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INNOVATION
INNOVATION

Dans son sens le plus large, innovation peut désigner tout changement introduit sciemment dans l’économie par un agent quelconque et ayant pour but et résultat une utilisation plus efficiente ou plus satisfaisante des ressources. Cette acception exhaustive peut difficilement avoir une valeur analytique car elle comprend ainsi une multitude d’événements de type et d’importance très différents. C’est pourtant dans un sens proche de celui-là que le terme est apparu en premier lieu, semble-t-il, dans la littérature économique par l’œuvre de l’économiste autrichien Joseph Schumpeter (1883-1950), qui distinguait cinq cas d’innovation: la fabrication d’un bien nouveau, l’introduction d’une méthode de production nouvelle, la réalisation d’une nouvelle organisation, l’ouverture d’un débouché nouveau, la conquête d’une nouvelle source de matières premières ou de produits semi-ouvrés. Pour cet auteur, le trait commun de ces changements très disparates est qu’il s’agit de «l’exécution de combinaisons nouvelles» qualitativement importantes et introduites par des chefs d’entreprise dynamiques, les «entrepreneurs». Leur résultat est de provoquer et de soutenir l’évolution économique.

Plus préoccupés du progrès technique que de l’ensemble des occasions de développement, les économistes contemporains n’ont pas, en général, repris cette conception féconde dans son intégralité. La signification du terme «innovation» a été à la fois rétrécie, car il ne désigne plus guère que les trois premiers cas définis ci-dessus, et élargie dans la mesure où il n’indique pas nécessairement un changement important lié à un personnage particulier. Au total, son acception est actuellement plutôt vague; pourtant il est fort utilisé car il est pratique et suggestif. Le progrès technique, en effet, phénomène capital mais abstrait et global, résulte concrètement de la succession, de la combinaison et de l’accumulation d’innombrables changements d’importance variable que l’on peut appeler «innovations». Ce terme invite donc à une étude microéconomique des voies qu’utilise le progrès pour apparaître et se propager, à une vision analytique de la croissance. Son imprécision est justement le reflet de la diversité des situations.

Genèse de l’innovation

La genèse d’une innovation est constituée par l’ensemble des faits scientifiques et techniques qui ont concouru à sa formation. La connaissance approfondie de cette phase préalable, difficile à observer quand elle est en cours, mais reconstituable a posteriori, est essentielle pour tenter de prévoir et de diriger le flux des changements techniques.

Innovation et invention

La genèse des produits nouveaux ou des nouvelles méthodes de production (innovations dans la technique instrumentale) a profondément changé depuis le début de la civilisation industrielle. Jusqu’au début du XXe siècle environ, et dans la plupart des cas, les innovations techniques ont pour origine une invention , c’est-à-dire une idée technique nouvelle susceptible de conduire à des résultats utiles. Les inventions sont habituellement l’œuvre d’industriels, d’ingénieurs, d’artisans, d’ouvriers, travaillant seuls ou en petite équipe, bénéficiant évidemment des essais, résultats, améliorations antérieurs. Les liens entre les inventions et des acquisitions scientifiques récentes sont alors généralement assez flous, voire nuls, du moins dans les domaines essentiels des inventios mécaniques (vapeur, textiles, transports) et métallurgiques.

Par contraste avec les situations actuelles, deux traits de la genèse sont à cette époque importants pour l’économiste: l’aléa et la quasi-gratuité . L’apparition de l’invention elle-même est incertaine et donc rarement provoquée sciemment par les industriels établis. Par ailleurs, comme le lien avec la science reste assez lâche et les techniques peu complexes, l’invention est peu coûteuse à l’échelon social; des ressources individuelles sont généralement suffisantes. Il en est de même pour le passage de l’invention à l’innovation: son lancement est très risqué, comme en témoignent d’innombrables échecs, mais la mise au point commerciale ne nécessite pas d’investissements particuliers.

Innovation et recherche-développement

À partir des années trente, et même dès la fin du XIXe siècle avec les grandes inventions en chimie organique et en électricité, les traits esquissés ci-dessus se sont totalement modifiés. La saturation des domaines techniques anciens (métallurgie, moteurs) et la complexité d’emblée considérable des techniques nouvelles (électronique, techniques nucléaires) ont fait de la genèse des innovations un problème économique aigu.

