achever [ aʃ(ə)ve ] v. tr. <conjug. : 5>
• 1080; de l'a. fr. à chief « à bout »
1 ♦ Finir (généralement d'une façon satisfaisante, en menant à bonne fin). ⇒ terminer. Achever un travail, un programme. ⇒ finaliser. Il est mort sans avoir achevé son roman. « C'est à l'intelligence d'achever l'œuvre de l'intuition » (R. Rolland). Achever ses jours, sa vie dans la retraite. Pronom. Prendre fin. « Sur la terre aujourd'hui notre destin s'achève » (Hugo).
♢ Dire pour finir. En achevant ces mots, il se leva. Absolt « Il eut à peine achevé que chacun applaudit » (La Fontaine). Laissez-le achever. ⇒ conclure.
♢ ACHEVER DE (et inf.) :achever l'action de. J'ai achevé de ranger mes papiers.
♢ (Sujet chose) Apporter le dernier élément nécessaire pour que se réalise pleinement un état, un fait. « Ses réprimandes achevèrent d'indisposer contre lui ses élèves » (A. Gide).
2 ♦ (XVIe) Porter le coup de grâce à (une personne, un animal). « Ils achèveront le grand blessé, s'il alourdit l'avance d'une armée » (Saint-Exupéry). Achever un cheval blessé (⇒ abattre) , une bête forcée (⇒ servir) .
3 ♦ (1614) Ruiner définitivement la santé ou la fortune de (qqn). ⇒ anéantir. Ce deuil l'a achevé, il ne s'en relèvera pas.
♢ Fam. Agiter, troubler, faire perdre la tête définitivement. « Et cet interrogatoire l'acheva, il ne put se contenir davantage » (Zola). — Fatiguer à l'extrême. Cette longue course m'a achevée.
⊗ CONTR. Commencer. Épargner.
● achever verbe transitif (ancien français venir a chief, venir à bout) Finir une chose, une action commencée ; terminer : Achever un travail. Achever de mettre au point un appareil. Finir de dire ce qu'on avait commencé à dire : Laissez-le achever. En parlant de quelque chose, porter à son comble un état, un sentiment ; finir de : Cette remarque acheva de l'exaspérer. Mener une durée (jour, vie) à son terme, la finir : Achever sa vie à la campagne. Familier. Épuiser totalement : Cette journée de travail m'a achevé. Ruiner définitivement quelqu'un, lui donner le coup de grâce : Ce procès l'a achevé. Porter à quelqu'un ou à un animal les derniers coups qui amèneront la mort. ● achever (citations) verbe transitif (ancien français venir a chief, venir à bout) Robert Mallet 1915 Avec l'âge, ne pas achever peut donner l'illusion d'entreprendre encore. Apostilles Gallimard ● achever (difficultés) verbe transitif (ancien français venir a chief, venir à bout) Conjugaison Attention à l'alternance e/è : achever ; j'achève, il achève, mais nous achevons ; il achèvera ; qu'il achève mais que nous achevions. ● achever (synonymes) verbe transitif (ancien français venir a chief, venir à bout) Finir une chose, une action commencée ; terminer
Synonymes :
- finir
- terminer
Contraires :
- attaquer
- entamer
- se mettre à
Finir de dire ce qu'on avait commencé à dire
Synonymes :
- finir
- terminer
Contraires :
- cesser
Familier. Épuiser totalement
Synonymes :
- anéantir
- assommer (familier)
Porter à quelqu'un ou à un animal les derniers coups...
Synonymes :
- abattre
- tuer
Contraires :
- épargner
achever
v. tr.
d1./d Mener à bonne fin, terminer (ce qui est commencé). Achever son travail.
|| Achever de (+ inf.): finir de.
|| v. Pron. L'année s'achève dans la joie.
d2./d Achever (un être animé), lui donner le coup de grâce. Achever une bête blessée.
|| Fig. ôter tout courage à (qqn). Il était démoralisé, ce coup du sort l'a achevé.
⇒ACHEVER, verbe trans.
I.— Emploi trans.
