AVORTEMENT
La fragilité de l’être vivant est une de ses caractéristiques majeures. C’est pourquoi, à tous les stades de la vie, la mort vient frapper une certaine tranche des populations, animales ou végétales. On parle d’avortement lorsque le phénomène létal a lieu avant la naissance, celle-ci étant envisagée au sens le plus large: un fruit, un bourgeon, un fœtus qui meurent en cours de développement sont des êtres qui ont avorté.
Par une mutation sémantique dont la signification gagnerait à être clarifiée, on transfère très souvent l’action d’avorter à l’organisme qui entretenait en vie le germe défunt. Dans l’espèce humaine, par exemple, c’est la mère qui avorte et non le fœtus – lorsque la vie de ce dernier s’interrompt (avortement spontané) ou est interrompue (avortement provoqué) précocement. Rappelons à ce propos que la durée normale de la gestation est ici de neuf mois et que le fœtus mis au monde avant le sixième mois n’est pas viable dans l’état présent de nos connaissances, quand bien même il serait né vivant. En revanche, à partir du sixième mois, l’enfant peut vivre, bien qu’il soit prématurément né, autrement dit prématuré [cf. PRÉMATURITÉ]. Ainsi la litote masque-t-elle cruellement, en cet exemple qui touche si directement chacun de nous, la précarité de la transmission de la vie. Sa réussite, compte tenu du faible taux de la fécondité humaine, est plus aléatoire qu’on ne le croit généralement et l’avortement accidentel (fausse couche) reste un grave écueil de la reproduction. Quant à l’avortement dirigé, banalisé pourtant au nom de la responsabilité de la mère dans l’acte de la conception, il n’a pas fini d’interroger les consciences.
1. L’avortement spontané
On parle d’avortement spontané lorsqu’une grossesse s’interrompt d’elle-même avant le 6e mois de la vie fœtale.
Le problème posé par cet accident, surtout quand il se répète, est, bien entendu, la recherche de sa cause, seule en mesure de guider la thérapeutique.
L’avortement peut survenir précocement (parfois avec les règles, ce qui pose de difficiles problèmes de diagnostic dans certaines cures de stérilité) dans les semaines qui suivent la conception ou, le plus souvent, entre 6 semaines et 2 mois de grossesse (de 8 à 10 semaines d’aménorrhée, comme il est dit plus souvent actuellement). C’est alors qu’une jeune femme chez qui tout allait bien présente des métrorragies avec parfois quelques douleurs pelviennes (menace d’avortement), qui ne cèdent pas au repos et aux antispasmodiques; à l’examen, l’utérus est trop petit. Ensuite l’avortement, la «fausse couche», se confirme, avec ouverture du col et expulsion de caillots et de débris ovulaires (parfois l’œuf s’évacue en totalité). Des examens complémentaires peuvent être entrepris, dans les formes traînantes: dosages hormonaux et échographie. Bien souvent, on pourra éviter le traumatisme du curetage dans ces avortements naturels: les hémorragies se tarissent, les débris ovulaires ont été évacués, le col se referme et l’utérus s’involue progressivement. En revanche, le curetage est indiqué si les hémorragies continuent et si l’utérus ne s’évacue pas complètement (curette mousse ou curage digital).
Il est plus rare d’assister à des avortements tardifs, avec fœtus vivant, posant des problèmes étiologiques et thérapeutiques particuliers; ou à ceux qui, après mort du fœtus in utero , donnent lieu à ce qu’on appelle la rétention d’œuf mort. Dans cette circonstance, très pénible du point de vue psychologique, il faudra souvent évacuer l’utérus, d’une façon aussi peu traumatisante que possible.
Lors d’une première fausse couche, l’attentisme est préférable (sauf étiologie évidente nécessitant une thérapeutique appropriée): c’est la «fausse couche des jeunes mariées» de la littérature. Le plus souvent, après quelques mois, une nouvelle grossesse pourra intervenir sans difficulté et aboutir alors heureusement à son terme.
En revanche, si un deuxième incident identique se produit, on ne doit plus temporiser: un bilan médical complet du couple essaiera de dépister une étiologie, ce à quoi on n’arrive, selon les différents auteurs, que dans la moitié des cas... Ailleurs on envisagera, par recoupements, diverses hypothèses étiologiques pour tenter, sans grande conviction, d’instituer des thérapeutiques parfois efficaces: c’est dire combien cette question est difficile et loin d’être élucidée.
