NOMINALISME
Lorsqu’on envisage une «enquête sur le nominalisme» à travers l’histoire de la philosophie (comme le propose la thèse de Jean Largeault), on se trouve devant une diversité de doctrines entre lesquelles l’assimilation semble purement nominale. Pour faire face à cette difficulté dans les limites d’un court article, on a choisi au Moyen Âge un nominalisme typique: celui de Guillaume d’Ockham, au XIVe siècle, désigné à l’attention par l’importance croissante que lui donnent les études contemporaines. Une fois manifestée la cohérence de ses divers aspects, logique, ontologique, théologique, on signalera, dans une seconde partie, la situation des doctrines ultérieures par rapport au type ainsi obtenu; il en suivra un essai de perspective.
Un nominalisme médiéval typique
Problème des universaux et science des termes
Si, adoptant la voie classique, on entre dans le nominalisme médiéval par le problème des universaux, on se demandera comment ces universaux se présentent à un médiéval formé dans la tradition logique issue d’Aristote.
Un passage fameux de l’introduction écrite par le philosophe néo-platonicien Porphyre au traité aristotélicien des catégories explique qu’il s’agit des genres et des espèces, par exemple d’«animal» et d’«homme». On est dans un univers mental où les individus, êtres singuliers, se rangent dans l’emboîtement hiérarchique d’une classification naturelle. Par-delà espèces et genres, on aperçoit les catégories, genres suprêmes, et, au-delà de tout genre, les «transcendantaux», dont «l’être».
C’est dans une logique de la prédication que, par opposition au singulier, l’universel se définit comme un prédicat dont la nature est de pouvoir être attribué à plusieurs sujets: définition qui le rapporte aux propositions dont il sera un des termes. La logique est une sermocinalis scientia , science de termes; le nominalisme médiéval, un «terminisme».
Avant même Pierre Abélard, le problème de la nature de ces termes universaux s’est posé à partir de l’opposition res-vox : d’un côté, la chose signifiée; de l’autre, le mot qui la signifie, conçu d’abord dans sa réalité physique d’ébranlement de l’air par un mouvement de la langue. Le terme, en effet, se présente en premier lieu comme proféré, en deuxième lieu comme écrit, en troisième lieu comme simplement conçu, le concept étant assimilé à un signe, l’ensemble des concepts à un langage.
En considérant le mot comme terme de propositions, on saisit le sens de la théorie de la suppositio , élaborée dans l’intervalle qui sépare Abélard de Guillaume d’Ockham. Le logicien médiéval, qui ne disposait pas des langues symboliques des logiques modernes, devait rendre aussi exacte que possible la «langue naturelle» dans laquelle il s’exprimait, tendre à en éliminer les ambiguïtés et les équivoques en précisant, par exemple, ce dont un même terme tient la place (...supponit pro ...) dans chacune des propositions dont il est le sujet. Comme il s’agit du latin, dont la structure ne coïncide pas avec celle du français, il faut considérer les énoncés dans cette langue et non en traduction; l’exemple: homo , «l’homme» ou «un homme», analysé par Guillaume d’Ockham, présente trois énoncés ayant même sujet: homo est vox dissyllaba , homo currit , homo est species . Dans la proposition qui le dit mot de deux syllabes, le terme homo tient la place du son qui le constitue physiquement: c’est la suppositio qu’Ockham appelle materialis ; dans la proposition affirmant qu’il court, le même terme tient la place d’un des individus dont cet universel peut être dit: suppositio personalis ; quand, du même terme, on déclare qu’il est une espèce, il tient la place de quelque chose de commun – aliquod commune – aux individus dont il est prédicable: suppositio simplex . Cette suppositio pose, au-delà de la logique, une question métaphysique: «Ce quelque chose de commun est-il réel ou non?» Avec ce problème, celui des universaux, on retrouve le dilemme res-voces , l’opposition «choses»-«termes». En réduisant l’universel à n’être que terme, le «nominalisme», ce «terminisme», se définit en s’opposant au «réalisme», c’est-à-dire, en stricte logique, à toutes les manières d’affirmer qu’une chose est prédicable de plusieurs. Si une telle affirmation apparaît contradictoire, sous quelque forme qu’elle se présente, l’absurdité de tout «réalisme» – au sens médiéval de ce mot – contraint à reconnaître la vérité du «nominalisme».
