SPÉCULATION
Il n’est pas aisé de situer la spéculation dans l’ensemble des activités économiques. L’idée même de spéculation provoque la méfiance: les gains des spéculateurs s’apparentent toujours quelque peu à de l’escroquerie. Ensuite, parce qu’elle apparaît comme un épiphénomène, se développant en marge des processus de production ou des circuits d’échanges et de financement. En bref, la spéculation est rejetée dans le groupe des activités ludiques; elle est confusément assimilée aux courses ou à la roulette. Aussi est-elle plutôt dédaignée par les économistes. Pourtant, elle a réussi à ébranler les empires et à réaliser des projets sans précédents.
La spéculation trouve son sens dans sa liaison intime avec l’idée de risque. Elle est indissociable de la volonté de dominer le futur. Par là, la dimension de l’incertitude lui donne son sens et, simultanément, justifie le profit. D’une manière très générale, la spéculation peut être définie comme l’opération consistant à vendre ou à acheter un actif en vue de réaliser un gain par suite d’un changement dans le prix de cet actif. Les phénomènes économiques concrets ne se déroulant pas dans l’univers de stabilité et d’équilibre dans lequel s’enferment certains théoriciens, il s’ensuit que la spéculation est inhérente à la plupart des choix économiques. En principe, à partir du moment où il a une certaine valeur, tout bien peut être un objet de spéculation. Encore faut-il ajouter que les mécanismes fixant sa valeur monétaire doivent permettre à celle-ci de fluctuer dans le temps. À cette généralité des objets de spéculation devrait correspondre une généralité identique de la part des acteurs. En fait, la spéculation est réservée à une frange étroite d’agents économiques. Sa généralisation serait la négation même de sa nature. De la même manière, les domaines dans lesquels la spéculation s’exerce habituellement et où l’analyse économique s’est développée avec une certaine ampleur ne recouvrent qu’un petit nombre de marchés et d’actifs: principalement les marchés financiers et monétaires et les marchés des changes (cf. BOURSE, LIQUIDITÉS INTERNATIONALES). À l’intérieur de ces champs privilégiés d’action, la question est posée de savoir si les opérations des spéculateurs ont un effet stabilisant ou déstabilisant sur l’équilibre économique, si elles réduisent les écarts conjoncturels ou au contraire si elles constituent une menace constante de crise économique. En dernière analyse, il s’agit de déterminer si la spéculation peut trouver une justification en elle-même en tant qu’activité économique spécifique, ou bien si son statut ne renvoie pas fondamentalement à la société dans laquelle elle s’exerce.
1. Nature du phénomène
Un exemple simple peut aider à saisir la nature particulière de l’activité spéculative. Soit la spéculation sur le blé. Au moment de la récolte, l’offre de blé est abondante sur les marchés. Son cours est au plus bas (nous ne prenons pas en considération les réglementations actuelles qui, dans presque tous les pays, régularisent administrativement les variations de prix). En conséquence, la demande va être stimulée. Pourtant, la production existante doit servir à satisfaire les besoins des utilisateurs durant l’année entière, jusqu’à la prochaine récolte, dans l’hypothèse d’une économie fermée. Pendant l’hiver, l’offre restreinte se traduira par une hausse des prix. Le spéculateur prévoit ce cycle; il anticipe la hausse saisonnière des prix. Il perçoit l’opportunité d’un gain résultant de l’achat au prix le plus bas et de la revente aux cours les plus hauts. En revanche, il ne connaît pas, ou mal, l’amplitude de l’écart entre prix d’hiver et prix d’été. Celle-ci est déterminée par une série très ouverte de facteurs: volume de la récolte; goûts des consommateurs; fluctuations de l’activité économique; apparition de produits substituables, etc. En dépit de cette incertitude, il estime qu’il a une occasion de faire un profit en achetant aujourd’hui du blé, en le stockant et en le revendant plus tard. Ce stockage et la conservation d’une denrée périssable telle que le blé entraînent des frais importants. Pour que l’opération soit rentable, il est nécessaire que l’écart des prix fasse plus que couvrir ces coûts. Si le spéculateur a une attitude très rationnelle, il devra même s’assurer que le gain tiré de l’opération sera supérieur à celui qu’il aurait pu obtenir en investissant autrement les capitaux qu’il va immobiliser dans le stock de blé: soit en les prêtant, soit en achetant des valeurs mobilières ou des immeubles. Le résultat final est donc fonction de la justesse de l’anticipation du cours du blé. Ce calcul repose sur l’évaluation des probabilités concernant l’évolution future de l’offre et de la demande et, par conséquent, sur les probabilités que le marché s’établisse à tel ou tel prix pour une période donnée. Si la probabilité est forte, que le prix futur soit supérieur au prix courant (compte tenu des frais), le spéculateur se portera acheteur. Il spécule à la hausse; on dira de lui que c’est un haussier (a bull dans la terminologie anglaise). Il va de soi que la spéculation joue dans les deux sens. Si le prix anticipé est inférieur au prix courant, il faut vendre. Dans ce cas, le spéculateur est un baissier (a bear ).