A.— [Le compl. d'obj. est gén. un n. d'être inanimé]
1. Mener à sa fin naturelle ou voulue une chose commencée; compléter.
a) Usuel :
• 1. Quant à sa conversation [de Montesquiou], sauf un peu de maniérisme dans l'expression, elle est pleine d'observations aiguës, de remarques délicates, d'aperçus originaux, de trouvailles de jolies phrases et que souvent il termine, il achève, par des sourires de l'œil, par des gestes nerveux du bout des doigts : une conversation où un analyste prévenu contre l'homme pourrait seulement, à la rigueur, découvrir, dans la concentration un peu mystérieuse du parler, un rien de la conversation d'un fou qui a été une intelligence, alors qu'un moment abandonné de sa folie, il dit des choses raisonnables.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, juill. 1891, p. 117.
• 2. Je le sens, voici, pour moi, s'approcher l'heure des grands événements. Cette heure, je l'ai longuement attendue. Quarante ans! Et je n'ai rien fait, j'entends rien achevé, rien consommé.
G. DUHAMEL, Journal de Salavin, 1927, p. 10.
• 3. Il y a chez E.-A... une grandeur d'âme qui tient à sa race et la prison achève et couronne en elle une longue tradition de courage.
J. GREEN, Journal, 1941, p. 169.
• 4. Ainsi on peut obtenir des phénomènes où le mobile n'apparaît que pris dans le mouvement. Se mouvoir n'est pas pour lui passer tour à tour par une série indéfinie de positions, il n'est donné que commençant, poursuivant ou achevant son mouvement.
M. MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, p. 312.
— P. méton., fam. [L'obj. est une pers. considérée sous l'angle d'un de ses aspects] :
• 5. Le peintre m'achèvera aujourd'hui (= achèvera mon portrait).
F. RAYMOND, Dict. général de la langue française, Paris, Pitois-Levrault et Cie, t. 1, 3e éd., 1840.
• 6. ÉLECTRE. — (...) Prends de moi ta vie, Oreste, et non de ta mère!
ORESTE. — Pourquoi la hais-tu?... Écoute!
ÉLECTRE. — Qu'as-tu? Tu me repousses? Voilà bien l'ingratitude des fils. Vous les [= leur formation] achevez à peine, et ils se dégagent, et ils s'évadent.
J. GIRAUDOUX, Électre, 1937, I, 8, p. 88.
— Emploi abs. :
• 7. Nous préparons toujours et n'achevons jamais.
H.-F. AMIEL, Journal intime, 28 nov. 1866, p. 527.
Rem. 1. Si dans beaucoup de cas achever, finir et terminer, qui sont tous les 3 perf., peuvent s'employer l'un pour l'autre, ils présentent pourtant entre eux certaines nuances sém. Terminer (ex. 1) signifie « mettre un terme à une chose en arrêtant son cours ou son mouvement ». Finir (une chose) signifie « mener une chose jusqu'à son terme, de telle sorte qu'elle soit complète, mais non forcément parfaite ». Achever ajoute à l'idée de « mener à terme » l'idée positive de conformité à un modèle (cf. achevé, ex. 9); il se rapporte à l'ouvrage à exécuter ou exécuté, non au suj. qui l'exécute. Consommer (ex. 2) implique l'idée d'un accomplissement définitif, irrévocable; il appartient plutôt au style noble. 2. Syntagmes fréq. : achever sa toilette, - le repas, - ses études, etc.
— Achever de, suivi de l'inf. Mener à sa fin, compléter l'action de :
• 8. Ces deux beaux animaux retenaient leur haleine,
Tremblant de réveiller l'enfant expiatoire,
Et les touffes de buis semés de marjolaine,
Achevaient d'embaumer ce premier oratoire.
Ch. PÉGUY, Ève, 1913, p. 832.
Rem. Avec une constr. arch. de l'obj. pronom. : l'achever de... = achever de le ... :
• 9. Après cette première journée de ministère, la misanthropie de Lucien était de cette forme : il ne songeait pas aux hommes quand il ne les voyait pas, mais leur présence un peu prolongée lui était importune et bientôt insupportable. Pour l'achever de peindre, il trouva, en rentrant à la maison, son père d'une gaieté parfaite.
STENDHAL, Lucien Leuwen, t. 2, 1836, p. 297.
b) Spéc. [Le compl. désigne des paroles en train de se prononcer] Finir de dire :
• 10. — La république! s'écria Laure; il n'y aura donc plus de cour?