La théorie des distinctions
Dans le commentaire d’Ockham sur le Livre des sentences de Pierre Lombard, les cinq Questions sur les universaux sont posées en vue d’une sixième sur «l’univocité » de «l’être» que le théologien dit de Dieu comme des créatures; ce terme garde-t-il le même sens comme gardent le même sens les prédicats spécifiques ou génériques appliqués aux individus ou aux espèces? L’examen préalable, en cinq questions, de «la nature de l’universel et de l’univoque» suit une analyse du rapport des attributs de Dieu à son essence qui les réduit à n’être que des «noms» multiples d’une perfection unique dont la simplicité exclut toute distinction interne, même de «raison», la fameuse non-identité formelle de Duns Scot n’étant acceptée que sous la contrainte et dans les limites du dogme trinitaire. Cette théorie des distinctions se retrouve dans les quatre Questions sur les universaux où les «réalismes» sont tour à tour réfutés. Si l’universel se réalisait dans chacun des individus de sa classe, il s’identifierait «réellement» à lui en s’en distinguant, d’une distinction «réelle» ou «formelle» ou «de raison»: la première caractérise le « réalisme extrême» écarté dans la première Question et celui, déjà moindre, écarté dans la seconde; la deuxième, «moindre» que la distinction réelle, est propre à Scot, réfuté dans la troisième Question; à la quatrième, il ne s’agit plus que d’une distinction de raison. Comme l’a montré Jean Laporte, le problème des distinctions se retrouve chez Descartes et chez Husserl; si l’abstraction «consiste à penser à part ce qui ne peut être donné à part», le rejet de la distinction de raison constitue «le principe essentiel d’une critique de l’abstraction»; Ockham ne pense pas autrement que Hume pour lequel «tout ce qui est discernable est différent, et tout ce qui est différent est séparable». Mais, pour le théologien-logicien du XIVe siècle, nier toute distinction qui n’implique pas séparabilité relevait d’une ontologie liée à une théologie fondée dans le dogme de l’Église.
Une distinction dans les choses s’exprime par une opposition contradictoire entre des propositions constitutives de tout savoir: quand deux choses a et b ne sont pas parfaitement identiques, elles vérifient des propositions telles que «a est identique à a », «b n’est pas identique à a »; inversement, c’est à partir d’une contradiction entre des propositions qu’on peut prouver la distinction entre les choses qui sont ou que signifient leurs sujets. Ces contradictions étant toujours également opposées, on ne saurait en inférer qu’un seul degré de distinction; il n’est donc de distinction que «réelle», de chose à chose. Ce raisonnement suppose l’égalité des contradictions: «âne et non-âne», «être et non-être», «Dieu et non-Dieu». Égalité évidente si, dans chaque cas, une position s’oppose à une non-position, le contenu d’être ou de pensée affirmé d’une part, nié d’autre part n’étant nullement pris en considération. Cette attitude ne s’impose-t-elle pas si l’on refuse de concevoir le contenu comme précédant, d’une manière quelconque, sa position ou, en langage médiéval, une essence qui, s’en distinguant, précède l’existence? Entre la chose, statique, immobiliste, et l’exister qui évoque le dynamisme d’un acte, entre res et esse , l’ockhamisme n’admet d’autre différence que celle, purement linguistique, entre un nom et un verbe signifiant la même réalité. À savoir la seule concevable après la réfutation de tout réalisme: des individus si totalement identiques à eux-mêmes que leur singularité les prend tout entiers, interdisant de discerner en eux, à aucun degré, rien d’universel. La puissance divine même ne peut faire qu’un être ainsi indivisible devienne en partie commun avec d’autres; le principe d’identité ne concerne pas seulement les propositions, il concerne également la réalité à laquelle celles-ci se réfèrent; la logique communique avec l’ontologie.
Nominalisme et théologie de la création
L’ontologie ockhamiste est liée à une théologie de la puissance créatrice: la position des créatures dans l’être n’est rien d’autre que leur création, radicalement libre, contingente et gratuite; pour chacune, une position de tout son être que rien ne précède, notamment pas une «nature commune», préexistant en d’autres individus. La théologie de la création, donnée de foi et non acquisition philosophique, implique que le Créateur peut, dans sa toute-puissance, faire exister à part tout ce qui apparaît sans contradiction concevable à part: à la distinction réelle, logiquement, ontologiquement seule admissible, correspond la séparabilité des choses ainsi distinguées: chaque res est un creabile , un «créable».
