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IMMIGRÉS
IMMIGRÉS

L’immigration de travailleurs peu qualifiés vers les pays riches ou industrialisés s’inscrit dans un processus d’« interdépendance inégale » entre les différentes régions du monde. Mais, aujourd’hui, beaucoup de pays d’immigration ont fermé leurs frontières ou limité l’accès de leur territoire aux nouveaux venus, à l’exception des regroupements familiaux. Ainsi, en Europe, les années 1973 et 1974 ont marqué la date de la suspension des flux migratoires de main-d’œuvre, provoquant progressivement l’installation durable d’une immigration familiale.

Les pays d’installation: une nouvelle donne

À l’heure de l’harmonisation européenne et de la recomposition de l’Europe de l’Est, les pays européens vivent la question de l’immigration comme l’un des grands défis de cette fin du XXe siècle. Le dessein, énoncé pour la première fois à la fin des années soixante, de maîtriser les flux migratoires s’est nourri de l’illusion volontariste d’une régulation rigoureuse dont l’impossibilité est apparue tout au long des années quatre-vingt. Peu de pays ont, parallèlement, admis les limites, voire l’échec, des programmes qu’ils entendaient mettre en œuvre. La reconnaissance par les autorités néerlandaises, en juin 1989, de la faillite partielle de leur politique d’« émancipation des minorités » demeure une exception. Outre le renforcement du contrôle des flux, ces programmes comportent toujours la lutte contre l’immigration clandestine, d’une part, la poursuite d’une meilleure insertion des populations concernées, d’autre part. Ils sont plus ou moins bien adaptés aux problèmes posés par la complexité et la diversité des flux où se trouvent englobés les mouvements traditionnels de main-d’œuvre, les navettes transfrontalières et les demandes d’asile. Les traditions nationales, les particularismes culturels, une xénophobie massive ou résiduelle et une ouverture plus ou moins grande aux revendications des minorités expliquent les divergences qui existent entre les politiques conduites par les États au sujet de l’immigration.

Tous les États (comme l’Allemagne, la Belgique, la France...) qui s’appliquent à réformer leur législation sur l’immigration, ou à en définir une (comme l’Italie), s’accordent cependant sur le caractère structurel du phénomène en cette fin du XXe siècle. S’agissant des conditions d’entrée, de l’octroi des titres de séjour, des garanties d’un éventuel rapatriement, etc., les disparités s’estompent notablement. Une tendance identique à l’uniformisation s’observe dans l’action engagée contre les migrations irrégulières; des moyens similaires sont utilisés, tant sur le plan de la réglementation du travail qu’au niveau pénal, pour lutter contre l’emploi de main-d’œuvre clandestine. Des dispositifs équivalents de dissuasion fonctionnent ainsi en Europe, associant contrôle des entrées et obligation de repartir pour les irréguliers.

Si ces politiques concordent sur le chapitre de la répression, il n’en va pas de même quant aux modalités de l’intégration. Lié à la conception que chaque État se forme de la communauté nationale, le déploiement des politiques d’intégration s’opère de manières différente et divergente. Et ces orientations contrastées ont d’importantes répercussions sur le droit à la nationalité, la participation à la vie nationale, l’étendue de la protection sociale, le programme éducatif. Compte tenu de la présence des travailleurs immigrés dans la quasi-totalité des secteurs économiques et de l’impatience des opinions publiques face aux fluctuations des mesures prises par les gouvernements à l’endroit des populations étrangères – une impatience qui peut conduire au vote protestataire –, on voit que l’immigration, désirée économiquement dans certains secteurs, est politiquement, socialement et culturellement mal acceptée dans les zones sensibles.

Malgré une tendance globale à la convergence des politiques migratoires dans les pays européens, une complète harmonisation est donc loin d’être réalisée. D’un côté, la croissance endogène du nombre d’étrangers et l’accélération des flux migratoires liée à l’augmentation du nombre des demandeurs d’asile, au regroupement familial, à la persistance de l’immigration clandestine et à la présence récente de l’Italie, de l’Espagne et de la Grèce parmi les pays d’immigration tendent à accentuer la convergence. De l’autre, l’histoire nationale propre à chaque pays, la place qu’y tiennent les migrations, le poids des relations bilatérales, la diversité du traitement des demandeurs d’asile, la spécificité des débats liés à l’installation des immigrés et de leurs enfants et la variété des réponses fournies expliquent la divergence des priorités quant à la nature de la cohabitation souhaitée.