Bilan clinique et biologique
Tout d’abord, au moment de l’avortement, et si les conditions le permettent, il est nécessaire de prélever l’œuf en flacon stérile et de l’envoyer en laboratoire spécialisé pour cultures de cellules – à la recherche d’anomalies chromosomiques, surtout – et examen anatomo-pathologique (du placenta en particulier). Cela ne peut être souvent réalisé, hélas, pour des raisons pratiques évidentes.
Il faut faire un examen clinique et biologique soigneux de la patiente, en recherchant des causes infectieuses (aspect du col, examen des urines, études bactériologiques), des anomalies anatomiques (fibrome, kyste de l’ovaire, malformation, béance cervico-isthmique congénitale ou acquise), des troubles physiologiques (insuffisance ovulaire et du corps jaune) ayant déjà pu rendre la fécondation difficile. Les examens essentiels seront l’hystérographie et les dosages hormonaux avec tests urinaires et plasmatiques.
Chez le conjoint, le spermocytogramme est nécessaire: si des anomalies spermatiques sont plutôt causes de stérilité, on peut cependant leur attribuer parfois des avortements spontanés. Il faut s’enquérir aussi des familles des conjoints, en recherchant l’éventualité d’avortements fréquents chez les ascendants et les collatéraux, ou des couples stériles dans la parenté.
Le dépistage des maladies générales complétera le bilan: maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle), rickettsioses, toxoplasmose et autres maladies infectieuses, maladies endocriniennes et métaboliques (diabète) ainsi que les infections de l’appareil urinaire. Au niveau local, il faut enfin rechercher listérioses et mycoplasmes.
Principales causes d’avortement spontané
Les anomalies ovulaires sont certainement les plus fréquentes. Un œuf malformé génétiquement (anomalies chromosomiques létales), souvent même, mais pas toujours, anatomiquement, ne se développe plus, meurt et s’élimine. Les anomalies ovulaires seraient cause, selon certains auteurs, de 70 p. 100 des avortements précoces. Il est donc déconseillé de traiter les menaces d’avortement par des hormones (en l’absence de raisons précises), car les chiffres bas des dosages hormonaux sont, à ce stade, secondaires à l’anomalie de l’œuf et non la cause de cette pathologie. En cas d’avortements répétés, une enquête génétique sera nécessaire.
Les anomalies d’implantation sont plus rares: grossesse angulaire, c’est-à-dire logée dans une corne utérine, ou insertion basse, trop près du col utérin. La forme la plus «caricaturale» est la grossesse extra-utérine, tubaire en général, à opérer dès le diagnostic, en raison des accidents qu’elle peut entraîner, hémorragiques surtout.
Les anomalies anatomiques génitales peuvent être diverses:
– fibrome, donnant plutôt des difficultés à la fécondation, mais pouvant déterminer une insuffisance dans la vascularisation placentaire ou, là encore, une implantation vicieuse;
– synéchies utérines, en raison de la modification considérable de la cavité utérine qu’elles peuvent parfois déterminer. Si la grossesse évolue malgré tout, elles pourront causer des malformations des membres et, à l’accouchement, des accidents hémorragiques gravissimes par non-décollement du placenta (placenta acreta);
– malformations utérines congénitales, surtout, avec souvent hypoplasie associée (et insuffisance ovarienne dans bien des cas). Il est à remarquer que, paradoxalement, les malformations les moins marquées embryologiquement (éperon du fond utérin, ou cloisonnement utérin mineur) occasionnent plus d’accidents que les défauts les plus importants: utérus unicorne, par exemple. Elles sont souvent associées à une béance cervico-isthmique, au moins potentielle.
Les béances cervico-isthmiques , congénitales ou traumatiques, seront à traiter au 3e mois de la grossesse par cerclage du col sous anesthésie. Celui-ci agit moins mécaniquement que comme protection anti-infectieuse (sauvegarde du bouchon muqueux qui fait barrage contre les infections ascendantes).
Les grosses infections cervicales seront parfois en cause: des frottis de dépistage au niveau du col utérin (avec colposcopie, pour rechercher des dysplasies) sont alors indiqués.
