SYMBOLIQUE
Le symbolique constitue une topique, la topique du symbole. Alors que le signe est arbitraire, inventé, unilatéral, sans vie, épuisé dans sa définition, clair et défini dans sa signification, le symbole est plus qu’un signe quelconque; c’est originairement un signe de reconnaissance, puisque l’étymologie du terme renvoie à une communauté et à une réciprocité ( 靖羽益) d’échange ou de mise en commun et d’évaluation portant sur un objet ponctuant la rencontre ( 靖羽猪礼凞兀) de ce qui cependant demeure séparé, coupé en deux, comme l’objet primitif auquel se réfère l’étymologie et dont chacun des deux hôtes par-devers soi gardait une moitié ( 靖羽猪礼凞礼益), ce partage constituant ainsi sacralement un pacte ( 靖羽猪礼凞見晴礼益). Si le symbole, comme le signe, est un repræsentamen (quelque chose qui est mis pour quelque chose ou quelqu’un), on peut dire que le symbolique est le fondement du repræsentamen en même temps que son accomplissement. La psychanalyse a permis d’établir la théorie du symbolique: le concept de symbolique intervient dans la psychanalyse de Jacques Lacan comme recouvrant un ordre autonome, à la fois manifeste et latent, baignant l’homme, qui, en tant que tel, y est soumis, pris qu’il est, ainsi que disait Nietzsche, «dans les filets du langage».
L’efficacité du symbolique
Les contenus symboliques et les relations symboliques démontrent l’efficacité du symbolique: ce dernier syntagme est repris, par Lacan, de Claude Lévi-Strauss, qui traite de la notion dans un chapitre de son Anthropologie structurale et qui, par ailleurs, définit toute culture «comme un ensemble de systèmes symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les règles matrimoniales, les rapports économiques, l’art, la science, la religion» («Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss», in M. Mauss, Sociologie et Anthropologie ). L’ethnologie contemporaine prend appui sur une notion de la fonction symbolique intervenant dans toutes les communautés comme le véritable auteur de leurs systèmes symboliques, qui constituent l’objet propre de l’étude des anthropologues. L’anthropologue est donc placé dans la même situation que celui qui cherche à comprendre ce que Hegel désignait par l’expression d’«art symbolique»: une architecture représentant des significations générales dépourvues de formes.
Ce caractère de disproportion entre l’être, ou le réel informulable et irreprésentable, et la forme est ce qui est impliqué dans la notion de symbolique qui est saisie par Hegel et que F. Creuzer avait déjà approfondie dans sa Symbolique (publiée de 1810 à 1812, et traduite en français en 1825). Bien que le fini ne puisse représenter l’infini, c’est pourtant ce vers quoi oriente le symbole: la formulation de l’informulable, la représentation de l’irreprésentable, en tant qu’il est, selon ce que Creuzer avait vu, «la racine et la souche de toute expression, de toute expression figurée, dont il est en même temps le plus haut développement». Figuration condensée, tel est déjà le symbole pour Creuzer: à cette activité condensatrice du symbole supplée le mythe en tant que narratif et déployant un univers d’images et de paroles, tandis que le symbole indique une idée générale, un symbolisé résultant d’un symbolisant mis à la masse par et pour des interprétants. Symboliser est l’acte essentiellement fondateur: dans le sens où fonder, c’est ici poser à la fois la condition de possibilité et l’accomplissement de la convention humaine, du pacte incontournable. Si la psychanalyse met au jour la topique symbolique, l’ethnologie la confirme et les sciences humaines l’impliquent. Le discours scientifique en matière de politique et de droit a recours de plus en plus au concept du symbolique; il en est de même en matière d’esthétique.
