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LÉGUMES
LÉGUMES

Est désigné sous le nom de légume (vegetable , en anglais) tout végétal herbacé dont une partie ou la totalité de la plante est destinée à l’alimentation humaine, soit à l’état frais dans sa forme originelle, soit après traitement technologique industriel qui conservera malgré tout l’intégrité de l’organe consommé et qui n’entraînera pas une modification dans sa composition biochimique globale.

Certaines espèces peuvent être secondairement utilisées à d’autres fins par voie industrielle. Citons, par exemple, dans le domaine pharmaceutique, l’extraction de la cynarine à partir des feuilles d’artichaut, dans le domaine agrochimique, la production de fécule ou d’alcool à partir du tubercule de pomme de terre, etc.

Ainsi, les légumes forment-ils sur le plan économique une filière spécifique du secteur d’activité agro-alimentaire que nous rattachons à cinq sous-secteurs fonctionnels comprenant l’agriculture, les industries agro-alimentaires, la distribution, la restauration collective et commerciale et les consommateurs. Cette spécificité de la filière conduit nécessairement à une spécialisation tant au niveau des structures à travers les organisations professionnelles ou interprofessionnelles qu’au niveau des hommes dans leur fonction et leur formation. Cela est particulièrement net dans le domaine agronomique (physiologie, amélioration génétique, phytotechnie, phytopathologie, etc. des espèces légumières).

1. Légumes et alimentation

Les produits de base sont pour la plupart des denrées périssables (à l’exclusion des graines à l’état sec) du fait de leur grande richesse en eau de constitution – 96 p. 100 de la matière fraîche (M.F.) dans le cas d’une laitue ou d’un fruit de tomate – qui confère aux légumes une forte sensibilité aux agents de dégradation tels que les cryptogames ou les bactéries saprophytes en présence d’oxygène et d’humidité.

La réduction de la périssabilité des légumes s’effectuera par deux voies possibles, soit la transformation industrielle telle qu’elle a été précisée plus haut, soit la conservation par le froid. Ces deux procédés contribuent à stabiliser les produits et permettent ainsi de limiter les pertes et le gaspillage en cours de commercialisation et de distribution.

C’est pourquoi, au niveau de la consommation, la présentation des légumes revêtira trois formes possibles: végétal frais, végétal sec, qui restent des produits agricoles, et végétal transformé qui devient de ce fait un produit agro-industriel.

Légumes consommés frais

Dans le cas des légumes consommés à l’état frais, le produit doit être considéré comme un aliment rafraîchissant (faisant partie du groupe 5 de la classification des aliments) qui apporte eau, vitamines et sels minéraux (tabl. 1). Comme nous l’avons vu plus haut, les légumes frais sont des denrées périssables mais aussi hétérogènes. D’autre part, leur approvisionnement est irrégulier dans le temps dans la mesure où il s’agit, par définition, de légumes de saison. D’où une grande sensibilité du rapport offre (O) sur demande (D) qui se caractérise dans les faits par des variations de cours à la consommation parfois très spectaculaires (forte hausse en cas de pénurie, effondrement en cas d’approvisionnement pléthorique). Théoriquement, tous les légumes sont consommables à l’état frais. Mais sont principalement concernées les espèces qui, à l’intérieur du repas, entrent dans la confection des hors-d’œuvre ou des assaisonnements (salades ou verdure): laitue, chicorée, radis, melon, concombre, etc.

Légumes secs

Les légumes secs sont considérés comme des aliments énergétiques (groupe 1 de la classification). Ils ont l’avantage d’être stockables mais, en revanche, l’inconvénient d’exiger une certaine énergie au niveau de leur cuisson – en liaison avec la forte polymérisation de leurs substances de réserve.

Légumes transformés

Les légumes transformés, ou légumes d’industrie, sont des aliments de commodité pour les distributeurs et surtout pour les consommateurs; nous les classerons selon leur importance économique:

– les légumes appertisés (improprement appelés légumes de conserve) – Nicolas Appert est l’inventeur de la stérilisation des produits alimentaires par la vapeur d’eau – conditionnés en boîtes métalliques ou en bocaux: tous les légumes sont appertisables (exception faite des cucurbitacées telles que le concombre ou le melon);

– les légumes congelés et surgelés. En réalité, il s’agit quasi exclusivement de légumes surgelés dans la mesure où la technologie industrielle permet le traitement rapide des denrées (la surgélation est par définition une congélation ultrarapide – de trois à quatre minutes pour le pois à une heure environ dans le cas d’épinards conditionnés en plaques – qui assure l’obtention, à cœur du végétal, d’une température inférieure à 漣 18 0C et le maintien de cette température jusqu’à la vente au consommateur;