La population étrangère en France et son évolution

La France est depuis longtemps une terre d’accueil pour les migrants. En 1881, le nombre d’étrangers qui vivaient dans la métropole dépassait le million et représentait 3 p. 100 de la population totale; cinquante ans plus tard, ce nombre s’élevait à 2,7 millions (6,6 p. 100 de l’ensemble); en 1990, 3 597 000 étrangers ont été recensés en France métropolitaine. Si le poids en proportion (6,3 p. 100) de cette population a légèrement diminué à cette dernière date, sa composition s’est considérablement modifiée, en matière d’origine géographique notamment. En 1931, 90 p. 100 des étrangers étaient d’origine européenne; en 1954, cette proportion se maintenait à près de 80 p. 100; elle tombait à 61 p. 100 en 1975, et à 41 p. 100 en 1990. Le besoin de main-d’œuvre induit, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, par les impératifs de la croissance économique a provoqué un flux migratoire, depuis les pays du Maghreb en particulier, vers la métropole. Ce mouvement s’est cependant accompagné d’une large diversification des nationalités: l’Afrique noire, l’Asie. Auparavant, le Portugal, l’Espagne, la Pologne, la Yougoslavie, la Belgique, la Turquie ont aussi été à l’origine de courants migratoires qui ont fait se succéder l’arrivée de travailleurs immigrés, puis une immigration de regroupement familial, enfin la naissance en France d’enfants issus de cette population d’immigrés. Entre 1975 et 1990, le nombre des hommes a ainsi diminué, celui des femmes a fortement augmenté, et le nombre d’enfants nés de père ou de mère étranger n’a pas cessé de croître.

Plusieurs traits se dégagent finalement de l’examen de cette population: sa stabilisation, dans le court terme, après une période où les flux d’entrées et de sorties étaient beaucoup plus importants; sa féminisation en raison du regroupement familial, ce qui n’empêche pas les hommes de demeurer majoritaires; la réduction de l’immigration européenne au profit de nationalités d’origine de plus en plus lointaine; une inégale répartition des étrangers sur le territoire métropolitain. Si, en Bretagne, ces derniers ne dépassent pas 1 p. 100 de la population, et si les immigrés de longue date – Espagnols et Italiens – sont installés dans les zones frontalières de leur pays d’origine, la concentration est en revanche forte en Île-de-France, et les Maghrébins sont très nombreux dans la proche banlieue parisienne.

Ces constatations sont affinées par des études qui prennent plus systématiquement en compte la nationalité. En effet, la définition de l’immigré se fonde ordinairement sur le lieu de naissance: une personne qui n’est pas née sur le territoire où elle vit. Mais, en raison des possibilités offertes par le Code de la nationalité française, tout immigré n’est pas nécessairement un étranger, et tout étranger n’est pas forcément un immigré. L’article 44 du Code de la nationalité française, modifié en juin 1993, dispose que « tout individu né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu pendant les cinq années qui précèdent sa résidence habituelle en France ou dans les territoires ou pays pour lesquels l’attribution ou l’acquisition de la nationalité française est, ou était, lors de sa résidence, régie par des dispositions spéciales ». Si donc l’on entend par « immigré » l’ensemble des personnes étrangères ou françaises par acquisition nées hors de France métropolitaine, leurs effectifs s’élèvent, en 1990, à environ 4,2 millions de personnes, parmi lesquelles, précise Jean-Claude Labat (1993), 1,3 million sont françaises et 2,9 millions étrangères: « La population étrangère (3,6 millions) se compose de ces 2,9 millions d’immigrés étrangers auxquels il faut ajouter les étrangers nés en France. »

