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PHONATION
PHONATION

La communication parlée requiert l’utilisation des organes de la respiration, dans le but d’engendrer des séquences de phénomènes sonores, transitoires, opposables, assemblés dans un tout, suivant certaines règles et dont l’objet est de véhiculer l’expression de la pensée (A. Molès).

L’importance des modifications subies par l’appareil respiratoire dans l’évolution de la lignée des Vertébrés, pour donner naissance à l’organe phonateur humain, illustre et justifie cette formule de J. Piveteau: «La tendance vers plus de conscience, tel est le moteur de l’orthogenèse.»

Dans la voix parlée, on doit distinguer deux domaines. Celui de l’émission des sons vocaliques, qui nécessite une riche fourniture laryngée, d’où sont prélevées des bandes de fréquences privilégiées qui constitueront les formants de la voyelle. L’émission des sons consonantiques est celle de bruits diversement réalisés par l’articulation des organes mobiles sus-glottiques avec les parois fixes du pavillon pharyngo-buccal. Leur mode d’évolution leur confère une valeur sémantique.

Par la qualité acoustique spectrale et temporelle, la voyelle peut être considérée comme l’onde porteuse du message, dont la signification repose plus particulièrement sur la production des consonnes. La première conférerait donc un caractère esthétique au discours (intonation, mélodie), tandis que la seconde dégagerait son contenu sémantique (Abraham Molès).

En fait, la question se pose de savoir où réside le facteur intelligibilité: est-ce dans le mode du transitoire d’attaque des signaux, ou dans leur durée, ou dans une autre dimension?

Les recherches dans le domaine de la psycho-acoustique auditive permettent de penser que la perception et l’identification des sons du langage par les centres nerveux s’effectuent globalement et que, pour le décodage de l’énoncé, la forme générale de l’ensemble (Gestalt ) importe davantage que l’analyse des éléments.

Dans une perspective informationnelle, on peut confirmer que la communication n’est possible que grâce à l’existence préalable d’un vocabulaire commun aux interlocuteurs et que la probabilité d’occurrence des unités composant le message fournira, suivant l’intégrale de Wiener et Shannon, la quantité d’informations nécessaires à son décryptage.

1. Structures anatomiques

Les modifications des structures aux différentes étapes évolutives de la fonction vocale aboutissent avec le larynx humain à réaliser l’organe complexe qui produit les sons de la parole: manifestation d’une adaptation constante pour un meilleur rendement.

Sous quelles influences ces transformations se sont-elles élaborées et à quel déterminisme ont-elles obéi? Dans la mutation des structures anatomiques qui a finalement donné lieu à la disposition des organes phonateurs de l’Homo sapiens , les facteurs déterminants relèvent avant tout de l’adaptation à un mode de vie particulier, en rapport avec les nécessités de l’environnement: il s’agit de la vie arboricole et de l’acquisition de la station érigée. La station verticale et corrélativement le changement d’affectation de l’appareil locomoteur antérieur – qui, libéré, devient organe de préhension et même de broyage des aliments – entraînent une régression et une diminution notable du volume des maxillaires. La faculté de grimper , qui accompagne cette adaptation nouvelle des membres devenus supérieurs, autorise une vie arboricole; dès lors, l’efficacité du geste de traction nécessite la fixité du point d’attache des membres, c’est-à-dire un blocage de la ceinture scapulaire qui ne peut être obtenu que par une apnée en inspiration.

La rigidité de la cage thoracique exige, en effet, que l’air inspiré soit hermétiquement contenu, c’est-à-dire qu’existe une occlusion glottique totale , grâce à quoi l’émission de sons prolongés et durables devient possible, ce qui donnera naissance au langage humain.

En revanche, si l’expiration peut être maintenue et contrôlée, le débit inspiratoire s’en trouve diminué. L’ouverture glottique maximale demeure moins large que chez les espèces où le larynx n’est pas occlusif. Ainsi, le débit du souffle que nécessite une échappée rapide devant le danger se trouve heureusement compensé par la possibilité d’un signal d’appel plus fort et plus continu et d’une fuite rendue possible par l’évasion dans les arbres.

