chemise.
— P. métaph., ART CULIN. Rare. Pomme de terre en chemise. Synon. de pomme de terre en robe de chambre ou en robe des champs (cf. L. E. AUDOT, La Cuisinière de la campagne et de la ville, 1896, p. 367). Nègre en chemise. Dessert au chocolat nappé de crème fouettée (cf. Je sais cuisiner, Paris, Albin Michel, 1932, p. 469).
1. En partic.
— Rare. Chemise de force. Synon. de camisole de force. P. métaph. Le père de Drumont n'était homme à souffrir qu'on mit une chemise de force à l'esprit humain (G. BERNANOS, La Grande peur des Bien-Pensants, 1931, p. 44).
— COST. MILIT. (du Moy. Âge). Chemise de mailles. Cotte de mailles métalliques couvrant le torse, les bras et le haut des cuisses, porté par les hommes d'arme du Moyen-Âge.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. dont Ac. 1835, 1878.
— HIST. Chemise ardente, chemise de soufre, chemise soufrée. Vêtement enduit de soufre que revêtaient les condamnés au bûcher. Vous avez de la chance d'être née au XXe siècle : je vous vois très bien d'ici, dans la belle chemise soufrée... (BERNANOS, Un Mauvais rêve, 1948, p. 922).
2. Expr. et loc., au fig., fam.
a) [P. réf. à la chemise en tant que vêtement porté à même la peau]
♦ Cacher qqn ou qqc. dans sa chemise, entre sa peau et sa chemise. Mettre tout en œuvre pour cacher quelqu'un aussi secrètement qu'on le peut. Des criminels comme ça, qui ne sont pas coupables, (...) je crois que je les cacherais dans ma chemise (F. VIDOCQ, Mémoires de Vidocq, t. 2, 1828-29, p. 238).
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe s. dont Ac. 1835 et 1878 ainsi que ds Lar. 20e.
♦ Être dans la même chemise que qqn, (être ensemble) comme cul et chemise (pop.). Être toujours ensemble, inséparables. « Ces deux-là, c'est cul et chemise, toujours ensemble ou à se courir après » (SARTRE, La Mort dans l'âme, 1949, p. 258). S'entendre comme cul et chemise. Être en parfaite intelligence :
• 1. Le Café de la route, à cette époque, était tenu par une surnommée Saucisse : Une vieille lorette de Grenoble... Naturellement, avec Langlois, en tout bien tout honneur, ils s'entendaient comme cul et chemise.
GIONO, Un Roi sans divertissement, 1947, p. 50.
♦ Je ne suis pas dans sa chemise. Je ne peux pas répondre à sa place. Pensez-vous qu'il viendra ce soir? — Eh! dit l'autre, je ne suis pas dans sa chemise (CAMUS, La Peste, 1947, p. 1333).
— Proverbes
♦ Entre la chair et la chemise il faut cacher le bien qu'on fait. ,,Il faut faire le bien sans ostentation`` (Ac. 1835-1932).
♦ La peau est plus proche que la chemise. Les intérêts personnels passent avant ceux des autres.
Rem. 1. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe s. dont Ac. 1835 et 1878 ainsi que ds Lar. 20e. 2. On rencontre la var. la chemise est plus proche que le pourpoint ds Ac. Compl. 1842, BESCH. 1845, Lar. 19e-20e et LITTRÉ.
b) [P. réf. à la chemise en tant que vêtement essentiel et dont on devrait normalement posséder plusieurs exemplaires]
♦ Avec sa chemise. Sans autres biens que ses vêtements. À vingt-six ans, sans position, il épousa Adrienne par amour et, comme on dit, avec sa chemise (A. FRANCE, Crainquebille, Adrienne Buquet, 1904, p. 193).
♦ Donner, engager, jouer, laisser, perdre, vendre (jusqu'à) sa (dernière) chemise. Donner, engager, etc. ses derniers biens ou ses derniers fonds. C'est Dembinski (...) jouant sa dernière chemise, jetant un louis, son dernier louis, sur un tapis vert (E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1858, p. 463) :
• 2. Chacune des deux sœurs jurait qu'elle rachèterait la maison n'importe à quel prix, quitte à y laisser sa dernière chemise.