Tout d’abord, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les objectifs de croissance sont devenus plus ambitieux et les besoins de la défense ont souvent la priorité dans plusieurs nations industrielles. Un flux régulier et intense d’innovations doit alors être maîtrisé, ce qui semble contradictoire avec le caractère profondément aléatoire de la création technique. Par ailleurs, le coût de conception et de mise au point est devenu extrêmement élevé. Les liens avec la science fondamentale, dont la demande en personnel et en matériel de qualité supérieure est croissante, s’étendent et s’affermissent de façon permanente. La complexité des nouveautés techniques et la taille de certains ensembles qui comportent des milliers d’éléments rendus compatibles à un niveau élevé de fiabilité (avions, centrales atomiques, vaisseaux spatiaux) nécessitent des travaux longs et coûteux d’essais, de mises au point, de révisions. Dans ces conditions, la phase «héroïque» de l’invention et de l’inventeur de génie a presque entièrement disparu. S’y est substitué un processus collectif et massif de «recherche-développement» qui comprend théoriquement trois phases étroitement imbriquées: recherche fondamentale, provisoirement «désintéressée», recherche appliquée, orientée vers la solution d’un problème technique, et développement, c’est-à-dire mise au point (y compris la construction de prototypes et d’installations pilotes). Dès lors de nouveaux problèmes de calcul économique se posent dont les solutions sont, pour l’instant, très insatisfaisantes: Quel montant optimal de fonds allouer à la recherche? Quels sont les projets les plus rentables? Comment les conduire?

La création technique dans le capitalisme contemporain

Cet envahissement des contraintes «matérielles» dans un domaine considéré traditionnellement, et superficiellement, comme étant, par excellence, celui de la gratuité et du désintéressement a profondément modifié l’attitude des agents économiques à l’égard de la création technique. Les inventeurs indépendants, «académies», «sociétés savantes», etc., ont été relayés par ceux qui sont capables de réunir des capitaux importants: essentiellement les grandes entreprises capitalistes et l’État.

Toutes les grandes entreprises industrielles et beaucoup de moyennes, spécialement aux États-Unis, entretiennent des installations de recherche-développement. Les investissements ainsi réalisés sont très variables: pour la France, par exemple, 1 p. 100, ou même moins, du chiffre d’affaires dans les secteurs anciens ou traditionnels (sidérurgie, industries alimentaires), jusqu’à 25 p. 100 dans l’industrie aéronautique. La grande entreprise n’est plus seulement un lieu de productions matérielles, elle est également un lieu de production d’informations scientifiques et techniques. Par rapport à sa rationalité propre et à son comportement général, cette activité nouvelle est cependant contradictoire: d’un côté la rapidité de l’évolution technique et la vigueur de la concurrence l’obligent, sous peine de déclin, à innover sans cesse, de l’autre les aléas de l’activité de création technique qu’elle est obligée d’exercer la mettent en face d’incertitudes d’autant plus graves que les fonds engagés dans la recherche sont importants. La résultante de cette difficulté est une double tendance: tendance à entreprendre des «recherches» conduisant à des nouveautés plutôt mineures, car, toutes choses égales d’ailleurs, l’incertitude créatrice est fonction de l’originalité du projet; tendance à entreprendre surtout des travaux de «développement», moins aléatoires mais très coûteux. Souvent, alors, la firme se contente d’exploiter des idées nouvelles nées à l’extérieur d’elle-même (laboratoires universitaires, indépendants, petites et moyennes entreprises), mais dont le flux est nécessairement limité.

Des réalisations brillantes, appuyées par des recherches fondamentales, comme l’invention du Nylon par la société Du Pont de Nemours ou celle du transistor par la Bell Telephone Company, ne doivent pas faire oublier que, dans l’ensemble, les grandes entreprises peuvent être considérées comme des sources fertiles en innovations mineures et des sources pauvres en innovations majeures. Cette appropriation privée du savoir (renforcée par les brevets, le secret, les positions monopolistiques, etc.) et des moyens de production risque fort d’entraîner une allocation non optimale des ressources, inventives en l’occurrence.

