BILLON
BILL
Terme qui désigne les monnaies de métal vil, ou de métal précieux dont le titre est très fortement altéré. Les monnaies de billon ne doivent leur pouvoir libératoire qu’à la confiance du public et leur valeur intrinsèque est toujours très inférieure à leur valeur nominale. Le terme est le plus généralement appliqué aux monnaies divisionnaires qui souffrent le plus des crises monétaires et de l’usure de la monnaie. Ainsi, sous le Bas-Empire, le denier, qui avait été pendant la République romaine une pièce d’argent de titre et de valeur fort respectables, était devenu une piécette de cuivre de valeur si infime, qu’au dire de Cassiodore, qui écrivait sous le règne de Théodoric, il en fallait 6 000 pour équivaloir à un sou.
La frappe du cuivre s’est poursuivie pendant le haut Moyen Âge, dans les premiers temps des royaumes barbares, quand existait encore un pouvoir royal, capable d’imposer la valeur fiduciaire de ces frappes. Mais quand le pouvoir central disparaît, quand le régime d’échanges se réduit, cette frappe cesse, et l’on n’a plus qu’une monnaie de métal précieux. Le cas de l’Angleterre est un cas spécial: on a continué à frapper le cuivre parce que l’on ne disposait pas d’un autre métal. Le pays ne produisait ni or ni argent, et les échanges commerciaux n’en apportaient pas. Cette pratique monétaire se poursuivit jusqu’à la conquête normande.
En France, on frappait deniers et oboles, contenant un poids d’argent donné, jusqu’aux transformations du XIIe siècle. De nouvelles monnaies d’argent et d’or apparurent, d’une valeur beaucoup plus importante, et tendaient déjà à réduire le denier à la valeur de monnaie d’appoint. Le règne décisif fut celui de Philippe le Bel. Pour pouvoir réaliser ses opérations de mutation monétaire (cours d’une pièce d’or ou d’argent modifié sur l’échelle de la monnaie de compte, livre et sou), il fallait que le denier soit démonétisé, c’est-à-dire qu’il ne corresponde pas effectivement au douzième du sou. Sinon, il aurait toujours été possible de tourner les mutations monétaires en n’utilisant que les deniers, à la fois espèce monétaire et monnaie de compte. D’autre part, la hausse du cours de l’argent explique aussi cette réduction du titre des deniers: si l’on avait continué à frapper les deniers comme ils l’étaient précédemment, ils auraient en réalité valu plus qu’un denier.
Sous les règnes des successeurs de Philippe le Bel, ce mouvement s’accélère et le denier devient une monnaie «noire», c’est-à-dire presque totalement désargentée. Au contraire, lorsque Charles V voulut stabiliser la monnaie, il s’attacha à frapper des deniers parisis qui contenaient en métal précieux exactement un douzième de la teneur métallique de la grosse pièce d’un sou parisis. Ce fut un essai sans lendemain: le denier redevint très vite une piécette presque totalement dépourvue d’argent, puis une piécette de cuivre.
Le problème de la monnaie de billon se posa à nouveau lors de l’institution du franc. Dans la première moitié du XIXe siècle, on essaya de réduire l’écart entre la valeur réelle et la valeur nominale de circulation en frappant de très grosses pièces: celle de un décime, au bonnet phrygien, pesait 20 grammes. Les gros sous de métal de cloche pesaient 24 grammes. La loi du 6 mai 1852 a unifié la monnaie de bronze et l’a remenée aux poids décimaux. Ce fut un mélange de 95 p. 100 de cuivre, 4 p. 100 d’étain et 1 p. 100 de zinc, dont la valeur réelle était environ le cinquième de la valeur nominale. En raison de son caractère fiduciaire, on n’était tenu de recevoir cette monnaie de cuivre que jusqu’à concurrence de cinq francs.
Avec l’apparition des billets de banque et leur généralisation, le système monétaire s’est complètement transformé: l’ensemble du système est devenu fiduciaire et la valeur intrinsèque du billon n’a pas plus d’importance que celle du billet.
billon [ bijɔ̃ ] n. m. I ♦ Anciennt Monnaie de cuivre mêlé ou non d'argent. — Monnaie divisionnaire métallique de faible valeur intrinsèque. ⇒ pièce. Du billon (ou monnaie de billon). II ♦ Bille de bois courte. III ♦ (1771) Agric. Ados formé dans un terrain avec la charrue (entre deux sillons). Labour en billons. ⇒ billonnage.