ZOLA, La Terre, 1887, p. 386.
♦ N'avoir pas de chemise (à se mettre). Être dans l'indigence. La mauvaise fortune me persécute au point de n'avoir de chemise au dos (NERVAL, Les Filles du feu, Angélique, 1854, p. 560).
Rem. On rencontre ds la docum. une var. plus expr. de la loc. jeter son bonnet par-dessus les moulins. Elle [Nana] qui avait lancé vingt fois sa chemise par-dessus les moulins (ZOLA, Nana, 1880, p. 1315).
c) [P. réf. à la chemise en tant que vêtement dont on change souvent]
♦ Changer de qqc. (ou de qqn) comme (on change) de chemise. En changer de façon répétée. Vous serez tout étonnée de vous voir changer d'avis, de jour en jour, comme on change de chemise (FLAUBERT, Correspondance, 1857, p. 183). Qu'Agnès se mit à changer de mari comme de chemise était un intolérable bouleversement de l'univers (DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, p. 164).
♦ Se moquer, se soucier de qqc. (ou de qqn) comme de sa première chemise. Considérer quelque chose ou quelqu'un comme indigne d'intérêt ou d'attention. Elle se moque de l'argent comme de sa première chemise; elle vivrait de pain et de lait (COURTELINE, Boubouroche, 1893, I, 3, p. 45).
B.— Spécialement
1. [En tant que vêtement d'homme] Pièce du vêtement masculin en tissu léger, souvent porté à même le corps, couvrant le torse, à manches généralement longues, comportant un col et se fermant ordinairement par-devant au moyen de boutons :
• 3. ... l'usage s'est répandu d'interposer entre la chemise et le tégument soit un tricot de coton ou de laine, soit un gilet de flanelle.
MACAIGNE, Précis d'hygiène, 1911, p. 175.
SYNT. Chemise blanche; chemise amidonnée, empesée, molle; chemise ajustée, bouffante; chemise en (de) batiste, coton, percale, soie, toile, tussor; chemise à jabot; boutons, col, manches, poignets de chemise.
a) En partic., HIST.
— Chemise brune. Partie de l'uniforme des membres du parti national-socialiste allemand. Ils marchent derrière un führer en chemise brune ou un duce en chemise noire (GUÉHENNO, Journal d'un homme de 40 ans, 1934, p. 166). P. méton. Membre de ce parti :
• 4. Quand mes camarades ont été déportés en Sibérie, j'étais à Vienne; d'autres ont été assassinés à Vienne par les chemises brunes et j'étais à Paris.
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 70.
— Chemise noire. Partie de l'uniforme des membres du parti fasciste italien (GUÉHENNO, Journal d'un homme de 40 ans, 1934, p. 166). P. méton. Membre de ce parti. Un ancien combattant (...) que flatterait la perspective d'aller corriger Mussolini et ses chemises noires (J.-R. BLOCH, Destin du Siècle, 1931, p. 188).
— Chemise rouge. Partie de l'uniforme des volontaires garibaldiens. Jeune garibaldien en chemise rouge (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 23). P. méton. Volontaire garibaldien. Il a été avec les chemises rouges quelque temps. C'est moi qui (...) l'ai engagé dans les troupes papales (CLAUDEL, Le Père humilié, 1920, I, 3, p. 503).
b) Expressions
— Être en bras, en manches de chemise. Être sans veste, avec ou sans gilet, en laissant voir les manches de la chemise. Les businessmen américains que l'on voit dans les pullman, en manches de chemise, l'été (G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 158) :
• 5. Mais là-bas dans l'immense chantier
Vers le soleil des Hespérides,
En bras de chemise, les charpentiers
Déjà s'agitent.
RIMBAUD, Derniers vers, 1872, p. 155.