La portée de l’opposition res-vox résulte de cette ontologie théologique: s’il n’y a aucune universabilité, ni en acte ni en puissance, dans aucun existant «hors de l’âme», l’universel ne peut être, quel que soit son statut dans l’âme, qu’aussi extérieur au réel dont il est dit que le mot prononcé à la chose qu’il désigne; en se présentant comme un concept, il garde l’hétérogénéité du nom à l’être nommé. Ce nominalisme est un terminisme qui traite le concept comme un terme mental, élément d’une langue naturellement commune, signe naturel applicable aux êtres d’une certaine classe. Caractère «naturel» parfaitement concevable si, dans la connaissance, l’âme est réceptivité et si le rejet de tout réalisme revient à refuser aux universaux tout fondement distinct dans la réalité: s’il n’y a point une nature de l’homme en laquelle Socrate «conviendrait» avec Platon, et non point avec tel âne, il n’en reste pas moins que Socrate «convient» avec Platon et davantage qu’avec un quelconque animal non raisonnable; irréductibles à une communauté de nature, les similitudes n’en sont pas moins réelles au point de se hiérarchiser en une classification naturelle aristotélicienne. «Être semblable à» offre un cas de relation réelle fondée dans les «absolus» qu’elle lie sans constituer elle-même une entité distincte: un mur blanc ressemble à un autre mur blanc sans participer à une blancheur commune; si le second mur est distinct, il n’y a plus de similitude, mais le premier mur n’en est pas modifié et garde en son être absolu le fondement de sa ressemblance avec tout mur blanc éventuel.
La notion de relation réelle permet d’éclaircir celle d’ordre naturel impliquée dans l’interprétation du concept. Pour n’être point surajouté aux parties de l’univers comme une réalité distincte, son ordre n’en résulte pas moins de la position de ces parties ensemble; position contingente mais cohérente: la gratuité de la création n’empêche pas le créé de présenter aux yeux d’Ockham une rationalité interne qui se manifeste dans la consistance de la morale et du droit naturels. Il y a un lien évident entre cette question de la réalité de l’ordre et celle de la nature d’unités collectives comme un peuple, la communauté franciscaine ou l’Église: de brillants interprètes de l’ockhamisme semblent bien avoir dépassé les indications des textes en y trouvant la réduction des collectivités à de purs «agrégats», à de simples «sommes d’individus»; Dieu certes aurait pu créer l’un ou l’autre à part, mais la situation est qu’il les a créés ensemble; il paraît plus sûr de ne pas inférer systématiquement de l’ontologie d’Ockham un «nominalisme social» tendant à un individualisme laïque. Autre nuance: le théologien de la «puissance absolue» du Créateur et de la contingence radicale du créé reste un logicien en quête de conclusions nécessaires ayant valeur de «science»; dans son univers contingent qu’aucun monde intelligible ne surplombe, on ne peut affirmer au présent comme une proposition nécessaire ou catégorique que «l’homme est l’homme», mais on retrouve la nécessité dans l’énonciation hypothétique que «si l’homme est, l’homme est homme». En ce monde, si contingent qu’il soit, tout n’est pas possible comme on l’a vu à propos de l’universel; on le constate aussi dans les spéculations fameuses sur la connaissance intuitive et la grâce. Le refus des «natures communes» n’emporte point la négation de toute structure nécessaire de l’être: hypothétiquement nécessaire, donc universelle et essentielle aux existants.
Nominalismes modernes et contemporains
De Guillaume d’Ockham à la révolution scientifique du XVIIe siècle
Pour rapporter à l’ockhamisme les doctrines qualifiées de nominalisme, on peut, à la suite de Jean Laporte, partir de la critique ockhamiste de l’abstraction: l’universel, cet abstrait, ne peut être d’aucune manière conçu comme extrait du singulier, seul susceptible d’être intuitivement donné; les universaux ne sont que des signes, extérieurs à des choses conçues comme des créatures au moins possibles. Si cette référence théologique disparaît, le donné auquel se réfère le signe conceptuel ne sera plus le même; ainsi, dans l’empirisme des Temps modernes.