Enfin, des maladies générales diverses interviennent éventuellement: des infections virales peuvent entraîner des avortements (ou des malformations à la naissance, si la grossesse continue à évoluer).
Les infections urinaires sont certainement à l’origine de nombreux avortements. Chez les patientes atteintes de telles infections, un bilan urologique (urographie intraveineuse) serait utile avant la grossesse. Au cours de la grossesse, les examens de contrôle de la bactériologie urinaire seront réguliers et le traitement immédiat en cas de bactériurie accrue.
Actuellement, on recherche systématiquement les listérioses et mycoplasmoses génitales (endocervicales), car leur traitement spécifique a pu rendre possible l’aboutissement de grossesses; les rickettsioses sont détectées par sérodiagnostic.
La syphilis donne une pathologie propre au fœtus, mais ne semble pas entraîner d’avortements de façon certaine, à l’encontre de ce qu’on soutenait jadis.
Le diabète est cause en principe de morts fœtales tardives, mais un diabète mal contrôlé au début par la thérapeutique pourra faire mourir l’œuf, ne serait-ce que pour des raisons vasculaires.
Dans le cadre de la pathologie hormonale, l’insuffisance thyroïdienne peut être mise en cause, de même que l’hyperandrogénie ovarienne, cette dernière donnant plutôt, d’ailleurs, des stérilités. Les avortements par insuffisance hormonale de l’ovaire (corps jaune) sont fréquents actuellement, en raison précisément du traitement de ces stérilités qui aboutissent bien à des fécondations. Il est habituel de dire que l’insuffisance hormonale se traite avant la grossesse, et en particulier dès l’ovulation, au cas où justement cette dernière serait suivie d’une gestation.
L’hypertension et les maladies vasculo-rénales appellent à un bilan néphrologique précis avec ponction-biopsie du rein; il sera parfois nécessaire de déconseiller une nouvelle grossesse.
Cardiopathies, intoxications et même tabagisme sont encore incriminés: toute la pathologie pourrait ainsi être passée en revue, mais il est finalement assez difficile de rattacher de façon certaine des avortements à tel ou tel chapitre.
Les secousses, les chocs, physiques ou psychologiques, sont souvent rendus responsables de fausses couches, quoique certains auteurs le nient catégoriquement. On peut cependant en toute logique demander à de jeunes femmes enceintes d’éviter le stress et les sports violents. En revanche, une activité et un exercice physique raisonnables sont à encourager. Les rapports sexuels sont possibles, là encore sans excès.
Quant aux causes indéterminées de l’avortement spontané, elles ont suscité d’importantes recherches, notamment en cytogénétique. Il ressort que dans près de la moitié des cas existent des anomalies de la garniture chromosomique du fœtus. D’autres causes sont immunologiques, la grossesse étant, après tout, une «greffe» dont on ne sait toujours pas exactement pourquoi elle prend et pourquoi elle se termine à un moment précis.
2. L’interruption volontaire de grossesse
Rebaptisé interruption volontaire de grossesse en 1979 et autorisé à présent jusqu’à la dixième semaine de la gestation (ou après pour des motifs thérapeutiques), l’avortement provoqué est réalisé par des médecins en milieu chirurgical, par la méthode d’aspiration de Karman, jusqu’à la huitième semaine de gestation, ce qui permet l’asepsie. Au-delà, les médecins préfèrent généralement opérer sous anesthésie générale, légère et de courte durée. Par ailleurs, le contragestif RU 486, mis au point par Roussel-Uclaf, est utilisé en France depuis septembre 1988. L’arrêté du 28 décembre 1988 en fixe les règles d’utilisation, de détention et de distribution.
L’aspect positif des législations non répressives a été de dédramatiser des situations inextricables entraînant le recours à des circuits douteux ou honteusement ruineux. Elles ont eu en revanche le désavantage de favoriser le recours peut-être trop facile à l’interruption volontaire de grossesse qui, malgré d’immenses améliorations, n’est pas dénuée de complications et ne doit donc pas être considérée comme une méthode contraceptive habituelle.
