KOLKHOZ
Kolkhoz est en russe le terme abrégé de kollektivnoe khozjajstvo (exploitation collective). Selon son «statut type» approuvé le 28 novembre 1969, le kolkhoz était un organisme coopératif, réunissant volontairement des paysans en vue de la gestion d’une grande exploitation socialiste agricole fondée sur la propriété sociale des moyens de production et sur le travail collectif.
L’instauration des kolkhoz date de la période du communisme de guerre (1918-1920); mais, jusqu’en 1929, leur développement a été lent. En 1927, ils n’occupaient que 0,7 p. 100 de la superficie ensemencée par les paysans et ne produisaient que 0,6 p. 100 de la production agricole totale. De grandes différences dans le degré de socialisation existaient entre les kolkhoz. Le type le plus répandu était le T.O.Z. (Tovariš face="EU Caron" カestvo po sovmestnoi obrabotke zemli : Association pour le travail de la terre en commun); il concernait 62,3 p. 100 des kolkhoz au 1er octobre 1929. Dans le T.O.Z. tous les moyens de production restaient la propriété des membres, seuls les travaux de culture du sol étaient accomplis en commun. Le type le moins répandu était la commune (6,9 p. 100 du total à la même date), dans laquelle les moyens de production et les maisons devenaient propriété du kolkhoz et les repas étaient pris en commun. Dans le troisième type, l’artel (30,8 p. 100 du total), les moyens de production essentiels étaient socialisés, mais les paysans conservaient la propriété de leur maison d’habitation, d’une quantité déterminée de bétail et d’une petite parcelle individuelle.
Le gouvernement soviétique, tout en affirmant sa foi dans la commune , a développé, avec la grande poussée de collectivisation des années 1929-1931, une seule forme de kolkhoz: l’artel .
1. Statut des kolkhoz
Chaque kolkhoz possédait un statut qui devait être conforme au statut type approuvé par le gouvernement. Le premier statut type de l’artel a été adopté le 1er mars 1930. Il a été remplacé par celui du 17 février 1935, qui, avec des modifications successives, est resté en vigueur jusqu’en 1969. Le statut type du 28 novembre 1969 a été proposé par le 3e Congrès général des kolkhoziens. Bien que les terres constituassent la propriété de l’État, elles étaient attribuées à chaque kolkhoz à perpétuité, gratuitement. Elles se divisaient en terres collectives (256 millions d’hectares en 1961) et en lopins individuels (env. 5 millions d’hectares en 1961), soit environ 0,3 ha par famille (dvor ).
Pouvaient devenir membres du kolkhoz les citoyens ayant atteint l’âge de seize ans et s’engageant à travailler dans l’exploitation collective. L’ensemble des membres formait l’assemblée générale du kolkhoz, qui était dotée de tous les pouvoirs et se réunissait au moins quatre fois par an. Elle élisait le président du kolkhoz et son conseil d’administration, pour trois ans. Le travail agricole s’effectuait dans le cadre de brigades qui élisaient elles-mêmes leur brigadier et leur conseil. Elles se subdivisaient en petites équipes (zveno ).
Plusieurs dispositions distinguent les kolkhoz des coopératives occidentales. Au moment de leur extension (1929-1931), l’adhésion des membres n’était pas volontaire et ne l’a jamais été entièrement. Le droit de quitter le kolkhoz était limité par des pressions sociales et administratives et s’accompagnait de la perte de tous les biens, sauf des biens réservés à l’usage personnel. Sont restées lettre morte les dispositions qui concernaient l’élection des présidents des kolkhoz: ces derniers étaient nommés par les directions régionales de l’Agriculture. La plupart des décisions réservées à l’assemblée générale (par exemple, l’exclusion des membres) étaient prises en fait par les présidents nommés des kolkhoz. Pratiquement, les seules dispositions qui relevaient du statut des coopératives étaient celles qui concernaient la répartition des revenus des kolkhoz entre leurs membres. Ces derniers, tout en ayant l’obligation statutaire de travailler (100 à 120 «journées de travail» conventionnelles par an depuis 1942), étaient considérés comme des actionnaires et étaient payés sur le solde des recettes annuelles, une fois remplies toutes les obligations envers l’État et effectués les versements aux fonds du kolkhoz. En tant qu’«actionnaires», les kolkhoziens ne bénéficiaient pas primitivement de la sécurité sociale. Le salaire garanti, calqué sur les barèmes des ouvriers des sovkhoz (fermes d’État), n’a été institué qu’en 1967; il a été confirmé par le dernier statut type, qui a accordé également aux kolkhoziens le droit à la sécurité sociale et aux pensions de vieillesse.