— Être en chemise, en corps de chemise. Être sans veste et sans gilet, en laissant voir le corps de la chemise. Les bûcherons, en corps de chemise, le feutre en arrière pour dégager le front, faisaient leur travail (POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Château des sept portes, 1922, p. 209).
— Être en pans de chemise (rare). En chemise et sans pantalon :
• 6. En pans de chemise et son pantalon des jours à la main, Noël hésitait. Honoré, adossé à la porte, mesurait tout l'avantage qu'il avait sur cet homme presque nu...
AYMÉ, La Jument verte, 1933, p. 298.
2. [En tant que vêtement d'homme et de femme]
— Chemise de nuit. Vêtement de nuit d'un seul tenant, souvent ample, couvrant le torse et les jambes, porté actuellement surtout par les femmes. La chemise de nuit qui l'entourait était plissée en long et bouffait un peu autour d'elle (FLAUBERT, La 1re Éducation sentimentale, 1845, p. 109) :
• 7. Il enfilait sa chemise de nuit, sortie de sous un coussin, une chemise classique, comme toutes les chemises de nuit d'homme, brodée de rouge.
ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, p. 284.
Rem. On rencontre ds la docum. la var. plus rare chemise de lit. Il était malade, en chemise de lit et un cataplasme de papier gris sur la poitrine (GIONO, Le Grand troupeau, 1931, p. 14).
— Chemise américaine. Sous-vêtement de tricot à manches longues ou courtes. Le docteur (...) se dandinant autour de la caverne avec sa chemise américaine (E. TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, p. 407).
Rem. Se dit auj. surtout pour un sous-vêtement de femme (cf. Pt ROB. et DAVAU-COHEN 1972).
II.— [P. anal. de fonction, la chemise est une couverture, un revêtement]
A.— Feuillet double de papier ou de carton servant à ranger des documents. Mettez une chemise à cette liasse, à ce dossier (Ac. 1835-1932). Elle passait des heures à classer les dossiers, à leur choisir des chemises multicolores (ARLAND, L'Ordre, 1929, p. 219).
— Arg. des jeux. Carte blanche placée sous un paquet de cartes pour en cacher la dernière (cf. HOGIER-GRISON, Les Hommes de proie, Le Monde où l'on triche, [1re série], 1886, p. 113).
B.— Enduit, enveloppe ou revêtement servant à protéger, à renforcer, parfois à orner quelque chose. Pour mieux le préserver [son paroissien], elle [Philomène] l'avait recouvert d'une chemise de mérinos noir cousue et piquée par elle-même (E. et J. DE GONCOURT, Sœur Philomène, 1861, p. 70).
SYNT. Chemise de crépi, de maçonnerie, de mortier; chemise de cuivre, de plomb; chemise d'un canon, d'un cylindre, d'un four, d'un moule, d'un projectile.
— En partic.
1. AMEUBL. Housse servant à protéger des meubles. Deux fauteuils (...) cachés sous des chemises de percaline grise à galons amarante (MÉRIMÉE, Dernières nouvelles, 1870, p. 47).
2. HORTIC. Légère couverture de paille qui protège les couches de champignons des agents extérieurs, en particulier de la lumière (cf. É.-A. CARRIÈRE, Encyclop. horticole, 1862, p. 99).
3. MAR. Chemise de chargement. Enveloppe de toile dont on tapisse la cale des navires qui chargent en grenier.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. dont Ac. 1932.
Prononc. et Orth. :[()mi:z]. [] muet ds les dict. de FÉR. 1768 à DG; pour les dict. mod. ds PASSY 1914, DUB., Pt Lar. 1968 et Lar. Lang. fr. [] facultatif ds BARBEAU-RODHE 1930, Pt ROB. et WARN. 1968; à ce sujet cf. chemin. Attesté ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Xe s. chamisae « vêtement de toile porté à même la peau » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 267); 2. p. anal. 1351 « enveloppe d'un livre » (Cpte roy. d'Et. de la Fontaine, f° 13 ds GAY); 1676 archit. « maçonnerie revêtant un rempart » (FÉLIBIEN Dict., p. 92); 1752 « carton protégeant un dossier » (Trév.). Du b. lat. camisia au sens 1 au IVe s. (Saint-Jérôme ds TLL s.v., 207, 30); p. ext. « enveloppe » au XIIe s. (Mittellat. W. s.v., 122, 33). Fréq. abs. littér. :3 176. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 2 202, b) 5 858; XXe s. : a) 6 368, b) 4 658. Bbg. GOTTSCH. Redens. 1930, passim. — LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 401. — SAIN. Lang. par. 1920, p. 163.