– les jus et concentrés représentés essentiellement par la tomate;

– les légumes déshydratés concernent, outre la pomme de terre pour la fabrication de flocons pour purée et les plantes condimentaires (certains champignons, thym, sarriette, etc.), les articles qui servent à la confection des potages industriels;

– les légumes à confire au vinaigre (cornichon, oignon, câpres, etc.);

– les légumes lyophilisés (la lyophilisation est une congélation rapide suivie d’une déshydratation sous vide), parmi lesquels nous retrouvons surtout des espèces à haute valeur commerciale et dotées d’une richesse en substances aromatiques – bien conservées par ce procédé industriel (ail, oignon, plantes aromatiques, fraise, etc.).

2. La consommation des légumes

Globalement, la consommation des légumes en France est en stagnation depuis trois décennies, voire en légère progression comme le montre le tableau 2, notamment depuis 1989.

Cette évolution est à moduler en fonction des années (1976 a été une année fortement déficitaire à cause de la sécheresse), des espèces consommées, des régions, des classes socioprofessionnelles et, bien entendu, du mode de présentation des légumes.

Un certain nombre de faits permettent de l’expliquer. En premier lieu, des éléments sociologiques :

– dans le mode de vie actuel, la part du budget du ménage consacrée aux dépenses alimentaires régresse sensiblement (33 p. 100 en 1960, 20,0 p. 100 en 1990), soit une diminution de 45 p. 100 au profit de celui qui est réservé aux loisirs notamment et, au sein de ce budget, le poste légumes frais a perdu également 45 p. 100 en trente ans;

– dans le repas, que ce soit au niveau du ménage ou en restauration commerciale, la priorité ou le prestige sont donnés aux produits carnés;

– l’alimentation est plus diversifiée par l’introduction de produits exotiques (avocat, cœurs de palmiers, pousses de soja, etc.) et par le biais de l’agro-industrie (pizza, crêpes fourrées, friands, etc.).

Le mode de présentation des produits a changé avec les modifications des habitudes culinaires du consommateur. Le fait le plus marquant a été la recherche d’une élaboration de plus en plus poussée des produits légumiers et d’une plus grande commodité à l’achat ou lors de leur utilisation. En effet, de nombreux légumes peuvent subir une préparation avant achat par le consommateur. Citons, pour le frais, la cuisson de la betterave rouge, la confection de hors-d’œuvre à base de crudités dans les entreprises de charcuterie ou dans les hypermarchés; en ce qui concerne les produits transformés, la cuisson de la pomme de terre en frites surgelées, l’élaboration de plats cuisinés en appertisé ou surgelé (cassoulet, ratatouille) dans lesquels la part réservée aux légumes peut devenir faible, voire insignifiante (tarte aux poireaux ou aux épinards, crêpe fourrée aux champignons, etc.). Cette tendance à l’élaboration conduit nécessairement à la création de produits soit prêts à l’emploi, comme les légumes dits de quatrième gamme (présentés en sachets), soit prêts à être consommés (ready-to-eat pour les Anglais), l’ensemble constituant, selon leur destination, les produits finis qui, par définition, sont sans concurrence.

À cet égard, il faut souligner la progression spectaculaire du légume surgelé qui concurrence à la fois le légume frais et le légume appertisé, dont la régression est aujourd’hui contestée.

Le légume surgelé est un produit très commode tant pour le consommateur que pour la restauration collective et commerciale, celle-ci se développant d’autant plus vite que le contexte est marqué par la réduction du temps passé à la préparation du repas et par la participation accrue des femmes à l’activité économique. Le légume surgelé assure notamment la garantie de l’approvisionnement en volume, qualité et prix. Cet argument est essentiel, compte tenu des difficultés d’approvisionnement en légumes frais en cas de conditions climatiques défavorables, qui entraînent inéluctablement, selon la loi de l’offre et de la demande, une hausse des produits à la distribution.

De plus, le légume surgelé peut être d’un grand intérêt pour les personnes soumises à un régime désodé, contrairement aux produits appertisés.