L’État a été ainsi amené à intervenir de façon massive et directe en prenant en charge partiellement ou en stimulant les recherches dans les industries de pointe, où le risque de sous-utilisation des facteurs est permanent, mais surtout en finançant directement la quasi-totalité des travaux associés à la réalisation des programmes d’armement et de conquête de l’espace. L’État peut en effet réunir des masses de capitaux et les risquer sans la sanction du marché. Ainsi, aux États-Unis, en 1988, l’État a financé directement 53 p. 100 de l’ensemble des ressources consacrées à la recherche-développement, lesquelles représentent près de 3 p. 100 du produit intérieur brut. Cette collusion entre pouvoirs privés et pouvoirs publics dans un secteur aussi important est une manifestation typique du capitalisme monopoliste d’État.

Introduction de l’innovation

Une fois élaborée et mise au point, l’innovation doit être introduite dans l’économie, c’est-à-dire, d’ordinaire en économie capitaliste, lancée sur le marché.

Sources de l’innovation

Il serait très simplifié toutefois de se présenter une séquence «genèse-introduction», entièrement maîtrisée et intégrée par un seul agent économique. Il est rare qu’une firme élabore entièrement une nouveauté et la lance sur le marché; cela se réalise surtout pour des innovations mineures dans les domaines civils de haute complexité technique.

En réalité, les sources d’innovations commerciales sont variées. Les laboratoires industriels ont souvent pour tâche principale d’effectuer la mise au point de brevets d’invention acquis par ailleurs. Ensuite les entreprises, particulièrement petites et moyennes, peuvent recourir, dans certains domaines, à des sociétés d’engineering spécialisées dans la fourniture d’informations techniques. Enfin elles peuvent également obtenir, contre paiement, des licences de la part d’entreprises souvent situées à l’étranger où la nouveauté est déjà exploitée. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le terme d’innovation ne doit pas être restreint à la «technique instrumentale»; il faut y inclure sans aucun doute les innovations dans la «technique sociale» (nouvelles formes d’organisation, nouvelles méthodes de gestion de l’entreprise, de distribution, de financement...). Toutefois leur élaboration ne donne pas encore lieu, en général, à des investissements particuliers ou onéreux et elles ne sont pas protégées par des brevets.

Innovation et croissance des firmes

Sauf dans les cas particuliers de contrats avec l’État pour la défense ou l’espace, les innovations sont lancées sur le marché par des entreprises. Mais quelles entreprises?

J. Schumpeter a développé à ce sujet avant la Seconde Guerre mondiale une conception séduisante, celle de l’entrepreneur . L’entrepreneur est le personnage qui assume personnellement les risques de l’innovation. C’est une sorte d’aventurier doué de qualités exceptionnelles qui vient briser la routine ambiante, qui apporte un regard neuf sur l’ancienne manière de faire des industriels établis. Il n’est pas nécessairement industriel lui-même au départ, pas plus qu’il n’est savant, ingénieur, inventeur ou capitaliste. Peu importe: l’entrepreneur selon Schumpeter ne se définit pas par une classe sociale ou une formation, mais par des aptitudes. Schumpeter estime que presque toutes les grandes innovations ont été introduites dans le passé par des hommes nouveaux, inconnus jusqu’alors, fondant une nouvelle entreprise basée sur l’innovation et mettant en œuvre des capitaux neufs rassemblés par des banquiers dynamiques.

Or, même pour l’époque du capitalisme de petites unités, cette image paraît quelque peu excessive. Elle l’est a fortiori de nos jours dans un capitalisme dominé par les grandes firmes établies. Schumpeter nous renvoie à un monde industriel où le taux de natalité et de mortalité des entreprises est très élevé, à un monde de faillites spectaculaires, de fortunes rapides, de mobilité, de disponibilité et de divisibilité des capitaux. La réalité contemporaine est très différente: les nouvelles entreprises fondées sur une grande innovation sont rares, ou alors elles se présentent dès l’origine comme dominées financièrement par de puissantes entreprises ou par l’État dont elles sont le plus souvent des émanations. En réalité les grosses firmes des secteurs en expansion rapide et à infrastructure technique importante (électronique, chimie et caoutchouc, pétrole, énergie, métallurgie moderne, aéronautique, mécanique et électricité) contrôlent directement ou indirectement les flux d’innovations. Pour elles, la croissance élevée est une nécessité, sous peine de disqualification rapide. Cette croissance passe généralement par la diversification constante des productions et l’abaissement des coûts, par la perception aiguë des possibilités nouvelles dans leur domaine ou les domaines connexes, par la domination des petits innovateurs à forte expansion potentielle. Bref, la grande firme cherche à maîtriser l’ensemble de son milieu environnant. Pour cela, elle doit déterminer un flux optimal (privé) d’innovations. Ses risques sont soigneusement et étroitement calculés, et elle a fait de l’entrepreneur «héroïque» un simple salarié.