En conséquence de la verticalité, les structures anatomiques des résonateurs se modifient. Chez la plupart des quadrupèdes, en effet, l’axe de la tête se trouve en prolongement de l’axe du corps: il s’ensuit que le voile du palais se place au contact de l’épiglotte, et parfois même repose normalement sur sa face postérieure.

Avec l’apparition de la station verticale et la régression des mandibules, la tête bascule, formant un angle de 900 avec la colonne vertébrale, cependant que la boîte crânienne et la masse cérébrale se développent considérablement. Dès lors, le voile du palais se sépare de l’épiglotte, qui demeure en situation cervicale (fig. 1); en outre, la langue acquiert une plus grande mobilité [cf. PHONÉTIQUE].

Ces différentes modifications auront pour conséquence une meilleure exploitation d’un son laryngé devenu plus continu. Souplesse d’articulation de la langue avec séparation possible des cavités nasales et orales sont autant d’atouts pour la réalisation de signaux sonores variés, qui constitueront la base des sons de la parole. Enfin, le prodigieux développement du système nerveux central permettra d’utiliser toutes ces possibilités pour la réalisation d’un langage hautement élaboré.

2. Physiologie

Il est classique de diviser l’appareil phonateur de l’homme en trois segments: la soufflerie pulmonaire, qui alimente la fourniture acoustique du son glottique; le larynx, qui détermine la hauteur du son fondamental émis; les résonateurs, dont dépendent les modulations du son laryngé, qui sont constitués par les différentes portions du pavillon cervico-facial ou pharyngo-buccal.

La mécanique fonctionnelle

Soufflerie pulmonaire

La respiration normale comporte deux temps d’égale durée: l’inspiration et l’expiration. Seul le temps inspiratoire est spécialement moteur, l’expiration, due à la retombée de la cage thoracique, apparaissant comme sa réplique passive.

Dans la phonation, le temps inspiratoire n’assure qu’un sixième du cycle, mais le temps expiratoire doit alimenter l’émission sonore, c’est-à-dire qu’il doit être contenu et contrôlé. La seule commande volontaire possible est la musculature de l’abdomen. Cette sangle abdominale, qui maintient en place les viscères abdominaux, refoule le diaphragme (par l’intermédiaire de ces viscères) et chasse l’air avec toute la progressivité désirable.

Le larynx

Le larynx est constitué d’une série de cartilages superposés. L’inférieur apparaît comme un anneau différencié de la trachée, fermé en arrière par une plaque verticale qui lui donne l’aspect d’une chevalière. Au bord de ce chaton, deux petites pyramides (aryténoïdes) glissent et pivotent; elles servent de point d’attache postérieur aux cordes vocales (fig. 2). Celles-ci s’insèrent en avant dans l’angle d’un volumineux cartilage («thyroïde») en forme de bouclier ou de proue de navire, dont la saillie antérieure prend le nom de «pomme d’Adam».

En basculant sous ce bouclier, l’anneau cricoïdien entraîne avec lui les pyramides aryténoïdiennes; ainsi, les deux points d’attache des cordes vocales s’éloignent, assurant leur mise en tension; les muscles tenseurs sont les cricothyroïdiens.

D’autres muscles interviennent pour écarter ou rapprocher les pyramides, par conséquent ouvrir ou fermer la glotte. Le système nerveux comprend deux branches du nerf pneumogastrique: le laryngé supérieur, qui assure la tension des cordes à l’aide d’une boucle sensitivo-motrice, et le laryngé inférieur, qui s’adresse à tous les autres muscles (fig. 3).

Rôle des cordes vocales

Le fonctionnement des cordes vocales a été interprété par de nombreuses théories. La plus ancienne, due à Ewald, repose sur une rupture d’équilibre entre le sphincter glottique maintenu fermé par les tenseurs et abducteurs, d’une part, et la pression sous-glottique commandée par la remontée du diaphragme, d’autre part. L’augmentation de cette pression force le barrage glottique et laisse échapper une bouffée d’air; la pression s’étant de ce fait abaissée, les muscles sont ramenés à leur position initiale d’occlusion par leur propre élasticité et le phénomène se reproduit ainsi périodiquement.