Spéculation et accaparement des biens
Il est évident que l’intérêt du spéculateur est que l’écart entre prix courant et prix futur se réalise et qu’il soit le plus grand possible. En principe, cette différence est indépendante de lui. La loi du marché s’impose aux spéculateurs comme aux autres acteurs sur le marché, qu’ils soient acheteurs ou vendeurs. Il n’en reste pas moins que la tentation peut être grande d’utiliser les stocks détenus pour influencer le jeu de l’offre et de la demande. En contrôlant une proportion non négligeable de l’offre, le spéculateur peut créer artificiellement ou, à tout le moins, renforcer une situation de pénurie qui entraînera une hausse des prix. À partir de ce moment, le spéculateur est devenu un accapareur. Hypothèse très fréquente dans toutes les sociétés où règne la disette et où les communications sont médiocres. Il suffit de citer les très nombreux discours dans lesquels Robespierre et Saint-Just prennent à parti les accapareurs de grains dont certains d’ailleurs n’agissaient pas seulement pour faire un profit mais aussi pour accentuer la détérioration de la situation politique des révolutionnaires. De la même façon, Saccard, le héros d’Émile Zola dans La Curée , fera fortune dans la spéculation immobilière, car il réussit à se procurer les plans des grands travaux d’urbanisme prévus à Paris. Il est alors sans risque de spéculer. Dans ce cas, on ne peut plus parler d’activité spéculative mais d’une perversion de la spéculation, car, dans tous les cas, il y a eu interférence dans le jeu de l’offre et de la demande et vol d’information. Il est une autre activité qui repose sur une meilleure information – dans la plus parfaite légalité cette fois – et qu’il faut néanmoins distinguer de la spéculation: l’arbitrage.
Situation d’arbitre
L’arbitragiste tire profit de la connaissance qu’il peut avoir d’une différence de prix entre deux ou plusieurs marchés pour un même bien. Pour conserver l’exemple précédent, supposons que le prix du blé à Paris soit supérieur à celui qui est coté à Toulouse. Il sera intéressant d’acheter du blé sur ce dernier marché pour le revendre à Paris, compte tenu des coûts de transports qui ne doivent évidemment pas absorber la différence des cours. De nos jours, les marchés des changes sont le terrain d’élection de l’arbitrage. En effet, la plupart du temps, le cours d’une même monnaie n’est pas le même, à un moment donné, d’une place financière à une autre. L’arbitrage tire parti de ces différences. Du même coup, il entraîne une uniformisation des cours par ces achats et ventes. Quoi qu’il en soit, l’opération d’arbitrage se déroule dans le présent. Elle consiste à exploiter des disparités géographiques tenant à l’imperfection du marché. Elle permet de «faire une différence» sans aucun risque puisque l’écart de prix existe au moment de l’opération. Au contraire, la spéculation est tournée vers le futur et comporte toujours un risque. Le facteur temps est aussi pris en compte sur des marchés spéciaux, les marchés à terme.
Les opérations à terme
Les opérations à terme sont un type de marché permettant aux vendeurs ou aux acheteurs d’éviter le risque d’une perte provoquée par un changement dans le prix d’un bien en se «couvrant», par l’achat (ou la vente) à un prix fixé aujourd’hui, d’un bien qui sera livré plus tard. Les spéculateurs peuvent intervenir sur les marchés à terme. Ainsi se porteront-ils, par exemple, vendeurs de contrats de vente à terme d’un bien, si le prix qu’ils anticipent pour ce bien est inférieur au prix couramment pratiqué sur le marché à terme. Dans l’hypothèse contraire, ils se porteront acheteurs de contrats de vente à terme. De la même façon, si le prix à terme est inférieur à celui qui est anticipé par le spéculateur, celui-ci sera demandeur de contrats d’achat à terme.
L’attitude du spéculateur sur les marchés à terme permet de bien saisir la spécificité de son activité. Elle se traduit en effet par la prise en charge du risque que l’acheteur (ou le vendeur) à terme cherche à éviter. Il est donc important de ne pas confondre ces deux types d’opérations même si elles se déroulent toutes deux dans un horizon prévisionnel de variations des prix des biens ou des services.
2. Conditions permissives
On le conçoit aisément, la spéculation ne peut se développer dans n’importe quel cadre économique. Un certain nombre de conditions permissives sont nécessaires. Elles sont elles-mêmes fonction du système économique. Pour que la spéculation existe, il faut d’abord se situer dans une économie de marché.
