PALAIS
PALAIS
Le besoin de protection, le désir d’ostentation, le plaisir de déployer l’espace architectural sont, à des degrés divers selon les époques, le principe des grandes demeures, quel que soit le lieu de leur implantation, rural ou urbain. On a pris l’habitude de parler dans le premier cas de «château» et dans le second de «palais». L’étymologie palatium , résidence de l’empereur originellement sur le Palatin, n’est pas sans importance. Cette classification sommaire ne recouvre pas toute la complexité du problème architectural. Si la plupart des grandes demeures implantées dans la ville sont des palais, résidences somptueuses dépourvues de défenses (le Luxembourg, les Tuileries), la ville peut autant que la campagne, au moins jusqu’à la fin du Moyen Âge, abriter un château. Les châteaux fortifiés incorporés aux défenses de la ville sont innombrables. La reconstruction partielle, l’agrandissement et l’embellissement de certains d’entre eux à l’époque moderne, aboutissant à la formation progressive de demeures de plaisance en pleine ville, ne doivent pas faire illusion: il ne s’agit là que de la mise au goût du jour d’édifices dont le caractère originel fortifié ne fait pas de doute (Amboise) et non de la création de maison de plaisance dans un site urbain. Pour cette catégorie d’édifices, on trouve l’une ou l’autre appellation, château ou palais. La question soulevée par H. Damisch («Histoire et typologie de l’architecture: le problème du château», in Annales , 1963) est d’importance: la distinction n’est pas toujours facile à faire entre château et palais; à quel moment de son développement le Louvre a-t-il cessé d’être un château pour devenir un palais? Dans ce cas précis, la destruction de la grosse tour ou donjon a été déterminante pour le changement de dénomination. Le donjon est le signe constitutif du château-fort; sa destruction permet de mettre en place un autre système architectural visant une monumentalité typiquement palatiale. Le château du Louvre devient palais au fur et à mesure que s’édifient la cour Carrée et la colonnade. Le changement d’orientation de l’accès, l’ouverture vers la ville comptent moins que le déploiement de l’immense écran de colonnes qui prend le relais du «signe» féodal, donnant ainsi à l’édifice le statut de palais.
Un parti architectural ample et un traitement décoratif soigné — où l’ordre monumental, la colonne et le pilastre jouent un rôle obligé — sont liés à la notion de palais. Sauval, admirant l’architecture splendide, enrichie d’une ordonnance de colonnes, des châteaux de Coulommiers, Montceaux, Verneuil, les classe d’emblée parmi les palais. Laugier concéderait la qualité palatiale à Versailles si le château était entièrement reconstruit, avec des colonnades qui le transformeraient et le monumentaliseraient (le projet a d’ailleurs existé). On peut penser que si les projets de Gaston d’Orléans avaient été menés à leur terme, Blois serait devenu un palais et non le château qu’il est resté. Bien qu’intimement lié à la notion de magnificence, le terme de palais ne doit pas masquer l’aspect fonctionnel de ce type architectural. Dans tout l’Occident, il désigne le lieu qui sert non seulement de résidence au responsable de la vie civique ou religieuse, mais aussi de centre administratif au pouvoir. Aussi le terme de palais ne s’applique-t-il pas exclusivement à la résidence du monarque, mais aussi à celle des seigneurs locaux dans les petites villes du royaume. La fonction judiciaire exercée par les grands prélats explique l’appellation de palais donnée aux demeures des évêques, archevêques et cardinaux. Il reste qu’un grand nombre de châteaux — ceux dont le seigneur possède des droits étendus — sont le siège d’une justice particulière. Les prisons, le présidial, appartiennent à la distribution du château, au même titre que la grande salle ou le colombier. Il est vrai que, le plus souvent, et pour une raison qui resterait à éclaircir, les lieux de la justice sont relégués dans un local qui n’a pas été créé pour eux, et ne donnent lieu à aucune création d’espaces comparable à celle qui magnifie le palais. La coexistence de cette double fonction, commune au château et au palais, est clairement résumée par Alberti dans sa célèbre assertion: «Tout château doit être un peu palais, et tout palais un peu château.» L’allusion est claire au rôle d’administration, de défense et de résidence de la grande demeure urbaine. Le palais du podestat que Serlio définit dans le dix-neuvième projet du VIe Livre accentue bien l’aspect défensif de l’édifice en même temps que l’ampleur et la magnificence des espaces publics.