● billon nom masculin (de bille, au sens ancien de « lingot ») Autrefois, monnaie de cuivre auquel était allié de l'argent dans une proportion inférieure à 50 %. ● billon (difficultés) nom masculin (de bille, au sens ancien de « lingot ») Prononciation 1. Billon : [&ph86;&ph93;&ph94;̃], comme pour rimer avec sillon. 2. Billion : [&ph86;&ph93;&ph96;&ph94;̃], comme pour rimer avec lion. Sens Ne pas confondre ces deux mots. 1. Billon : monnaie divisionnaire (pièces, jetons). 2. Billion : un million de millions (mille millions avant 1961). ● billon (synonymes) nom masculin (de bille, au sens ancien de « lingot ») Autrefois, monnaie de cuivre auquel était allié de l'argent dans...
Synonymes :
- monnaie de billon
● billon
nom masculin
Léger exhaussement linéaire de terre obtenu par certains procédés de labour et donnant à la surface du champ un aspect ondulé.
billon
n. m. AGRIC Talus formé entre deux sillons par la charrue. Labour en billons.
I.
⇒BILLON1, subst. masc.
A.— FINANCES
1. Vieilli
a) Alliage de cuivre et d'une faible dose d'argent, dont est faite la monnaie de même nom :
• 1. Les pièces de cuivre ou de billon sont seulement considérées comme des coupures, des espèces de billets de confiance, de signes représentant une pièce d'argent trop petite pour être frappée en monnaie.
SAY, Traité d'écon. pol., 1832, p. 260.
b) Monnaie faite de cet alliage [de cuivre et d'une faible dose d'argent). Monnaie de billon. Anton. monnaie d'or ou d'argent :
• 2. Il n'y avait qu'un assez faible contingent de monnaies divisionnaires, qui, avec le billon, fussent d'une valeur métallique légèrement inférieure à leur valeur nominale.
F. BAUDHUIN, Crédit et banque, 1945, p. 34.
Rem. 1. Sens attesté dans la plupart des dict. gén. 2. Au XIXe s. on distingue encore le haut billon, monnaie contenant autant de cuivre que d'argent, et le bas billon, monnaie contenant beaucoup de cuivre et peu d'argent. Attesté dans BESCH. 1845, Lar. 19e, GUÉRIN 1892.
c) Monnaie divisionnaire métallique, considérée comme défectueuse, dont la valeur réelle est toujours inférieure à la valeur officielle et dont le pouvoir libératoire est limité. Avoir les poches chargées de billon (MIOMANDRE, Écrit sur de l'eau, 1908, p. 189).
Rem. Attesté dans tous les dict. gén. du XIXe et du XXe siècle.
— Arg., péj. Menue monnaie; fam., ferraille.
Rem. Le terme ne s'emploie qu'au singulier.
2. P. méton. Lieu réservé à la refonte des pièces de monnaie défectueuses. Mettre, envoyer au billon.
Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. de Ac. 1835 à Lar. Lang. fr.
3. P. métaph. Tout ce qui, aux yeux de quelqu'un, est sans valeur, digne d'être rejeté. Être la monnaie de billon de qqn; porter, mettre qqc. au billon. Synon. mettre au rebut :
• 3. De même, on vend à Rome, chez des marbriers, la chapelle Médicis, comme garniture de cheminée. Il paraît que cela est utile à l'art. Pour qu'il puisse circuler à travers les hommes, il faut bien qu'on en fasse de la monnaie de billon.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, La Nouvelle journée, 1912, p. 1480.
B.— CHIM. Alliage d'un métal précieux à d'autres métaux, ou alliage avec lequel on fait les monnaies comprenant du cuivre, de l'étain et du zinc.
Rem. Attesté dans LITTRÉ, DUVAL 1959.
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1276-77 « pièce de monnaie » (ADAM LE BOSSU, Le Jeu de la Feuillée, éd. E. Langlois, 370); 1576 « monnaie faite d'or ou d'argent, et d'un métal de valeur moindre, monnaie décriée » (J. BODIN, Republique, VI, 3 dans HUG.); 2. 1319-40 « lieu où l'on frappait les monnaies » (Dits de Watriquet de Couvin, 45, 76 dans T.-L.), d'où p. ext. 1595 envoyer au billon « mettre au rebut » (ST FRANÇOIS DE SALES, Controverses, I, III, 7 dans HUG.).
STAT. — Fréq. abs. littér. :26.
DÉR. Billonneur, subst. masc., vx. Celui qui fait un trafic illégal des monnaies. Être un grand billonneur. ,,À la longue les billonneurs, soit qu'ils l'exportent, soit qu'ils l'accumulent en vue de profiter par la suite d'un surhaussement de cours, retiraient la bonne monnaie de la circulation pour n'y laisser que le billon, ce qui paralysait le commerce...`` (P. CHEVALLIER, La Monnaie en Lorraine sous le règne de Léopold (1698-1729), Montpellier, 1955, pp. 80-81). Attesté dans la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe s. — Dernière transcr. dans DG : bi-yò-neùr. — 1re attest. 1347, 21 juill. (Ord. II, 265 dans GDF. Compl.); dér. de billon1, suff. -eur2.
BBG. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 335.
II.