2. Pouvoirs en matière de planification
Les pouvoirs du kolkhoz en matière de planification ont été fortement limités à l’époque stalinienne. Le statut du 17 avril 1935 prévoyait que le kolkhoz devait s’engager à gérer son exploitation conformément aux plans de production agricole fixés par les organes du gouvernement ouvrier-paysan et à remplir ses obligations envers l’État. Il n’avait pas le droit de posséder de tracteurs, de combinés ni, en général, de machines agricoles. Il était desservi par les M.T.S. (stations de machines et de tracteurs), qui imposaient leurs propres plans en matière de travaux agricoles. Le gouvernement fixait la part de récoltes à livrer aux «services des collectes» à des prix très bas, pratiquement inchangés de 1929 à 1952, et imposait les quantités à «vendre» aux mêmes services à des prix plus élevés, mais toujours inférieurs aux prix du marché kolkhozien. Les kolkhoz ne pouvaient vendre à prix fort que les excédents résiduels. L’approvisionnement en matériaux de production bénéficiait d’une priorité très réduite et était en fait limité par les services de l’État. Les kolkhoz achetaient comme des particuliers, aux prix de détail fortement surévalués à cause de l’impôt sur le chiffre d’affaires (cela se vérifiait surtout pour l’essence).
Les limitations des droits des kolkhoz en matière de planification ont été soumises aux critiques officielles après la mort de Staline. Le décret du 9 mars 1955 autorisa le kolkhoz à établir son propre plan de production à condition de respecter le montant des livraisons obligatoires et des «ventes» à l’État et le montant des paiements en nature aux M.T.S., imposés par le plan central. L’abolition des M.T.S., en 1958, et la vente de leurs équipements aux kolkhoz, ainsi que l’introduction d’une seule catégorie de collectes à des prix majorés, survenue en juin 1958, ont renforcé les pouvoirs des kolkhoz. À partir de 1965, les quantités de produits à livrer à l’État, ainsi que les prix, furent fixés à l’avance pour cinq ans. En fait, le kolkhoz ne put planifier et vendre librement que la production obtenue en excédent des contingents à livrer à l’État.
3. Politique du gouvernement
Le kolkhoz du type «artel», qui était d’application quasi générale, ne représentait aux yeux du Parti communiste qu’une mesure temporaire, rendue nécessaire par les difficultés du moment. D’après le discours de Staline au XVIIIe congrès du Parti (mars 1939), la «commune» était le stade suprême de l’évolution du kolkhoz. L’«accession» de la propriété kolkhozienne au niveau de la propriété étatique représentait pour Staline, d’après son dernier ouvrage Problèmes économiques du socialisme en U.R.S.S. (1952), une condition essentielle de l’abolition du marché et de l’introduction du communisme. Ces prises de positions doctrinales ont inspiré trois catégories de mesures.
Lutte contre les parcelles individuelles
Le statut type du 17 février 1935 autorisait les kolkhoziens à conserver une superficie de 0,25 à 0,5 ha (dans certaines régions jusqu’à 1 ha) de terre cultivable (sans compter la surface des bâtiments), une vache, deux veaux, une truie, dix moutons (au plus), un nombre illimité de volailles et vingt ruches. En 1938, la superficie unitaire moyenne des enclos familiaux était de 0,49 ha couvrant 9 millions d’hectares, dont 5,3 millions de surface ensemencée.
En 1939, après le XVIIIe congrès du Parti, une campagne fut lancée contre les parcelles individuelles. Pour des raisons de «violation des statuts», des superficies considérables furent confisquées et remises aux kolkhoz. En même temps, un minimum de travail obligatoire dans le kolkhoz était fixé, bien que ce travail ait été déjà important (en Ukraine, en 1938, les kolkhoziens consacraient 80 p. 100 de leur temps au kolkhoz et 20 p. 100 à leurs parcelles, plus précisément 2,6 p. 100 seulement pour les hommes et 39,5 p. 100 pour les femmes). Le 1er septembre 1939, les revenus des parcelles individuelles ont été frappés d’un impôt spécial progressif et, le 16 avril 1940, le régime des livraisons obligatoires a été étendu à certains produits des parcelles individuelles, comme les pommes de terre, le lait, la viande, les œufs, etc. Après la guerre, en septembre 1946, une nouvelle vérification des surfaces attribuées aux kolkhoziens a permis de retirer de nouveau 521 000 hectares à l’exploitation familiale.