La fonction de résidence du palais s’efface toujours la première, expulsée par la bureaucratie envahissante. Le phénomène intervient à une date très ancienne pour le palais de la Cité; pour le Louvre, cet abandon, déjà amorcé avec l’installation de la Cour à Versailles, est consacré avec grandiloquence au XIXe siècle, au point que N. Pevsner (A History of Buildings Types , Princeton, 1970) a pu considérer l’achèvement du Louvre en 1852 comme une contribution exemplaire à la constitution d’un modèle pour les bâtiments administratifs.
Le terme de «palais» n’a pas toujours été strictement appliqué aux demeures royales; employé dans un sens second, il désigne «une maison de Grand Seigneur, quand elle est bâtie superbement, et surtout en parlant des maisons d’Italie» (Dictionnaire de Trévoux). Mais en Italie, le terme de palazzo recouvre deux réalités différentes correspondant pour la France au palais et à l’hôtel. Le besoin de prestige n’est pas seul en cause; comme on le voit dès les demeures médicéennes du XVe siècle, le palazzo exige, pour d’évidentes raisons de sécurité, une insertion originale dans le tissu urbain et détermine la création d’un «bloc». Le palazzo occupe une insula . Dans quelle ville trouverait-on un équivalent de la Via nuova de Gênes, avec sa succession bien scandée de palais occupant, chacun, un îlot tout entier?
1. palais [ palɛ ] n. m.
1 ♦ Vaste et somptueuse résidence d'un chef d'État, d'un personnage de marque, et par ext. d'un riche particulier. ⇒ 1. château. « les lambris dorés des palais des rois » (Fénelon). Un ancien petit palais du XVIIIe siècle. ⇒ hôtel. Cour d'honneur d'un palais. Palais ducal, épiscopal (évêché). Le palais de l'Élysée à Paris. — Révolution de palais. — (1690) Hist. Ancienne résidence des rois francs. Les maires du palais. Comte, officier du palais. ⇒ 1. palatin.
2 ♦ Ancienne demeure d'un grand devenue lieu public. ⇒ monument. Le palais du Louvre. L'Assemblée nationale siège au Palais-Bourbon. Galeries et jardins du Palais-Royal. Le palais des Papes, à Avignon.
♢ Vaste édifice public construit à des fins semblables. Le palais de Chaillot, le Grand et le Petit Palais à Paris. Palais des expositions, des sports. Palais des congrès.
3 ♦ (1135) Salle d'audience d'une demeure royale ou seigneuriale. — (XVe) Palais de Justice, édifice où siègent les cours et tribunaux. Absolt Le Palais. Gens du (ou de) Palais : juges, avocats.
♢ Par méton. Juges et avocats du Palais. Acte, gazette du Palais. Le langage, le style du Palais.
⊗ HOM. Palet.
palais 2. palais [ palɛ ] n. m.
• v. 1120; lat. pop. °palatium, class. palatum
1 ♦ Cloison qui forme la partie supérieure de la cavité buccale et la sépare des fosses nasales; partie supérieure interne de la bouche. Voûte du palais (⇒ 2. palatin)ou palais dur; voile du palais ou palais mou, qui prolonge en arrière le palais dur. Rôle du palais dans l'articulation (⇒ palatal, vélaire) . Faire claquer sa langue contre son palais.
2 ♦ Cour. (considéré comme l'organe du goût) Gourmet, gourmand qui a le palais fin. Mets qui flatte le palais.
● Palais édifice du domaine public dans lequel siègent les divers tribunaux établis dans une ville.
palais
n. m.
d1./d Partie supérieure de la cavité buccale, séparant les fosses nasales de la bouche. Voûte du palais, ou palais dur (osseux; partie antérieure). Voile du palais, ou palais mou (musculeux; partie postérieure).
d2./d Fig. Sens gustatif. Avoir le palais fin.
————————
palais
n. m.
d1./d Vaste et somptueuse résidence d'un chef d'état, d'un haut personnage. Le palais présidentiel.
— Par exag. Cette maison est un palais!
d2./d Vaste édifice construit pour abriter diverses manifestations. Palais des congrès.
d3./d Le palais de justice ou, absol., le palais: édifice où siègent les cours et les tribunaux.
I.
