cambrer [ kɑ̃bre ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1530; v. pron. « se détourner » XIIIe; de cambre « courbé », forme normanno-picarde de chambre, lat. camurum « courbé »
1 ♦ Courber légèrement en forme d'arc. ⇒ arquer. Cambrer les reins. — Cambrer une poutre. — Techn. Cambrer la tige, la semelle d'un soulier. ⇒ cintrer. — Reliure Recourber vers l'intérieur les angles du carton.
2 ♦ SE CAMBRERv. pron.(1530) Se redresser; pencher légèrement le haut du corps vers l'arrière, en creusant les reins.
● cambrer verbe transitif (picard cambre, du latin camur, -urus, recourbé) Arquer, courber en arc : Cambrer une pièce de bois. Courber (le corps) en arrière : Cambrer le buste. Donner aux cartons des plats d'une reliure une forme cintrée.
cambrer
v. tr.
d1./d Courber légèrement, arquer (qqch). Cambrer un madrier.
d2./d Cambrer le corps, les reins, la taille: se redresser en courbant légèrement le corps en arrière.
|| v. Pron. Ne te cambre pas trop.
⇒CAMBRER, verbe trans.
A.— Emploi trans.
1. Rare. [Le suj. désigne une pers., le compl. désigne une chose] Courber en arc. Cambrer la forme d'un soulier. Synon. arquer, cintrer. Il faut chauffer ce bois pour le cambrer (Ac. 1798-1932).
— En partic., RELIURE. Cambrer les cartons, les plats. Cintrer légèrement les cartons des plats de façon à assurer la bonne fermeture du volume (cf. A. MAIRE, Manuel pratique du bibliothécaire, 1896, p. 299).
2. Fréq. [Le suj. désigne une pers., le compl. désigne son corps, une partie de son corps] Redresser le corps et le pencher légèrement en arrière en creusant les reins. Cambrer le (son) corps; cambrer la (sa) taille; cambrer la poitrine, le torse; cambrer le dos, les reins :
• 1. Et les filles des mains ont beau pour m'endormir
Cambrer leur taille ouvrir les anémones de leurs seins
...
Du bout du monde au crépuscule d'aujourd'hui
Rien ne résiste à mes images désolées.
ÉLUARD, Donner à voir, Peintres, 1939, p. 190.
♦ [Avec une idée d'ostentation, de fierté, parfois de défi] Il [Charlus] cambrait sa taille d'un air de bravade, pinçait les lèvres, relevait ses moustaches (PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 752). Dans le hall, plastronnant, cambrant la taille, il [Alban] demanda un verre de cognac (MONTHERLANT, Les Bestiaires, 1926, p. 529).
— En partic., CHORÉGR. Cambrer le corps, se cambrer. Exécuter une flexion du corps en avant ou de côté, la tête suivant le mouvement du buste (cf. M. BRILLANT, Problèmes de la danse, 1953, p. 94).
— P. anal. Cambrer le pied. Accentuer la ligne arquée du pied en creusant la voûte plantaire. Cambrant le pied, Elmire agitait le bout de son escarpin (POURRAT, La Tour du Levant, 1931, p. 81).
— Rare. Cambrer qqn :
• 2. ... un beau danseur s'élança avant la fin du dernier couplet. Il préférait à une bergère de chanson, c'était visible, quelque grasse fille hanchue qu'il pouvait cambrer sous son bras agile : ...
G. GUÈVREMONT, Le Survenant, 1945, p. 133.
B.— Emploi pronom.
1. Pronom. passif, rare. [Le suj. désigne une chose concr.] Être infléchi, courbé en arc. Cette poutre commence à se cambrer (Ac. 1798-1932).
2. Pronom. réfl. [Le suj. désigne une pers., son corps ou une partie de son corps] Se redresser en creusant les reins et en ramenant la partie supérieure du corps en arrière. Se cambrer en arrière. Un large plastron de linge immaculé, qui craquait sous l'effort continu de la poitrine à se cambrer en avant (A. DAUDET, Le Nabab, 1877, p. 28); même en ses expansions si cordiales, sa taille frêle se cambre (VERLAINE, Œuvres posthumes, t. 1, Souvenirs, 1896, p. 271); il [Renaud] se penche sur la bouche chaude de la petite fille qui se cabre et se cambre, pour s'offrir ou pour résister (COLETTE, Claudine à Paris, 1901, p. 248).
Rem. On peut, lorsque le suj. gramm. désigne une partie du corps, ne pas le considérer comme agent de l'action — l'agent, non exprimé, étant la personne et ses facultés motrices — dans ce cas le verbe pronom. prend un sens passif.
♦ P. métaph. Se raidir, se réfugier dans une attitude hautaine ou orgueilleuse. Anaïs se cambrait dans ce qu'elle jugeait être sa supériorité (AYMÉ, Le Confort intellectuel, 1949, p. 117).
♦ Spéc. [Le suj. désigne le pied] S'arquer en creusant la voûte plantaire. Dans cette prison molle [de souples mocassins], son pied se tendait, se cambrait, se sentait vivre (GIDE, Les Caves du Vatican, 1914, p. 822).
— P. anal., rare.
♦ [Le suj. désigne un animal] Se dresser en portant la cage thoracique en avant :
• 3. Cela l'amusait [Yves] beaucoup, en le regardant [le perroquet] de tout près, de tout près, dans les yeux, de le voir se retirer, se cambrer d'un air de dignité offensée, en dodelinant de la tête avec un tic d'ours.
LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 68.