On insiste actuellement sur des accidents et incidents précoces (anémie aiguë, collapsus, perforation utérine, hémorragies) qui devraient être immédiatement reconnus et traités de façon appropriée, en milieu chirurgical; des accidents secondaires: rétention placentaire, hémorragies secondaires, infections (endométrite, salpingite et pelvi-péritonite), dont le traitement est délicat mais bien codifié; des séquelles tardives: hydrosalpinx à la suite d’infection, symphyses endo-utérines (malgré les nouvelles méthodes moins traumatisantes) et altérations de l’endomètre, responsables de prématurité ou d’hypotrophie des enfants ultérieurs, relativement invalidantes par conséquent, béance cervico-isthmique enfin (surtout après I.V.G. répétées), source d’avortements spontanés ultérieurs.
On a constaté aussi des suites psychologiques telles que des séquelles dépressives: sentiment d’échec ayant inauguré la vie commune d’un couple, pour des motifs jugés a posteriori futiles, grossesse jugée trop précoce et appréciée comme un accident dans un planning trop précis.
Une meilleure information du couple et une contraception bien conduite sont donc plus que jamais à l’ordre du jour, car on ne peut se satisfaire d’un état de choses dans lequel, après une interruption volontaire de grossesse, la contraception à long terme n’est appliquée que dans un cas sur trois.
3. L’avortement provoqué clandestin
L’avortement clandestin reste redoutable, car il n’a pas disparu et continue d’occasionner mortalité et graves complications.
Complications locales
La rétention placentaire est à traiter par curage digital ou curetage à curette mousse, car elle risque de provoquer des hémorragies et des infections. L’hémorragie , qui peut être abondante, risque, à son tour, de se compliquer de choc; quelquefois, elle sera traînante, peu abondante, entraînant une anémie plus ou moins marquée. En cas de rétention placentaire infectée , avec fièvre et pertes fétides, l’évacuation utérine doit être alors précédée d’une cure d’antibiotiques.
Les lésions traumatiques, consécutives à l’agression, ont souvent pour siège l’isthme utérin. Elles provoquent des perforations sous-péritonéales, dont le diagnostic se fait à l’occasion de la révision utérine. Une surveillance attentive permet en général d’éviter l’intervention. Parfois, au contraire, on assiste à une perforation intrapéritonéale : les signes péritonéaux donnent ici l’indication opératoire.
D’autres fois encore, les parois utérines cruentées par le curetage pourront s’accoler, donnant secondairement des synéchies ou symphyses utérines traumatiques plus ou moins étendues, d’autant plus difficiles à traiter qu’elles sont plus anciennes. La symptomatologie fonctionnelle habituelle en est une diminution d’abondance des règles, mais, le diagnostic se faisant par hystérographie, il est souhaitable de réaliser cet examen quelque temps après un avortement traumatique, à distance de toute infection, comme bilan chez une personne désirant ultérieurement une grossesse ou un stérilet. Le traitement se fait selon le procédé de Musset: une main abdominale empaumant l’utérus, on resculpte la cavité utérine par voie basse au ténotome de Servelle, et on contrôle par radio peropératoire le résultat obtenu. Après quoi, on introduit dans la cavité utérine un ballonnet qu’on laisse en place pendant dix jours; puis on pose un stérilet, pour une durée de deux mois, pour éviter les accolements secondaires.
L’infarctus utérin , aussi rare que grave, se caractérise par un choc avec effondrement tensionnel, accompagné d’un état infectieux profond et d’une anurie qui souvent sont en rapport avec une toxi-infection à Bacillus perfringens . À l’intervention, l’utérus apparaît de couleur violacée, aubergine ou même brunâtre, avec formation de plaques noirâtres dues à la nécrose des tissus. L’ablation de l’utérus (hystérectomie) est nécessaire, mais, dans la mesure du possible, les ovaires seront conservés. Un traitement antibiotique intensif et surtout la réanimation (traitement du choc et de l’anurie) s’imposent impérativement, mais, de nos jours encore, la mort reste fréquente. On attribue ces troubles à des lésions vaso-motrices et capillaires d’origine neurovégétative.
Complications générales
Les complications générales sont avant tout les septicémies à germes banals (streptocoque hémolytique surtout) qui provoquent une infection générale grave avec anémie progressive. Le pronostic est fonction de la sensibilité du germe aux antibiotiques.