Formes symboliques
Ainsi, le symbolique se prolonge phénoménologiquement dans le mythe, qui est un discours, tandis que le symbole est, par essence, soit muet, soit énigmatique. Dès lors, on comprend que Lévi-Strauss ait rapproché, tout en maintenant leur distance mutuelle, le mythe et la musique; celle-ci procède, en effet, de formes symboliques. Ernst Cassirer a le premier attiré l’attention sur les formes symboliques; il désignait, par cette expression, de grandes catégories: langage, mythe, art, connaissance. En fait, ce qui s’impose comme système de signes privilégié, c’est le langage – et cela, aussi bien pour Freud que pour Cassirer, qui ignore Freud. En effet, la psychanalyse, qui est, selon celui-ci, le «travail qui consiste à ramener jusqu’au conscient du malade les éléments psychiques refoulés», non seulement traduit l’inconscient en langage, mais encore fait de l’inconscient une structure de langage (J. Lacan). Quant à la philosophie des formes symboliques de Cassirer, même si elle se maintient «dans les limites d’une philosophie de la conscience», c’est sur la lancée de l’œuvre de Wilhelm von Humboldt qu’elle s’est constituée, c’est-à-dire autour de la linguistique.
Le processus de symbolisation
Le terme substantivé de «symbolique», au masculin en français et au neutre en allemand (das Symbolische ), n’apparaît chez Freud que dans les écrits des années 1913-1917, et à propos de Carl Gustav Jung. Les termes proches le plus fréquemment employés par Freud sont: «symbolisation» (Symbolisierung ), «symbolique» (au féminin, en français et en allemand die Symbolik ) et «symbolisme» (Symbolismus ). Freud cherche, bien évidemment, à promouvoir une méthode de découverte herméneutique; et, quand il traite de l’interprétation des rêves qui est la sienne, c’est pour la distinguer de l’interprétation symbolique traditionnelle dans laquelle «la clef du symbole est choisie arbitrairement par l’interprétateur», qui doit en l’occurrence manifester des dons particuliers. Dans l’analyse du travail du rêve, Freud montre qu’une symbolique est inhérente à ce travail, car «le rêve utilise les symboles tout préparés dans l’inconscient». Or cela n’exclut nullement, chez Freud, la participation du sujet à ce que Lacan appellera «l’ordre symbolique». Bien au contraire, L’Interprétation des rêves montre le symbolique en action à travers les images du rêve. Tandis que la symbolique, qui est la représentation imagée et l’explication de cette représentation, concerne la clé ou l’interprétation des rêves; le symbolique est ce qui fait que «les symboles [sont] tout préparés dans l’inconscient», donc que certains symboles s’imposent et non d’autres. Indirectement, dans l’explication de sa symbolique, Freud permet de comprendre le symbolique tel qu’il est explicité par Lacan. Ainsi, la théorie lacanienne confirme la théorie freudienne de la symbolisation opérée par le rêve et, en général, par l’inconscient. Les images du rêve sont, en effet, l’étoffe même sur laquelle porte le travail du rêve; la dynamique de ce travail réside dans le processus de symbolisation, qui s’effectue selon certains principes: d’une part, des déplacements par substitution d’une représentation à une autre en vue d’une condensation; d’autre part, des déplacements par substitution de l’expression imagée à l’expression abstraite. Les conditions de symbolisation sont la figurabilité des symboles et leur «liberté à l’égard de la censure». Car, si des symboles figurables sont tout préparés dans l’inconscient, c’est à la condition qu’ils échappent à la censure: une obligation inhérente au symbole pèse donc sur sa figurabilité. Il faut souligner, en outre, que le travail du rêve ne bénéficie pas d’une «activité spéciale de l’esprit». Ainsi Freud nous renvoie-t-il à l’activité symbolique propre à l’esprit, à sa fonction symbolique; et ce qui préside à cette fonction n’est autre que le symbolique, ordre que Lacan, dans Le Séminaire sur «la lettre volée», reconnaît comme s’exerçant par les «biais de l’imaginaire».