⇒PALAIS1, subst. masc.
A. —Vaste demeure luxueuse d'un personnage important (souverain, chef d'État, etc.) ou d'un riche particulier. Les cours, plaids, parlements, les tribunaux de l'officialité, se tenaient dans les palais du suzerain ou de l'évêque (VIOLLET 1875). L'art italien commençait dès cette époque à s'extérioriser, à s'appliquer de plus en plus à la décoration des palais d'une bourgeoisie enrichie (FAURE, Hist. art, 1914, p.491). Pour demeure, je n'ai pas voulu du palais de l'Élysée, marquant ainsi que je ne préjuge ni des institutions de demain, ni de la place que j'y prendrai (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p.127):
• 1. Il voit les fortifications qui se découpent en étoile (...), les cours des palais où le soleil tarit les fontaines et les cloîtres des monastères où l'ombre tourne autour des piliers.
BERTRAND, Gaspard, 1841, p.73.
SYNT. Palais ducal, épiscopal, impérial; palais du gouverneur, du gouvernement, du roi; palais florentin, vénitien; palais désert, magnifique; beau, grand palais; petit, vieux palais; palais de marbre; intérieur, salle, seuil, terrasse d'un palais; façades, murs d'un palais; jardins d'un palais; bâtir, décorer un palais; au fond d'un palais; entrer, pénétrer dans un palais; le palais du Louvre, des Tuileries.
1. [Le subst. empl. absol., au sing., avec ou sans majuscule, désigne un palais bien déterminé, selon le cont.] Notre bon frère Jérôme a été convoqué au Palais afin de donner l'absolution au Prince (SALACROU, Terre ronde, 1938, I, 1, p.141):
• 2. On sait que, après l'abdication de Louis-Philippe en faveur de son petit-fils et la fuite de la famille royale, la duchesse d'Orléans, quittant le palais envahi, se rendit, avec ses deux enfants en bas âge (...) à la Chambre des députés...
A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p.114.
SYNT. Arriver, courir, se rendre au palais; sortir du palais; aux abords, aux portes du palais.
2. P.méton. Institution correspondante; ensemble de personnes entourant ce personnage important, plus particulièrement le souverain; cour du souverain. Le monde sait le palais qui divulgua les erreurs de l'héritier noble du célèbre commodore anglais (CHATEAUBR., Mém., t.4, 1848, p.362). L'attention est maintenant fixée sur l'attitude qu'adoptera le palais beylical (Le Figaro, 19-20 janv. 1952, p.7, col. 6).
— Subst. + de, du palais. Relatif à la cour, au gouvernement d'un souverain. Des intrigues de palais. La noblesse française, qui a servi Bonaparte dans les emplois du palais, prétendrait-elle y avoir été contrainte? (STAËL, Consid. Révol. fr., t.2, 1817, p.87). À ces impossibilités générales se joignent pour Bonaparte des tribulations domestiques et des soucis de palais (CHATEAUBR., Mém., t.2, 1848, p.600).
♦Révolution de palais. Soulèvement visant ou conduisant au changement d'un souverain, de son gouvernement. Un ancien ministre se montre-t-il assidu aux Tuileries? Est-il reçu intimement à Neuilly ou à Saint-Cloud? Vite il faut se défendre contre les révolutions de palais (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.383).
P.anal. [Dans un régime non monarchique] [M. Murphy] tentait aussi de susciter, à Vichy même, une révolution de palais (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p.9).
♦[En parlant d'une pers.] Du palais. Qui appartient à l'entourage d'un souverain, à la cour. Intendant, préfet du palais; les dignitaires du palais. Le Roi, Sully, un officier du palais (LEGOUVÉ, Mort Henri IV, 1806, I, 3, p.348). Hé bien, monsieur le chambellan, y aura-t-il des dames du palais près de la nouvelle reine? (A. DAUDET, Port-Tarascon, 1890, p.205).
3. [P.allus. à un récit, en partic. à un conte de fée] Palais enchanté. M. Delteil (...) entrevoyait, plus beau qu'un palais des Mille et une Nuits, son grand dictionnaire édité par les Didot (CHAMPFL., Souffr. profess. Delteil, 1853, p.233).