Les conditions dans lesquelles cet empirisme peut être envisagé comme nominaliste ne se précisent qu’en tenant compte de la mutation intellectuelle opérée dans la révolution scientifique des XVIe-XVIIe siècles: selon le mot profond de Husserl, «Umdeutung der Natur », la nature a changé de sens. L’individu corporel d’Ockham reste la substance de style aristotélicien porteuse des qualités sensibles immédiatement vécues dans la perception commune. Avec Galilée et Descartes, celles-ci ne sont plus que «qualités secondes» dénoncées comme irréelles, la réalité étant d’essence purement géométrique et mécanique. Ainsi que l’a montré Alexandre Koyré, la nature que découvre la nouvelle physique mathématique n’a été concevable que par une ontologie nouvelle d’inspiration platonicienne. Du point de vue de l’aristotélisme et de l’expérience vulgaire, cette ontologie réalise des abstraits: des êtres mathématiques. Mais ceux-ci sont-ils des abstraits au même sens que les universaux du Moyen Âge? Le rationalisme du XVIIe siècle y voit plutôt des «essences singulières». Comment d’ailleurs les assimiler à des signes de choses auxquelles ils resteraient extérieurs alors qu’ils apparaissent intérieurs aux objets que la science découvre? La notion d’objet à connaître s’est transformée; pour Ockham, c’était la «chose» indépendante et «hors de l’âme» à laquelle celle-ci, en tant que connaissante, se rapportait comme une réceptivité; au XVIIe siècle, il est concevable que l’esprit découvre l’essence même des corps dans une idée qui, ne venant pas des sens, peut être «innée»; si, chez Kant, la nature du physicien suppose une matière venue d’ailleurs que de l’esprit, elle est «faite» par lui dans sa «forme»: espace et temps, catégories et leurs schèmes. Désormais, la connaissance peut se présenter comme l’exercice d’une spontanéité, au moins partielle, qui produit l’objet connu, du moins en partie, selon une structure intellectuelle a priori. Si l’on appelle concepts les éléments de cette structure, ce sont des concepts constitutifs de l’objet.
Dans la situation intellectuelle issue de la révolution scientifique, on retrouve donc un nominalisme dans les esprits auxquels les abstraits mathématiques ne posent pas d’autre problème que les universaux, simples signes qui renvoient aux individus donnés. L’ontologie théologique d’Ockham écartée, que devient ce donné?
Le nominalisme des empiristes modernes
Jean Laporte, prolongeant les vues de Berkeley et de Hume, montre, dans «l’expérience pure», tant des choses sensibles que des attitudes intérieures, le donné où «tout ce qui est discernable est différent et tout ce qui est différent est séparable»; ce qui ne laisse place ni à la distinction de raison ni à l’abstraction: nous nous figurons que nous abstrayons; ce «processus d’illusion» s’explique par le fait qu’une réalité indécomposable provoque en nous des réactions réellement distinctes les unes des autres; ce qui conduit à «projeter», à feindre dans les choses des distinctions «d’attitudes mentales». Il faut insister sur cette notion: Berkeley estime que «la manière dont on use» d’une «idée particulière» lui permet de jouer le rôle faussement attribué aux idées générales qui n’existent point; Hume recourt à l’habitude associative et Jean Laporte, de façon plus moderne, à la tendance; et, comme l’abstrait n’est pas nécessairement vague, mais peut répondre, en mathématique notamment, à la recherche d’une connaissance distincte, exacte, assurant la rigueur du raisonnement, Laporte doit admettre des attitudes d’esprit qui aient la rigidité de règles; dans un empirisme qui ne saurait attribuer ce pouvoir de régulation à une nécessité, a priori, de style rationaliste, il faut y voir l’effet d’une décision, d’une convention: notion en honneur au début de notre siècle; se référant à la volonté et pas seulement au désir, Jean Laporte identifie le concept à une «tendance réfléchie» où paraît «la conscience de notre liberté». De ce point de vue, la perspective s’élargit.