Spéculation et marché
L’offre et la demande déterminent la valeur d’un bien. Cette valeur d’échange n’est pas fixe. Elle fluctue en fonction des variations de l’offre et de la demande. Il est impossible ici de recenser l’ensemble des facteurs qui peuvent affecter l’équilibre des marchés. Ils dépendent des biens et des services qui y sont échangés. Leur liste devrait englober pêle-mêle des phénomènes imprévisibles d’origine naturelle comme les aléas climatiques, politiques (guerre, bouleversements sociaux, crises de régime), ou psychosociologiques (rumeurs, engouements, etc.), en passant par des facteurs proprement économiques – encore que tous les aspects soient liés – comme les fluctuations conjoncturelles, les crises, les poussées inflationnistes, le progrès technique, les changements dans les préférences. Ce qui est fondamental dans l’esprit des spéculateurs, c’est que les écarts des prix par rapport à l’équilibre ne peuvent être que temporaires. Le spéculateur attend le retour du balancier écarté pour un temps de sa position d’équilibre. Le génie de la spéculation est de prévoir, avant les autres, les points de retournement de la conjoncture et singulièrement du mouvement des prix.
Spéculation et système économique
La spéculation qui se nourrit de l’instabilité a trouvé un terrain d’élection avec le système capitaliste marqué par l’existence de crises ou de récessions et animé d’une dynamique spécifique que J. Schumpeter a caractérisée comme étant «destruction créatrice». Ce perpétuel mouvement, cette constante remise en cause de l’équilibre alimente l’inflation.
En un mot, la spéculation serait exclue d’économies parfaitement harmonieuses, que l’équilibre soit obtenu par la voie du marché ou d’une planification centralisée. C’est dire, du même coup, qu’elle est inhérente à l’existence même de tout système économique quel qu’il soit. Elle est l’indice de leurs vices de fonctionnement. Il n’est pas étonnant qu’elle se développe avec prédilection dans le domaine du système monétaire international, le jeu des rapports entre les nations étant encore moins discipliné que celui des mécanismes économiques internes. Il est à noter en effet que, dans la mesure où l’interventionnisme étatique vise à réguler la conjoncture économique et même, dans certains cas, à établir une programmation macroéconomique à moyen terme, il peut aboutir simultanément à éliminer ou au moins à réduire le champ de la spéculation. L’existence de prix administrés pour le blé devrait, par exemple, rendre impossible la spéculation privée. Les efforts pour instaurer une croissance équilibrée en améliorant la connaissance du futur réduisent la part de l’aléatoire et par là le champ privilégié du spéculateur. Si, pour reprendre la formule de Pierre Massé, le plan est l’anti-hasard , alors il existe une radicale incompatibilité entre le plan et la spéculation.
3. Objets de la spéculation
Le domaine de la spéculation est en principe illimité. Il englobe en effet toutes les choses qui peuvent être évaluées en monnaie, donc toutes les formes de détention de la richesse. Dans le cadre plus systématique de l’analyse en termes de patrimoine (ou de capital), il convient de distinguer trois formes d’avoirs: les actifs monétaires, les actifs financiers et les actifs réels (ou physiques). Leurs particularités en font des objets plus ou moins adéquats pour la spéculation.
Les actifs monétaires
Les actifs monétaires ont l’avantage d’être parfaitement liquides (c’est-à-dire qu’ils peuvent être transformés rapidement et sans frais en d’autres types d’actifs). Ils entraînent des coûts de conservation minimes. En revanche, ils ne sont pas la source d’un flux de revenu. L’unité monétaire a, en économie classique, une valeur nominale fixe déterminée et garantie par l’État et définie en or. A priori, l’actif monétaire interdit la spéculation. Cependant, le fait que toutes les économies, quel que soit leur niveau de développement, vivent en situation d’inflation ouvre la voie aux activités spéculatives. Soit que l’on joue sur la monnaie dans le cadre domestique et, dans ce cas, on rencontre les conduites vis-à-vis de l’inflation, qui consistent, schématiquement, à substituer des actifs financiers ou des actifs réels aux actifs monétaires. (Dans cette hypothèse, les encaisses monétaires sont réduites au strict besoin de trésorerie entraîné par les transactions courantes.) Soit que la spéculation se développe à l’échelle internationale et alors l’éventail de la substitution s’étend à plusieurs monnaies nationales dont la valeur sur les marchés des changes est fluctuante. Il s’agit donc d’acquérir au plus bas la (ou les) monnaie(s) dont on prévoit l’appréciation et de se débarrasser de la (ou des) monnaie(s) dont on anticipe la dépréciation jusqu’à la sanction institutionnelle que constitue la dévaluation. Les crises du système monétaire international favorisent ce type de spéculation dans la mesure où les parités entre les monnaies sont sans cesse remises en cause et où il n’existe pas de mécanismes rééquilibrants efficaces. La spéculation monétaire internationale utilise des techniques extrêmement complexes qui en font le domaine réservé d’opérateurs hautement spécialisés.