— [P.compar. avec le palais de la Belle au bois dormant, pour indiquer un certain engourdissement, un manque de dynamisme] Leur outillage désuet, s'il était renouvelé, rapporterait bien plus qu'il ne coûterait. Leurs oeuvres sociales sont en retard de plusieurs lustres sur celles des pays voisins. Une grande partie de notre monde économique ressemble au palais de la Belle au bois dormant (WILBOIS, Comment fonct. entr., 1941, p.13).
— [P.allus. au palais d'Armide] La jeune dame se coucha, ses femmes se retirèrent, et j'en allais faire autant, lorsque je la vis, un moment après, à travers l'espèce de brouillard dont ma lunette se couvrit, se relever doucement (...); à mon grand regret, le brouillard s'épaissit, et le palais d'Armide disparut à mes yeux (JOUY, Hermite, t.5, 1814, p.49).
4. P.anal. [La pie] s'envola à grand bruit, et regagna son palais de verdure (MUSSET, Hist. merle bl., 1842, p.58):
• 3. —Le vent, le vent pendant les nuits d'hiver lucides
Pâlit les cieux et les lointains comme un acide.
—Voici qu'il vient du pôle où de hauts glaciers blancs
Alignent leurs palais de gel et de silence...
VERHAEREN, Mult. splendeur, 1906, p.82.
5. P.exagér. Quel palais! Tel était l'ensemble et le contour de mon nouveau palais, partagé en deux pièces (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.314):
• 4. Voilà un gîte suffisant, dit Glenarvan, s'il n'est pas confortable (...). —Comment donc, répondit Paganel, mais c'est un palais! Il n'y manque que des factionnaires et des courtisans. Nous serons admirablement ici.
VERNE, Enf. cap. Grant, t.1, 1868, p.109.
6. P.métaph. Le palais de la pensée. Dans le palais secret de son âme (BARRÈS, Voy. Sparte, 1906, p.120). La connaissance n'est ni une mosaïque de résultats empiriques ni un palais de pures idées (LACROIX, Marxisme, existent., personn., 1949, p.54).
B. —Vaste bâtiment public abritant une assemblée, des services, un musée, construit spécialement dans ce but ou résultant de l'aménagement d'un palais (sens A) historique. Palais communal, municipal; palais des congrès, des sports; palais de la Découverte. Imprimerie d'art gigantesque, installée dans un palais construit spécialement et selon les méthodes les plus modernes (Arts et litt., 1936, p.76-4). Les palais espagnols des banques et des compagnies d'assurances, là-haut, dans l'ombre (MALRAUX, Espoir, 1937, p.471).
♦Palais nationaux. ,,Bâtiments de caractère monumental, appartenant au domaine de l'État, affectés à un service public ou d'intérêt général (...) et dont l'administration est rattachée au département des Beaux-Arts`` (CAP. 1936). C'est le cas des collections de certains de nos palais nationaux (Arts et litt., 1935, p.84-12).
— POLITIQUE
♦Palais (du Luxembourg, du Sénat). Édifice où siège le Sénat (autrefois le Sénat Conservateur, la Chambre des Pairs); institution correspondante. Le métier de secrétaire de rédaction est un des plus épineux qui soient (...). Il faut (...) l'esprit de curiosité: «Que se passe-t-il à la Chambre?... Au Palais?... au conseil des ministres? (...)» (L. DAUDET, Brév. journ., 1936, p.217). Laurent (...) but un verre de bière et, par la rue de Médicis, gagna le palais du Sénat (DUHAMEL, Combat ombres, 1939, p.253).
♦Palais(-Bourbon). Édifice abritant la Chambre des Députés ou l'Assemblée Nationale; institution correspondante. L'ovation du Palais-Bourbon à Barthou (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.403):
• 5. En achevant son inspection du terrain de combat [la Chambre des Députés], il aperçut dans la tribune militaire, debout, au premier rang, l'officier de service qui venait d'y entrer. Il reconnut sous l'uniforme le capitaine Andarran. Le poste du Palais était fourni ce jour-là par l'infanterie de marine...
VOGÜÉ, Morts, 1899, p.367.
C. —Palais (de justice)
1. Palais de justice. Édifice où s'exerce la justice. Il sera chroniqueur judiciaire, et suivra, de palais de justice en palais de justice, les procès à sensation (Civilis. écr., 1939, p.42-5).