D’autres études visent à déterminer la part des travailleurs étrangers dans la population active totale: elle représentait, en 1990, 1,7 million d’individus. Très exposés au chômage, ces actifs sont de plus en plus nombreux dans le secteur tertiaire; leur présence est, en effet, croissante dans les catégories de salariés non ouvriers, surtout dans les emplois et métiers instables du commerce et des services. De nombreuses observations portent enfin sur les conditions de vie et l’évolution des comportements des ménages d’immigrés. Elles font apparaître, sur fond d’inconfort et de surpeuplement, une amélioration des conditions matérielles. Mireille Moutardier (I.N.S.E.E., 1991) relève ainsi que l’aménagement de leur logement, « le niveau de leur consommation et leur équipement en biens électroménagers progressent et tendent à rapprocher les ménages étrangers des ménages français, sans toutefois gommer certaines spécificités de leur mode de vie ». Quant aux comportements, on enregistre également un alignement très net de la fécondité des Algériennes et des jeunes Marocaines sur celle des Françaises. En revanche, les femmes d’Afrique du Nord arrivées plus récemment conservent une fécondité très forte.

En dépit du fait que le nombre d’immigrés est assez faible en proportion de la population totale, la croissance démographique des pays du Tiers Monde est souvent ressentie comme une menace pour l’équilibre de la société française. La crise économique a conduit à suspendre, en 1974, l’immigration de main-d’œuvre, puis à encourager le retour dans les pays d’origine. Les mesures successivement adoptées, rapportées puis confirmées pour maîtriser les flux migratoires illustrent les vicissitudes de la politique française en matière d’immigration.

La politique française d’immigration

En France, comme au reste dans les autres pays, la politique d’immigration est marquée par de nombreuses contradictions. L’action menée en faveur de l’intégration s’accompagne de mesures répressives. Elle s’inscrit, en tout cas, dans un cadre d’intervention où désormais l’accent est mis davantage sur les aspects juridiques et culturels que sur la dimension économique. Quelques décisions et la tournure que prennent les discussions sur l’immigration témoignent de cette nouvelle orientation: la loi du 9 octobre 1981 accordant aux étrangers la liberté d’association, la loi du 17 juillet 1984 instituant la carte unique séjour-travail de dix ans, délivrée de plein droit à certaines catégories d’étrangers et automatiquement renouvelable, le projet abandonné mais épisodiquement remis à l’ordre du jour de réforme du Code de la nationalité (1987), enfin, en 1989, l’instauration d’un vaste débat sur l’immigration, l’islam et l’intégration à la suite de l’affaire dite du « foulard » (porté en classe, dans une école publique et laïque, par trois jeunes musulmanes arguant de prescriptions religieuses).

La politique d’intégration, telle qu’elle a été définie en 1990 par le gouvernement français, n’est ni de l’assimilation ni une prise en compte des spécificités, mais une série d’actions concrètes mettant l’accent sur l’égalité des droits et de traitement, le développement social des quartiers, la fin des ghettos, l’accès à l’emploi et la lutte contre l’échec scolaire. Mais elle comporte des ambiguïtés: comment concilier le droit à l’indifférence et le respect des identités? la lutte contre les discriminations et le risque de stigmatisation? l’intégration et le renforcement des contrôles aux frontières? Au lendemain de l’affaire du foulard, un dispositif a été mis en place pour coordonner les actions publiques et stimuler la réflexion: la création d’un secrétariat général à l’intégration a été assortie de l’institution d’un Haut Conseil à l’intégration dont les premiers rapports ont paru, au rythme de deux par an, en 1991 et 1992.

De fait, contrairement à certaines idées reçues, l’intégration est en cours. Beaucoup de jeunes issus de l’immigration sont parfaitement intégrés à la communauté française; mais cette insertion s’effectue souvent dans des contextes peu favorables à la promotion sociale.

Les interrogations sur l’intégration ne doivent cependant pas occulter quelques réussites spectaculaires. Nombre d’enfants de la « seconde génération » ont effectué une trajectoire scolaire et professionnelle qui n’est plus seulement une formation « sur le tas » dans le monde du travail. Une élite se dégage, symbolisant la réussite et l’ascension sociale, qui tend à bousculer l’image misérabiliste du monde de l’immigration.