Après la mort de Staline, certains allégements des impôts sur les revenus des parcelles individuelles et du montant des livraisons obligatoires des kolkhoziens ont été décrétés en septembre 1953. D’autres limitations financières ont été abolies en octobre 1964. Cependant, on continua d’exercer des pressions sur les kolkhoziens, notamment en proportionnant la superficie des parcelles au travail fourni dans le secteur collectif. Ce dernier principe fut confirmé par le statut type du 28 novembre 1969, mais la doctrine officielle prévoyait que les kolkhoziens eux-mêmes dussent renoncer aux parcelles individuelles, jugées incommodes et inutiles à partir d’un certain degré de maturité de l’économie.
Tendances vers l’agrandissement
Il ressort du tableau 1 que les dimensions moyennes des kolkhoz ont eu tendance à croître continuellement. En 1928, les kolkhoz constituaient de petites unités, mais après la décision du Parti du 17 novembre 1929 de créer de grands kolkhoz mécanisés, le nombre moyen des feux kolkhoziens s’est accru (de 13 en 1928 à 70 au 1er mai 1930). De 1930 à 1938, l’agrandissement des kolkhoz s’est fait partiellement aux dépens des sovkhoz ; dans l’ensemble, le nombre moyen de feux kolkhoziens a augmenté lentement (78 en moyenne en 1938). Le nombre des kolkhoz ayant plus de cent cinquante feux ne dépassait pas 12 p. 100 du total au 1er janvier 1938.
Une nouvelle campagne pour l’élargissement des kolkhoz fut lancée en 1948 et accentuée en 1950 par les projets d’agrovilles de Khrouchtchev. L’augmentation des rendements devait être obtenue grâce au renforcement des «brigades» kolkhoziennes, à la concentration de l’habitat rural et au contrôle renforcé du Parti. Bien que cette politique ait été abandonnée en 1951 et condamnée en 1952 dans le rapport de G. Malenkov, l’agrandissement des kolkhoz s’est poursuivi jusqu’en 1960, le nombre moyen des feux kolkhoziens atteignant trois cent quatre-vingt-trois (tabl. 1).
Transformation des kolkhoz en sovkhoz
Les sovkhoz représentaient une forme de socialisation supérieure à celle des kolkhoz. Cependant, les autorités soviétiques n’ont pas unifié les deux formes principales d’exploitation agricole, qui ont longtemps différé par le statut de leur personnel. Les kolkhoziens, contrairement à leurs collègues des sovkhoz, ne bénéficiaient, jusqu’en 1967, ni d’un salaire garanti, ni de la sécurité sociale. Avec l’accroissement des revenus des kolkhoziens survenu après 1960, ces différences se trouvèrent atténuées et une grande partie des kolkhoz fut transformée en sovkhoz.
4. Place des kolkhoz dans la production agricole
Avant la collectivisation forcée des années 1929-1931, la part des kolkhoz dans la production agricole était négligeable. Ils ne fournissaient que 1,2 p. 100 de la récolte des céréales dans un pays où 80 p. 100 de la population active travaillait dans l’agriculture (le tableau 2 indique l’importance des kolkhoz dans l’agriculture). Ils possédaient, en revanche, 40 p. 100 du nombre total des tracteurs utilisés.
Plus tard, jusqu’en 1950, les kolkhoz ont représenté la forme dominante de l’exploitation agricole soviétique. Avec une récolte de céréales atteignant jusqu’à 80 p. 100 du total et une main-d’œuvre représentant, en 1950, 91,7 p. 100 de la population active agricole, le succès de cette forme d’exploitation conditionnait en quelque sorte celui de l’idée de la collectivisation de l’agriculture.