Dans le nominalisme d’Ockham, qu’un de ses plus sûrs interprètes (P. Boehner, Collected Articles on Ockham , Paderborn, 1958) a qualifié de « conceptualisme réaliste» («réaliste» au sens moderne), le concept, assimilé à un terme mais mental, y est un élément d’un langage plus profond et plus commun que les diverses langues historiques; sa véracité de signe naturel est garantie par la croyance en un ordre de la nature issu du Créateur. Au lieu de postuler un langage conceptuel autonome, le nominalisme des empiristes modernes met l’accent sur le rôle actif du mot qui, en omettant certains caractères de la chose, est un facteur d’attitude mentale abstrayante. Une science se présente, selon une formule fameuse de Condillac, comme «une langue bien faite». Puisqu’il faut la faire, l’attention est attirée sur l’initiative des hommes.
On comprend la substitution délibérée au langage vulgaire de «langues symboliques» offrant enfin ce «langage formel», indifférent à tout contenu, auquel les logiciens paraissent avoir toujours tendu. Ces signes artificiels d’origine sont essentiellement opératoires: ils sont définis à l’intérieur de chaque système par les opérations que, selon ses règles de fondation, sa «syntaxe», ils peuvent y accomplir. La formalisation conduit à un nominalisme purement syntaxique, exclusif de toute demande de sens à l’extérieur du système de signes considéré.
À supposer que cette conception rende compte des mathématiques pures, interprétées comme un jeu, elle ne prend nullement en compte leur application, notamment en physique, leur rapport à une source autre de vérification ou de falsification de leurs constructions hypothético-déductives: pour que le signe garde sa pureté, c’est-à-dire son extériorité à l’égard d’un objet qu’il ne constitue aucunement, même en partie, il lui faut avoir référence seulement au donné sensible d’un empirisme que le formalisme rejoint ainsi dans un positivisme féru de logique. Vu sous cet aspect où il réduit tout concept à n’être que signe d’un donné auquel il reste extérieur, le «positivisme logique» vient se placer dans le prolongement du nominalisme médiéval dont l’analyse attentive nous a conduits à un schème permettant de situer dans l’histoire des idées toute une suite de doctrines.
nominalisme [ nɔminalism ] n. m.
• 1752; de nominal
♦ Philos.
1 ♦ Doctrine selon laquelle les idées générales ne sont que des noms, des mots.
2 ♦ Nominalisme scientifique : doctrine scientifique qui substitue l'idée de réussite empirique, de commodité à celle de connaissance absolue, de vérité.
3 ♦ Dr. Nominalisme monétaire : principe en vertu duquel la somme due par un débiteur est celle qui avait été prévue lors de la contraction de la dette, indépendamment de toute considération sur les fluctuations monétaires (⇒aussi indexation) .
● nominalisme nom masculin Doctrine associée principalement au nom de Guillaume d'Occam et selon laquelle les concepts n'existent pas réellement (in re) [par opposition à la conception réaliste ou platonicienne].
nominalisme
n. m. PHILO
d1./d Doctrine selon laquelle les idées abstraites et générales se réduisent à des noms, à des mots.
d2./d Mod. Nominalisme scientifique: doctrine qui voit dans la science une simple construction de l'esprit, de valeur purement pratique, ne pouvant atteindre la nature réelle des objets auxquels elle s'applique.
d3./d DR Nominalisme monétaire: principe selon lequel une unité monétaire garde toujours la même valeur tant qu'elle a le même nom et en application duquel le débiteur d'une certaine quantité d'unités monétaires en doit toujours la même quantité, sans possibilité de revalorisation.
⇒NOMINALISME, subst. masc.
A. —PHILOS. CLASS. Doctrine d'après laquelle les idées générales ou les concepts n'ont d'e.istence que dans les mots servant à les exprimer. Le nominalisme pense que les idées générales ne sont que des mots; le réalisme pense que les idées générales supposent quelque chose de réel: des deux côtés, égale vérité, égale erreur (COUSIN, Hist. philos. XVIIIe s., t.2, 1829, p.309). Le nominalisme rigoureux, s'il garde la croyance en Dieu, ne peut le désigner que par de pures périphrases, par des dénominations extrinsèques, sans arriver à porter sur Dieu en soi des jugements valables (Théol. cath. t.4 1 1920, p.794). V. conceptualisme ex.:
• 1. Pour les réalistes, (...) les universaux existent réellement en soi (...). Contre le réalisme, le conceptualisme estime que les universaux sont des constructions de l'esprit, qui ne peut se passer d'eux. Les idées n'existent pas en elles-mêmes, mais seulement en tant que conçues par nous. Seuls existent réellement les individus (...). Le nominalisme [it. ds le texte] enfin, dit aussi terminisme, radicalise la position conceptualiste en posant au principe qu'existent seuls les individus, l'universel n'étant jamais qu'un signe, aussi extérieur aux choses que le sont les noms dont on les désigne.