2. P. ell. de justice. [Avec ou sans majuscule] Au jour fixé, nous étions tous au Palais et dans la salle du tribunal (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.215). Quand il pleut, il va au théâtre applaudir les acteurs, au palais écouter les avocats (Encyclop. éduc., 1960, p.13).
— P. méton. Institution correspondante; ensemble des personnes siégeant au palais de justice; profession d'avocat. C'était (...) ce qu'on appelait une bonne famille que celle des Arnauld (...) poussée de toutes parts dans la guerre, dans les finances et au Palais (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t.1, 1840, p.63):
• 6. Oui, c'est un fier coquin, des écus amoureux,
Qui trente ans monnaya le coeur des malheureux,
Et qui, fourré souvent dans mainte sale affaire,
Au dire du Palais empoisonna son frère...
BARBIER, Satires, 1865, p.18.
♦Subst. + de, du palais, Palais. Relatif à cette institution, à l'exercice de la justice. Gazette du Palais. Les vacances du Palais coïncidant avec celles du collège, août et septembre nous réunissaient ici (MAURIAC, Noeud vip., 1932, p.103).
Gens de palais. Personnes siégeant au palais de justice. Contradictions exploitées fort habilement par les gens de palais, de finance et de commerce (PROUDHON, Propriété, 1840, p.329).
Jours de palais. Jours où siègent les tribunaux. C'est vous qui mènerez promener Cosette mes jours de palais (HUGO, Misér., t.2, 1862, p.659).
[En parlant d'un mode d'expression] Qui est utilisé dans les actes judiciaires, les plaidoiries. Style de palais. Tiens, il faut prévenir les locataires quand il y a dans les maisons des cas redhibitoires... Ah! c'est un terme de palais, vous ne connaissez pas cela, vous (DUMAS père, Chev. d'Harmental, 1849, I, 1, p.217). Le journaliste qui se spécialise dans la chronique judiciaire (...) doit connaître parfaitement le jargon du Palais (COSTON, A.B.C. journ., 1952, p.115).
Rem. Palais se rencontre parfois comme 1er élém. d'un mot comp., le second élém., également subst., indiquant l'aspect, la fonction de ce palais. Le redoutable palais-forteresse d'Avignon (HUGO, Rhin, 1842, p.434). Au-dessus des uniformes terrasses du palais-musée (RENAN, Avenir sc., 1890, p.460).
REM. Palazzo, subst. masc., [mot ital.] Palais. Cette construction massive et sans originalité n'est qu'une médiocre contrefaçon de palazzo florentin (RÉAU, Archives, bibl., musées, 1909, p.10).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist.1. Ca 1050 paleis «demeure vaste et luxueuse appartenant ou ayant appartenu à un personnage important» (St Alexis, éd. Chr. Storey, 403); 2. ca 1140 «résidence d'un roi» (Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 330); p.ext. 1674 «ensemble des personnes qui y vivent» (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettre du 5 janv. ds Corresp., éd. R. Duchêne, t.1, p.656: dames du palais); 3. 1461 «édifice où siègent les différents tribunaux d'une ville» (Fr. VILLON, Testament, éd. J. Rychner et A. Henry, 1770); 4. 1759 «vaste bâtiment officiel consacré à un usage d'intérêt général» (VOLTAIRE, Candide, p.121: palais des sciences). Du lat. palatium, qui désignait proprement le mont Palatin et qui prit à l'époque d'Auguste le sens de «palais impérial» parce qu'Auguste fit construire sa demeure sur cette colline de Rome; le mot désigna par la suite tous les palais impériaux, y compris hors de Rome, puis les palais des gouverneurs. Voir FEW t.7, pp.489-490a.
II.
⇒PALAIS2, subst. masc.
A. —Partie supérieure interne de la bouche en forme de voûte osseuse à l'avant terminée par une partie molle à l'arrière et séparant la bouche des fosses nasales. La langue colle au palais. Il cherche des yeux la carafe de cristal afin d'humecter son palais desséché (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p.320). M. Urbain Levêque fit claquer sa langue contre son palais avec un bruit gourmand et appliqué (DUHAMEL, Nuit St-Jean, 1935, p.23). [Des troubles mineurs de la parole] sont causés par un placement défectueux de la langue par rapport au palais ou aux dents (Encyclop. éduc., 1960, p.204).