— C'est impossible! répéta la marquise. Rassurez-vous, ma fille. Vous êtes fou, Gaston. La république! Y pensez-vous, mon fils? La France en a tâté et sait trop ce qu'elle vaut. Comme elle achevait ces mots, la porte du salon s'ouvrit, et M. Levrault parut, soutenant de son bras la marche chancelante de l'ouvrier blessé qu'il avait recueilli, et suivi d'une douzaine d'hommes armés qui l'avaient escorté jusqu'à son hôtel.
J. SANDEAU, Sacs et parchemins, 1851, p. 45.
— Emploi abs. :
• 11. Là, protégé contre le soleil par un buisson d'arbres-à-plumes, se trouvait un banc où M. Floches m'invita à m'asseoir. Puis tout à coup.
— L'abbé Santal vous a-t-il dit que mon beau-frère est un peu...? Il n'acheva pas, mais se toucha le front de l'index. Je fus trop interloqué pour pouvoir trouver rien à répondre.
A. GIDE, Isabelle, 1911, p. 613.
2. Rendre complète la représentation de qqn ou de qqc. :
• 12. Ce sont là autant de traits qui achèvent Arnauld et qui le caractérisent au sein de Port-Royal. Homme de bien, il tenait à la bonne renommée sans tache comme à la conscience. Écrivain, il ne répudiait pas l'éloquence au service de la vérité. Chrétien, il ne se refusait pas les premiers mouvements de l'honnête homme, et les impulsions d'un honneur généreux.
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 310.
• 13. Par moments, sous le regard des tableaux anciens réunis par Swann dans un arrangement de « collectionneur » qui achevait le caractère démodé, ancien, de cette scène, avec ce duc si « Restauration » et cette cocotte tellement « second Empire », dans un de ses peignoirs qu'il aimait, la dame en rose l'interrompait d'une jacasserie; il s'arrêtait net et plantait sur elle un regard féroce.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Temps retrouvé, 1922, p. 1019.
Rem. Syntagmes fréq. : achever la ruine de qqn (J. MICHELET, Le Peuple, 1846, p. 52).
3. [Suivi d'un compl. désignant un aliment] Achever de manger, de boire :
• 14. Jacques achevait son pain en trempant de grosses mies dans l'eau noire des lentilles.
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Le Pénitencier, 1922, p. 718.
4. Emplois techn. (attestés ds les dict. du XIXe s. seulement : F. RAYMOND, Dict. général de la langue française, Paris, Pitois-Levrault et Cie, t. 1, 3e éd., 1840; BESCH. 1845; LITTRÉ; etc., où aucun ex. ni aucune citation ne les illustrent).
— MAN. Achever un cheval. Le dresser entièrement (LITTRÉ).
— [Terme de batteur d'or] Finir d'étendre l'or ou l'argent sous le marteau (cf. acheveur B).
— [Terme de potier] Se dit de ce qui reste à faire depuis que l'ouvrage est tourné jusqu'à ce qu'il soit fini (cf. achevage).
— Faire subir la dernière plongée aux chandelles à la baguette.
5. Région. (cf. achevé, ex. 10).
B.— [Le régime du verbe est indifféremment un n. d'être animé ou un n. d'être inanimé] Mettre la dernière main pour perfectionner :
• 15. Double tunique, devant seulement : la première en cheviotte avec bouillon de poult-de-soie et la seconde en poult-de-soie, avec bouillon de cheviotte; une frange de soie achèverait bien ces deux tuniques mais taillées beaucoup plus courtes.
S. MALLARMÉ, La Dernière mode, 1874, p. 748.
C.— [Le compl. d'obj. est un n. d'être animé]
1. [L'être animé est un animal] Porter un coup mortel à un animal déjà atteint physiquement; donner le coup de grâce :
• 16. — C'est par rapport au dîner de ce soir... Nous allons crever, voici trente-six heures que nous ne nous sommes rien mis dans le ventre... Alors, comme il y a là des chevaux, et que ce n'est pas mauvais, la viande des chevaux...