Au total, la qualité intrinsèque du légume surgelé s’apparente beaucoup à celle du légume frais (maintien ou renforcement de certaines qualités organoleptiques comme la pigmentation chlorophyllienne), d’où l’attrait dont il bénéficie auprès du consommateur, comme en témoigne le slogan publicitaire: «les légumes surgelés plus frais que les légumes frais». Effectivement, nul ne conteste que, par exemple, le pois récolté en gousse et commercialisé en l’état, même sous un nombre de jours extrêmement faible, ne puisse pas rivaliser avec le pois surgelé ou appertisé.

Il convient de noter que les généticiens ont largement contribué au renforcement de cette marque de qualité en créant, chez certains espèces, des variétés présentant une bonne aptitude à la surgélation.

Sur le plan qualitatif , la demande a considérablement évolué. Les conduites alimentaires, étudiées par les sociologues tels que P. Bourdieu, ont évolué profondément depuis des décennies. C’est ainsi que nous observons actuellement une très nette intellectualisation de la fonction alimentaire (quatrième phase dans l’évolution chronologique de cette fonction) qui se traduit, au niveau des légumes, par le passage d’une alimentation nourrissante (et grasse), dans laquelle interviennent notamment la pomme de terre et les légumes secs ou lourds, à une nourriture légère et digeste faisant appel aux légumes crus plutôt qu’aux légumes cuits, dans des structures nouvelles d’alimentation qui tendent à détruire la structure classique des trois repas dans la journée et la fameuse trilogie dans la composition des repas.

Par ailleurs, la montée du mouvement consumériste a porté au premier rang des préoccupations des consommateurs en matière de santé la qualité intrinsèque des légumes, en partie en réaction à l’emprise croissante de la technologie agro-alimentaire, en partie en réaction à la standardisation et à la banalisation des produits (légumes de contre-saison, etc.); sont exigées:

– la qualité nutritionnelle (apports hypoénergétique et vitaminique);

– la qualité hygiénique (absence de résidus de pesticides ou de nitrates, voire de métaux lourds tels que le plomb ou le cadmium);

– la qualité potagère (que nous définirons comme la résultante de la qualité organoleptique et de la qualité technologique d’un légume à la préparation culinaire).

L’ensemble de ces préoccupations se traduit par un développement, certes modéré, mais ascendant des légumes «biologiques», ainsi que par un intérêt croissant pour une diversification de la gamme des légumes proposés (légumes nouveaux à partir de l’étranger ou en réémergence) – composante d’une stratégie de relance de la consommation des légumes en France – auxquels les professionnels de l’agriculture, spécialisés dans cette filière, ne manquent pas d’apporter leur contribution.

3. Les espèces cultivées

Bien qu’il existe quelque 1 353 espèces (appartenant à 170 genres différents) de plantes herbacées comestibles recensées par D. Bois, la gamme des espèces légumières cultivées

en Europe occidentale n’est pas très étendue. Elle regroupe aujourd’hui moins de 100 espèces.

Certaines d’entre elles ont été introduites en Europe depuis fort longtemps. Ce sont surtout les grandes découvertes des siècles précédents (notamment la découverte du continent américain d’où, vers 1550, ont été ramenés la pomme de terre, la tomate, le piment, le haricot, etc.) et le développement des échanges commerciaux qui ont permis cet afflux d’espèces comestibles en Europe.

Six centres principaux d’origine et donc de diversification des espèces légumières ont été mis en évidence par Vavilov. Dans de nombreux cas, les espèces ont été introduites à l’état de plantes sauvages, sinon cultivées à la suite de travaux de sélection empirique par les agriculteurs indigènes, et elles n’ont pas été nécessairement cultivées aussitôt en Europe. Ainsi, la pomme de terre, au tubercule insignifiant et inconsommable au départ, n’a fait l’objet d’une véritable diffusion dans le monde agricole français que vers 1780, soit deux cents ans après son introduction.

Aujourd’hui, nous pouvons dire que la migration des espèces comestibles est pratiquement terminée. En Europe occidentale, elle a laissé la place à un nombre restreint d’espèces dites de grande consommation (pomme de terre, tomate, carotte, chou-fleur, haricot, laitue, etc.) pour lesquelles, tout naturellement, de gros efforts sont consentis en matière d’amélioration génétique, de phytopathologie, etc., avec, comme conséquence, la régression – voire la disparition – d’espèces secondaires, régression accentuée, il est vrai, par le désengagement des chercheurs dans la mesure où l’intérêt économique leur impose d’étudier les espèces les plus consommées et donc les plus cultivées.