Les toxi-infections sont essentiellement de trois sortes:
– la septicémie à Bacillus perfringens amène une infection générale intense, avec choc, ictère, hémolyse, oligurie, puis anurie et azotémie rapidement croissante; elle est souvent mortelle malgré les progrès thérapeutiques;
– certaines toxi-infections sont dues au colibacille (endotoxines); leur gravité tient surtout au choc qu’elles entraînent;
– il peut s’agir enfin du tétanos , une fois sur quatre de type splanchnique, avec dysphagie et crises de dyspnée avec cyanose. Dans 50 p. 100 des cas, l’issue est encore fatale, malgré les nouvelles méthodes de traitement. On ne saurait donc que déplorer le nombre encore élevé de personnes non ou mal vaccinées contre le tétanos.
On peut encore compter parmi les complications générales les intoxications , lorsque la femme a eu recours à l’absorption de drogues réputées abortives: troubles sensoriels, pertes de connaissance, ictères avec anurie par hépatonéphrite ou néphrites aiguës consécutives à l’absorption de sels de métaux lourds.
On peut enfin assister à des accidents neurologiques . Il n’est pas exceptionnel de voir une syncope mortelle suivre immédiatement la pénétration de l’agent abortif dans le col utérin. Il s’agit sans doute d’un réflexe vasomoteur à point de départ local. Certains accidents mortels sont précédés d’une phase d’hypertonie. On peut, par exemple, assister à des thromboses veineuses cérébrales, avec crises convulsives, troubles psychiques. L’évolution est grave, qu’elle soit fatale ou qu’elle comporte des séquelles hémiplégiques, psychomotrices ou psychiques.
Séquelles
En l’absence de complications immédiates, il convient de ne pas sous-estimer la possibilité de séquelles au décours d’un avortement provoqué. Les lésions inflammatoires chroniques résiduelles, telles que paramétrites et salpingites chroniques, nécessitent souvent des interventions mutilatrices.
Fréquemment apparaissent des troubles fonctionnels : irrégularités menstruelles par dystrophie ovarienne acquise, d’origine inflammatoire; hémorragies par polype placentaire (rétention placentaire ancienne organisée).
On voit aussi naître des troubles psychiques , particulièrement un syndrome de culpabilité, aggravés par l’existence fréquente de séquelles organiques: douleurs, stérilité.
Le retentissement obstétrical ultérieur n’est pas non plus à négliger: grossesses tubaires; insertions basses du placenta; hémorragies lors de la délivrance; ruptures utérines. Ces accidents ont leurs complications propres et peuvent suffire à entraîner la mort. Certaines béances isthmiques, après traumatisme du col, donnent lieu à des avortements spontanés répétés. Nombreuses sont les femmes qui, ayant provoqué sur elles un ou deux avortements, ne peuvent plus obtenir la grossesse qu’enfin elles désirent, car il faut souligner en effet que l’un des risques les plus dramatiques de l’avortement est d’entraîner ultérieurement la stérilité .
4. L’avortement prophylactique
Deux groupes d’indications sont à distinguer: l’avortement pour risque maternel et l’avortement pour risque fœtal. La législation française (lois du 17 janvier 1975 et du 31 décembre 1979) prévoit de faire précéder l’intervention par la consultation de deux médecins, l’un hospitalier, l’autre expert auprès des tribunaux.
Risque maternel
Les maladies rénales et vasculaires, dont l’aggravation s’annonce rapide dans les premiers mois de la gestation, constituent une véritable indication. Bien souvent, du reste, le fœtus meurt in utero vers le quatrième ou le cinquième mois.
Les diabètes évolutifs présentent aussi un risque maternel sérieux. Dans les cardiopathies congénitales les grossesses sont, en général, bien tolérées. Dans les cas de cardiopathies consécutives au rhumatisme articulaire aigu, telles que l’insuffisance ou le rétrécissement mitral, parfois associés, les risques sont par contre importants: vers le cinquième mois peuvent survenir des accidents circulatoires (œdème aigu du poumon); des décompensations cardiaques peuvent également intervenir en fin de grossesse ou au moment de l’accouchement. Une surveillance médicale attentive, le repos complet, la suppression du sel, les tonicardiaques et les sédatifs permettront néanmoins, souvent, d’éviter des accidents graves.