— N'est-ce pas? caporal, vous en êtes, continua Loubet, parce que plus nous serons, mieux ça vaudra, avec une si grosse bête... Tenez! Il y en a un, là-bas, que nous guettons depuis une heure, ce grand rouge qui a l'air malade. Ce sera plus facile de l'achever. Et il montrait un cheval que la faim venait d'abattre, au bord d'un champ ravagé de betteraves.
É. ZOLA, La Débâcle, 1892, p. 449.
2. P. ext. [En parlant de pers.] Syntagme fréq. : achever les blessés (ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, t. 3, 1870, p. 196).
— [En parlant de choses] :
• 17. La comédie des Précieuses ridicules tua le genre (1659) : Boileau survenant l'acheva par les coups précis et bien dirigés dont il atteignit les fuyards.
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 324.
• 18. Nous y aurions perdu, certes, le beau plaidoyer de Valéry qui l'eût accusé « de confondre l'exercice avec l'œuvre », mais nous y aurions gagné des œuvres moins achevées (au sens où l'on achève un blessé), mais vivantes et considérablement plus éloquentes.
A. LHOTE, Peinture d'abord, 1942, p. 144.
— Au fig. Mettre le comble à une situation critique :
• 19. Une à une, les images épuisent sur nous leur dessin, puis, en plein désordre de la conscience, la raison vient qui nous achève. Autant que l'instinct même, la haute faculté dont nous sommes fiers a sa panique.
G. BERNANOS, Sous le soleil de Satan, 1926, p. 263.
— Fam. Enivrer entièrement :
• 20. Quelle belle soirée j'ai passée vendredi dans les coulisses du Cirque, en compagnie du coiffeur de ces dames! Frédérick Lemaître l'avait soûlé et Person l'avait achevé. Il était plus rouge que les boîtes de fard étalées sur la table de toilette, il ruisselait de cold-cream, de sueur et de vin.
G. FLAUBERT, Correspondance, 1856, p. 108.
II.— Emploi pronom.
A.— [Le suj. du verbe est un n. d'être inanimé ou animé]
1. Conduire à sa fin une action commencée (cf. sup. I A 1 a).
— Pronom. réfl. :
• 21. Jésus mort répandait un rayonnement blême;
La mort, comme n'osant s'achever elle-même,
Laissait flotter, au trou morne et sanglant des yeux,
Le reste d'un regard tendre et mystérieux.
V. HUGO, La Fin de Satan, 1885, p. 877.
— Pronom. passif :
• 22. C'est de ce chaste, de ce sauvage, que je voulais faire mon héritier. Je raconterai, par la suite, ce qui fut le deuil de ma vie. Car il ne suffit pas d'être, puis d'avoir été : il faut léguer et faire en sorte que l'on ne s'achève pas à soi-même, me répétait déjà mon grand-père.
A. GIDE, Thésée, 1946, p. 1418.
2. Devenir complet (cf. sup. I A 1 a) :
• 23. Deneulin (...) visita la fosse. Il était pâle, très calme (...) il s'arrêta devant le puits (...) regarda les câbles coupés (...) Puis, il descendit aux chaudières, marcha lentement devant les foyers éteints, béants et inondés (...) Allons! c'était bien fini, sa ruine s'achevait.
É. ZOLA, Germinal, 1885, p. 1416.
3. Arriver à la dernière perfection (cf. sup. I B) :
• 24. La science s'achève par le style comme une plante par sa fleur.
H. TAINE (Nouv. Lar. ill.).
Rem. Cette accept. n'a été rencontrée que ds Nouv. Lar. ill. et Lar. 20e.
B.— [Le suj. du verbe est un n. de pers.]
1. Se mettre dans une situation critique (cf. sup. I C 2) :
• 25. — Eh bien! nous y voilà encore, dit-il [le docteur Cazenove]. Je suis accouru pour vous serrer la main. Mais vous savez que je n'en ferai pas plus que cette enfant. Mon cher, quand on a hérité de la goutte et qu'on a dépassé la cinquantaine, on doit en prendre le deuil. Ajoutez que vous vous êtes achevé avec un tas de drogues... Vous connaissez le seul remède : patience et flanelle!
É. ZOLA, La Joie de vivre, 1884, p. 836.