Cette situation conduit d’une part à l’appauvrissement du patrimoine génétique (d’où la nécessité de mettre en place des conservatoires de plantes légumières, véritables banques de gènes au service des générations futures) et, d’autre part, à la standardisation et à la banalisation des principaux légumes consommés en Europe occidentale. Cela met en relief l’intérêt de recherches en matière de légumes nouveaux et d’élargissement de la gamme soit en provenance d’autres pays ou continents comme le Sud-Est asiatique, soit par création génétique.

À cet égard, nous devons admettre que la découverte ou la création de nouvelles espèces est actuellement rare. Soulignons néanmoins l’exemple de l’espèce synthétique hakuran obtenue par le chercheur japonais Nishi. Cette espèce expérimentale – Brassica napus (n = 19), comme le colza bien connu en France – est une plante amphidiploïde entre une forme potagère de Brassica oleracea , n = 9 (chou kauran ), et une forme potagère de Brassica campestris , n = 10 (chou chinois hakusaï ) qui, toutes deux, forment une pomme.

Il est fort probable que, dans l’avenir, de nouvelles plantes seront créées grâce à l’application de méthodes génétiques plus élaborées telles que la fusion de protoplastes, les fusions somatiques et autres manipulations génétiques.

Nous pouvons classer les espèces légumières cultivées aujourd’hui en France selon deux méthodes: la classification agronomique et la classification botanique.

Classification agronomique

Elle est fondée sur la nature de l’organe de la plante qui est consommé – exception faite des plantes aromatiques cultivées pour leurs essences aromatiques. C’est ainsi que nous distinguons le groupe des légumes-racines, celui des légumes-feuilles ou celui des légumes-fruits, etc.

Cette classification a l’avantage de pouvoir dégager un certain nombre de caractéristiques propres à un groupe d’espèces donné, comme:

– les exigences édaphiques (liées au sol): pour l’obtention d’une racine tubérisée de carotte (ou autre légume-racine) de belle présentation, il est nécessaire de réaliser sa culture dans un sol à dominante sableuse. Elles conduisent à l’établissement d’un code de localisation des productions et de déontologie en matière de phytotechnie (absence de fumure organique avant semis et préparation de sol sous formation de semelle de labour dans le cas de l’espèce citée);

– les exigences nutritionnelles: ainsi en matière de fertilisation, les légumes-feuilles, relativement exigeants en azote, recevront en culture une fumure minérale voisine de l’équilibre 1 (N) – 0,5 (P25) – 1 (K2O);

– le maintien de l’état sanitaire des plantes: la multiplication végétative, seule méthode utilisée dans la mise en place de certaines cultures (ail, échalote, etc.), assure la transmission des virus présents dans la plante d’une génération à l’autre;

– la texture de l’organe consommé qui influence directement sa capacité de conservation en l’état (comparaison d’une laitue et d’un tubercule de pomme de terre, par exemple).

Classification botanique

Elle permet de situer l’espèce considérée à l’intérieur de sa famille botanique située elle-même dans un ordre systématique à l’intérieur d’une sous-classe et d’une classe. Ainsi, la tomate Lycopersicon esculentum L. fait partie de la famille des Solanacées, famille située dans l’ordre des Solanales, sous-classe des Gamopétales à l’intérieur de la classe des Dicotylédones.

Il y aura nécessairement une corrélation étroite entre les caractères botaniques de l’espèce et les caractères généraux de la famille à laquelle elle appartient. Parmi eux, nous retiendrons les plus significatifs.

Origine écologique

L’origine écologique définit les exigences de la plante vis-à-vis de la température, du thermopériodisme (écart température de jour-température de nuit), de la lumière sous ses deux composantes – intensité lumineuse et photopériodisme; autant de facteurs qui gouvernent les phases essentielles du développement de l’espèce considérée (tubérisation, floraison, etc.). Il convient de faire remarquer que ces exigences écologiques – c’est également vrai pour les autres composantes mentionnées ci-dessous – ont pu être plus ou moins profondément modifiées par le biais de l’amélioration génétique sur laquelle nous reviendrons plus loin: actuellement, il existe, par exemple, des variétés de radis dont les plantes présentent une tubérisation de l’hypototyle en jours courts et basses températures.

Ainsi, les plantes d’origine tropicale sont exigeantes en température diurne (les besoins en température nocturne sont fonction de leur situation en altitude) et fleurissent ou tubérisent de préférence en jours courts (12 à 14 h). De même, les plantes d’origine maritime présentent une bonne tolérance à la salinité des sols ou des eaux d’irrigation (cf. betterave, artichaut, asperge, épinard, céleri, etc.).