Les actifs financiers
Les actifs financiers désignent l’ensemble des valeurs mobilières (actions de sociétés, obligations, titres publics et, pour certains auteurs, quasi-monnaie). Les actifs financiers sont cotés en Bourse, champ privilégié de la spéculation. Leur prix (ou cours) est donc déterminé par le jeu de l’offre et de la demande et, par là, aléatoire. Selon certains auteurs américains qui ont analysé les marchés boursiers américains sur une longue période, il semble bien que les variations des cours soient purement aléatoires (random walk theory ). Cette constatation peut être décourageante pour le boursicoteur penché sur la page financière de son journal habituel. Elle signifie néanmoins que le marché boursier américain est ouvert à toutes les informations et, par là, qu’il n’est pas contrôlé et manipulé par un groupe.
Jusqu’à Keynes, si l’on excepte l’œuvre de précurseur de L. Bachelier redécouverte par la suite aux États-Unis et dont l’objectif était d’appliquer le calcul des probabilités aux phénomènes boursiers, la plus grande partie de la littérature consacrée à la spéculation était constituée par des catalogues de bons conseils ou de «tuyaux». Au mieux, avec les travaux de H. Dow, s’efforçait-on de vulgariser certaines techniques graphiques permettant de suivre plus scientifiquement l’évolution du cours des titres et, par là, de choisir avec plus de rigueur le bon moment pour acheter ou pour revendre. Le concept d’encaisse de spéculation, développé dans la Théorie générale dans le cadre de la théorie de la demande de monnaie et de la préférence pour la liquidité, constitue donc l’ébauche de ce qu’on désigne actuellement par la gestion de portefeuille (port-folio selection ). Keynes distingue trois motifs de la demande de monnaie: transaction, précaution et spéculation. Les deux premiers permettent aux agents économiques de faire face à leurs besoins en monnaie nés de leurs activités d’échange ou d’une circonstance imprévisible. Dans les deux hypothèses, la demande de monnaie est fonction du revenu. L’encaisse de spéculation se définit par rapport aux variations du taux d’intérêt courant. Ses modifications reflètent la demande alternative de monnaie ou d’obligations. Les variations du taux de l’intérêt entraînent pour le sujet économique un double risque en termes de revenu et de capital. Pour s’en prémunir, il doit s’efforcer de prévoir le mouvement futur de l’intérêt pour choisir convenablement la forme qu’il va donner à ses actifs: monnaie ou obligations. Dans l’hypothèse où il anticipe une hausse du taux de l’intérêt courant, il doit gonfler ses avoirs en monnaie et se débarrasser de ses titres. Il effectuera évidemment l’opération inverse dans le cas d’une baisse prévisible du taux de l’intérêt. Les perfectionnements essentiels apportés par les théoriciens de la gestion de portefeuille (J. Tobin, H. M. Markowitz) se sont développés dans une double direction: d’une part, ils ont tenté d’élargir la structure des choix spéculatifs à l’ensemble des actifs et non seulement au couple monnaie-obligation; d’autre part, ils ont fait une utilisation systématique de la méthode revenu espéré-variance pour la sélection des portefeuilles efficients. (Cette méthode implique une information très complète sur les titres et sur l’échelle de préférence des opérateurs; elle convient surtout aux professionnels des marchés boursiers.)
Les actifs réels
Enfin, la spéculation peut porter sur les actifs réels. La liste exhaustive en est impossible. Elle irait des timbres-poste et des tableaux de maître aux immeubles et aux terrains en passant par le pétrole et, en période de guerre par exemple, les cigarettes. Tous les biens peuvent devenir des objets de spéculation, compte tenu de l’état des marchés et de l’organisation des activités économiques. Comme les actifs financiers, les actifs réels peuvent offrir un rendement. En revanche, leur liquidité est généralement plus faible et les frais de conservation plus élevés. Les prix varient d’un marché à l’autre et selon les circonstances.
En France, les actifs immobiliers (urbains et ruraux) occupent une place importante dans les patrimoines privés. Le «goût pour la pierre» a vraisemblablement été un frein à l’élargissement des marchés financiers. Il témoigne également de la faible attirance pour le risque des détenteurs de capitaux.
Il reste que la présence dans une économie de supports pour la spéculation ne suffit pas. Il faut, comme on l’a vu, une situation de déséquilibre des marchés. Il faut aussi, et surtout, des individus prêts à se lancer dans des opérations aléatoires.