Dict. des gdes philos., Toulouse, Privat, 1973, p.269.
B. —PHILOS. MOD. Nominalisme scientifique ou p. ell. nominalisme.
1. ,,Doctrine soutenant que les faits, les lois et les théories scientifiques ne sont autre chose que des constructions mentales nécessairement conventionnelles, mais empiriquement fécondes`` (Dict. des gdes philos., Toulouse, Privat, 1973, p.269). Il est curieux de remarquer que les arguments du nominalisme scientifique contre le mécanisme, postulent un véritable matérialisme (RUYER, Esq. philos. struct., 1930, p.236):
• 2. Quelques personnes ont exagéré le rôle de la convention dans la science; elles sont allées jusqu'à dire que la loi, que le fait scientifique lui-même étaient créés par le savant. C'est là aller beaucoup trop loin dans la voie du nominalisme.
H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p.9.
2. ,,Doctrine d'après laquelle la science a pour objet, non les choses elles-mêmes, mais les énoncés relatifs aux choses, les mots au moyen desquels nous les désignons`` (FOULQ.-ST-JEAN 1962). Synon. empirisme logique (v. empirisme C et ex. 7). On reconnaît aujourd'hui une forme de nominalisme dans les doctrines englobées sous le nom d'empirisme logique (...). Cette dernière forme du nominalisme apparaît (...) moins ontologique que linguistique (Dict. des gdes philos., Toulouse, Privat, 1973, p.269).
— [Avec déterminant] Le nominalisme de qqn. La doctrine, la théorie nominaliste propre à un auteur. La destruction de la réalité sociale par un nominalisme probabiliste et individualiste (...) rend Weber incapable de saisir la société, les groupes, les classes, les Nous, ainsi que leurs oeuvres directes (Traité sociol., 1967, p.15). V. empiriste A ex. Théol. cath. t.4 1 1920, p.811:
• 3. Plus que jamais il nous faut dénoncer ici, fidèles à notre nominalisme intégral, le danger de la tentation idéaliste: l'historien doit prendre garde à ne jamais surestimer la qualité logique de ses hypothèses, pas plus (...) que celle de ses concepts.
MARROU, Connaiss. hist., 1954, p.193.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. Av. 1739 philos. (Mémoires de Trévoux ds Trév. Suppl. 1752). Dér. de nominal; suff. -isme. Fréq. abs. littér.:47.
nominalisme [nɔminalism] n. m.
ÉTYM. 1752, Trévoux; de nominal.
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♦ Philosophie.
1 Doctrine qui refuse aux idées générales toute réalité dans l'esprit (opposé à conceptualisme) ou hors de lui (opposé à réalisme) et les confond avec les signes généraux (mot, nom) qui les expriment. || Le nominalisme de Guillaume d'Occam, de Hobbes, de Condillac, de Taine…
0 (…) le chanoine Roscelin de Compiègne (…) enseignait (…) que les idées générales n'étaient que des mots : « L'homme vertueux est une réalité, la vertu n'est qu'un son ». Cette réforme hardie habituait à ne voir que des personnifications dans les idées qu'on avait réalisées (…) Cette hérésie logique fit horreur aux contemporains de la première croisade; le nominalisme, comme on l'appelait, fut étouffé pour quelque temps.
Michelet, Hist. de France, IV, IV.
2 (XXe). Par ext. || Nominalisme scientifique : « nom commun sous lequel on englobe toutes les doctrines contemporaines qui substituent, dans la théorie des sciences, les idées de convention, de commodité, de réussite empirique, à celles de vérité et de connaissance du réel » (Lalande). ⇒ Conventionnalisme, positivisme, pragmatisme.
3 Dr. || Nominalisme monétaire : principe en vertu duquel le débiteur est tenu au paiement du montant prévu au moment où la dette est contractée (⇒ Indexation).
Encyclopédie Universelle. 2012.