Composition chimique

La composition chimique des plantes entraîne parfois des exigences particulières en éléments fertilisants: la présence de di-ou trisulfures, de sulfones chez les Liliacées ou les Crucifères impose, en culture, l’application de fumure minérale à base de soufre.

Sensibilité aux parasites

La sensibilité aux parasites ou ravageurs, qui sont très souvent inféodés à une famille botanique: pomme de terre, tomate, tabac sont attaqués par un même champignon parasite – Phytophthora infestans –, implique de raisonner la pratique des rotations des cultures et de l’assolement dans les exploitations spécialisées dans le domaine des légumes.

Amélioration génétique

L’amélioration génétique des espèces légumières est assurée en France à la fois dans le secteur public grâce à l’Institut national de la recherche agronomique (I.N.R.A.) à vocation de recherche plus fondamentale, et dans le secteur privé, par les établissements de sélection grainière qui commercialisent leurs propres créations et celles de l’I.N.R.A.

Les grands axes de recherche sont choisis en tenant compte à la fois des préoccupations des producteurs (dans le sens d’un accroissement ou d’un maintien de la rentabilité de leurs exploitations et d’une réduction des risques de pertes en culture) et de celles des consommateurs par le biais des négociants industriels (dans le sens d’une amélioration constante de la qualité et la diversité des légumes, sans négliger celles propres à l’établissement de sélection). Nous relèverons les plus importants de ces axes:

– la résistance aux maladies (très nombreux exemples) et parfois à quelques ravageurs (résistance aux nématodes du genre meloïdogyne chez la tomate, résistance au puceron Aphis gossypii chez le melon);

– adaptation à des conditions climatiques particulières: aptitude à la croissance ou à la fructification à basse température chez la tomate, le concombre, le melon, etc. en liaison avec les économies d’énergie, aptitude à supporter les fluctuations climatiques chez l’aubergine ou le piment (culture en serre ou culture en zone soumise à des stress climatiques);

– amélioration de la qualité des récoltes ou des produits (rendement par unité de surface; teneur en matière sèche: tomate destinée à la transformation; teneur en sucre: melon ou fraise; résistance des produits aux transports: tomate de type shelf long life ; etc.).

La mise au point d’une nouvelle variété dure de six à dix ans, voire davantage. Elle est suivie de deux années d’essais officiels qui permettent de vérifier les caractères de nouveauté, d’homogénéité et de stabilité dans le temps de la nouvelle variété, avant de pouvoir la proposer à l’inscription au catalogue officiel des variétés d’espèces légumières, condition nécessaire à sa diffusion commerciale.

4. Importance économique

En France

La production des légumes dans l’économie agricole française est loin d’être négligeable. En valeur, elle représentait, en 1992, près de 22,5 milliards de francs si nous y intégrons la pomme de terre. À l’intérieur des productions végétales, elle occupe la troisième place avec 19 p. 100 derrière le blé et le vin.

Cette production est réalisée sur 319 000 hectares environ, selon la répartition suivante (données de 1992):

– production de plein champ: 220 000 ha;

– production maraîchère: 50 000 ha;

– légumes secs: 31 000 ha;

– pomme de terre de primeur: 18 000 ha,

auxquels il convient d’ajouter les 250 000 hectares de jardins familiaux produisant à la fois fruits et légumes.

En réalité, les surfaces pratiquées en maraîchage représentent environ 70 000 hectares, si nous tenons compte du fait que, en général, un terrain maraîcher porte plus d’une culture par an. Cependant, il faut noter que le maraîchage est en régression par rapport au secteur de plein champ, malgré le développement des cultures abritées en toute région au détriment du maraîchage de pleine terre.

Les cultures légumières sous abris se sont beaucoup développées de 1970 à 1990, aussi bien dans le cas des serres en verre (qui sont passées de 700 ha en 1970 à 2 500 ha en 1990) que dans celui des grands abris en plastique (de 300 à 4 500 ha), des abris bas (châssis et tunnels en plastique: de 6 000 ha à 12 000 ha) et enfin des bâches au sol (de 0 à 8 000 ha).

Si l’on tient compte du taux de couverture (rapport export/import en pourcentage), la balance commerciale française marque un déficit tant en ce qui concerne les légumes frais (rapport 70 p. 100) que les légumes surgelés (rapport 50 p. 100); en revanche, un excédent est dégagé en ce qui concerne les légumes appertisés: en ce domaine, la France fournit plus de la moitié de la production européenne.