Telle est la théorie myoélastique. Elle fut combattue violemment par Raoul Husson dès 1950. Il prétendait faire jouer au système nerveux un rôle prépondérant; régissant des régissants, le nerf laryngé inférieur ou récurrent commandait les muscles vocaux, coup pour coup, suivant un rythme volontaire et imposé d’ouvertures et de fermetures successives. Cette opinion n’eut qu’une courte faveur: elle contredisait toutes les expériences et observations faites antérieurement. Finalement, la théorie myoélastique d’Ewald demeure la seule valable, à condition toutefois de la compléter en y adjoignant, d’une part, le rôle du contrôle automatique dévolu à l’arc réflexe sensitivomoteur du nerf laryngé supérieur, et, d’autre part, en faisant état des phénomènes aérodynamiques impliqués par le rétrécissement glottique, qui provoquent une brusque fermeture par aspiration de la muqueuse (théorie myoélastique complétée: A. Fessard, B. Vallancien, J. Perello).

Rôle des résonateurs

Les résonateurs sont formés essentiellement du pavillon pharyngo-buccal, auquel il faut adjoindre la possibilité d’une participation des cavités nasales lorsque le voile du palais est abaissé.

Le pharynx inférieur, séparé de la bouche par les piliers amygdaliens, constitue un premier résonateur ; la cavité buccale, grâce à sa cloison mobile, la langue, peut être considérée comme constituant deux résonateurs, auxquels il faut adjoindre parfois le résonateur labial.

On doit donc décrire dans ce pavillon des parois fixes (maxillaire supérieur, paroi postérieure du pharynx et éventuellement fosses nasales) et des parois mobiles (voile du palais, isthme du gosier, langue, maxillaire inférieur, lèvres). Ces résonateurs tapissés de muqueuses sont peu amortis, leurs fréquences propres dépendront de leur volume, de leurs orifices et de leur couplage. Cela permettra une combinaison importante d’émissions phonémiques (Roman Jakobson).

La parole et la voix

Le vibrateur laryngé de par sa nature et son fonctionnement n’engendre pas des ondes sinusoïdales, mais se comporte comme un générateur de signaux rectangulaires. Si l’ouverture glottique s’établit progressivement, la fermeture est toujours un accolement brutal des muqueuses des lèvres vocales. On obtient ainsi des impulsions successives, dont la fréquence détermine le son fondamental. Ce son de base est naturellement riche en harmoniques.

Les résonateurs auront pour rôle d’exercer un tri parmi ces partiels en créant un filtrage. La combinaison de deux ou trois de ces premières harmoniques donnera naissance à un son vocalique.

Le son consonantique s’apparente davantage au bruit, soit d’explosion (plosives ou occlusives), soit d’écoulement par frottement (fricatives), soit de sifflement (sifflantes), soit de roulement (vibrantes), etc. Cette combinaison de bruits et de sons complexes, répartie judicieusement, donnera naissance aux phonèmes puis aux mots.

La voix chantée est due à la possibilité d’utiliser le larynx comme un instrument à vent et relève de l’extrême souplesse de l’organe vocal, de son ajustement avec les résonateurs et de la mobilité de sa musculature.

Dans le chant, l’exécution de la gamme en montée se fait à partir d’une position basse du larynx où les muscles sont ramassés, où les cordes sont épaissies et où elles s’accolent sur toute la hauteur de leur paroi interne. Il s’ensuit que l’importance de la masse, à laquelle s’ajoutent la longueur totale vibrante des rubans vocaux et l’accroissement dimensionnel de la cavité sus-glottique, favorise les sonorités graves.

En montant la gamme, le chanteur élève le larynx, les cordes étirées s’amincissent, la profondeur d’accolement diminue, le volume du résonateur sus-jacent aussi. Le son, pour toutes ces raisons, tend à s’élever en fréquence.