⇒BILLON2, subst. masc.
A.— Pièce de bois, le plus souvent de sapin, équarrie ou non. Synon. bille de bois, billot :
• Sur un replain, un char attendait, chargé de sept ou huit longs fûts polis dont des billons de bois serraient les chaînes. Un ballot de foin y était accroché ainsi qu'une lanterne de fer-blanc.
POURRAT, Gaspard des Montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 187.
Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe s. à partir de Ac. 1835.
B.— VITIC. Sarment de vigne taillé très court.
Rem. Attesté dès Ac. 1798.
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. 1. 1513 « pièce de bois en grume ou écorcée provenant du sectionnement d'un tronc et destinée à être sciée en planches » (Hist. Romainmotier, 58 dans PIERREH. Suppl.); 2. 1732 vitic. (Trév.). Dér. de bille2 au sens de « bâton, baguette »; suff. -on1. Fréq. abs. littér. :3.
III.
⇒BILLON3, subst. masc.
AGRIC. Léger exhaussement de terre plus ou moins large, borné par des sillons profonds et formé par la réunion de plusieurs ados à l'aide d'une charrue à versoir unique. Labours, labourage en billons :
• 1. Les pays argileux à sol humide ont souvent été conquis à la culture par cette technique. Elle tend aujourd'hui à disparaître, demandant trop de travail. Certaines populations de la zone tropicale pratiquent encore l'agriculture sur billons. Ceux-ci permettent une meilleure utilisation des réserves d'humus, une moindre perte des éléments fertilisants, une limitation de l'érosion sur les pentes, l'évacuation de l'excès d'eau.
GEORGE 1970.
— P. ext. Ados entre deux sillons :
• 2. L'homme, le chef de file, se baissait, pied gauche dans le sillon, pied droit sur le billon, empoignait un paquet de tiges de sa main libre, sciait de l'autre, posait la javelle à sa gauche, et recommençait en avançant.
PESQUIDOUX, Le Livre de raison, 1925, p. 46.
Rem. 1. Attesté de Ac. 1835 à Lar. Lang. fr. et dans de nombreux dict. techn. cf. GEORGE 1970, FÉN. 1970. 2. On rencontre dans la docum. le subst. masc. billonnier. Champ labouré en billons. ,,Va-t-en braconner, pour voir, à l'hallier ou au billonnier! D'abord, on ne pourrait même plus tendre, avec ces chaumes tondus à ras de terre par la faux ou la mécanique. Dans les temps, les chaumes étaient hauts, on moissonnait à la faucille. C'était une belle chasse encore : on dressait son filet au débouché des sillons, quand on avait dépeint les perdrix rouges`` (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 141).
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. 1771 agric. (Trév.). Peut-être emploi métaph. de billon2 p. anal. de forme avec le billon équarri (cf. planche de labour). On pourrait supposer aussi une formation directe sur bille2, avec suff. -on anal. de sillon, dont billon est le pendant (après en avoir été le concurrent, sillon ayant d'abord désigné une planche de labour). Fréq. abs. littér. :5.
1. billon [bijɔ̃] n. m.
ÉTYM. 1276; de 2. bille.
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1 Anc. Monnaie de cuivre mêlée ou non d'argent; cet alliage. || Du billon. — Monnaie de billon émise par Charles VIII. ⇒ Carolus.
0 Il prit pour elle ce ticket de vingt centimes, — la raison de cette monnaie de billon qu'il traînait dans sa poche depuis deux ans.
Giraudoux, Églantine, p. 135.
2 (1576). Mod., techn. Monnaie divisionnaire métallique sans valeur intrinsèque. || Du billon.
❖
DÉR. 1. Billonner.
HOM. 2. Billon, 3. billon.
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2. billon [bijɔ̃] n. m.
ÉTYM. 1513; de 2. bille.
❖
1 Techn. Pièce de bois équarrie ou non. ⇒ 2. Bille.
0 Parfois tout se passe bien, l'arbre se couche sur le sol et les castors commencent à le débiter, comme un bûcheron ferait des billons, puis les branches elles-mêmes sont sectionnées, et les tronçons transportés jusqu'au bras de rivière où s'élèvera le barrage.
R. Frison-Roche, Nahanni, p. 180.
2 Agric. Sarment de vigne taillé court.
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DÉR. 2. Billonner.
HOM. 1. Billon, 3. billon.
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3. billon [bijɔ̃] n. m.
ÉTYM. 1771; de 2. bille.
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♦ Agric. Ados formé dans un terrain avec la charrue (entre deux sillons). || Labourer en billons. ⇒ 3. Billonner. || Tranchée entre deux billons (⇒ Dérayure, sillon) dans laquelle on plante les ceps de vigne. ⇒ Perchée.
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DÉR. 3. Billonner.
HOM. 1. Billon, 2. billon.
Encyclopédie Universelle. 2012.