Dans l’Union européenne

Au niveau de l’Union européenne, deux pays ont une production excédentaire: les Pays-Bas, nation vouée à l’exportation, ont pallié une climatologie défavorable aux productions légumières par la construction de serres maraîchères (environ 4 000 ha actuellement) bénéficiant d’un chauffage au gaz naturel peu coûteux, et par l’adoption d’une technologie de pointe tant au niveau du machinisme qu’à celui de la climatologie des abris. À cet ensemble d’éléments favorables il convient d’associer la haute technicité dont bénéficient l’ensemble des producteurs et l’efficacité du système de commercialisation. Près de 80 p. 100 de la production légumière hollandaise est exportée, pour les deux tiers environ sur le marché allemand. L’Italie – le plus grand producteur de l’Union européenne en matière de légumes – bénéficie d’un climat favorable en saison et même en période hivernale que viennent renforcer quelque 10 000 hectares d’abris en plastique.

Parmi les pays importateurs et consommateurs, il convient de souligner la place de l’Allemagne fédérale (peu favorisée sur le plan climatique) qui achète à l’extérieur près de 3 millions de tonnes de légumes frais. C’est dire que le marché allemand est fortement convoité, non seulement par les pays de l’Union européenne ayant une politique d’exportation, mais aussi par l’ensemble de pays plus méridionaux.

Les pays du bassin méditerranéen, pour lesquels l’essor économique passe par la voie agricole, ont développé des productions – légumes en particulier – à haute valeur commerciale du fait de leur situation climatique privilégiée pour les cultures hivernales et de début de printemps, denrées exportables vers les pays industrialisés et donc source de devises fortes pour ces pays. Citons, parmi eux, la Grèce et l’Espagne, pays où le développement des cultures sous serres a été le plus spectaculaire dans les années 1980 (45 000 ha dont 15 000 dans la seule plaine côtière d’Almería, située en Espagne méridionale, au début des années 1990).

Ainsi les productions de ces pays méridionaux prennent position progressivement sur les marchés de consommation septentrionaux pour concurrencer fortement à la fois les pays de la Communauté européenne et les pays encore plus méridionaux comme le Maroc, voire le Sénégal ou la Côte-d’Ivoire pour quelques légumes particuliers.

5. Les systèmes de production légumière

La production légumière est réalisée selon les différents modes de cultures [cf. AGRONOMIE] dans trois secteurs d’activité: d’une part le maraîchage et le secteur légumier de plein champ qui représentent la production marchande, et d’autre part les jardins familiaux qui forment l’auto-approvisionnement. Il est évident que, tout comme pour les produits au stade de la consommation (cf. supra ), ces trois secteurs sont à la fois complémentaires et concurrents. L’étude de leurs caractéristiques propres permet de décrire la typologie des exploitations ainsi que la qualification des producteurs, tant au niveau agronomique qu’au niveau de l’organisation économique.

Le maraîchage

Le maraîchage est le secteur d’activité de la profession caractérisé par la production intensive des espèces légumières destinée essentiellement à la vente en frais.

Son origine remonte au XVIIIe siècle où, à la lumière de la diffusion des travaux menés dans l’enceinte du Potager du Roy à Versailles par l’agronome de La Quintinye, les cultures légumières se sont développées à la périphérie des villes dans les zones de marais (sols riches en matière organique et de bonne capacité de rétention en eau) – cf. le Marais de Paris – favorables à la production des légumes en période estivale.

Au siècle suivant, le maraîchage a connu sa plus grande expansion autour des villes de garnison (Maisons-Alfort, Lunéville, Rennes...), avec une orientation vers les cultures de contre-saison, grâce à l’approvisionnement aisé en fumier de cheval pour la confection des couches et à l’utilisation des châssis. Enfin, l’avènement du chemin de fer, puis le développement des moyens de transport rapides ont déplacé les centres maraîchers vers des zones plus favorables sur le plan climatique ou édaphique (Vaucluse, Roussillon, région nantaise, Saumurois...). C’est approximativement la situation telle que nous la connaissons aujourd’hui.

La production y est intensive par l’intermédiaire d’un assolement entièrement réservé aux espèces légumières et d’une rotation rapide des cultures, grâce au forçage et à l’utilisation d’espèces à cycle court. Ainsi, dans les anciennes exploitations maraîchères de la banlieue parisienne de l’après-guerre, nous pouvions dénombrer jusqu’à sept cultures sur la même parcelle (ou sole) en une seule année.