Il reste que, avec la crainte de l’intégrisme islamique, l’inquiétude provoquée par la montée de la violence dans les banlieues et la fixation d’une partie de l’opinion publique sur l’immigration maghrébine, le problème de l’immigration est toujours l’enjeu de stratégies partisanes. Ces dernières se fondent sur des analyses plus ou moins pessimistes de la situation. D’un côté, l’aggravation de la pression migratoire du sud vers le nord suscite des plaidoyers en faveur d’une politique plus restrictive. On met l’accent sur le danger que fait courir l’immigration à la stabilité sociale et politique de la France, en une période où le chômage ne laisse aux nouveaux arrivants d’autres choix que la misère ou la délinquance. On fait remarquer que les statistiques fournies par le recensement de 1990 pourraient être inférieurs à la réalité. Face à la « montée des périls », les remèdes proposés sont, outre une meilleure intégration des immigrés, par le logement social en particulier, de réduire l’admission de nouveaux « travailleurs permanents » et de restreindre l’immigration familiale; sont préconisées aussi la limitation du droit d’asile et une lutte plus énergique contre l’immigration irrégulière. Telles sont les propositions présentées par A. Postel-Vinay, ancien Secrétaire d’État chargé des travailleurs immigrés, dans la revue Futuribles (1992).

Dans son ouvrage intitulé De l’immigration en général et de la nation française en particulier (1992), J.-C. Barreau a, d’un autre côté, énoncé des convictions qui ont contribué à passionner le débat: l’immigration zéro est un mythe, la poussée migratoire restera forte dans les années à venir, l’immigration étant une continuation à l’échelle planétaire de l’exode rural; sans une politique claire, intelligente et énergétique des flux migratoires, l’intégration est vouée à l’échec; la nation est le seul lieu possible de l’intégration. Enfin, tandis que les uns réclament l’invention d’un nouveau contrat de citoyenneté, d’autres montrent comment la politique d’immigration est prise au piège des amalgames. C’est ce qu’a entrepris de faire Danièle Lochak (1993): on amalgame étrangers en situation irrégulière et clandestins, on amalgame aussi demandeurs d’asile déboutés et faux réfugiés. Quand on connaît le poids des mots, on ne peut que redouter les effets de telles associations.

L’immigration en Grande-Bretagne et en Allemagne

En Grande-Bretagne, les immigrés sont davantage définis en termes d’ethnicité que de nationalité. Le système britannique présente une originalité due au fait que la Grande-Bretagne n’avait pas de citoyenneté nationale jusqu’en 1981. Depuis cette date, il existe cinq catégories d’étrangers (British Citizen, British Dependant Territories Citizen, British Overseas Citizen, British Subjects, British Protected Persons), mais seuls les citoyens britanniques jouissent de la pleine citoyenneté avec droit à la résidence, tandis que les citoyens britanniques d’outre-mer n’ont pas de droit automatique à celle-ci. Une sixième catégorie a été établie en 1987, celle des British National (Overseas), qui peut être obtenue à Hong Kong, mais sans droit de résidence sur le sol britannique, lorsque Hong Kong passera sous administration chinoise en 1997. Mais, à l’exception des British Protected Persons, tous les citoyens du Commonwealth ont le droit de vote à toutes les élections en Grande-Bretagne et ont accès à l’emploi, y compris dans les services publics.

Le droit anglais se fonde sur le droit du sol, droit du lieu de naissance, pour déterminer qui est citizen . Le peuple britannique est considéré comme le fruit d’un mélange dont le Royaume-Uni est le territoire, à l’opposé de l’Allemagne qui se présente avant tout comme un peuple défini, non par ses attaches avec un territoire donné, mais par une histoire, une langue et une culture collectives. Aucun élément de culture, sauf un test de langue rudimentaire administré par la police locale, n’est exigé. On constate toutefois une évolution vers le droit de la filiation: depuis 1981, la nationalité des ancêtres est prise en compte dans la détermination de la nationalité d’une personne née sur le sol britannique. La nationalité britannique est attribuée ainsi à toute personne née sur le territoire du Royaume-Uni si un ascendant – père ou mère – est citoyen britannique ou établi dans le Royaume-Uni. Par ailleurs, un enfant né hors du Royaume-Uni a droit à la nationalité britannique si, au moment de sa naissance, l’un de ses ascendants possédait la qualité de citoyen britannique ou avait été au service de la Couronne.