Mais cette montée a des limites et, lorsque les cordes parviennent à une tension excessive, le son devient détimbré, criard. C’est l’émission en voix ouverte des chanteurs, qui est fortement déconseillée parce que disgracieuse et dangereuse. La technique du passage aidera à franchir ce cap pour retrouver une position plus adaptée dans un nouveau registre dit «de tête», où le son pourra sans effort et sans altération être à nouveau émis. D’après H. Lullies, cet exercice serait rendu possible par un blocage de la partie externe des cordes, dû à la contraction des muscles périphériques et qui autoriserait une détente du reste de la musculature sans relâchement de la tension des rubans vocaux, excepté dans leur portion marginale. Cette reposition du larynx permettrait d’accéder à un registre supérieur.

Grâce à ce mécanisme, le bord des cordes entre seul en vibration. Parfois même la longueur de la corde vibrante est réduite par suite d’un accolement provoqué de leur partie postérieure (J. Tarneaud).

Les sons émis avec ce mode vibratoire sont de timbres très différents des sons de poitrine ouverts de même hauteur: ils sont moins volumineux, moins sonores et plus stridents (R. Husson).

Paul Moore réserve le nom de «processus d’amortissement» à ce mécanisme musculaire qui produit l’élévation de la hauteur tonale. Pour lui, il serait dû à la réduction de l’unité de masse et à un accroissement de la tension interne de la corde vocale.

En résumé, au moment du passage, il se produit une contraction du faisceau le plus externe de la corde vocale, qui se trouve ainsi immobilisé, diminuant d’autant la partie interne dont la masse réduite demeure libre de vibrer à un régime plus élevé. Cette contraction d’une des couches musculaires pour faciliter le relâchement de l’autre a reçu confirmation expérimentale sous forme d’un couplage de deux ondes électromyographiques recueillies sur les cordes vocales lors de l’excitation du nerf laryngé supérieur (A. Fessard, B. Vallancien; fig. 4).

3. Problèmes cliniques et thérapeutiques

Exploration fonctionnelle

La connaissance du mécanisme de la fonction phonatoire du larynx a été rendue possible, depuis les années 1960, grâce à la multiplicité de techniques modernes qui ont permis de capter l’intimité du processus de la vibration laryngée de l’homme. Parmi les plus précieuses de ces méthodes, il faut citer celles qui utilisent le procédé endoscopique (celui-ci, avec l’aide du cinéma, délivre une étude au ralenti avec enregistrement de la trace oscilloscopique sur le bord du film) ou encore la radiocinématographie avec enregistrement sonore synchrone et la magnétoscopie. Enfin, la strobocinématographie avec asservissement de la lumière par le son immobilise l’image glottique sur une phase déterminée.

Citons aussi les procédés électroniques, parmi lesquels l’électromyographie, la glottographie, la transillumination glottique (B. Sonneson), l’ultrasonographie, et d’autres qui demeurent encore du domaine du laboratoire, telles la photokinétographie (A. Fessard, B. Vallancien) ou la cinédensigraphie (Marchal, B. Vallancien). Mais ces diverses techniques ont l’inconvénient de n’intéresser chacune qu’un des paramètres qui interviennent dans le mécanisme vibratoire des cordes vocales.

Le larynx, en effet, est un organe caché qui se livre difficilement à l’investigation, protégé par les différents cartilages qui le composent; les contours de ses tissus mous sont difficilement visibles aux rayons X. Le larynx étant placé au-dessus du pharynx et en connexion étroite avec les voies respiratoires inférieures, son exploration endoscopique ne peut s’exécuter sans entraver les conditions d’émission normale des sons. Seuls les procédés utilisant des capteurs externes permettent une étude du comportement physiologique de cet organe dans toutes ses possibilités de réalisation vocale.

D’autre part, ces méthodes ont l’inconvénient d’être aveugles. Ainsi une pratique tend maintenant à se généraliser dans les laboratoires: celle de l’analyse des enregistrements synchrones obtenus à partir de plusieurs capteurs afin de comparer à tous moments les variations des graphiques des différents tracés. Cette méthode pluriparamétrique, en temps réel, semble être la plus valable et la plus sûre pour autoriser des conclusions sur le mode vibratoire du larynx (laboratoire de l’U.E.R., «Phonation et recherches sur le langage», Institut de phonétique de Paris).