L’utilisation des abris et de la chaleur artificielle, la pratique de la mise en place des cultures par plantation, le recours systématique à l’irrigation et l’apport massif de fumures organiques et minérales constituent les principaux facteurs d’intensification à l’intérieur du maraîchage.

Cette intensification de la production a un certain nombre d’incidences parmi lesquelles nous retiendrons les principales:

– inéluctablement, elle aboutit à un déséquilibre biologique des sols que l’on désigne sous le terme de fatigue de sol et qui implique une désinfection répétée des sols;

– les consommations intermédiaires sont très élevées (outre le combustible et les engrais, notons les terreaux, importés pour l’essentiel, les produits phytosanitaires, etc.);

– la main-d’œuvre est abondante, ne serait-ce qu’au niveau des récoltes qui sont échelonnées et restent donc manuelles – cueillette au jour le jour pour une vente en frais – malgré quelques tentatives d’introduction du machinisme en serre, pour la récolte de la laitue, par exemple.

L’ensemble de ces éléments entraîne nécessairement des coûts de production élevés, pas nécessairement compensés par un niveau de vente suffisant.

Notons enfin que les exploitations maraîchères sont relativement petites: surface agricole utile (S.A.U.) inférieure à 15 hectares.

Il existe différents types de maraîchage:

– Le maraîchage polyvalent de ceinture verte (ou maraîchage périurbain) caractérisé par la production sur une faible surface (S.A.U. = 1 à 2 ha) et d’une gamme étendue de légumes en saison comme en contre-saison (30 à 35 articles ne sont pas rares), qui sera commercialisée généralement en circuit court sur les marchés locaux. Ce secteur subit la concurrence et la pression du foncier et, de ce fait, est aujourd’hui en nette régression.

– Le maraîchage spécialisé (ou maraîchage de bassin) dont la spécialisation est attribuable soit aux espèces cultivées à la faveur de certaines conditions naturelles de climat, de sol ou d’irrigation (légumes-racines dans les sols alluvionnaires des vallées, carotte en région nantaise, chou-fleur à Saint-Omer, légumes-fruits dans le Vaucluse...), soit au mode de culture. C’est ainsi qu’une catégorie de maraîchers cultivent exclusivement les légumes sous abris (serres en verre ou grands tunnels en plastique). Ce sont les maraîchers-serristes. C’est à ce niveau-là que la spécialisation est la plus poussée et que les exigences en matière de technicité sont les plus grandes. La finalité des abris étant de produire essentiellement à contre-saison, seules les espèces à haute valeur commerciale ou qui possèdent une bonne capacité de développement en jours courts et sous faible éclairement peuvent être cultivées. Parmi elles, la laitue, la tomate, le melon, le concombre, l’aubergine.

Compte tenu de l’internationalisation de la production et de la concurrence en provenance des pays du bassin méditerranéen produisant les mêmes légumes à un coût nettement moins élevé (réduction des dépenses en combustibles, main-d’œuvre moins onéreuse), la situation économique actuelle des maraîchers-serristes est préoccupante. Parmi leurs préoccupations actuelles, nous retiendrons:

– la nécessité de l’économie d’énergie (la production de 1 kg de tomates demande de 1 à 1,5 l de fuel domestique selon les régions) par abaissement de la température d’ambiance, dans les limites compatibles avec les exigences physiologiques de la plante, par allongement de la durée d’élevage des plants en serre de multiplication, par installation d’écrans thermiques nocturnes, etc.;

– l’état sanitaire des productions qui, en corrélation étroite avec le degré d’intensification du système, relève en partie du soin ou du raisonnement apporté à la lutte antiparasitaire (mesures prophylactiques dans la rotation et la conduite des cultures, traitements raisonnés, lutte biologique, cultures hors sol...).

La superficie moyenne des exploitations serristes se situe à 1,5 ha environ mais varie dans des proportions considérables, certaines atteignant 20 hectares.

Bien entendu, toutes les entreprises maraîchères n’entrent pas dans le cadre étroit ainsi défini. La plupart d’entre elles pratiquent simultanément des cultures protégées et des cultures de pleine terre. C’est ce que nous appelons le maraîchage de composition, système adopté le plus souvent par les nouvelles générations qui ne possèdent pas l’autofinancement suffisant pour se lancer, au moment de leur installation, dans un équipement très onéreux et peu souple que constitue l’abri. Cette formule paraît satisfaisante dans la mesure où il y a réduction du risque agronomique ou commercial. Dans ce cas, la superficie moyenne est plus élevée (de 3 à 30 ha).