Les occasions d’innover

Quelles innovations introduire et à quel rythme? Le problème est complexe. On peut dire toutefois que toute innovation résulte de la saisie par l’entreprise d’une occasion d’innover, ou plus exactement d’investir dans l’innovation, car une innovation de quelque importance réclame, en général, des dépenses de capital. Une occasion sera définie comme la survenance d’un événement ou d’une situation qui provoque la décision et dont l’opportunité était auparavant floue ou nulle. Quelles sont alors les occasions d’innover? Lesquelles seront saisies et pourquoi? Schématiquement, les occasions qui se présentent à la firme peuvent être regroupées selon un double critère de lieu (occasions internes ou externes) et de nature (occasions économiques ou techniques), dont la combinaison engendre quatre catégories.

Les occasions internes sont celles qui naissent au sein même de l’entreprise, du fait des modifications de son potentiel en ressources productives et inventives dont la taille et la structure évoluent avec la croissance: on distingue les occasions internes économiques , lorsque la présence d’hommes, d’équipements, de stocks, de sous-produits, etc., mal utilisés incite l’entreprise à des actions nouvelles pour permettre un emploi plus rationnel de ces facteurs, et les occasions internes techniques qu’elle se donne à elle-même par la recherche-développement, spécialement quand il s’agit de résultats inattendus ou complémentaires de recherches entreprises répondant à des occasions externes.

Les occasions externes résultent des modifications du milieu environnant: les occasions externes économiques , essentiellement celles qui proviennent de l’apparition brusque ou progressive d’une demande potentielle ou déclarée pour des biens nouveaux; les occasions externes techniques lorsque apparaissent de nouvelles informations scientifiques et techniques prometteuses.

À tout moment, ces occasions sont nombreuses, surtout lorsque la firme est grande et qu’elle appartient à un secteur dynamique. D’où un problème de perception et de choix des occasions. Les occasions externes et internes peuvent entrer en conflit lorsque les intérêts propres de la firme, en tant qu’organe doué d’«homéostasis», peuvent s’opposer à ceux du marché qui exigeraient des réorientations, réallocations de ressources ou l’obsolescence volontaire de production; ou encore lorsque les chercheurs sont réticents à l’égard de travaux faits par ailleurs (Not invented here! ). Si la firme domine suffisamment le milieu environnant (concurrents, demande, brevets, etc.), elle risque d’accorder la préférence aux actions de rationalisation interne, innovatrices ou non. C’est en ce sens qu’on a pu dire que l’entreprise monopolistique est à la fois une source potentielle d’un flux élevé d’innovations et un obstacle à leur introduction.

Propagation de l’innovation

Une fois lancée, et parfois relancée car il y a des tâtonnements et des échecs partiels, l’innovation durablement formée peut se propager. Cette propagation a deux aspects principaux: la diffusion et l’induction.

Diffusion de l’innovation

Si l’innovation reste confinée à son échelle de production initiale, généralement assez modeste, son impact sur la productivité et la croissance restera très limité. Il est important qu’elle puisse se diffuser, atteindre l’échelle où elle devient économique et exercer les effets de progrès dont elle est porteuse. De nombreux facteurs, encore assez mal connus, déterminent l’étendue et la vitesse de diffusion. Les plus notables semblent être le degré de concurrence et la réaction de la demande.

L’innovation donne à l’entreprise qui l’introduit une position de monopole temporaire , génératrice de surprofits. Elle peut donc retenir pour elle-même durant un certain temps les progrès de productivité, ou encore être trop petite pour que la production nouvelle atteigne l’échelle socialement désirable. Il sera souvent nécessaire que d’autres entreprises puissent imiter l’innovateur, et, par leur concurrence, déclenchent le mécanisme de diffusion des progrès. Il semble logique de supposer que le taux d’imitation sera d’autant plus élevé que la concurrence sera ouverte. Toutefois une concurrence trop intense pourra dissuader d’avance un innovateur potentiel. Par ailleurs on peut se demander si les entreprises trop dispersées et petites auront le pouvoir de provoquer des changements importants. De même, la protection légale que donne un brevet d’invention peut être à la fois obstacle à la diffusion et incitateur à l’introduction.