Élaboration du symbolique
Pour inventorier l’ordre symbolique, surtout pour évaluer la «prise du symbolique», il faut mettre en relation l’œuvre lacanienne – inspirée des linguistiques saussurienne et jakobsonienne – avec l’entreprise du philosophe Ernst Cassirer, ce dernier passant pour avoir donné une théorie qui ferait du symbolique une raison préfreudienne (cf. l’article intitulé «La Raison avant Freud», in Scilicet ). En effet, avec le parti pris de ne traiter langage, mythe, art et connaissance que «dans la mouvance des opérations du je», Cassirer emprunte à son linguiste de référence le sens du terme «forme». En fait, dans son ouvrage De l’origine des formes grammaticales et de leur influence sur le développement des idées , Humboldt donne très explicitement pour caractère essentiel à la forme l’unité, avec la prédominance du mot originaire sur les sons accessoires surajoutés, et sous l’influence d’une pensée qui inspire la forme, la langue devant être «symbole en tout». Aussi bien, entre la critique de la Raison pure opérée par Kant et la critique de la culture symbolique entreprise par Cassirer, il faut logiquement et phénoménologiquement intercaler le terrain linguistique tel que W. von Humboldt le privilégia dans un débat avec Kant, d’où il avait tiré la nécessité de considérer la représentation comme la mise en scène d’une idée dans une image, selon le sens du terme allemand Darstellung . À partir de là, Cassirer voit à son tour, dans les différentes langues humaines, une interprétation du monde liée à chacune d’elles selon sa forme interne ou idiosyncrasique. Dès lors – et bien qu’on lui ait reproché de ne pas faire la distinction – est symbole pour Cassirer aussi bien le signe (ou le symbole) mathématique que le symbole mythique, en tant que chacun est vecteur de signification (ou de sens? – là non plus, la distinction n’est pas faite). Donc, comme von Humboldt, Cassirer adopte un point de vue anthropologique à l’égard de la langue, laquelle est structurellement caractérisée par ses moyens propres à exprimer les relations, d’abord spatiales, ensuite temporelles et numériques. Chaque langue comporte dans ces domaines différents un style et un système propres. Et des désignations spatiales sont souvent à la base de relations idéelles. Car les relations temporelles sont moins courantes et moins universelles, moins différenciées et, le plus souvent, énoncées aussi sur le support des déterminations spatiales. L’intuition des objets dépend donc du langage, qui fournit la base nécessaire à l’édification d’un système numérique, le développement des concepts scientifiques étant solidaire des ressorts schématiques d’une langue. Les points de vue spatial, temporel et numérique de l’intuition des objets sont permis par la constitution de la langue. Et le concept de nombre est impliqué dans le plus élémentaire système de numération, par exemple dans celui des langues primitives, qui se trouvent limitées, en la matière, non par leur incapacité à abstraire mais par leur aptitude à de plus fines différenciations qualitatives.
Ainsi la langue fonde-t-elle la «substruction» (Grundgerüst ) de la représentation du monde. Évaluant les termes du point de vue de leur efficacité conceptuelle, Cassirer n’oublie pas les leçons de von Humboldt sur la grammaire et la syntaxe: un terme linguistique formant le signe caractéristique d’un rapport grammatical est une forme grammaticale, et celle-ci ne peut être conçue et comprise que par son idée logique, nous dit von Humboldt. Les formes grammaticales abondent dans les langues à flexion, favorisant le développement de la pensée abstraite. Cassirer sera, de même, attentif à l’articulation plus ou moins grande des différentes langues. Abordant le mythe, il en analyse la logique qui ne dissocie pas les représentations oniriques des représentations propres à l’état de veille, ni l’image de la chose perçue. D’ailleurs, il rapproche l’étude du langage de celle du mythe – dans Langage et mythe , ouvrage écrit un an avant le deuxième tome de La Philosophie des formes symboliques – pour conclure à «l’étroit enlacement de la pensée mythique et de la pensée linguistique», étant donné leur racine commune. Il développe une analytique de l’entendement mythique en contraste avec l’analytique de l’entendement scientifique défini selon les critères mathématico-physiques; et il compare mythe et langage sous les angles successifs de l’espace, du temps et du nombre. La pensée scientifique elle-même retrouve, ainsi examinée, son point de départ dans les fonctions conceptuelle et judicative qui sont contenues dans le langage.
Tout en se limitant à une philosophie de la conscience, Cassirer a néanmoins souligné l’importance de l’émergence symbolique chez l’enfant lorsqu’il découvre que toute chose a un nom : il découvre alors que le nom est une maîtrise et que la norme linguistique est exemplaire de la norme en général. Avant Lacan, Cassirer a ébauché une théorie du miroir et montré comment la désignation symbolique est l’acte de la médiation spirituelle et la reconnaissance de la Loi. Le symbolique a la suprématie sur le réel et l’imaginaire; il est la Loi et la condition sine qua non de l’humanité, dont Freud a démontré qu’elle accède à la symbolicité par le symbole de la négation.
symbolique [ sɛ̃bɔlik ] adj. et n.