Le système légumier de plein champ

Le système légumier de plein champ concerne les cultures réalisées sur des sols agricoles, sans protection, et qui entrent dans un assolement comportant d’autres cultures comme les céréales, les fourrages, les plantes sarclées, etc.

Cette définition amène quelques remarques:

– le caractère agricole du sol implique un taux de matière organique faible;

– bien que les cultures soient réalisées sans protection, nous pouvons admettre le recours au paillage plastique du sol (la culture d’échalote en Bretagne est systématiquement paillée);

– l’assolement peut être limité aux seules espèces légumières (artichaut et chou-fleur dans la ceinture dorée du Finistère-Nord) ou réduit à une espèce (monoculture de la laitue en Roussillon) avec des risques sanitaires dans les deux cas.

Les cultures sont réalisées soit par des spécialistes légumiers (frange côtière du nord de la Bretagne, région parisienne...), soit par des agriculteurs de régions de polyculture ou de grande culture désireux d’augmenter leur revenu brut à l’hectare afin de rentabiliser au maximum le matériel agricole ou la maind’œuvre familiale disponible sur l’exploitation (cas de la région landaise).

Dans ces exploitations (S.A.U. 礪 10 ha), la mécanisation est le maître mot pour réduire au maximum les frais de main-d’œuvre ou éviter l’embauche de personnel temporaire.

La production est destinée à la vente en frais ou aux industries alimentaires. Dans le premier cas, les exploitations restent relativement petites (10 諒 S.A.U. 諒 20 ha) et peuvent se rapprocher du maraîchage soit techniquement par la pratique de l’irrigation, le paillage plastique ou le nombre d’espèces cultivées, soit commercialement par le type de vente, notamment lorsque ces exploitations se situent à proximité des centres de consommation (à ce titre, le développement des productions légumières de plein champ entre Paris et Orléans, à proximité des halles de Rungis, a été significatif). Par ailleurs, il convient de faire remarquer que, même dans ce cadre-là, la notion de primeur peut garder toute sa signification: elle se traduira le plus souvent, dans la pratique, par un suréquipement en matériel de récolte et de traction (exemples de la pomme de terre de primeur en région de Saint-Malo et de la carotte de primeur en région nantaise).

En ce qui concerne l’orientation vers les industries alimentaires, ce type de culture constitue la base de l’approvisionnement des usines de conserve dans le cadre de production sous contrat. Effectivement, si pendant longtemps on a considéré que l’industrie n’utilisait que les légumes non valables pour la vente en frais et n’était qu’un débouché pour les excédents, compte tenu du développement de la consommation de légumes de conserve, les industriels ont été amenés à réaliser des planifications de fabrication en appliquant une politique contractuelle des agriculteurs. Un contrat de culture lie le producteur et l’industriel: le producteur s’engage en particulier à ensemencer une certaine superficie, avec une variété déterminée, à une date précise, la date de récolte étant décidée par l’industriel. Le contrat précise également la rémunération de l’agriculteur en fonction de la qualité de la récolte, conformément aux prix de campagne fixés sur le plan national par l’interprofession et l’administration. Cela concerne notamment le pois, les haricots mange-tout et flageolet, le céleri-branche, la tomate... Dans ce domaine de la production des légumes d’industrie, des efforts importants ont été consentis en matière de recherche génétique – obtention de variétés répondant au mieux aux exigences de la conserverie (adaptation des plantes à la récolte mécanique, qualité du produit...) –, recherche agrotechnique et technologique – mise au point de récolteuses spécifiques.

La production d’auto-approvisionnement

La production d’auto-approvisionnement (ou cultures potagères) est réalisée dans les jardins ouvriers dont les emplacements sont réservés à la périphérie des cités urbaines, dans les jardins familiaux et dans les jardins des exploitations agricoles. Seule, la troisième catégorie de jardins est en régression à l’heure actuelle. Cette production vient concurrencer fortement celle du maraîchage et celle du plein champ durant la période estivale, pléthorique en matière de légumes.

L’autoconsommation représente 36 p. 100 de la consommation totale des légumes frais et demande à être modulée en fonction de la région (le Nord vient en tête), des classes socioprofessionnelles et des espèces (le haricot vert et le poireau sont les espèces les plus cultivées dans les jardins d’amateurs).

Encyclopédie Universelle. 2012.