Au total, depuis 1950, les progrès des techniques électrobiologiques ont fourni un grand nombre de données concernant les problèmes posés par le geste phonatoire chez l’homme. S’il demeure encore quelque obscurité sur le mécanisme intime d’émission des sons du larynx, une meilleure connaissance de son fonctionnement permet de nos jours d’opposer aux désordres fonctionnels une thérapeutique rééducative plus logique et plus efficace.

Orthophonie

Conditions

La phonation repose sur une utilisation correcte et souple des différents organes concernant la production du son:

– La coordination pneumo-phonique . La respiration doit être costo-diaphragmatique afin de permettre un soutien efficace de la voix, sans efforts de la partie supérieure du thorax. Ensuite, une bonne synchronisation respiration-voix est nécessaire pour une émission vocale souple et détendue. La voix doit être émise sur l’expiration; les temps d’inspiration correspondront à la ponctuation: virgules, points dans le discours, soupirs dans la phrase chantée. Un geste respiratoire adapté permet au sujet de parler sans essoufflement ni reprises bruyantes. Enfin, une bonne utilisation du souffle permet d’obtenir l’intensité désirée.

– La hauteur . Celle-ci dépend de la longueur des cordes vocales, de la capacité respiratoire et des dimensions des cavités de résonance. Certaines dysharmonies organiques constituent une gêne au bon fonctionnement du larynx, à savoir: de grandes cordes vocales avec un thorax étroit et de petites cavités de résonance; ou, inversement, de petites cordes vocales, une capacité pulmonaire importante et de grandes cavités de résonance. Il faudra donc obtenir que le sujet s’adapte pour le mieux aux conditions organiques qui lui sont imposées et trouve la hauteur qui lui permet d’émettre une voix claire, sans effort, dans une position relativement détendue.

– Les cavités de résonance . Une bonne utilisation des résonateurs sera un facteur déterminant de l’esthétique de la voix: coloration, richesse du timbre. Il faut éviter ou corriger les différents troubles de la résonance, notamment la voix dite «dans le masque», souvent trop nasale, avec une articulation serrée et un larynx trop haut placé (nasillement), ou encore la voix trop gutturale, écrasée, avec une résonance située principalement dans la partie inférieure du pharynx.

Une bonne résonance de la voix permet d’obtenir des modulations naturelles et une voix «qui porte loin» sans effort.

Indications

La rééducation vocale est indiquée dans un certain nombre de cas pathologiques: parmi ceux-ci, les plus fréquemment rencontrés sont les dysphonies fonctionnelles. Elles sont surtout la conséquence des professions dans lesquelles la voix est un instrument de travail; enseignants, avocats, hommes politiques, standardistes, réceptionnaires, acteurs, chanteurs, etc., qu’il s’agisse d’émettre dans le bruit une voix d’intensité normale ou de parler devant un auditoire plus ou moins important, ou encore en plein air.

Même lorsque le contact avec le public n’est pas nécessaire, une voix mal placée est une source de fatigue nerveuse et son retentissement psychologique sur le sujet est souvent important. Inversement, une «belle voix», émise sans effort et capable d’intensité, donne une grande assurance à l’individu et constitue un atout précieux dans sa vie sociale.

Pathologie de la phonation

Nodules

On rencontre les nodules chez deux types de sujets: les enfants et les femmes, surtout chanteuses en tessiture aiguë (particulièrement soprano coloratur). Ils sont le résultat d’une mauvaise utilisation du larynx dans la phonation des sons aigus.

Pour le traitement, tout dépend de l’ancienneté, de l’importance du nodule et des troubles vocaux qu’il occasionne.

Chez l’enfant, le nodule, qui apparaît comme le résultat d’un malmenage vocal, ne doit jamais être traité chirurgicalement, mais uniquement à l’aide d’un traitement orthophonique qui consistera à obtenir une respiration correcte pour une adaptation à une émission vocale équilibrée. Il faut bien savoir du reste que ces altérations de la corde vocale chez l’enfant sont peu structurées, sujettes à des variations, et régressent souvent au cours du développement du sujet.

Chez l’adulte, si le nodule est récemment apparu, le traitement orthophonique sera entrepris d’emblée pour deux raisons: un équilibre vocal normal constitue une sorte de massage thérapeutique, qui suffit dans certains cas à faire disparaître les modifications de la muqueuse; ce traitement orthophonique constitue un exercice préparatoire et prophylactique pour une cicatrisation correcte, dans les cas où la chirurgie pourrait devenir nécessaire.