• 1552; lat. imp. symbolicus; gr. sumbolikos
I ♦ Adj.
1 ♦ Qui constitue un symbole (II), repose sur des symboles. ⇒ allégorique, emblématique, figuratif. Objets, figures, peintures symboliques. La signification, la valeur symbolique de qqch. Un mythe est « une fable symbolique » (Rougemont). — Spécialt Écriture symbolique, pictographique. Pensée symbolique, qui procède par images, par analogies (opposé à pensée logique) . Logique symbolique. ⇒ logistique. Fonction symbolique.
2 ♦ (XXe) Qui, tout en étant réel, n'a pas d'efficacité ou de valeur en soi, mais en tant que signe d'autre chose. Geste symbolique, purement symbolique. Obtenir le franc symbolique de dommages et intérêts.
II ♦ N. f. Didact.
2 ♦ (1825; all. Symbolik [1810]) Science, théorie générale des symboles (II, 1o), spécialt en histoire des religions, mythologie, sociologie. La symbolique des rêves, chez Freud.
3 ♦ La symbolique de... : système de symboles relatif à (un domaine déterminé, un peuple, une époque, un système éthique ou politique). ⇒ symbolisme. La symbolique des pierres précieuses, des fleurs. ⇒ langage(fig.). « La symbolique du droit » (Michelet). — La symbolique médiévale. La symbolique romane, propre à l'art roman.
III ♦ N. m. (de I, 1o) Le symbolique : le domaine des symboles (II, 1o), et par ext. des signes arbitraires, notamment, acceptés et véhiculés par la culture (peut s'opposer à sémiotique).
♢ Spécialt, Psychan. « L'ordre des phénomènes auxquels la psychanalyse a à faire en tant qu'ils sont structurés comme un langage » (Lacan).
● symbolique adjectif (bas latin symbolicus, du grec sumbolikos) Qui a le caractère d'un symbole, qui recourt à des symboles : Figure symbolique. Qui n'est pas réel, qui n'a pas de valeur en soi, mais qui est significatif d'une intention : Un geste symbolique qui ne coûte rien. Relatif aux langages évolués de programmation, utilisant des mots et des caractères alphanumériques. ● symbolique (expressions) adjectif (bas latin symbolicus, du grec sumbolikos) Logique symbolique, synonyme de logique formelle. ● symbolique (synonymes) adjectif (bas latin symbolicus, du grec sumbolikos) Qui a le caractère d'un symbole, qui recourt à des...
Synonymes :
- allégorique
- emblématique
Logique symbolique
Synonymes :
● symbolique
nom masculin
Le domaine des symboles, des signes culturels.
Catégorie introduite par J. Lacan (1953) dans un ensemble (symbolique-imaginaire-réel) qui permet de définir l'activité propre à l'être humain en tant qu'il est soumis à l'activité du langage et qu'il est de fait pris dans un système d'échanges définissant aussi bien la culture que l'inconscient.
● symbolique
nom féminin
Ensemble systématique de symboles relatif à un domaine, à une période : La symbolique médiévale.
Système d'interprétation des mythes polythéistes, qui les considère comme des symboles des faits naturels ou historiques et des principes moraux.
Science de la genèse et du sens des symboles ou professions de foi des diverses Églises.
● symbolique (expressions)
nom féminin
Symbolique militaire, art de représenter par des symboles la personnalité et la tradition des unités des trois armées. (Des bureaux de la symbolique au sein des trois services historiques des armées [terre, air, mer] homologuent fanions, flammes, etc.)
symbolique
adj. et n.
rI./r adj.
d1./d Qui constitue un symbole, qui en présente les caractères. Représentation symbolique.
d2./d Qui n'a de valeur que par ce qu'il exprime, ce à quoi il renvoie. Geste symbolique.
rII./r n. f. Didac.
d1./d Ensemble des symboles propres à une religion, une culture, une époque, un système, etc. La symbolique bouddhique.
d2./d Science des symboles.
rIII/r n. m. PSYCHAN Le symbolique: "L'ordre des phénomènes auxquels la psychanalyse a à faire autant qu'ils sont structurés comme un langage" (J. Lacan).