Les affections cancéreuses de la femme enceinte posent des problèmes difficiles. L’association d’une grossesse et d’un cancer du col utérin est rare. Si le cancer est diagnostiqué à un terme avancé de la grossesse, on attendra la viabilité de l’enfant pour faire une césarienne. Si le cancer est diagnostiqué au début de la grossesse, il faut évacuer l’utérus comme temps préalable à la pose de radium et à l’hystérectomie élargie.
Risque fœtal
On recourt à l’intervention prophylactique lorsque le fœtus risque d’être atteint d’affections héréditaires graves, déficiences physiologiques majeures ou malformations monstrueuses. Certains toxiques (thalidomide), des maladies infectieuses (rubéole) sont responsables de risques tératologiques élevés.
Les risques liés à des aberrations chromosomiques peuvent être mis en évidence par l’amniocentèse qui consiste à prélever quelques cellules fœtales pour en déterminer l’équipement chromosomique: c’est le diagnostic anténatal [cf. ANTÉNATOLOGIE].
avortement [ avɔrtəmɑ̃ ] n. m.
• 1190; de avorter
♦ Action d'avorter.
1 ♦ Méd. Expulsion d'un fœtus avant terme, naturelle (⇒ fausse couche) ou provoquée. Avortement thérapeutique, effectué sur décision médicale dans les cas où la santé de la mère ou de l'enfant est menacée. Pratiquer un avortement. Avortement par curetage, par aspiration.
♢ Cour. Interruption volontaire de grossesse, légalisée en 1975. ⇒ I. V. G. Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception (M. L. A. C.). « Un avortement n'est pas un infanticide, c'est un meurtre métaphysique » (Sartre).
2 ♦ Agric. Arrêt du développement d'un organe formé. L'avortement du seigle, des fruits. ⇒ coulure.
3 ♦ Fig. Échec d'une entreprise, d'un projet. ⇒ échec, faillite, insuccès. « L'enthousiasme déçu par l'avortement des grandes espérances de 1848 » (Seignobos).
⊗ CONTR. Aboutissement, réussite, succès.
● avortement nom masculin Interruption prématurée de la grossesse. Développement incomplet ; insuccès, échec : L'avortement d'une tentative. ● avortement (synonymes) nom masculin Développement incomplet ; insuccès, échec
Synonymes :
- échec
- faillite
- fiasco (familier)
avortement
n. m.
d1./d MED, MED VET Expulsion du produit de la conception avant qu'il soit viable.
d2./d Cour. Interruption provoquée de la grossesse.
d3./d BOT Non-développement d'un organe.
d4./d Fig. Insuccès. Ant. aboutissement.
⇒AVORTEMENT, subst. masc.
A.— [En parlant d'êtres animés, animal ou humain]
1. MÉD. VÉTÉR. Avortement traumatique. ,,Avortement causé par des accidents extérieurs, comme chute, blessure, etc.`` (Lar. 19e). Avortement enzootique ou épizootique, p. oppos. à sporadique. ,,Avortement qui s'étend à un grand nombre d'animaux domestiques d'une même contrée ou d'un même établissement`` (Lar. 19e). Avortement facile, laborieux (Lar. 19e) :
• 1. L'avortement est un état naturel chez les kanguroos et une maladie chez les mammifères élevés et chez les femmes.
C. BERNARD, Principes de méd. exp., 1878, p. 269.
2. Usuel. [En parlant d'une femme enceinte] Expulsion du produit de la conception avant qu'il ne soit viable; manœuvre entraînant cette expulsion :
• 2. En Union Soviétique, de 1917 à 1936, l'avortement a été légalisé, puis interdit, et les contraceptifs eux-mêmes ont cessé d'être en vente libre. Mais en 1955, la loi de 1936 a été abolie, la liberté de l'avortement et de la propagande anticonceptionnelle rétablie.
J.-A. LESOURD, C. GÉRARD, Hist. écon., XIXe et XXe s., t. 2, 1966, p. 501.