La réaction de la demande, intermédiaire ou finale, est en dernier ressort le «filtre» de la diffusion. Elle est la sanction ultime de l’innovateur qui en attend la rentabilité de son action. Dans le système idéal de «souveraineté du consommateur», seule l’innovation qui répond à un besoin est acceptée. Là encore, cependant, la réalité est hybride: une grande firme peut, dans une certaine mesure, imposer ses productions; au contraire, la diffusion de certaines innovations s’est heurtée à des obstacles psycho-sociologiques qui ne tombèrent que tardivement.

Pouvoir d’induction

Certaines innovations, en raison de leur importance ou de leur place dans le processus de production, ou encore de leur nature, se propagent indirectement en provoquant d’autres innovations: elles donnent à certaines entreprises des occasions d’innover. Sur un plan «horizontal», on pensera par exemple aux «retombées» d’innovations spatiales ou militaires au bénéfice d’activités imprévues initialement. Sur un plan «vertical», en amont des processus de production, une innovation peut contraindre par son importance quantitative ou ses exigences techniques à des innovations dans les matières utilisées ou les procédés mis en œuvre; en aval, elle peut permettre l’introduction de méthodes qui étaient auparavant trop coûteuses ou n’étaient applicables qu’à une échelle limitée.

Tout au long de l’histoire industrielle, les innovations dans les moteurs ont eu un grand retentissement, car elles sont adaptables à un nombre d’usages étendus qu’elles renouvellent ou créent de toutes pièces. Ainsi se forment parfois, comme autour d’un pôle, des constellations d’innovations induites qu’une stratégie du développement doit tenter de provoquer et d’aménager consciemment.

innovation [ inɔvasjɔ̃ ] n. f.
innovacion 1297; lat. imp. innovatio
Action d'innover. « l'innovation au théâtre est la plus difficile et la plus dangereuse de toutes » (Gautier).
Résultat de cette action, chose nouvelle. changement, création, nouveau, nouveauté. Faire des innovations dans sa maison. Aimer, craindre les innovations. inconnu, inédit. « les nouvelles méthodes le hantaient, le lançaient dans les innovations » (Zola). Innovations en matière de cinéma, dans l'industrie. Innovations scientifiques, techniques. découverte, invention.
⊗ CONTR. Archaïsme, routine, tradition.

innovation nom féminin (bas latin innovatio, -onis) Action d'innover ; son résultat : L'innovation technique. Avoir horreur des innovations. Introduction, dans le processus de production et/ou de vente d'un produit, d'un équipement ou d'un procédé nouveau. Ensemble du processus qui se déroule depuis la naissance d'une idée jusqu'à sa matérialisation (lancement d'un produit), en passant par l'étude du marché, le développement du prototype et les premières étapes de la production. Processus d'influence qui conduit au changement social et dont l'effet consiste à rejeter les normes sociales existantes et à en proposer de nouvelles. ● innovation (citations) nom féminin (bas latin innovatio, -onis) Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 Rien ne presse un État que l'innovation : le changement donne seul forme à l'injustice et à la tyrannie. Essais, III, 9 accable ● innovation (synonymes) nom féminin (bas latin innovatio, -onis) Action d' innover ; son résultat
Synonymes :
- changement
- création
- invention
- nouveauté
- révolution
- transformation
Contraires :
- conservatisme
- routine
- tradition

innovation
n. f. Action d'innover; chose innovée.