Le déclin des kolkhoz apparut nettement à partir de 1960. Leur part dans les superficies ensemencées totales passa de 60,6 p. 100 en 1960 à 49,4 p. 100 en 1968 et la part des kolkhoziens dans la population active agricole fut réduite de 76,9 p. 100 en 1960 à 63 p. 100 en 1967 (tabl. 2). La cause immédiate en résida dans les transformations récentes des kolkhoz les plus importants en sovkhoz. Au-delà de cette évolution, le problème du rôle même du kolkhoz et de son organisation se trouva posé. Malgré toutes les restrictions, il n’avait pas réussi à éliminer le « secteur privé» de l’agriculture, constitué par la production des parcelles individuelles. Leur part, y compris les parcelles des membres des sovkhoz, resta très importante pour certaines productions de base. Cette persistance du «secteur privé» rendait vain le passage des kolkhoz à une forme «supérieure» (collective) de la propriété: les sovkhoz.
L’écroulement du régime soviétique à la fin de 1991 a porté un coup fatal à la tentative de construction socialiste dans le monde agricole que représentaient sovkhoz et kolkhoz. Mais, encore en 1993, le retour à un statut privé des grandes exploitations étatiques ou coopératives n’était pas réalisé: les quelque 184 000 fermes privées recensées en 1993 ne représentaient que 3,6 p. 100 des surfaces cultivées et résultaient de la privatisation des «lopins» personnels des paysans.
● kolkhoz nom masculin invariable ou kolkhoze nom masculin (russe kolkhoz, abréviation de kollektivnoïe khoziaïstvo, exploitation collective) En U.R.S.S., exploitation agricole fondée sur la propriété collective des moyens de production, développée surtout à partir de 1930. ● kolkhoz (difficultés) nom masculin invariable ou kolkhoze nom masculin (russe kolkhoz, abréviation de kollektivnoïe khoziaïstvo, exploitation collective) Orthographe Les deux graphies, kolkhoze ou kolkhoz, sont admises. Kolkhoze est plus fréquent. - Attention au h qui suit le deuxième k.
kolkhoz ou kolkhoze
n. m. Exploitation agricole collective, en U.R.S.S. Les kolkhoz (ou kolkhozes) ont été démantelés en 1992.
ÉCON. RURALE. Dans les pays socialistes et particulièrement en U.R.S.S., coopérative de producteurs agricoles, disposant en commun d'une vaste étendue de terre et des outils de travail. Toutes les entreprises industrielles et de transport, tous les kolkhoz et sovkhoz importants ont respectivement leurs journaux (Civilis. écr., 1939, p. 40-1). La transformation du mode de propriété en kolkhozes, terres collectives, ou en sovkhozes, propriétés d'État, amène le regroupement des parcelles et un nouveau partage, suivant des normes purement agronomiques (MEYNIER, Paysages agraires, 1958, p. 55). L'absence de contrôle par les intéressés eux-mêmes (à l'exception des kolkhoses) rend cette moralité impérative rigoriste (Traité sociol., 1968, p. 170).
Prononc. et Orth. : []. Prop. CATACH-GOLF. Orth. Lexicogr. 1971 kolkose. Étymol. et Hist. 1931 kolhos (J. GUÉHENNO, trad. : M. FARBMAN, Piatiletka — Le Plan russe —, 140-1 ds QUEM. DDL t. 13); 1935 kolkhose (Arts et litt., t. 1, p. 64-06). Empr. au russe kolchoz de même sens, abrév. de kollektivnoje chozjajstvo « exploitation agricole collective » (cf. Mél. Wartburg, 1968, t. 2, p. 449 et FEW t. 20, p. 38b).
DÉR. Kolkhosien, -ienne, kolkhozien, -ienne, adj. et subst. a) Adj. Qui concerne le kolkhoz; du kolkhoz. Champs, marchés kolkhosiens; terres kolkhoziennes. La « liquidation » des koulaks a été une des opérations les plus rudes du régime et il a fallu préciser que chaque paysan kolkhozien pouvait posséder sa maison, son jardin et un peu de bétail (LESOURD, GÉRARD, Hist. écon., 1966, p. 539). b) Subst. Membre d'un kolkhoze. Ce qui me touche par excellence, c'est (...) le mineur défonçant l'Oural et le kolkosien déniaisant le paysan pour édifier le socialisme (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 65). Quelle est la vision du monde d'un kolkhozien d'Ukraine (Traité sociol., 1967, p. 330). — [], [--], fém. [-]. — 1res attest. 1933 subst. et adj. (KIRPOTINE in La Littérature internationale, n° 1, 121 et 157 ds QUEM. DDL t. 12); de kolkhoze, suff. -ien.
BBG. — QUEM. DDL t. 17 (et s.v. kolkhozien).
Encyclopédie Universelle. 2012.