⇒SYMBOLIQUE, adj. et subst.
I. — Adjectif
A. — [Corresp. à symbole I A] Qui se rapporte aux formulaires de la foi chrétienne. Livres symboliques. (Dict. XIXe et XXe s.).
B. — [Corresp. à symbole II]
1. Qui constitue un symbole, qui a le caractère d'un symbole, qui repose sur un symbole. Animal, chiffre, figure, objet, peinture symbolique; cérémonie, sens symbolique. L'art entier est une représentation symbolique, dans la vie de l'espèce, du drame d'amour qui transfigure et bouleverse la vie de l'individu (FAURE, Espr. formes, 1927, p. 271):
• 1. Quelle révolution dans nos cœurs au lendemain du 3 février, quand la reddition de von Paulus et de ses troupes nous fut connue! Le deuil national ordonné par Hitler achevait de conférer à cet événement une signification symbolique.
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 314.
— [En parlant d'une pers.; corresp. à symbole II A 2 b] Ceux des grands chefs politiques ou militaires français à qui nous fîmes tour à tour confiance, parce qu'ils nous semblaient symboliques de cette France en laquelle nous avions cru, ne se sont pas montrés, — c'est le moins qu'on puisse dire, — à la hauteur de nos espoirs (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 81).
2. Qui n'a de valeur que par ce qu'il exprime ou ce qu'il évoque. Cadeau symbolique; faire qqc. à titre symbolique. Je me demande cependant si je ne vais pas faire tout au moins un geste symbolique, quelques centaines de francs, mille peut-être... Il boit, et rêveur: Bah! si c'est un geste symbolique, tu me diras que cinq cents francs suffiraient (ANOUILH, Sauv., 1938, II, p. 179). J'ai estimé que je devais à notre projet une collaboration au moins symbolique (NIZAN, Conspir., 1938, p. 159).
— DR. Franc symbolique de dommages et intérêts. Indemnité d'un franc accordée par un tribunal à un plaignant qui réclame simplement la reconnaissance de la validité de sa plainte. Thierry G. (...) (24 ans), prévenu libre dans l'affaire du décès par overdose (...) de Marie S. (...) (19 ans) (...) a été condamné hier après-midi par la 8e chambre correctionnelle de Versailles, à la peine de 30 mois de prison avec sursis, 3 années de mise à l'épreuve et à 1 franc symbolique au titre des dommages et intérêts (L'Est Républicain, 5 mai 1988, p. 126, col. 4).
3. Qui utilise des symboles, procède par symboles. Calcul, logique symbolique; écriture, littérature, style symbolique. Les Sioux dans l'Amérique du Nord dressèrent leurs tentes avec des peaux de bison, ou en firent la trame de ces étoffes sur lesquelles des figures peintes retraçaient des signes généalogiques ou parlaient un langage symbolique (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 128). Le jeu abstrait de notre pensée consciente est superficiel et nous cache trop souvent l'étrange accompagnement des images intérieures, le perpétuel déroulement secret d'une pensée symbolique (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 203).
— HIST. LITTÉR. [En parlant d'une pers.] Partisan du symbolisme. Synon. usuel symboliste. Quelle belle notation de phénoménologie dans cette simple phrase d'un poète symbolique [A. Fontainas] : « La pensée se vivifiait de surgir corolle... » Une philosophie de l'imagination doit donc suivre le poète jusqu'à l'extrémité de ses images (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 198).
— PSYCHOL. Fonction symbolique. Capacité, propre à l'homme d'utiliser des signes, des symboles. Synon. fonction sémiotique (v. ce mot II B 3).
II. — Substantif
A. — Subst. fém.
1. Science, théorie générale des symboles. La Symbolique qui déchiffre l'univers comme un texte hiéroglyphique (VALÉRY, Variété V, 1944, p. 266):
• 2. Nous ne réduisons donc pas la signification du mot et pas même la signification du perçu à une somme de « sensations corporelles », mais nous disons que le corps, en tant qu'il a des « conduites » est cet étrange objet qui utilise ses propres parties comme symbolique générale du monde et par lequel en conséquence nous pouvons « fréquenter » ce monde, le « comprendre » et lui trouver une signification.
MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 274.