⇒INNOVATION, subst. fém.
A. — Action, fait d'innover. S'il y avait dans l'ouvrage innovation de style, il y avait aussi changement de doctrine (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 45). V. dévitaliser ex. :
1. Qu'adviendrait-il si cette étonnante ouvrière [une araignée], placée dans des circonstances particulières et gênantes (comme les abeilles l'ont été par les expériences d'Huber), était appelée à varier son art et à innover? Le ferait-elle? A-t-elle enfin l'esprit de ressources, et au besoin, d'innovation, que déploient en certains cas les insectes supérieurs?
MICHELET, Insecte, 1857, p. 218.
Dans le domaine de l'industr. et des affaires. Profit(s) d'innovation. Périodes de construction d'un bien de capital, période de sa maturation et surtout période du passage de l'invention à l'innovation (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 491).
B. — Résultat de cette action, chose nouvelle introduite. Les innovations apportées par la barbarie dans la langue latine dégénérée (SAINTE-BEUVE, Poés., 1829, p. 80). De judicieuses innovations thérapeutiques comme celle de la trachéotomie dans le croup (BARIÉTY, COURY, Hist. méd., 1963, p. 613) :
2. De même les innovations orchestrales de Stravinsky ne se résolvent pas dans une nouvelle manière d'assembler et de dissocier les sons, les instruments et les rythmes, mais dans la redécouverte de la musique comme signification totale de l'existence, par quoi toute une tradition musicale reçoit son sens, par quoi prennent une vie nouvelle et un sens nouveau les symboles mêmes de Palestrina et de Jean-Sébastien Bach.
J. VUILLEMIN, Être et trav., 1949, p. 59.
SYNT. Grande, dangereuse, heureuse innovation; innovation capitale, importante, majeure; innovation hardie, ingénieuse; innovation féconde, funeste; innovation chorégraphique, culturelle, instrumentale, pédagogique, technique; constituer une innovation; mettre en garde contre les innovations.
Dans le domaine de l'industr. et des affaires. Que sera cette innovation : une nouveauté éventuellement toute temporaire et funeste à une clientèle finalement subjuguée, ou une nouveauté propice à l'augmentation durable du produit réel global mis à la disposition de la collectivité? (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 454).
Prononc. et Orth. : [in(n)]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1297 innovacion « transformation d'une ancienne obligation par substitution d'un nouveau débiteur à l'ancien » synon. de novation, terme de dr. (doc. 12 févr. ds Chartes du XIIIe s. conservées aux Archives de l'Indre, éd. E. Hubert, 1885, p. 29), seulement terme de dr. au Moy. Âge; 1559 (AMYOT, Mar., 76 ds LITTRÉ : faire des innovations dans l'estat de la chose publique). Empr. au b. lat. innovatio « changement, renouvellement, innovation ». Fréq. abs. littér. : 468. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 617, b) 293; XXe s. : a) 282, b) 1 135.

innovation [i(n)nɔvɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1297, innovacion; lat. impérial innovatio, de innovatum, supin de innovare. → Innover.
1 Rare. Action d'innover. || Un esprit d'innovation, novateur. || L'innovation artistique. || L'innovation d'un procédé par un chercheur.
Plus cour. (non qualifié). || Critères d'innovation, en technique, dans l'industrie. || Innovation par création d'un produit nouveau sur un marché, par création d'un produit nouveau dans une gamme, etc.
2 Cour. Chose nouvelle; résultat de l'action d'innover. Nouveauté; changement, création. || Aimer, craindre les innovations ( Inconnu, inédit). || Faire, introduire une innovation. || Lanceur d'innovations. Innovateur. || Il a horreur de toute innovation. Néophobe.Innovation heureuse, attendue; hardie ( Hardiesse); dangereuse. || Innovations scientifiques, techniques. Découverte, invention. || Innovations de sens (→ Étymologie, cit. 3). || Une innovation littéraire (→ Exemple, cit. 36).
1 Au contraire, j'aurais désiré que, pour arrêter (…) les innovations dangereuses qui perdirent enfin les Athéniens, chacun n'eût pas le pouvoir de proposer de nouvelles lois à sa fantaisie (…)
Rousseau, De l'inégalité parmi les hommes, À la Républ. de Genève.
2 Les innovations peu importantes ne sont pas toujours celles qui soulèvent le moins les ennemis de la nouveauté (…)
Condorcet, Vie de Voltaire.
3 (…) l'innovation au théâtre est la plus difficile et la plus dangereuse de toutes; presque toujours la scène neuve fait tomber une pièce (…)
Th. Gautier, les Grotesques, III, p. 75.
4 C'était depuis cette époque que les nouvelles méthodes le hantaient, le lançaient dans les innovations (…)
Zola, la Terre, II, I.
Spécialt. Réalisation technique nouvelle qui s'impose sur un marché. || « Une invention ne se hisserait à la qualité d'innovation que dans la mesure où elle rencontrerait un marché » (le Monde, 13 juin 1973, in la Clé des mots).
CONTR. Archaïsme, coutume, immobilisme, routine, tradition.

Encyclopédie Universelle. 2012.