chemise [ʃ(ə)miz] n. f.
ÉTYM. XIe-XIIe; chamisae, Xe; du lat. tardif camisia, IVe, époque où ce vêtement apparaît.
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1 Vêtement léger, couvrant le torse, et porté souvent à même la peau. || Chemise longue, courte. || Chemise à manches longues. || Chemise à col, sans col. — Chemise d'homme (→ ci-dessous); de femme, d'enfant, de bébé (élément de la layette). — Chemise en tissu léger. || Chemise de coton, de flanelle, de tricot. || Chemise de laine. — Parties d'une chemise. ⇒ Col, corps, empiècement, manche, manchette, pan; jabot, plastron (syntagmes cour. : col de chemise, manche de chemise, pan de chemise). || Le devant, le derrière de la chemise. — La chemise de qqn, celle qu'il porte. || Les chemises de qqn, celles qu'il possède. || Mettre, enlever sa chemise. || Passer, enfiler une chemise. || Changer de chemise. — Vêtements antiques tenant lieu de chemise : chiton, tunique, etc. || Chemises anciennes, à guimpe, à jabot de dentelle, à plastron. — Être en chemise : ne rien porter sur sa chemise (→ ci-dessous, c, locutions).
1 Nous avions de la peine, Thiriot et moi, à ne pas éclater de rire, de voir Voltaire en chemise, gambadant de colère et apostrophant le roi de Prusse.
♦ Anciennt. || Chemise de femme : sous-vêtement qui se portait sous le corset. ⇒ Linge (de corps). || Chemise-culotte. ⇒ aussi Combinaison, parure.
♦ Mod. || Chemise américaine : sous-vêtement de tricot.
a Plus cour. || Chemise d'homme, chemise : vêtement léger, qui se porte à même la peau ou sur un tricot de corps, et couvre le torse. || Col de chemise. || Chemise à col anglais, sans col, à col détachable. || Manche de chemise. || Se mettre en manches de chemise (→ ci-dessous, c). || Chemise à manches longues, courtes. ⇒ Chemisette. — Pan de chemise. ⇒ Bannière (fam.). || Chemise à pans, sans pans. — Chemise de ville, chemise habillée, destinée à être portée sous le veston. || Chemise de cérémonie, de soirée. || Chemise de smoking, à plastron, amidonnée, glacée, empesée. — Chemise de sport (portée aussi par les femmes).
♦ Chemise Lacoste (marque de vêtements de sports et d'abord de tennis). || Chemise blanche, claire, de couleur (→ 1. Barbeau, cit. 2), à carreaux, à rayures, mille-raies. || Chemise blanche, bleue, noire (→ aussi 3., ci-dessous, spécialt). || Chemise en coton, en popeline, en soie, de soie. || Chemise en laine, en velours. || Elle porte une chemise à carreaux et des jeans, une chemise d'homme et une cravate. || Chemise de sport.
2 Dans un nuage de batiste
Elle ébaucha ses fiers contours.
Glissant de l'épaule à la hanche,
La chemise aux plis nonchalants,
Comme une tourterelle blanche,
Vint s'abattre sur ses pieds blancs.
Th. Gautier, Émaux et Camées, « Poème de la femme ».
3 Il la blaguait (la repasseuse) sur les chemises d'homme. Alors, elle était toujours dans les chemises d'homme… Pourtant, elle continuait (…) elle avait marqué cinq grands plis à plat dans le dos, en introduisant le fer par l'ouverture du plastron; elle rabattait le pan de devant et le plissait également à larges coups.