Dans ce pays où la visibilité est fondée sur la couleur de la peau, la politique d’intégration est plutôt conçue comme une politique de lutte contre les discriminations raciales et de pluralisme culturel à l’égard des minorités ethniques. Celles-ci représentent environ 2,43 millions de personnes (4,5 p. 100 de la population totale), dont une moitié constituée par des groupes d’Asie du Sud-Est, un quart de Caribéens et d’Africains et 10 p. 100 de populations d’origines diverses. S’y ajoutent les travailleurs étrangers, dont 37 p. 100 de ressortissants communautaires, ainsi que les réfugiés et demandeurs d’asile.

Ces populations, souvent qualifiées de « communautés », manifestent de plus en plus leur désir de voir leurs particularités culturelles et religieuses reconnues et respectées, leur statut de citoyens à part entière leur donnant la possibilité de recourir à une action politique pour soutenir leurs revendications.

Outre-Rhin, bien que la cessation, en novembre 1973, de l’admission de travailleurs immigrés ait eu pour conséquence l’installation des étrangers et le développement de l’immigration familiale, les gouvernements successifs ont longtemps refusé de considérer la terre allemande comme un espace d’immigration. Ce pays, qui a connu un développement tardif des flux migratoires par rapport à ses voisins européens, n’a admis les immigrés qu’en fonction des besoins du marché du travail et a poursuivi une énergique politique de retour. Les étrangers jouissent de tous les droits fondamentaux de la Constitution, à l’exception de ceux qui sont réservés aux Allemands: liberté de réunion, liberté d’association, liberté de mouvement, libre choix et exercice de sa profession. Il existe plusieurs titres de séjour: un permis d’un an renouvelable deux fois, un permis illimité délivré après cinq ans de séjour et un droit de résident, obtenu après huit ans de séjour, accordant le statut « consolidé ». De plus, les « anciens » Allemands et peuples d’origine allemande ayant vécu dans d’autres pays pour des raisons historiques et politiques bénéficient de la liberté d’installation. En effet, l’une des particularités de la situation allemande réside dans son droit de la nationalité, fondé sur le droit du sang.

À l’inverse d’autres pays, l’Allemagne ne reconnaît pas le droit du sol et n’accepte la double nationalité que depuis 1993. La nationalité est définie par l’appartenance à la nation allemande: pour être allemand, il faut avoir un lien avec le peuple allemand. En vertu de l’article 116 de la Loi fondamentale de la république fédérale d’Allemagne, une personne demandant la nationalité allemande doit prouver soit sa parenté allemande, soit un attachement volontaire à la culture, la langue et l’histoire allemandes pour établir sa demande. L’attribution de la nationalité à la naissance est exclusivement fondée sur la descendance (droit du sang); la naturalisation est considérée comme exceptionnelle, et le droit de la nationalité est celui de l’Allemagne tout entière. C’est pourquoi l’ancienne Allemagne fédérale a toujours insisté sur la validité continue d’une loi sur la nationalité datant de 1913.

L’ouverture du Mur de Berlin et la libre circulation entre les deux États allemands depuis le 9 novembre 1989, puis les changements survenus en Europe de l’Est ont confronté l’Allemagne fédérale à de nouveaux flux d’immigrants allemands en provenance de l’ex-R.D.A. et de personnes d’ascendance allemande venant d’Europe de l’Est (377 100 personnes d’origine allemande venues d’Europe de l’Est et 344 000 Allemands émigrant de la R.D.A. vers la R.F.A. en 1989). À ces chiffres, il faut aussi ajouter les demandeurs d’asile dont le nombre moyen est passé pour toute l’Europe de 16 000 par an dans les années soixante-dix à 200 000 par an au cours de la période 1985-1990. Mais le statut de réfugié, ici comme ailleurs, n’a été accordé qu’à une petite minorité d’entre eux (438 000 demandeurs d’asile vers l’Allemagne en 1992).

Au total, et malgré la mise en place d’une politique d’intégration (lutte contre la constitution de ghettos, efforts en matière de formation professionnelle, droit de vote des étrangers aux assemblées de quartier dans certains Länder), la législation générale ne fait pas de l’Allemagne un pays d’installation pour les immigrés.