4. Les spéculateurs
Le nombre des spéculateurs est nécessairement limité. La spéculation généralisée constitue une contradiction en soi. Les conduites vis-à-vis de l’inflation en sont une bonne illustration. Chaque consommateur adopte une attitude spéculative quand, anticipant la poursuite de la hausse des prix, il «fuit la monnaie» en achetant massivement des biens de consommation, des immeubles ou des bijoux, selon ses moyens. Ce comportement a pour conséquence d’accentuer encore le mouvement de hausse et même de l’étendre à tous les biens. Le résultat est inéluctable: l’inflation attisée efface l’avantage attendu de la substitution d’actifs réels ou financiers aux actifs monétaires. Les spéculateurs ne peuvent constituer qu’une minorité. Celle qui, comme l’a fort bien écrit Keynes dans la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie , a les moyens de «deviner peu de temps avant le grand public les changements futurs de la base conventionnelle d’évaluation». Ce privilège repose essentiellement sur le niveau supérieur d’information du spéculateur.
Ce critère permet de construire une typologie des agents économiques. Bien que les choix économiques aient toujours lieu dans l’incertain, l’expérience, l’information et la formation, la familiarité avec le milieu donnent aux spéculateurs la possibilité d’associer à certains événements futurs intéressant le marché un coefficient de probabilité. Du même coup, l’incertitude se transforme en risque pour reprendre la distinction classique de F. R. Knight. En revanche, l’incertitude reste la règle pour l’homme moyen. La stratégie de placement est adaptée à cette situation: il choisit de préférence les solutions qui minimisent le risque et qui lui donnent l’assurance d’une rémunération minimale mais régulière. C’est ainsi que le rentier choisissait pour son portefeuille de valeurs des titres à revenu fixe, d’origine publique. Son homologue contemporain – le placeur – se distingue de lui dans la mesure où il a perdu toute illusion monétaire. De ce fait, il est sensible aux titres qui lui permettent de compenser la dépréciation monétaire sans trop réduire la liquidité de ses avoirs. Dans l’un et l’autre cas, la sécurité est privilégiée au détriment du rendement dans le cadre d’une gestion routinière du patrimoine. Le spéculateur, lui, est un risk lover. Il n’hésite pas à assumer la forte probabilité très aléatoire d’un gain important. Par suite de ce choix, il agit à contre-courant. Il se détermine en fonction de ce que la majorité va penser pour profiter du mouvement de balancier dont il devine les oscillations avant les autres. Soucieux de maximiser son profit, il adoptera une gestion très dynamique de son patrimoine en procédant à un arbitrage incessant entre les actifs. En outre, en règle générale, il est davantage intéressé par une plus-value en capital que par le revenu de ses avoirs. La mise en pratique de cette stratégie exige de disposer d’un capital important. L’ampleur des ressources permet de profiter du plus grand nombre des opportunités offertes; elle permet aussi de réduire le risque en diversifiant les actifs, c’est-à-dire en évitant de mettre tous les œufs dans le même panier. Enfin, l’importance du patrimoine diminue la désutilité d’une perte dans la mesure où l’utilité marginale de la monnaie baisse avec le montant de son stock. À la limite, compte tenu des contraintes de l’information et des moyens financiers souhaitables, le spéculateur ne peut être qu’un professionnel. Il ne faut pas le confondre avec l’amateur agissant à la manière des boursicoteurs, ni avec le joueur psychopathe.
5. Effets sur l’équilibre économique
Les spéculateurs ont mauvaise réputation. Leurs gains apparaissent comme un prélèvement parasitaire, comme l’exploitation sans vergogne d’une situation néfaste de déséquilibre économique. Pourtant, certains auteurs estiment que le rôle de la spéculation est positif. Elle permet la réalisation d’une allocation optimale des ressources dans le temps.
Fonction de régulation
De nouveau l’exemple du spéculateur sur le blé est parlant. En achetant au moment de la récolte, il va maintenir le prix à un niveau plus haut que celui qui aurait résulté du simple affrontement de l’offre et de la demande. En écoulant ses stocks durant l’hiver, il freine la tendance à la hausse résultant d’une relative pénurie. Au total, le calcul égoïste du spéculateur a eu pour effet de réduire l’amplitude des variations de prix en limitant les écarts d’approvisionnement saisonniers. Ses interventions ont égalisé les prix pratiqués tout au long de l’année ainsi que les offres. En outre, s’il existe une concurrence entre les spéculateurs, leur profit sera réduit à la rémunération normale du risque encouru. Ainsi, quelle que soit son activité, le spéculateur, dans la mesure où il lui est possible de faire des prévisions concernant la rareté future d’un bien, aura un rôle bénéfique de stabilisateur des fluctuations prévisibles.