— Ça, c'est la bannière ! dit-elle en riant plus fort (…)
Zola, l'Assommoir, V, t. I, p. 186.
3.1 Enfin paraissaient les chemises, cette mode qui semble être le premier essai et le commencement d'audace des modes du Directoire : les chemises à la Jésus, les chemises à la Floricourt, les chemises doublées en rose, avec lesquelles les femmes jouaient la nudité.
Ed. et J. de Goncourt, la Femme au XVIIIe s., II, p. 71.
4 Quand nous partîmes d'Irlande, nous emportions chacune, comme la plus chère des parures, une chemise blanche comme la neige, une chemise de nuit de noces. Sur la mer, il advint qu'Iseut déchira sa chemise, et pour la nuit de noces je lui ai prêté la mienne.
J. Bédier, Adaptation de Tristan et Iseut, V.
4.1 Les hommes de lettres, ruinés par leurs éditeurs, achetèrent des chemises toutes faites dans les magasins de confection, et les rastaquouères eux-mêmes, voyant que la vogue l'abandonnait (le pauvre chemisier), allèrent se faire faire des chemises à Londres.
Valery Larbaud, le Pauvre Chemisier, I.
4.2 Colette portait d'ordinaire des chemises Lacoste et des cravates dont elle combinait les nuances avec hardiesse et bonheur (…)
S. de Beauvoir, la Force de l'âge, p. 164.
4.3 (…) les vêtements ne m'allaient pas aussi bien au commencement qu'à la fin. Surtout la chemise, dont pendant longtemps je ne pouvais fermer le col, ni par conséquent arborer le faux-col, ni réunir les pans, avec une épingle, entre mes jambes, comme ma mère me l'avait montré.
S. Beckett, la Fin, in Nouvelles et textes pour rien, p. 72.
b Chemise de nuit : long vêtement de nuit, analogue à une robe, porté pour dormir par les hommes (normalement jusqu'au début du XXe siècle, plus rarement dans les années 1920 et 1930) et par les femmes. || Le bourgeois du XIXe siècle en chemise de nuit et bonnet de coton. — Elle préfère les pyjamas à la chemise de nuit. || Une chemise de nuit douillette, chaude. || Chemise de nuit courte. ⇒ Baby doll (anglic.), nuisette.
4.4 Il enfilait sa chemise de nuit (…) une chemise de nuit classique, comme toutes les chemises de nuit d'homme, brodée de rouge.
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 284.
c ☑ Loc. Être en bras, en manches de chemise : ne pas porter de veste, de veston (se dit surtout des hommes). || Être en gilet et en bras de chemise. — REM. L'expression signifie en général « en corps de chemise »; elle date de l'époque où ne pas porter de veste signalait une tenue non bourgeoise ou très négligée (dans la bourgeoisie).
4.5 Tout un personnel haletant, suant, en manches de chemise, s'empresse à sa besogne (…)
Paul Morand, New-York, p. 55.
♦ En chemise : sans autre vêtement que la chemise longue (chemise de nuit, etc.) ou qu'une chemise courte et un vêtement de dessous couvrant le bas du corps. (→ ci-dessus, cit. 1). — REM. L'expression ne signifie plus jamais « sans veste »; on dit alors : en bras de chemise. — Vx. || Nu en chemise.
♦ Par métaphore. (Vieilli). || Pomme de terre en chemise (→ En robe des champs, en robe de chambre). — Nègre en chemise : entremets de chocolat nappé de crème fouettée (la crème blanche est comparée à une chemise). — Ail en chemise : gousses d'ail entières, cuites avec leur peau.
2 Anciennt (emplois spéciaux). || Chemise de mailles. ⇒ Cotte, haubert, jaseran (ou jaseron). — Chemise de mortification. ⇒ Cilice, haire. — Chemise ardente : chemise enduite de soufre, dont on revêtait les condamnés au feu, pour le supplice. || Chemise de soufre, soufrée (Bernanos, in T. L. F.).
