SCHISTES
Les schistes sont des roches d’aspect feuilleté. On retrouve dans ce mot la racine grecque skhizein , «fendre», devenue en latin schisto , «qui se sépare», «qui se divise». Ces roches dérivent de roches argileuses affectées par la diagenèse ou même un léger métamorphisme. Elles sont très répandues dans les séries sédimentaires, soit seules, soit en alternance avec d’autres roches, grès par exemple, pour constituer des séquences rythmiques caractéristiques de certains flyschs. On n’envisagera ici que les schistes sédimentaires, laissant de côté: les schistes métamorphiques, désignés d’après le minéral prédominant (micaschistes, séricitoschistes, chloritoschistes, calcschistes, talcschistes, etc.), les «faciès des schistes» de la classification génétique des roches métamorphiques (faciès des schistes verts, faciès des schistes bleus...), ainsi que les schistes tachetés ou noduleux de l’auréole du métamorphisme de contact (cf. roches MÉTAMORPHIQUES).
La schistosité
Le terme «schistosité» a une signification structurale et non génétique. C’est dire que le feuilletage peut être dû à différentes causes. L’une d’elles est simplement l’alternance de lits très fins pélitiques et micacés, lors de la sédimentation (schistosité primaire). Mais, généralement, la schistosité se développe plus tardivement, au cours de l’orogenèse (schistosité secondaire ou diagénétique).
Ce dernier type se distingue du précédent par le fait que les plans de schistosité ne coïncident pas avec les plans de stratification. Ils sont généralement obliques, et parallèles aux plans axiaux des plis de la roche dans le cas où celle-ci a subi un plissement isoclinal (cf. figure). Plis et schistosité sont dus à la même cause: une contrainte, sensiblement perpendiculaire aux plans de clivage, qui provoque l’orientation des minéraux phylliteux le long de ces surfaces de glissement, comme l’avait déjà montré expérimentalement A. Daubrée en 1879: de l’argile comprimée dans un cylindre s’écoule à travers un orifice rectangulaire en feuillets perpendiculaires à la direction de la poussée.
La schistosité dépend de l’intensité des contraintes mécaniques, mais aussi de la charge des sédiments: il semble qu’elle ne se manifeste qu’à une profondeur de l’ordre de 5 à 10 kilomètres. La limite où apparaît le feuilletage oblique par rapport à la stratification a été appelée par P. Fourmarier «front de schistosité». Il est fonction non seulement des facteurs physiques évoqués ci-dessus, mais aussi de la plus ou moins grande aptitude des roches au feuilletage: ce sont celles de la série argileuse qui se clivent le plus facilement, en donnant des feuillets plus fins et plus réguliers que ceux de toutes les autres roches. Viennent ensuite les marnes, les calcaires, puis les grès. Sous une charge suffisante, des roches extrêmement dures (poudingues, quartzites) peuvent présenter une certaine schistosité, assez grossière il est vrai.
Principaux types de schistes
Lorsqu’une roche pélitique présente une schistosité primaire (due à la stratification), il est préférable de l’appeler argile feuilletée ou shale , en réservant le nom de schistes aux roches dont le feuilletage est d’origine mécanique. Parmi ces derniers, les schistes argileux sont des roches cohérentes, finement cristallisées, dans lesquelles on peut rencontrer du quartz, de la séricite, de l’illite, de la chlorite, de la calcite, de la pyrite et de la magnétite. Leur coloration est variable: noire (matières organiques, graphite), verte (chlorite), rouge ou violette (oxydes de fer), ou bigarrée (divers sels de fer). Les principales variétés sont les schistes bitumineux , qui donnent par distillation des hydrocarbures (huile de schiste). On en a exploité en France, d’âge permien, dans les bassins d’Autun (Saône-et-Loire) et d’Aumance (Allier). Les schistes carburés renferment une proportion assez élevée de graphite et sont utilisés pour le dessin. Les schistes alunifères contiennent de l’alun provenant en partie de la décomposition de la pyrite. Ils peuvent être employés à l’amendement des vignobles, d’où le nom de schistes ampéliteux (du grec ampelos , vigne) donné à certains.
Les schistes ardoisiers ou ardoises sont plus durs et très fissiles. On les exploite en Anjou (Trélazé), en Bretagne (bassin de Châteaulin), dans les Pyrénées et le Massif central, dans les Ardennes (à Fumay), où ils ont une coloration violette. La présence de nodules de calcaire ou de cubes de pyrite de fer diminue leur valeur; les premiers se dissolvent peu à peu, les seconds donnent des oxydes de fer et de l’acide sulfurique qui facilitent la désagrégation des schistes.
Les phyllades se rapprochent beaucoup des ardoises, dont elles se distinguent à l’œil nu par leur aspect plus lustré et plus brillant (schistes satinés). Leur coloration est variable, sombre en général. Les minéraux recristallisés deviennent plus abondants, bien que toujours invisibles à l’œil nu. L’abondance de quartz et aussi de grenat caractérise la novaculite ou coticule (pierre à aiguiser), gris jaunâtre, exploitée à Vieil-Salin en Belgique. Si certains minéraux (andalousite, staurotide, grenats, magnétite, glaucophane) deviennent apparents à l’œil nu, on passe aux schistes à minéraux (schistes tachetés ou noduleux), qui appartiennent à l’auréole du métamorphisme de contact.
Les schistes ont parfois conservé les restes d’organismes fossilisés dans le sédiment originel: graptolithes à l’Ordovicien et au Silurien, fougères, lépidodendrons, sigillaires au Carbonifère, batraciens et poissons au Permien. Généralement, les fossiles ont été aplatis et peuvent être déformés (ammonites elliptiques) ou fragmentés (rostres de bélemnites).
Décomposition des schistes
À cause de leur structure, les schistes sont plus ou moins clivables et très sensibles à la désagrégation physique par le gel, les dilatations différentielles, la pénétration des racines. En climat froid, le débitage en plaques est caractéristique. Les fragments s’accumulent en éboulis à forte pente (zone du Houiller dans les Alpes). En climat tempéré, les schistes ont un modelé doux, dû à l’empâtement des formes sous les débris de décomposition. Les sols, jaunes ou bruns, sont souvent peu fertiles. En climat tropical, l’altération chimique prend le pas sur la désagrégation physique, et on observe une latéritisation progressive dans laquelle on reconnaît, en profondeur, la structure initiale de la roche.
Encyclopédie Universelle. 2012.