2. Ensemble, système de symboles. La vie de l'oblat sera (...) la louange de Dieu mais réduite à ce qu'il en pourra prendre; pour atteindre ce résultat (...), il faut aussi avoir le goût de la liturgie, le sens du cérémonial, l'amour de la symbolique, l'admiration de l'art religieux et des beaux offices (HUYSMANS, Oblat, t. 2, 1903, p. 18). La pensée de Bosch s'exprime si directement par les symboliques dont son esprit était familier, conclut Jacques Combe, que le symbole n'y paraît pas comme une allégorie, mais comme un vrai langage (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 323).
— [Constr. avec un compl. prép. de ou un adj. désignant un peuple, une religion, une époque] Symbolique égyptienne, grecque, hindoue; symbolique révolutionnaire; symbolique romane; symbolique du Moyen Âge. La symbolique chrétienne vit dans le cœur de l'imagier comme dans l'esprit du philosophe, elle n'est qu'un écho prolongé d'un lointain ébranlement d'âme devenu commun au monde chrétien presque entier (FAURE, Espr. formes, 1927, p. 224):
• 3. ... Charbonneaux-Lassay écrit (Le Bestiaire du Christ, [Paris, 1940,] p. 922): « (...) le coquillage fut, pour les Anciens, un emblème de l'être humain complet, corps et âme. La symbolique des Anciens fit de la coquille l'emblème de notre corps qui renferme dans une enveloppe extérieure l'âme qui anime l'être entier, représenté par l'organisme du mollusque (...) »
BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 114.
— [Constr. avec un compl. prép. de ou un adj. indiquant un domaine] Symbolique de l'imagination, du rêve. Se dessine toute une symbolique des couleurs, des formes, mais aussi de l'espace et de ses directions, qui mériterait d'être étudiée en détail (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 278). La symbolique céleste, solaire, aquatique, cosmobiologique, etc., se retrouve aussi bien dans la Bible que chez les Sioux ou les Bantous (Philos., Relig., 1957, p. 38-14).
— PSYCHANAL. Ensemble des symboles produits par l'inconscient. On trouve le mot symbolique sous sa forme substantive chez Freud: dans L'interprétation du rêve (Die Traumdeutung, 1900) par exemple, il parle de la symbolique (die Symbolik) entendant par là l'ensemble des symboles à signification constante qui peuvent être retrouvés dans diverses productions de l'inconscient (LAPL.-PONT. 1967).
B. — Subst. masc.
1. Domaine des symboles. Vous distinguez (...) plusieurs de ces signes auxquels vous attachez un sens; mais vous êtes trop enclin à vous contenter du vulgaire et littéral, et vous ne cherchez pas assez l'idéal et le symbolique (A. FRANCE, Rôtisserie, 1893, p. 346). Le symbolique et l'adéquat ne représentent, l'un que la prédominance des symboles sur les contenus symbolisés, l'autre que la prédominance inverse de ces derniers sur les symboles (Traité sociol., 1968, p. 126).
2. PSYCHANAL. [Dans la terminol. de Lacan] Ensemble des phénomènes relevant de la psychanalyse en tant qu'ils sont structurés comme un langage, et formant l'un des trois registres de l'ordre de l'inconscient (le symbolique, le réel et l'imaginaire). Entre la symbolique freudienne et le symbolique de Lacan, il y a une différence manifeste: Freud met l'accent sur le rapport unissant (...) le symbole à ce qu'il représente, alors que pour Lacan, c'est la structure du système symbolique qui est première; la liaison avec le symbolisé (...) étant seconde et imprégnée d'imaginaire (LAPL.-PONT. 1967).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Adj. A. 1564 mot symbolique « mot significatif » (RABELAIS, Cinquième livre, éd. Ch. Marty-Laveaux, chap. 19, p. 75). B. 1. 1636 « qui a le caractère d'un symbole, qui sert de symbole » (MONET); 2. 