5 Les chemises ensoufrées du Saint-Office sont l'étendard contre lequel les protestants sont à jamais réunis.
Voltaire, Essai sur les mœurs, p. 140.
3 Chemise d'uniforme, caractérisant certaines formations politiques paramilitaires. — Par ext. Membre d'une telle formation. || Les chemises rouges. ⇒ Garibaldien. || Les chemises brunes. ⇒ Hitlérien, nazi. || Les chemises noires. ⇒ Fasciste. — Rare (au sing.). || Une chemise brune.
6 (…) ni les gens de gauche, ni les gens de droite ne sont en mesure de s'affronter réellement. Ils ne réussiront qu'à crever le grand collecteur et l'égout commencera de vomir sa fange, jusqu'à ce que l'étranger, jugeant le niveau atteint, envoie ses égoutiers, chemises brunes ou chemises noires. Avez-vous compris, nigauds !
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, I, IV, p. 130.
6.1 Deux chemises noires se sont approchés; que faisions-nous dehors, à pareille heure ? Notre qualité de touristes nous valut leur indulgence, mais ils nous prièrent fermement de rentrer nous coucher.
S. de Beauvoir, la Force de l'âge, p. 161.
4 ☑ (1791, in D. D. L.). Loc. fig. (sur l'idée de vêtement de dessous, qui se change fréquemment). Changer de qqch. comme de chemise, constamment (⇒ Changer, cit. 36).
6.2 C'est une question de propreté : il faut changer d'avis comme de chemise.
J. Renard, Journal, 17 oct. 1902.
♦ ☑ Se soucier, se moquer d'une chose comme de sa première chemise, n'y accorder aucun intérêt, aucune attention.
6.3 Mais Manuel a beau se moquer de Marx, Lénine et Trotsky comme de sa première chemise (encore qu'il attache une certaine importance à la propreté de la seule et unique qu'il possède), Frank peut l'écouter pendant des heures sans lassitude ni malaise.
Régis Debray, l'Indésirable, p. 113-114.
♦ ☑ (Sur l'idée de vêtement porté sur la peau, d'intimité). Vx. Être dans la même chemise que qqn. ☑ Mod. et fam. Être comme cul et chemise : être des amis très intimes, inséparables. || « Ces deux-là, c'est cul et chemise » (Sartre).
♦ ☑ Fam. Je ne suis pas dans sa chemise : je ne peux pas me mettre à sa place (→ Dans sa peau).
♦ ☑ Vx. Cacher qqn, qqch. dans sa chemise, entre (sa) peau et (sa) chemise : dissimuler, cacher (qqn, qqch.) soigneusement (Vidocq, in T. L. F.).
♦ (Sur l'idée de vêtement essentiel, de propriété la plus modeste). ☑ Avec sa chemise : avec pour seuls biens ses vêtements (A. France, in T. L. F.). ☑ Donner, jouer, vendre jusqu'à sa (dernière) chemise, tous ses biens. ☑ Laisser dans une affaire jusqu'à sa dernière chemise, s'y ruiner. ☑ Vendre sa chemise (même sens).
7 J'y vendrai ma chemise; et je veux rien ou tout.
Racine, les Plaideurs, I, 7.
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II
1 (1752). Couverture (cartonnée, toilée) dans laquelle on insère les pièces d'un dossier. || Ranger des papiers dans une chemise.
2 Housse servant à protéger un meuble.
3 Hortic. Couche de paille protégeant les couches de champignons.
4 (1753, « partie inférieure du haut fourneau »). Techn. Revêtement de protection. — Chemise de maçonnerie : crépi, enveloppe de mortier. || Chemise de cylindres d'automobile. || Chemise d'un canon, d'un projectile, d'une machine… (⇒ Chemiser).
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DÉR. et COMP. Chemiser, chemiserie, chemisette, chemisier. — Enchemiser.
HOM. Formes du v. chemiser.
Encyclopédie Universelle. 2012.