Polypes

Les polypes, petits bourgeons de la muqueuse, se distinguent du nodule par leur forme, leur unilatéralité et leur variété (cf. LARYNX [pathologie]).

La plupart du temps, c’est à partir d’un exsudat sous-muqueux que l’irritation chronique ou l’allergie contribue à la formation du polype ; ou bien encore, il apparaît comme le reliquat de poussées aiguës de laryngite chronique œdémateuse inflammatoire qui ne rétrocèdent qu’incomplètement, laissant au sujet un simple enrouement. Il est important de reconnaître si la tumeur est bénigne, car elle peut être le départ d’une dégénérescence, et l’examen histologique est nécessaire.

Le papillome multiple et récidivant de l’adulte et de l’enfant (papillomatose), qui peut apparaître dès la première enfance, est grave, car la pullulation des polypes peut déterminer une obstruction des voies respiratoires. L’évolution en est décevante, nécessitant souvent une trachéotomie. Les interventions chirurgicales itératives ne donnent qu’un répit, et laissent un larynx cicatriciel avec lequel il est parfois difficile de rééduquer convenablement la voix du patient.

Éversion ventriculaire

L’éversion ventriculaire est due à une inflammation importante de toute la muqueuse du ventricule et de la partie supérieure de la corde vocale. C’est au cours d’une laryngite chronique qu’elle se constitue. La muqueuse du ventricule vient faire hernie au-dessus de la corde vocale, sous forme d’une masse gélatineuse en vessie de poisson. La voix devient enrouée, comme cassée. Le traitement sera d’abord pharmacodynamique, par pulvérisation de vaso-constricteurs destinés à décongestionner la muqueuse et à faire rétrocéder les œdèmes; s’il ne suffit pas, le galvanocautère déterminera une rétraction de la muqueuse dans la huitaine qui suit. Là aussi, le traitement orthophonique devra compléter la thérapeutique pour éviter le retour des accidents.

4. L’exploration dynamique vocale

Technique relativement récente d’examen du larynx en consultation, l’exploration dynamique vocale permet d’examiner, dans des conditions physiologiques normales, la phonation et la mobilité pharyngo-laryngée.

Historique

C’est en 1854 que le célèbre musicien Manuel Garcia, frère de la diva de l’époque, se promenant dans les jardins du Palais-Royal eut l’idée de regarder ses cordes vocales; la lumière solaire se reflétant dans le pommeau de sa canne envoyait un rayon au niveau de sa bouche. Par un système de miroirs, il observa pour la première fois les cordes vocales: c’est la naissance de la laryngoscopie.

Depuis lors, les différentes techniques se sont améliorées grâce à l’utilisation de l’électricité et aux progrès de l’anesthésie.

En 1981, le docteur Jean Abitbol a mis au point l’E.D.V. qui associe l’électro-laryngographie et la laryngo-vidéoscopie télévisée. La technique consiste à observer le larynx à l’aide d’un fibroscope, par voie nasale en même temps que la vibration cordale en oscilloscopie.

Instrumentation et technique

Le fibroscope de faible diamètre (3 mm) est alimenté par une lumière froide de 500 watts de source continue ou intermittente (selon que l’on souhaite ou non obtenir un effet stroboscopique). L’image est récupérée par les fibres de verre. On y associe une caméra-vidéo à la sortie du fibroscope, un microphone haute performance, captant la voix, un magnétoscope, un écran de télévision; une vidéo-cassette permet de filmer et donc de conserver objectivement ce dossier médical, véritable carnet de santé de la voix. Cet ensemble technique réalise une télévidéo endoscope.

Ce laryngo-fibroscope est introduit dans la fosse nasale du patient, l’écran témoin permet de diriger la fibre et de visualiser tout l’appareil naso-pharyngo-laryngé.

Les modifications, selon les focales existantes, de la couleur et de la profondeur des champs réels de la région filmée, peuvent être considérées comme un inconvénient, auquel l’opérateur devra se plier. Mais cet examen présente des avantages considérables: aucune anesthésie, même locale, n’est pratiquée, donc aucun choc allergique n’est à craindre.