— [Chez de nombreux animaux] Je n'ai encore reconnu la succession [de dents] par-devant, que dans un palais d'un poisson (CUVIER, Anat. comp., t.3, 1805, p.128). Kiki-La-Doucette, bâillant montre ses dents en aiguilles, le velours rose et sec de son palais (COLETTE, Dialog. bêtes, 1905, p.61).
♦ART CULIN. Un ragoût de palais de mouton (Ac. 1835, 1878). Palais de boeuf en allumettes. Vous commencez par couper vos palais en petits filets de la grosseur des allumettes (Gdes heures cuis. fr., Grimod de La Reynière, 1838, p.160).
— ANATOMIE
♦Palais mou ou voile du palais. Partie arrière molle, musculo-membraneuse du palais. Synon. voile palatin (v. palatin2). Était-ce donc une angine couenneuse? Pourtant, il n'avait pas remarqué de fausses membranes sur les piliers du voile du palais (ZOLA, Joie vivre, 1884, p.914). Le palais mou provoque l'ouverture ou la fermeture des fosses nasales (Ling. 1972).
♦Palais dur, osseux ou voûte du palais. Partie antérieure osseuse du palais. Synon. voûte palatine (v. palatin2). Il se forme (...) une voûte complète, un palais osseux, qui sépare les fosses nasales de la région buccale antérieure (E. PERRIER, Zool., t.4, 1928, p.2987). Sur les parois latérales du pharynx, un peu au-dessus de la voûte du palais, se trouve l'orifice de la trompe d'Eustache (QUILLET Méd. 1965, p.126). Pour la production des voyelles palatales (...) le dos de la langue se porte vers la partie antérieure de la cavité buccale, vis-à-vis du palais dur (MOUNIN 1974, s.v. palatale).
♦Os du palais. Chacun des deux os qui terminent la voûte du palais. Synon. os palatin (v. palatin2). On voit des gens dont les os du palais ont été cariés et détruits par le virus vérolique (GEOFFROY, Méd. pratique, 1800, p.536).
— PHONÉT. Palais artificiel. Plaque épousant la forme du palais, recouverte de poudre blanche, permettant l'étude du contact de la langue lors d'une articulation. La palatographie consiste à fixer la trace des contacts linguaux sur des palais artificiels placés dans la bouche des sujets (PERROT, Ling., 1953, p.34).
— [P.allus. à la Bible Ps. 136 (137), 6] Les portes de Jérusalem à jamais elles seront déverrouillées! Ah, que ma main se dessèche, et que ma langue s'attache à mon palais (...) Si jamais je m'oublie de toi, Jérusalem! (CLAUDEL, Poés. div., 1952, p.846).
B. —P.méton. [Gén. accompagné d'un adj.]
1. Sens du goût (dont le siège principal est le palais). Avoir le palais fin; flatter le palais. L'odorat et le palais sont bien moins exercés que notre regard (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p.52).
2. Personne possédant ce sens. Les palais les plus délicats s'arrangent très-bien des saucissons d'Arles, des mortadelles (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p.258):
• ♦ Vous étiez, Josille, un fin palais. On m'a conté que vous reconnaissiez l'année d'un vin rien qu'à en rouler quelques gouttes sur votre langue.
PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p.14.
C. —BOT. ,,Partie renflée au-dessus de la gorge, dans les fleurs en forme de mufle ou de masque`` (FOURNIER 1961).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1re moitié du XIIes. anat. (Psautier de Cambridge, 21, 16 ds T.-L.); 2. p.méton. ca 1220 (trad. de Martin de Braga, 509, ibid.: Fains escommueve ton palais Et non pas savors de palais). Du lat. vulg. du domaine gallo-roman palatium, altération du lat. palatum «palais (de la bouche)» sous l'infl. de palatium (palais1).
STAT. —Palais1 et 2. Fréq. abs. littér.: 7079. Fréq. rel. littér.: XIXes.: a) 16455, b) 10605; XXes.: a) 7640, b) 5785.
1. palais [palɛ] n. m.
ÉTYM. V. 1160; paleis, 1050; du lat. palatium, proprt « le (mont) Palatin » sur lequel Auguste avait fait édifier sa demeure.