Le raisonnement s’est jusqu’à présent limité au cadre de fluctuations relativement régulières de l’offre et par là même prévisibles. Dans cette hypothèse, la spéculation semble avoir une fonction de régulation, qui est d’ailleurs de plus en plus détenue par des organismes publics. Mais il faut considérer le cas où les spéculateurs se trompent sur le sens et surtout la durée d’un mouvement.
Effet déstabilisant
La spéculation alimente la spéculation. Ce fut le cas pour la grande crise boursière de 1929 aux États-Unis. L’optimisme des anticipations était tel que les spéculateurs, aidés par les établissements de crédit, s’endettaient pour acheter des titres dont ils étaient sûrs que les cours allaient encore monter et, par là, que le remboursement serait aisé et le profit assuré. Il en fut ainsi jusqu’à un certain «jeudi noir» d’octobre 1929, qui marqua le retournement du mouvement et la chute accélérée de toutes les valeurs. Le mécanisme fut le même qu’à la hausse; on spéculait à la baisse avec la même frénésie qu’à la hausse. Peut-être, pour la défense de la spéculation, faudrait-il remarquer que le krach de 1929 n’est pas significatif dans la mesure où la spéculation s’était étendue à toutes les couches de la population. Elle n’était plus une activité marginale mais un phénomène massif, ce qui est incompatible avec sa nature.
L’effet déstabilisant de la spéculation peut aussi être mis en valeur dans des conjonctures moins spectaculaires que celle de 1929. Dans le cadre même de fluctuations cycliques des prix et des cours des différents actifs, les opérations spéculatives peuvent avoir pour conséquence d’accentuer l’amplitude et la fréquence des oscillations. En effet, compte tenu de l’imperfection de l’information, les spéculateurs peuvent intervenir en tant que vendeurs ou acheteurs avec un certain retard par rapport au mouvement du cycle. Ainsi, soucieux d’acheter au prix le plus bas, le spéculateur peut attendre trop longtemps et passer ses ordres d’achat alors que le point de retournement inférieur du cycle des prix a été dépassé. En conséquence, il accentuera la tendance renaissante à la hausse. Le même phénomène, en sens contraire, surviendra si les ventes ont lieu après le passage au point de retournement supérieur. Dans ce cas, la baisse des prix sera accélérée. En toute hypothèse, les opérations des spéculateurs n’ont pas automatiquement un effet stabilisant. En revanche, elles sont toujours profitables dans la mesure où les achats-ventes ont lieu au départ d’un mouvement de hausse ou de baisse.
En fin de compte, il n’est pas sûr que la spéculation soit toujours utile à l’économie elle-même. Même si la spéculation ne crée pas de toutes pièces une situation de déséquilibre, elle accentuera vraisemblablement des désajustements en engendrant des comportements qui peuvent toujours se généraliser à d’autres catégories sociales. Ce qui est certain, c’est que la spéculation est l’indice du mauvais fonctionnement de la machine économique et d’une efficacité insuffisante des instruments de politique économique.
spéculation [ spekylasjɔ̃ ] n. f.
• XIIIe; bas lat. speculatio « espionnage; contemplation »
1 ♦ Didact. Étude, recherche abstraite. ⇒ théorie. « Dans les profondeurs inouïes de l'abstraction et de la spéculation pure » (Hugo).
♢ Considération théorique. Spéculations mathématiques. « Les spéculations des [...] philosophes sur les qualités abstraites de la matière » (Renan).
2 ♦ (1776) Cour. Opération financière ou commerciale qui consiste à profiter des fluctuations du marché en anticipant l'évolution du prix (d'une marchandise, d'une valeur) pour réaliser une plus-value; pratique de ce genre d'opérations. S'enrichir par la spéculation. Spéculations immobilières. Spéculation illicite (cf. Délit d'initié).
3 ♦ Fig. Action de miser sur qqch. ⇒ 1. calcul. Elles disent la vérité « par caprice ou par spéculation » (Balzac).
⊗ CONTR. (du 1o) 1. Pratique.
● spéculation nom féminin (bas latin speculatio) Littéraire. Toute recherche, étude qui n'a d'autre objet que de connaître : Les spéculations de la métaphysique. Construction abstraite, commentaire arbitraire et invérifiable : Leur entretien secret a donné lieu aux spéculations des journalistes. Opération consistant à acheter un bien en vue de réaliser un bénéfice de sa revente ultérieure. ● spéculation (citations) nom féminin (bas latin speculatio) Henri Bergson Paris 1859-Paris 1941 La spéculation est un luxe, tandis que l'action est une nécessité. L'Évolution créatrice P.U.F. Jean Giono Manosque 1895-Manosque 1970 Les spéculations purement intellectuelles dépouillent l'univers de son manteau sacré. Les Vraies Richesses Grasset Samuel Langhorne Clemens, dit Mark Twain Florida, Missouri, 1835-Redding, Connecticut, 1910 Il y a deux moments dans la vie d'un homme où il ne devrait pas spéculer : lorsqu'il ne peut pas se le permettre et lorsqu'il le peut. There are two times in a man's life when he should not speculate : when he can't afford it, and when he can. Pudd'nhead Wilson's Calendar ● spéculation (expressions) nom féminin (bas latin speculatio) Spéculation illicite, délit consistant à provoquer la modification artificielle d'un prix par des moyens frauduleux. ● spéculation (synonymes) nom féminin (bas latin speculatio) Littéraire. Toute recherche, étude qui n'a d'autre objet que de connaître
Synonymes :
- pensée
- réflexion
- théorie
Construction abstraite, commentaire arbitraire et invérifiable
Synonymes :
- calcul
spéculation
n. f.