1701 archit. colonne symbolique (FUR.); 3. a) 1755 écriture symbolique des Égyptiens (Encyclop. t. 5, p. 358b); b) 1757 géom. (ibid., t. 7, p. 637b: on peut appeller l'Algebre géométrie symbolique); c) 1973 informat. langage symbolique, nom symbolique (GING.-LAURET); 4. 1886 « qui n'a pas de valeur, d'efficacité en soi » (BLOY, Désesp., p. 12: la croûte symbolique récoltée dans les ordures); 1928 (THARAUD, Pte hist. Juifs, p. 229: leur geste n'avait qu'une valeur sentimentale et symbolique); 5. a) 1904 logique symbolique (L. COUTURAT, C.r. du Deuxième Congrès de Philos., R. de métaphys., 1904, p. 1042 ds LAL. t. 1 1938 [1932], s.v. logistique); b) 1932 pensée symbolique (LAL. t. 2 1938 [1932]); c) 1945 psychol. fonction symbolique (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, p. 141); 6. 1964 franc symbolique de dommages et intérêts (ROB.). C. 1689 théol. « qui se rapporte aux formulaires de foi » (BOSSUET, Avertissements aux protestants, I, III ds LITTRÉ: leurs actes qu'ils [les protestants] appellent symboliques). II. Subst. fém. A. 1. 1684 philos. « caractéristique universelle; logistique » (LEIBNIZ, Lettre à Tschirnhaus [ms. conservé à Hanovre, Math. IV, 465] ds L. COUTURAT, La Log. de Leibniz, Paris, 1901, p. 293: les louanges qu'il [Malebranche] donne à l'Algebre se devroient donner à la Symbolique en general), attest. isolée; 2. a) 1825 « ensemble des symboles propres à une religion, à une doctrine, à un pays, etc. » (J. D. GUIGNIAUT, Religions de l'Antiquité, trad. de l'all. du Dr F. Creuzer, t. 1, 2e part., p. 554: symbolique et allégorie muettes; symbolique et allégorie parlées); 1830 symbolique chrétienne (MICHELET, Journal, p. 73); b) 1834 « système d'interprétation des rites, dogmes et symboles des anciennes religions » (A.-M. AMPÈRE, Essai sur la philos. des sc., t. 1, Tableau synoptique à la fin, n° 42 [cf. t. 2, 1843, p. 103]); 3. 1825 « science des symboles » (J. D. GUIGNIAUT, op. cit., p. 553: la symbolique des noms); 4. 1961 symbolique militaire (LELOIR); 5. 1967 psychanal. (LAPL.-PONT.); 1970 symbolique des rêves (ROB. Suppl.). B. Ca 1902 relig. « partie de la théologie qui concerne les exposés officiels de doctrine religieuse » (Gde Encyclop.). III. Subst. masc. 1. 1893 « domaine des symboles » (FRANCE, loc. cit.); 2. 1953 psychanal. (J. LACAN, Fonction et champ de la parole et du langage ds Écrits, Paris, 1966, p. 309: du symbolique, de l'imaginaire et du réel). Empr. au b. lat. symbolicus « significatif, allégorique », et celui-ci au gr. « qui explique à l'aide d'un signe, symbolique; conventionnel », dér. de (symbole). Au sens II A 2 a, empr. à l'all. Symbolik (1810, G. F. CREUZER, Symbolik und Mythologie der alten Völker, besonders der Griechen, 4 vol., 1810-12 ds Brockhaus Enzykl.). Fréq. abs. littér.:703. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 548, b) 412; XXe s.: a) 1 194, b) 1 582. Bbg. DESCOMBES (V.). L'Équivoque du symbolique. Mod. Lang. Notes. 1979, t. 94, pp. 655-675.
symbolique [sɛ̃bɔlik] adj. et n.
ÉTYM. 1552; du lat. impérial symbolicus, grec sumbolikos, de sumbolê, de sumballein « mettre ensemble ». → Symbole.
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I Adj.
1 Qui constitue un symbole (II.), repose sur des symboles, a une valeur de symbole. ⇒ Allégorique, emblématique, figuratif. || Objets, figures, peintures symboliques (→ Catacombe, cit. 3; espadon, cit. 2; fût, cit. 3; pavé, cit. 2). || Le portrait symbolique de Notre-Dame (→ Grimoire, cit. 3). || Cérémonie, opération symbolique (→ Aveu, cit. 1; liturgie, cit. 2). || Un mythe (cit. 3) est une fable symbolique. || Signification, portée symbolique. || Principe, à la fois matériel et symbolique (→ Lien, cit. 1). || Sens symbolique (opposé à littéral). || Style métaphorique (cit.) ou symbolique.