❖
1 Vaste et somptueuse résidence d'un chef d'État, d'un personnage de marque, et, par ext. (1558; sous l'influence de l'ital. palazzo; et surtout à propos des grandes maisons de ce pays), d'un riche particulier, d'une famille puissante. ⇒ Château. || Roi auguste (cit. 11) au milieu de son palais. || Bouffon (cit. 5) d'un palais. || Bâtir (cit. 10) des palais superbes et magnifiques. || « Les lambris (cit. 4) dorés des palais des rois » (Fénelon). || Façades (cit. 2) de marbre des palais. || « Des palais romains le front audacieux » (→ Bâtir, cit. 1, du Bellay). || Un ancien petit palais du XVIIIe siècle. ⇒ Hôtel. || Cour d'honneur (cit. 88) d'un palais. || Palais ducal (→ Campanile, cit. 1), épiscopal (⇒ Évêché). || Palais d'un prince turc. ⇒ Sérail. — Le palais de l'Élysée à Paris, du Vatican à Rome. — Révolution de palais.
1 On marche (à Gênes) sur le marbre, tout est marbre : escaliers, balcons, palais. Ses palais se touchent les uns aux autres; en passant dans la rue on voit ces grands plafonds patriciens tout peints et dorés.
Flaubert, Correspondance, 93, 1er mai 1845.
2 Les chevaux s'arrêtèrent devant le palais Albertinelli. À la sombre façade, de rustique appareil, étaient scellés ces anneaux de bronze (…) qui marquent, à Florence, l'habitation des plus illustres familles.
France, le Lys rouge, XII.
2 (1674). Absolt. (Anciennt). || Le palais du roi de France, à Paris (sur l'emplacement actuel du Palais de Justice jusqu'à Charles VII, puis au Louvre, aux Tuileries) ou à Versailles; par métonymie, la Cour. || Les dames (cit. 10) du palais.
♦ (1690). Hist. Ancienne résidence des rois francs, et, par métonymie, leur entourage immédiat, le gouvernement franc. || Maires (cit. 3) du palais. || Comte, officier du palais. ⇒ 1. Palatin.
3 Quelle était précisément cette charge des maires du palais ? (…) Quiconque connaît l'esprit de la famille germanique ne s'étonnera pas de trouver dans le maire un officier du palais (…) Chez ces nations, quiconque est grand dans le palais est grand dans le peuple. Le plus grand du palais (major) devait être le premier des leudes (…)
Michelet, Hist. de France, II, I.
3 Logis somptueux. || Mais vous habitez un palais ! — Par plais. Abri, retraite d'un animal. || Un pin, vieux palais d'un hibou (cit. 1, La Fontaine). || « Du palais d'un jeune lapin… » (→ Emparer [s'], cit. 2, La Fontaine).
4 (1772, dans un nom propre). Ancienne demeure d'un souverain, d'un noble, d'une riche famille, devenue lieu public et abritant un musée, une assemblée, des services d'intérêt général. ⇒ Monument. || Le Palais du Louvre, de Fontainebleau, de Versailles (→ Notoire, cit. 2). || L'Assemblée nationale siège au Palais-Bourbon, le Sénat au Palais du Luxembourg. || Galeries et jardins du Palais-Royal (→ 1. Le, cit. 15; narguer, cit. 2). || Palais des Papes, à Avignon. — (XIXe). Demeure analogue à l'étranger. || Le Palais Pitti, à Florence; le Palais Farnèse, à Rome. || Le Palais des Doges, à Venise. || Le Palais d'Hiver, à Leningrad. — (1875). Vaste et grandiose édifice public construit spécialement à des fins semblables. || Le Palais de Chaillot, de la Défense; le Grand et le Petit Palais; le Palais des Sports, à Paris. || Palais des expositions.
4 Le palais ducal (à Venise), dans la forme où nous le voyons aujourd'hui, date de Marino Faliero (…) On entre dans cet étrange édifice, — à la fois palais, sénat, tribunal et prison sous le gouvernement de la république, — par une charmante porte à l'angle de Saint-Marc, entre les piliers de Saint-Jean d'Acre et l'énorme colonne trapue supportant tout le poids de l'immense muraille de marbre blanc et rose qui donne tant d'originalité à l'aspect du vieux palais des doges.
Th. Gautier, Voyage en Italie, X.
b (XVe). Mod. || Palais de Justice : édifice où siègent les cours et tribunaux. || Mander (cit. 5) un témoin au Palais de Justice, ou, absolt, au Palais. || Gens du ou de Palais : juges, avocats… || Salle des pas perdus du Palais. || Avocat qui plaide au Palais (→ aussi Hérisser, cit. 15). — L'horloge (cit. 2) du Palais. — Littér. || La Galerie du Palais.