2. S'enivrer entièrement (cf. sup. I C 2) :
• 26. Des soldats ouvrirent plusieurs fenêtres (...). Ils furent stupéfaits. Une certaine de camarades étaient là, en train de s'achever, soûls comme des grives, heureux, incapables de gestes, chahutant du képi dans un frémissement clair de baïonnettes.
L. HENNIQUE, Les Soirées de Médan, L'Affaire du Grand 7, 1880, p. 251.
Prononc. — 1. Forme phon. :[], j'achève []. BARDEAU-RODHE 1930 transcrit : , . Enq. :/2v, ()v/. Conjug. croire; inf. /1/; part. /, 1/. 2. Dér. et composés : achevable, achevage, achevant, achevé, achèvement, acheveur, achevoir, inachevé, parachever.
Étymol. ET HIST. — 1. 1100 trans. « mener à terme » (Roland, éd. Bédier, 3578 : Ceste bataille n'en est mais destornee : Seinz hume mort ne poet estre achevee); apr. 1170 « se terminer », pronom. (BENOIT DE SAINTE MAURE, Chron. des Ducs de Norm., éd. C. Fahlin, 6525 : Se il puent, si se desfendent; S'achever puet ci nostre afaire); XIIe s. intrans. « être mené à fin, prendre fin » (Vie de Ste Cath. d'Alexandrie, Richel. 23 112, LX, 41 ds GDF. : La vie d'ome tost achieve) qualifié de vieilli par LITTRÉ et DG; XVIe s. loc. fam. pour l'achever de peindre « mettre le comble à son malheur » (RABELAIS, Pant., III, 9 ds LITTRÉ : Si ma femme se mocquoit de ma calamité, ce seroit pour m'achever de peindre) syntagme qualifié de vieilli par DG; 1559 emploi abs. « terminer son discours » (AMYOT, trad. Plutarque, Œuvres morales, Comment il fault ouïr, IV ds Dict. hist. de la lang. fr. publ. par l'Ac. fr., t. 1, 1865 : Il a patience, neantmoins, et attend jusques à ce que celuy qui parle ait achevé); 2. a) 1534 « donner le coup de grâce, tuer » (RABELAIS, Gargantua, I, 27, ibid. : Adoncques... commençarent esgorgeter et achever ceulx qu'avoit desja meurtris); b) XVIe s. part. passé adj. achevé « accompli, qui a les qualités de son genre » (MARGUERITE DE VALOIS, Mémoires, année 1577, ibid. : Ce que je recognus en ceste ville [Cambray] d'estime et de remarque, fust la citadelle, des plus belles et des mieux achevées de la chrestienté); c) 1614 « consommer la ruine de qqn, l'accabler » (HULSIUS, Dict. françois-alemand et alemand-françois, d'apr. FEW t. 2, p. 339b).
Dér. du syntagme a. fr. a chief (a chief venir de « venir à bout de », XIIe s.; traire a chief, intrans. « se terminer » XIIe s.; id. trans. « mener à bonne fin, terminer » XIIe s.), dés. -er. L'a. fr. eschever XIIe s., chever XIIIe s., sont des réfections de achever. Malgré l'ancienneté des corresp. rom. (a. esp., 1140, Cid ds COR.; a. cat., 2e moitié XIIIe s., Llul ds ALC.-MOLL; a. port. XIIIe s. ds MACH. t. 1 1967; a. prov., XIIe s., Peire Vidal ds RAYN.), le fait que le mot n'est pas autochtone en ital. (ital. accapare « achever », 1531-1601, Caporali ds BATT.) et qu'il n'est pas attesté en roum. rend moins vraisemblable l'hyp. d'un lat. vulg. accapare, dér. de capum (lat. caput; voir chief, chef), Brüch ds Z. fr. Spr. Lit. t. 49, 1927, p. 290; Ascoli ds Archivio glottologico italiano, t. 11, p. 427 interprète accapare comme un reflet d'un gaul. dopenno, de do-, lat. ad et d'un celt. quenno « tête, extrémité ».
STAT. — Fréq. abs. litt. :6 797. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 8 521, b) 10 002 : XXe s. : a) 10 969, b) 9 678.