♦ [Le suj. désigne un avion en vol] Se redresser ou se cabrer. L'appareil s'est miraculeusement cambré, s'est presque remis en position de vol (R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 732).
Prononc. et Orth. :[], (je me) cambre []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. XIIIe s. pronom. « faire un détour, se détourner » (Mir. de S. Eloi, p. 110, Peigné ds GDF.); 1530 « courber la taille en arrière » (PALSGR., p. 461 ds GDF. Compl.); 1611 souliers cambrez (COTGR.); 1680 (RICH. : Cambrer une soulié. Terme de cordonnier). Dér. de cambre « courbé, replié » (1350 [date du ms.], pic., Histoires tirées de l'Ancien Testament d'apr. FEW t. 2, 1, p. 164b, note 1 — 1611, COTGR.), forme normanno-picarde de l'a. fr. chambre, 1204, G. de Dole, Vat. Chr. 1725, f° 93e ds GDF., issu du lat. camur, camurus, « recourbé » attesté dep. Virgile ds TLL s.v., 222, 51. Fréq. abs. littér. :86.
DÉR. [Correspondant à cambrer trans.] 1. Cambrage, subst. masc. Action de cambrer (qqc.). Attesté ds la plupart des dict. gén. dep. Lar. 19e. Spéc. Travail de pressage qui donne au pantalon la forme déterminée par sa coupe (d'apr. A. GENDRON, Le Métier de tailleur, culottières, 1927, p. 34). — []. — 1re attest. 1867 (Lar. 19e); de cambrer, suff. -age. 2. Cambre1, subst. fém., technol. Synon. de cambrure. Attesté ds la plupart des dict. gén. dep. LITTRÉ. — Seule transcr. ds LAND. 1834 et LITTRÉ : kan-br'. — 1re attest. 1751 (Encyclop. t. 2); déverbal de cambrer. 3. Cambre2, subst. masc., sp. Intervalle maximum atteint entre la partie centrale de deux skis placés semelle contre semelle. Ne prenez surtout pas des skis trop durs et trop cambrés (...). Un cambre de 2 à 3 cm est suffisant (G. JOUBERT, J. VUARNET, Savoir skier, Grenoble, 1963, p. 16). Attesté ds ROB. Suppl. 1970; au fém. ds GAUTRAT Ski 1969. — [] — 1re attest. 1963 (G. JOUBERT, J. VUARNET, loc. cit.); déverbal de cambrer. 4. Cambreur, subst. masc., cordonn. Ouvrier qui donne leur cambrure aux cuirs des chaussures. [Présenté comme personnage fruste] Il [Gautier] finit par prendre je ne sais quel air de férocité (...) qui mêlait en lui le fond sauvage d'un pacha de Janina à celui d'un ouvrier cambreur (E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1869, p. 508). Mét. 1955 enregistre l'existence du mot dans le travail de la reliure : ,,Ouvrier qui forme le pli du cuir du dos à la charnière des plats.`` — []. — 1re attest. 1838 (Ac. Compl. 1842); de cambrer, suff. -eur2. — Fréq. abs. littér. : 1. [Correspondant à cambrer pronom.] 5. Cambrement, subst. masc. Action de se cambrer. Moulé dans un maillot de soie pâle, un acrobate (...) se renversait dans un cambrement de tout son être (J. LORRAIN, Monsieur de Phocas, 1901, p. 34). — []. — 1res attest. 1637 « action de cambrer » (MONET, Abr. du parallèle des lang. françoise et latine, Rouen); 1803 « état d'une chose courbée, d'où éboulement de terre » (BOISTE); de cambrer, suff. -ment1.
cambrer [kɑ̃bʀe] v. tr.
ÉTYM. 1530; pron., « se détourner », XIIIe; de cambre « courbé » (adj.), forme normanno-picarde de l'anc. franç. chambre, du lat. camur, camurus « recourbé ».
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1 Techn. Courber légèrement en forme d'arc. ⇒ Arquer, infléchir. || Cambrer une poutre. — Cambrer la tige, la semelle d'un soulier. ⇒ Cintrer. — Reliure. Recourber vers l'intérieur les angles du carton.
2 (1798). Cour. Redresser la taille en se penchant légèrement en arrière. || Cambrer la taille, les (ses) reins.
1 Jérôme cambra la taille (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 60.
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se cambrer v. pron.
1 (1530). Se redresser, pour se donner un air martial (cf. Bomber le torse). || Se cambrer en marchant.
2 Cela l'amusait beaucoup, en le regardant (le hibou) de tout près, de tout près, dans les yeux, de le voir se retirer, se cambrer, d'un air de dignité offensée, en dodelinant de la tête avec un tic d'ours.
Loti, Mon frère Yves, XI, p. 49.
♦ Fig. Se raidir dans une attitude orgueilleuse.
3 Malgré soi l'on prend posture; l'on se cambre; on voudrait tant pouvoir se voir de dos !
Gide, Journal, août 1910.
2 (En parlant d'un avion). Se redresser. ⇒ Cabrer.
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cambré, ée p. p. adj.
♦ Qui forme un arc. ⇒ Arqué; cambrure. || Chaussures cambrées, dont la partie située entre la semelle et le talon est courbe. || Pied cambré, qui présente nettement en son milieu une courbe concave en-dessous, et convexe au-dessus. || Taille cambrée, creusée par derrière.
4 (…) Chrysanthème est gentille, lançant ses flèches, la taille cambrée en arrière pour mieux bander son arc (…)
Loti, Mme Chrysanthème, XI, p. 78.
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DÉR. Cambrage, cambre, cambrement, cambreur, cambrure.
Encyclopédie Universelle. 2012.