d1./d PHILO étude, recherche purement théorique. Spéculations métaphysiques.
d2./d Opération financière ou commerciale par laquelle on joue sur les fluctuations des cours du marché. Spéculations hasardeuses.
⇒SPÉCULATION, subst. fém.
A. — 1. Opération financière, commerciale faite pour tirer profit des variations du marché. La ville militaire devait être sur la rive opposée; on avait déjà acheté le terrain; on l'avait payé à vil prix, et, par une spéculation adroite, on en eût revendu à un très haut bénéfice, à mesure que la ville se serait élevée (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 251). D'heureuses spéculations de terrains au moment où le gouvernement sarde avait construit en Savoie le chemin de fer du Mont-Cenis (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 19).
SYNT. Spéculation boursière, commerciale, désastreuse, financière, foncière, frauduleuse, hasardeuse, heureuse, illicite, immobilière, malheureuse; bonne, mauvaise spéculation; spéculation à la baisse, à la hausse; faire une spéculation sur les blés.
2. Activité et pratiques que constituent de telles opérations. Synon. accaparement, agiotage (vieilli), boursicotage (fam.). Spéculation inouïe; spéculation sur les grains; se livrer à la spéculation; le commerce et la spéculation. Les accès de hausse et de baisse [à la Bourse] ruinant en deux heures de spéculation des milliers de petits bourgeois, de petits rentiers (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p. 302). La spéculation sur les terrains, à partir de 1880, procède par bonds, facilitée par l'adoption du nouvel étalon-or (MORAND, New-York, 1930, p. 116).
B. — Gén. péj. Action de miser sur quelque chose pour en tirer un profit, un avantage. Synon. calcul. Une honteuse spéculation basée sur les probabilités de ma mort (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 4, 1859, p. 106). Spéculation éhontée sur l'ignorance et la curiosité indiscrète du gros public (ROLLAND, Beethoven, t. 2, 1937, p. 517).
C. — 1. Étude, recherche abstraite, théorique. Spéculation abstraite, désintéressée, intellectuelle, mathématique, métaphysique, philosophique, pure, rationnelle, religieuse. Les spéculations sur le temps, le nombre et l'espace n'embrassent pas l'infini (A. FRANCE, Orme, 1897, p. 74). Les spéculations d'Henri Poincaré sur la relativité de l'espace et du temps, de la mesure (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 158).
2. Pensée abstraite, théorique. Anton. action, pratique. Haute spéculation. On peut (...) dire (...) qu'elle [l'attraction universelle] se retrouverait à toutes les époques de la spéculation depuis Empédocle jusqu'à Roberval, en passant par Saint Augustin (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p. 52). Les penseurs chrétiens se mettaient à même de relier les résultats obtenus par la spéculation grecque à leur propre métaphysique de la création (GILSON, Espr. philos. médiév., 1932, p. 124).