BBG. — ASCOLI (G.I.). Saggiuoli diversi. Archivio glottologico italiano, 1890, t. 11, pp. 428-430. — BAILLY (R.) 1969. — BAR 1960. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — BERNITT (P. F.). Lat. caput und capum nebst ihren Wortsippen im Französischen. Kiel, 1905, 229 p. [Cr. MEYER-LÜBKE (W.). Literaturblatt für germanische und romanische Philologie. 1906, t. 27, p. 370]. — BONNAIRE 1835. — BRUANT 1901. — BRÜCH (Josef). Bemerkungen zum Französischen etymologischen Wörterbuch E. Gamillschegs. Z. fr. Spr. Lit. 1927, t. 49, p. 290. — BRUN 1968. — Canada 1930. — CAPUT 1969. — CHAMB. 1970. — COMTE-PERN. 1963. — Éd. 1913. — GIRARD 1756. — GUIZOT 1864. — KOLD. 1902. — LAF. 1878. — LAV. Diffic. 1846. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MARTIN (E.). L'Expression cet ouvrage sera achevé d'imprimer est-elle française? Le Courrier de Vaugelas. 1870, t. 2, p. 92. — SARDOU 1877. — SOMMER 1882. — Synon. 1818.
achever [aʃve] v. tr. [CONJUG. lever.]
ÉTYM. 1080; de l'anc. franç. a chief « à bout ».
❖
1 Finir (une chose qu'on a commencée), généralement d'une façon satisfaisante, en menant à bonne fin. ⇒ Terminer. || Achever une entreprise. ⇒ Accomplir, exécuter. || Il est mort sans avoir achevé son travail, sa tâche. ⇒ Finir (→ Mener à bien, à terme; arriver au bout; conduire à sa fin; mettre la dernière main, mettre au net). — Vx. || Achever un dessein, un projet. ⇒ Parachever (→ ci-dessous, cit. 7, Racine). — Dire pour finir. || En achevant ces mots, il se leva. — Absolt. || Il acheva et sortit. ⇒ Conclure, taire (se). → ci-dessous, cit. 4. — Achever (et compl. désignant un objet en cours d'élaboration). || Achever une table, une statue, un roman.
1 (…) Laissons-les sans nous achever leurs querelles.
Corneille, Rodogune, III, 5.
2 Laisse-les, je te prie, achever leur repas.
La Fontaine, Fables, XII, 13.
3 À peine il achevait ces mots
Que lui-même (le moucheron) il sonna la charge.
La Fontaine, Fables, II, 9.
4 Le maître du tonnerre (Jupiter)
Eut à peine achevé que chacun applaudit.
La Fontaine, Fables, XI, 2.
5 (…) Il faut qu'avec votre famille
Nous prenions dès demain chacun une faucille :
C'est là notre plus court, et nous achèverons
Notre moisson quand nous pourrons.
La Fontaine, Fables, IV, 22.
6 (…) agréez que ma muse
Achève un jour cette ébauche confuse.
La Fontaine, Fables, XII, 15.
7 Le dessein en est pris, je le veux achever.
Racine, Andromaque, III, 1.
8 Allez : laissez aux Grecs achever leur ouvrage.
Racine, Iphigénie.
9 Allons chez nous achever l'entretien.
Molière, Amphitryon, I, 2.
10 Je n'ai jamais abandonné une affaire quand elle a valu la peine d'être achevée.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 98.
10.1 Le bredouillement affecté depuis si longtemps par le bonhomme et qui passait pour naturel (…) devint, en cette conjoncture, si fatigant pour les deux Cruchot, qu'en écoutant le vigneron, ils grimaçaient à leur insu, en faisant des efforts comme s'ils voulaient achever les mots dans lesquels il s'empêtrait à plaisir.
Balzac, Eugénie Grandet, éd. 1838, p. 198-199.
♦ Absolument :
11 (…) le genre vague qui esquisse sans achever.
B. Constant, Journal intime, p. 179.
12 Car personne ici-bas ne termine et n'achève (…)
Tout commence en ce monde et tout finit ailleurs.
Hugo, la Tristesse d'Olympio.
♦ Par ext. Donner sa forme définitive, son état définitif à (qqch.).