Cet examen se pratique en consultation courante et peut être réalisé chez le jeune enfant, alors que la laryngoscopie classique indirecte est impossible chez ces sujets.

On procède à l’enregistrement sur vidéo-cassette, examen permettant une comparaison objective, dynamique, comparative à différentes étapes de la maladie et de sa guérison; l’observation lors du chant ou de la parole, d’une nouvelle pathologie: la pathologie dynamique vocale.

Intérêt de cet examen

Il objective une pathologie dynamique d’effort:

– la hernie d’effort de la bande ventriculaire, survenant en phonation forcée surtout chez les professionnels de la voix, visible lors de l’effort vocal qui entraîne une voix fatigable qui s’enroue facilement; en stroboscopie, on voit la corde vocale saine et la bande ventriculaire malade en phase vibratoire;

– la micro-varice cordale devenant turgescente lors du chant ou de la voix parlée forte; en «ralenti», la vibration musculo-muqueuse est altérée sur le plan vertical mais conservée sur le plan horizontal;

– la claudication intermittente de la corde vocale, paralysie intermittente d’une corde, entraînant un «couac» durant quelques secondes;

– le nodule éphémère apparaissant et disparaissant en fonction de la fréquence émise par le sujet, ce qui, sur le plan clinique, se traduit par un déraillement vocal, toujours aux mêmes fréquences;

– la télangectasie cordale, dilatation artérielle en avant des cordes vocales.

En conclusion, il faut insister sur la participation du malade à sa pathologie, à sa guérison entraînant une prise en charge psychologique importante dans le contexte de la voix et de la personnalité, en relation avec la morphologie.

phonation [ fɔnasjɔ̃ ] n. f.
• 1834; du gr. phônê « voix, son »
Didact. Ensemble des phénomènes qui concourent à la production de la voix et du langage articulé. articulation (II), parole, 2. phonie. Troubles de la phonation. dysphonie; phoniatrie.

phonation nom féminin Ensemble des phénomènes qui concourent à la production d'un son par les organes de la voix. Mode de communication des animaux, fondé sur l'émission et la réception de vibrations de fréquence sonore, infrasonore ou ultrasonore.

phonation
n. f. PHYSIOL, LING Production des sons par les organes vocaux.

⇒PHONATION, subst. fém.
PHYSIOL., PHONÉT. ,,Phénomène d'émission des sons du langage lié à la mise en oeuvre des mécanismes neurophysiologiques nécessaires à sa réalisation`` (D. D. L. 1976). Acte, appareil, organe, trouble de la phonation. J'ai un jour «attrapé» le mot grésil comme on imite un geste, c'est-à-dire non pas en le décomposant et en faisant correspondre à chaque partie du mot entendu un mouvement d'articulation et de phonation, mais en l'écoutant comme une seule modulation du monde sonore (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.461). Nous percevons, nous travaillons et nous parlons sans penser à nos sens, à nos muscles non plus qu'aux mécanismes de la phonation (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p.152).
P. méton., rare et littér. Manière de parler. (Ds ROB., Lar. Lang. fr.).
Prononc.:[]. Étymol. et Hist. 1824 (NYSTEN). Formé sur le gr. «son de la voix; voix»; suff. -(a)tion. Bbg. QUEM. DDL t.4.

phonation [fɔnɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1834; dér. sav. de phon-, et suff. -ation.
1 Didact. Ensemble des phénomènes qui concourent à la production de la voix et du langage articulé. Articulation (II.), parole, voix. || Troubles de la phonation. Dysphonie; phoniatrie.
0 Pendant la respiration normale, la glotte est ouverte, et de même pendant l'articulation de certaines consonnes sourdes. Pour la phonation, la glotte doit se fermer tout le long de la ligne médiane. Si la partie de la glotte qui se trouve entre les aryténoïdes reste ouverte en laissant passer l'air, on obtient une voix chuchotée.
B. Malmberg, la Phonétique, p. 28.
2 (XXe). Rare. Manière de parler (→ Maison, cit. 42).

Encyclopédie Universelle. 2012.