1 Le dernier poète de l'âge symbolique (Dante) vit assez pour pouvoir lire la prosaïque allégorie du Roman de la Rose. L'allégorie tue le symbole, la prose la poésie.
Michelet, Hist. de France, V, IV.
2 (…) il existe une école philosophique qui voit dans les rêves de ce genre (…) un tableau symbolique et moral, engendré dans l'esprit même de l'homme qui sommeille.
Baudelaire, les Paradis artificiels, « Poème du haschisch », III.
3 (…) le lien, le vase, le tissu, l'outil, la roue, l'arme, tous ces objets essentiels ont, outre leur signification matérielle, une signification symbolique ou spirituelle.
G. Duhamel, Chronique des saisons amères, II, II.
♦ Spécialt. || Écriture symbolique, pictographique. || Pensée symbolique, qui procède par images, par analogies. || La pensée symbolique et la pensée logique. || Logique symbolique. ⇒ Logistique (cit. 1). — Qui se rapporte aux symboles (I.) de la foi.
2 (XXe). Qui, tout en étant réel, n'a pas d'efficacité ou de valeur en soi, et n'est que le signe d'autre chose. || C'est un geste, un cadeau symbolique, purement symbolique. || Un bombardement sans importance réelle, une manière de démonstration symbolique (→ Prélude, cit. 2). || Obtenir le franc symbolique de dommages et intérêts. || Une augmentation toute symbolique des salaires (→ Formel, platonique).
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II N. f. Didact.
1 (Fin XVIIe, Leibniz; de symbole, II., 2.). Avec une majuscule. || La Symbolique : la logique symbolique de Leibniz (caractéristique universelle).
4 Les louanges qu'il (Malebranche) donne à l'Algèbre se devraient donner à la symbolique en général, dont l'algèbre n'est qu'un échantillon assez particulier et assez borné.
2 (1825, Guigniaut; trad. de Creuzer, « Symbolik und Mythologie », 1810; de l'all. Symbolik). Science, théorie générale des symboles (spécialt, en histoire des religions, mythologie, sociologie).
5 Ces rites, ces dogmes cachent souvent des idées autrefois réservées à un petit nombre d'initiés, et dont le secret, enseveli avec eux, peut cependant être retrouvé par ceux qui font une étude approfondie des renseignements de tout genre qui nous restent sur les anciennes croyances et sur les cérémonies qu'elles prescrivaient. De là, une science à laquelle on a donné le nom de Symbolique (…) où l'on se propose de découvrir ce qui était caché sous des emblèmes si divers.
Ampère, Essai sur la philosophie des sciences (1835), in Lalande, Voc. de la philosophie, art. Symbolique, 2.
3 (V. 1830). || La symbolique de… : système de symboles relatif à (un domaine déterminé, un peuple, une époque, un système éthique ou politique). ⇒ Symbolisme, 1. || La symbolique des pierres (cit. 27) précieuses (→ Améthyste, cit. 1). || La symbolique africaine; la symbolique bouddhique du Tibet. || « La symbolique gaulliste : la croix de Lorraine, la Commémoration du 18 juin, le Compagnonnage, l'idée gaulliste de l'honneur politique » (l'Express, 27 nov. 1967). || « La symbolique du droit » (Michelet, Hist. de France, Préface de 1837). || La Symbolique romane (titre d'un ouvrage de S. Davy, 1955) : la symbolique propre à l'art roman. || La symbolique égyptienne.
♦ Psychan. || Symbolique des rêves : signification au niveau de l'inconscient, des images oniriques. || La symbolique des rêves renseigne sur la nature des obsessions et le caractère du refoulement. || Déchiffrer la symbolique d'un rêve.
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III N. m. (De I., 1.).
1 Le symbolique : le domaine des symboles (II., 1.), et, par ext., des signes arbitraires, notamment acceptés et véhiculés par la culture (peut s'opposer à sémiotique).
2 Psychan. « L'ordre des phénomènes auxquels la psychanalyse a à faire en tant qu'ils sont structurés comme un langage » (Lacan).
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DÉR. Symboliquement.
Encyclopédie Universelle. 2012.