5 Des sottises d'autrui nous vivons au palais (…)
Boileau, Épîtres, II.
5.1 C'est ainsi que Jean après s'être lavé, changé, avoir dîné chez lui, venait le soir retrouver Durrieux dans cette taverne et que, après s'être mêlé fiévreusement l'après-midi dans ce palais Renaissance qu'on appelle le Palais de Justice, aux immenses escaliers de marbre, aux longues galeries qui donnent sur le fleuve, aux agitations de ces affaires publiques (…)
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 622.
♦ Par métonymie. Juges, avocats du Palais; leur activité. ⇒ Tribunal. || Acte, gazette du Palais. || Le langage, le style du Palais : le langage, le style juridique. || En termes de Palais (→ 1. Marc, cit.). — Jours de Palais : jours où siègent les tribunaux.
6 (…) les matières de Palais ne pouvaient pas être un sujet de divertissement (…)
Racine, les Plaideurs, Au lecteur.
7 (…) vous êtes d'ores et déjà une des plus grandes vedettes du Palais (…) Et (…) l'annonce d'un procès où le procureur Maillard siégera au banc du Ministère public commence à faire courir toute la capitale (…)
M. Aymé, la Tête des autres, I, 5.
❖
CONTR. Bicoque, cagna, chaume, chaumière (cit. 2), masure.
DÉR. (Du même rad.) 1. Palatin.
HOM. 2. Palais, palet.
————————
2. palais [palɛ] n. m.
ÉTYM. V. 1120; du lat. pop. palatium, du lat. class. palatum, « étymologie… p.-ê. étrusque. Palatium (palais) pourrait avoir la même origine » (Meillet).
❖
1 Anat. et cour. Cloison qui forme la partie supérieure de la cavité buccale et la sépare des fosses nasales; partie supérieure interne de la bouche. || Voûte du palais (⇒ 2. Palatin) ou palais dur; voile du palais ou palais mou (→ ci-dessous, cit. 1). || Muqueuse du palais. || Division, malformation congénitale du palais (⇒ Bec-de-lièvre, cit.). || Obturer une perforation du palais. ⇒ Uranoplastie. — Rôle du palais, du voile du palais dans l'articulation. ⇒ Palatal, palatalisation; vélaire, vélarisation. — Soif qui dessèche le palais (→ Fermer, cit. 32; et aussi ardeur, cit. 5). || Poivre qui brûle le palais (→ Incendier, cit. 2). || Faire claquer, clapper sa langue contre son palais.
1 La paroi supérieure de la bouche est formée dans ses deux tiers antérieurs par la voûte palatine, dans son tiers postérieur par une portion du voile du palais (…) La voûte palatine (…) est une région en forme de fer à cheval, circonscrite en avant et sur les côtés par le rebord alvéolaire des deux maxillaires supérieurs (…) Le voile du palais est une cloison musculo-membraneuse, épaisse de un centimètre environ, qui prolonge en arrière la voûte palatine, d'où le nom de portion molle du palais (…)
L. Testut, Traité d'anatomie, t. IV, p. 22 et 33.
2 (V. 1265). Cour. (Considéré comme l'organe du goût). ⇒ Goût. || Gourmet (cit. 2), gourmand (cit. 5 et 7) qui a le palais fin. || Mets qui chatouille (cit. 3), flatte (cit. 5) le palais. || Liqueurs frelatées, trop fortes qui blasent (cit. 2), gâtent le palais (→ Fin, adj., cit. 8).
2 (…) la suprême bonté, qui a fait du plaisir des êtres sensibles l'instrument de leur conservation, nous avertit, par ce qui plaît à notre palais, de ce qui convient à notre estomac.
Rousseau, Émile, II.
♦ Par métaphore :
3 (…) le condiment que Théophile Gautier jette dans ses œuvres, qui, pour les amateurs de l'art, est du choix le plus exquis et du sel le plus ardent, n'a que peu ou point d'action sur le palais de la foule.
Baudelaire, l'Art romantique, XX, I.
❖
DÉR. (Du même rad.) Palatal, 2. Palatin.
HOM. 1. Palais, palet.
Encyclopédie Universelle. 2012.