Perspectives européennes

Une double pression venue du sud et de l’est s’exerce sur l’Europe qui demeure un important pôle d’immigration. Au sud, les pays méditerranéens (Maghreb, Turquie) et d’Afrique sahélienne continuent d’exporter de la main-d’œuvre vers les pays européens, malgré la fermeture des frontières survenue en 1973-1974. Cette pression migratoire ne semble pas près de cesser, car il n’existe souvent aucun substitut durable à la migration: l’expansion démographique, le sous-emploi, l’attrait du libéralisme politique et culturel sont autant de facteurs qui contribuent à alimenter les filières de départ. Les flux de clandestins, de demandeurs d’asile ou d’étudiants en témoignent. Mais d’autres facteurs rendent prévisible la croissance de ces courants dans les années à venir. D’abord, le développement, dans les pays de l’Europe méridionale, tels que l’Italie, l’Espagne et la Grèce, du secteur des services et d’une économie parallèle doit favoriser l’appel à une main-d’œuvre plus mobile et moins exigeante en matière de salaires et de couverture sociale que celle que l’on trouve en Europe. Ensuite, les forts déséquilibres démographiques et économiques existant entre le nord et le sud de la Méditerranée. Enfin, d’autres facteurs – tels que les demandes d’asile politique, la baisse des retours, la ré-émigration en Europe des jeunes rentrés au pays avec leurs parents – auront pour effet d’accentuer la tendance à la poursuite des entrées. De plus, les envois de devises constituent des ressources importantes pour les pays de départ qui voient dans la migration un moyen d’éponger une partie du chômage dont ils souffrent, de freiner la concentration urbaine et de dériver la contestation sociale, même s’il ne s’agit là que d’un remède à court terme.

À l’est, le grand exode vers les régions occidentales ne s’est pas produit, mais les migrations incontrôlées se sont intensifiées. L’Allemagne et l’Autriche constituent les principaux pays d’accueil, notamment pour les Aussiedler d’origine allemande plus ou moins proche. L’ex-U.R.S.S., la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie fournissent la grande majorité des immigrés dénombrés dans l’Allemagne réunifiée. Les habitants de l’exU.R.S.S. viennent également en Pologne et en Hongrie chercher du travail ou se livrer à des activités commerciales. Ces deux derniers pays accueillent parallèlement de nombreux réfugiés roumains. Enfin, République tchèque, Slovaquie, Hongrie et Pologne voient transiter sur leur territoire un nombre croissant de migrants, africains et asiatiques, mais aussi roumains, qui tentent, avec un inégal succès, de gagner l’Allemagne ou la Suède.

Avant même que ne se modifie la situation en Europe centrale et orientale, le Benelux, la France et la R.F.A. ont tenté d’harmoniser leurs politiques à l’égard des migrants. En marge du processus communautaire, des accords sur la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes ont été signés, entre ces trois partenaires, le 14 juin 1985 à Schengen, petite commune frontalière du Luxembourg. La convention d’application des modalités concernant la libre circulation a été adoptée le 19 juin 1990; la France l’a ratifiée en juillet 1991. Une autre convention ayant trait au droit d’asile avait déjà été signée à Douze, le 15 juin 1990, à Dublin. Deux ans plus tard (sept. 1992), l’Italie, l’Espagne et le Portugal rejoignaient le groupe de Schengen.

La coopération ainsi instaurée porte notamment sur l’établissement d’un visa européen, la coopération des autorités policières et judiciaires pour « mettre fin à l’usage abusif des demandes d’asile », les procédures de reconduction aux frontières; elle affirme la responsabilité des États en matière d’immigration collective; elle prévoit la mise en place d’un système d’information automatisé, le Système d’information Schengen.

Ces dispositions juridiques et la création d’un « espace Schengen » ont relancé le débat sur le sens de la construction européenne. Les accords se généraliseront-ils au nom des droits de l’homme ou bien sous l’emprise d’une idéologie sécuritaire? Que l’accent soit mis sur la nécessité d’une charte sociale ou sur le renforcement des mécanismes de contrôle, il apparaît que le problème de l’immigration est inséparable, dans la mesure où les flux avec les pays extérieurs à la Communauté prennent une importance croissante, d’un réexamen des rapports avec le Tiers Monde et de la définition d’un nouvel ordre international.

Encyclopédie Universelle. 2012.