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694, 1718: spe-; dep. 1740: spé-. Étymol. et Hist. A. 1. a) Fin XIIIe-déb. XIVe s. « observation, réflexion » (Gloss. Bibl. royale Bruxelles 9543 ds T.-L.: speculations: estre en estude u em pensee as coses clergauls u devines); 1360-65 (Commentaires de Martin de St-Gille sur les Amphorismes Ypocras, éd. G. Lafeuille, 55 Va, gloss. p. 382); 1370-72 (NICOLE ORESME, Ethiques d'Aristote, éd. A. D. Menut, X, 15, p. 526); b) fin XVIIe s. « observations astronomiques » spéculations des choses célestes (FLÉCHIER, Serm. pour le jour des Rois ds LITTRÉ); 2. a) 1370-72 « recherche théorique abstraite [opposée à la pratique] » (NICOLE ORESME, op. cit., VI, 1, p. 331: de la partie [de l'ame] qui a raison ...une [maniere] est par laquelle l'en a speculacion... ou consideracion vers les choses de quoy les principes sont neccessaires; ... l'autre [irracionele] est par laquelle l'en considere vers les choses contingentes ou variables), cf. 1656-57 (PASCAL, Provinciales, XIII ds Œuvres, éd. J. Chevalier, Paris,1954, p. 811: Cela est permis dans la speculation, mais je n'en approuve pas la pratique); b) XVIe s. le speculation de le verité ([JEAN D'ARKEL] Li ars d'amour, éd. J. Petit, III, 1, XVI, t. 2, p. 300). B. 1. 1755 « calculs sur les opérations de banque, les cours boursiers » (CANTILLON, Essai sur la nature du commerce, p. 343 ds BRUNOT t. 6, p. 169, note 8: les ,,speculations`` des banquiers sur le change); 2. 1830 p. ext. « action de miser sur » BALZAC, La Paix du ménage, in Scènes de la vie privée, t. 2, p. 347 (Mame, Delaunay-Vallée et Levavasseur ds QUEM. DDL t. 16). Empr. au b. lat. speculatio « lieu d'observation » spéc. au fig. (VIe s. HILAR., Psal., 68, 31), et « considération, spéculation théorique » (XVe s. BOÈCE ds BLAISE Lat. chrét.). Fréq. abs. littér.:1 094. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 1 883, b) 1 825; XXe s.: a) 1 512, b) 1 157. Bbg. DE TOLLENAERE (F.). Zur Etymologie von hd. Spekulatius, ...Neuphilol. Mitt. 1983, t. 84, n° 4, pp. 525-526. — GOHIN 1903, p. 292.
spéculation [spekylɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. XIIIe; du lat. tardif speculatio, onis « espionnage » ou « contemplation »; de speculare. → Spéculer.
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2 Philos. Étude, recherche abstraite; considération théorique (surtout en matière de philosophie, de science). ⇒ aussi Raisonnement (infra cit. 9). || La spéculation et la pratique (1. Pratique, cit. 1). ⇒ Théorie. || Les profondeurs (cit. 11) inouïes de l'abstraction et de la spéculation pure. || Les spéculations des philosophes sur l'essence de la matière (→ Divisibilité, cit.). || Spéculations mathématiques (cit. 6), techniques.
1 Si un jour, les contribuables, pour admettre l'utilité du cours de mathématiques transcendantes au Collège de France, devaient comprendre à quoi servent les spéculations qu'on y enseigne, cette chaire courrait de grands risques.
Renan, l'Instruction supérieure en France, Œ. compl., t. I, p. 69.
2 Lorsque le matérialiste se prétend certain de ses principes, son assurance ne lui peut venir que d'intuitions ou de raisonnements a priori, c'est-à-dire de ces spéculations mêmes qu'il condamne.
Sartre, Situations III, p. 140.
3 (1776). Opération financière ou commerciale qui consiste à profiter des fluctuations naturelles du marché (cours des valeurs et des marchandises, prix des biens immeubles) pour réaliser un bénéfice. ⇒ Arbitrage (infra cit. 4). || Spéculation à la hausse (par des achats), à la baisse (par des ventes). || Spéculation désastreuse, heureuse. ⇒ Affaire (II., A., 3.), opération (6.); → Gouffre, cit. 22; palper, cit. 5. || Faire des spéculations. ⇒ Spéculer (II., 2.).
♦ La pratique de ces opérations, l'activité qu'elles constituent. || Spéculation en Bourse. ⇒ Boursicotage (fam.), jeu (supra cit. 34). || Spéculation et affairisme. || S'enrichir par la spéculation sur les blés. (XXe). || Spéculation illicite, qui s'accompagne de manœuvres destinées à fausser le jeu normal de l'offre et de la demande. ⇒ Accaparement, 1. agio (3.), agiotage. || Essor du négoce et de la spéculation. ⇒ Commerce (supra cit. 4; et → 1. Agio, cit. 1). || L'extension de la ville a donné lieu à une spéculation effrénée sur les terrains à bâtir.
3 Les aliments nécessaires à l'homme sont aussi sacrés que la vie elle-même (…)
Toute spéculation mercantile que je fais aux dépens de la vie de mon semblable n'est point un trafic, c'est un brigandage et un fratricide.
Robespierre, Discours sur les subsistances, 2 déc. 1792.
4 Les forêts disparaîtraient, si on les abandonnait à la spéculation privée; il en faut cependant, et voilà pourquoi on les cultive comme choses d'État.
Renan, l'Instruction supérieure en France, Œ. compl., t. I, p. 95.
4 (1830). Fig. Action de miser sur quelque chose. ⇒ Calcul, projet.
5 Le mensonge devient donc pour elles (les femmes) le fond de la langue, et la vérité n'est plus qu'une exception; elles la disent comme elles sont vertueuses, par caprice ou par spéculation.
Balzac, Ferragus, Pl., t. V, p. 57.
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CONTR. (Du sens 2) 1. Pratique.
Encyclopédie Universelle. 2012.