SYNT. Avortement spontané (LITTRÉ-ROBIN 1865), accidentel (BOUILLET 1859), habituel ou à répétition (Méd. Biol. t. 1 1970), naturel (BOUILLET 1859); avortement ovulaire (LITTRÉ-ROBIN 1865), embryonnaire (BOUILLET 1859), fœtal (LITTRÉ-ROBIN 1865), gémellaire (Méd. Biol. t. 1 1970), môlaire (Ibid.); avortement tubaire (GARNIER-DEL. 1958), tubo-abdominal (Méd. Biol. t. 1 1970); avortement endocrinien (Ibid.), hémorragique (P.-J. TEISSIER [F. Widal, P.-J. Teissier, G.-H. Roger, Nouv. traité de méd., fasc. 2, 1920-24, p. 267]); avortement provoqué (BOUILLET 1859) ou intentionnel (Méd. Biol. t. 1 1970), avortement provoqué médical (LITTRÉ-ROBIN 1865) ou thérapeutique (Lar. Méd. 1970).
Rem. La lang. cour. réserve avortement à l'expulsion volontaire du fœtus non viable, l'expulsion accidentelle étant appelée fausse couche. Quand il n'est pas accompagné d'un qualificatif marquant son caractère de nécessité méd. (avortement thérapeutique), il désigne le plus souvent une intervention volontaire.
— DR. PÉNAL. Avortement criminel (Méd. Biol. t. 1 1970), avortement provoqué criminel (GARNIER-DEL. 1958); une affaire d'avortement :
• 3. La déposition du docteur ne nous apprend rien de nouveau; il explique très longuement que l'enfant a vécu, de sorte qu'on se trouve en présence d'un cas, non d'avortement, mais d'infanticide; pourtant le coup de ciseaux, légèrement donné et comme avec précaution, était plutôt pour s'assurer que l'enfant était mort; ...
GIDE, Souvenirs de la Cour d'assises, 1913, p. 639.
• 4. Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres, violence ou par tout autre moyen aura procuré ou tenté de procurer l'avortement d'une femme enceinte ou supposée enceinte, qu'elle y ait consenti ou non, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans, et d'une amende de 1 800 F à 36 000 F.
Code pénal, décret-loi 29 juill. 1939, art. 82.
B.— P. anal. [En parlant d'un organe, d'une plante, d'un fruit, etc.] Développement incomplet. Avortement des cellules :
• 5. Sous le rapport des ailes, les insectes des six premiers ordres en ont quatre, dont toutes, ou deux seulement, servent au vol. Ceux du septième et du huitième n'ont plus que deux ailes, ou en manquent par avortement.
LAMARCK, Philos. zool., t. 1, 1809, p. 185.
— BOT., HORTIC. Avortement complet, constant, externe, incomplet, interne, naturel; avortement inconstant, accidentel (Lar. 19e) :
• 6. Les fouriétistes affirment qu'une alimentation luxuriante et plantureuse rendrait les femmes stériles, comme une surabondance de sève rend les fleurs plus riches et plus belles en les faisant avorter. Mais l'analogie est fausse : l'avortement des fleurs vient de ce que les étamines ou organes mâles sont changés en pétales, comme on peut s'en assurer à l'inspection d'une rose, et de ce que par l'excès d'humidité la poussière fécondante a perdu sa vertu prolifique.
PROUDHON, Qu'est-ce que la propriété? 1840, p. 283.
C.— P. métaph. et au fig. Fait que quelque chose (processus, entreprise, etc.) n'a pas abouti, échec, insuccès; état qui en résulte. Avortement d'une action, d'une entreprise :
• 7. Ces notes que je prends chaque jour, c'est un avortement heureux des mauvaises choses que je pourrais écrire.
RENARD, Journal, 1896, p. 352.
• 8. Néanmoins, personne ne voulut mettre un sou dans cette affaire, et la locomotion à vapeur sur route avorta. Nous ne pouvons expliquer cet avortement et cet échec que parce que le besoin de tels véhicules ne se faisait pas particulièrement sentir, et aussi par la fidélité à des préjugés routiniers.
P. ROUSSEAU, Hist. des techniques et des inventions, 1967, p. 238.
Rem. L'avortement de l'âme lorraine (BARRÈS, Un Homme libre, 1889, p. 119); pour un emploi du mot dans un cont. semblable, cf. BARRÈS, Un Homme libre, 1889, p. 203 : l'avortement de ma race. À rapprocher de l'ex. 7 : ceci est un cahier d'avortements (RENARD, Journal, 1906, p. 1089).