13 La politique des agrandissements (…) celle que Richelieu définira : « Achever le pré carré ».
J. Bainville, Hist. de France, X, p. 190.
♦ (Sujet n. de chose) :
14 C'est à l'intelligence d'achever l'œuvre de l'intuition.
R. Rolland, Jean-Christophe, IV, p. 19.
♦ Achever de (et l'inf.) : achever l'action de. || Il achève de se ruiner. || Il a achevé de mettre de l'ordre dans ses affaires. — (Sujet n. de chose). Apporter le dernier élément nécessaire pour que se réalise pleinement un état, un fait. || Ses reproches achevèrent de décourager son fils.
♦ (Le compl. désigne une durée). || Achever la soirée avec des amis, en allant danser. — Spécialt. || Achever ses jours, une journée, sa vie, les terminer, parvenir à leur terme. — Achever de… — ☑ Loc. Achever de vivre. ⇒ Mourir.
15 En achevant ces mots, il acheva de vivre.
La Fontaine, les Filles de Minée, V, 449.
16 Dans quelque coin du monde que j'achève ma vie, soyez sûr, Monseigneur, que je ferai continuellement des vœux pour vous.
Voltaire, Au roi de Prusse, 26 août 1736.
17 Ils ne m'empêcheront pas de jouir de mon innocence, et d'achever mes jours en paix malgré eux.
Rousseau, Rêveries…, 1re promenade.
18 Je veux achever ma journée.
A. Chénier, la Jeune Captive.
2 Donner le coup de grâce à (qqn), frapper à mort. ⇒ Abattre, tuer. || Achever un blessé.
19 Frapper à mort, donner le coup de grâce, tuer :
Et nos soldats trahis ne l'ont point achevé ?
Corneille, Horace, III, 6.
20 Il ne faut jamais s'attaquer à ceux qu'on n'est pas sûr d'achever.
M. Barrès, Leurs figures, p. 106.
21 Ils achèveront le grand blessé, s'il alourdit l'avance d'une armée.
Saint-Exupéry, Pilote de guerre, XXVII, p. 238.
3 Fig. a (1614). Vx. Ruiner définitivement la santé, la fortune de (qqn). || Toutes ces calomnies l'ont achevé. || Ce deuil l'a achevé, il ne s'en remettra pas. ⇒ Anéantir, (fam.) assommer.
b Mod. Compléter un effet pénible, désagréable, par une cause supplémentaire. || Ça va l'achever, ça va être la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
22 (…) ce qui l'acheva, ce fut d'apprendre que Daniel, en son nom, avait emprunté de l'argent à l'imprimeur.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, 13.
22.1 Et cet interrogatoire l'acheva, il ne put se contenir davantage.
Zola, Rome, p. 492.
♦ Iron. Fatiguer à l'extrême. ⇒ Anéantir. || Ce gros repas nous a achevés, après toutes ces émotions. || Son discours a duré trois heures; ça m'a achevé.
22.2 Entre deux chansons, applaudie, elle sourit vers la salle et quand l'Aumône comprit que c'était pour lui ça acheva de l'achever.
R. Queneau, Loin de Rueil, p. 132.
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s'achever v. pron.
23 La vie s'achève que l'on a à peine ébauché son ouvrage.
La Bruyère, les Caractères, II, 9.
24 Sur la terre aujourd'hui notre destin s'achève.
Hugo, les Orientales, III, 4.
25 Le sommeil de l'enfance s'achève en oubli.
Hugo, l'Homme qui rit, I, III, VI.
25.1 Chaque vie doit s'achever et se résoudre, indépendante, et dépendante de tous, jusqu'à l'ultime fermeture qui l'accomplit et lui donne un sens.
J.-M. G. Le Clézio, l'Extase matérielle, p. 183.
2 Rare. (Récipr.). Se compléter.
26 Ils s'achèvent ensemble, aucun d'eux n'est entier.
Sully Prudhomme, la Patrie.
3 (Personnes). Rare. Achever sa vie.
27 (…) il n'est pas malade, il s'achève simplement, à bout de forces.
Zola, Paris, t. I, p. 18.
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CONTR. Attaquer, commencer, ébaucher, entamer, entreprendre, esquisser, se mettre à. — Abandonner, cesser, interrompre. — Échouer. — Continuer.
DÉR. et COMP. Achevage, achevé, achèvement. Inachever, parachever.
Encyclopédie Universelle. 2012.