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST. — Ca 1190 « action d'avorter ». (Sermons St Bernard, 57, 29 ds GDF. Compl. : Trop fus meire cruyere [Jerusalem] quant tu cest avortement volus faire); 1690 (FUR. : ... les grandes peurs sont capables de causer un avortement. On le dit plus proprement dans le langage ordinaire, des animaux. A l'égard des femmes, on dit plutôt une fausse couche, si ce n'est quand l'avortement est provoqué par des remèdes).
Dér. de avorter; suff. -ment1.
STAT. — Fréq. abs. littér. :140.
BBG. — BASTIN 1970. — BERTR.-LAPIE 1970. — BOUILLET 1859. — CHEVALLIER 1970. — Foi t. 1 1968. — GARNIER-DEL. 1961 [1958]. — LAFON 1969. — Lar. méd. 1970. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MARCEL 1938. — Méd. 1966. — Méd. Biol. t. 1 1970. — Méd. Psychanal. 1971. — NYSTEN 1824. — POMM. 1969. — POROT 1960. — PRIVAT-FOC. 1870. — RÉAU-ROND. 1951. — RÉAU-ROND. Suppl. 1962. — SPR. 1967. — ST-EDME t. 2 1825. — YAM.-KELL. 1970.
avortement [avɔʀtəmɑ̃] n. m.
ÉTYM. 1190; de avorter.
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1 Fait d'avorter.
♦ Méd. et cour. Expulsion (→ aussi Accouchement) d'un embryon ou d'un fœtus avant terme, naturelle (fausse couche) ou provoquée. || Avortement traumatique. || Avortement thérapeutique : avortement effectué sur décision médicale, dans les cas où la grossesse menace gravement la santé de la mère. || Pratiquer un avortement. || Avortement par curetage, par aspiration. || Drogue ou dispositif qui provoque l'avortement. ⇒ Abortif. || Séquelles psychologiques de l'avortement.
1 L'avortement ou fausse couche est l'expulsion du produit de la conception avant le 180e jour. Après cette date, l'enfant étant médicalement et légalement reconnu viable, on dit qu'il y a accouchement prématuré.
P. Vallery-Radot, le Grand Mystère de la cellule à l'homme, p. 120.
♦ Vétér. || Avortement d'une vache, d'une brebis.
♦ Cour. Interruption volontaire de la grossesse. || Campagne pour l'avortement légal. || Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception. || L'avortement a été légalisé en France, sous certaines conditions, en 1975. ⇒ Interruption (de grossesse), I. V. G.
2 Dans le langage courant, on désigne par fausse couche l'avortement spontané, par blessure, l'avortement accidentel et par avortement l'avortement provoqué criminel.
Garnier et Delamare, Dict. des termes techniques de médecine.
3 L'avortement, crime puni par l'article 317 du Code pénal, est essentiellement distinct de l'infanticide; il ne peut s'exercer que sur un enfant qui n'a pas encore vu le jour, tandis que l'infanticide consiste dans l'homicide volontaire d'un enfant nouveau-né.
Dalloz, Dict. de droit, Avortement (→ Infanticide).
3.1 Je comprendrai jamais pourquoi l'avortement, c'est seulement autorisé pour les jeunes et pas pour les vieux.
É. Ajar (R. Gary), la Vie devant soi, p. 242.
2 Agric. Arrêt du développement (d'un organe formé). || L'avortement du seigle, des fruits. ⇒ Coulure.
3 Fig. Échec (d'une entreprise, d'un projet). ⇒ Échec, insuccès.
4 Après l'éclatant avortement de son coup d'essai théâtral, il n'osait rentrer dans le logis qu'il occupait (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, II, 1.
5 Ce qui l'abattait, c'était l'avortement évident de sa tentative sur l'esprit du vicaire.
Renan, Souvenirs d'enfance…, I, 4.
6 Le romantisme ne survécut pas à la Révolution. L'enthousiasme, déçu par l'avortement des grandes espérances de 1848 (…)
Ch. Seignobos, Hist. sincère de la nation franç., p. 301.
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CONTR. Aboutissement, réussite, succès.
Encyclopédie Universelle. 2012.