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CHEN YI
CHEN YI

CHEN YI [TCH’EN YI] (1901-1972)

Après des études classiques, Chen Yi, fils de magistrat né à Lezhi (Sichuan), est attiré par des idées progressistes diffusées par les étudiants revenus de l’étranger (en particulier l’anarchisant Li Shizeng) et apprend le français avant d’obtenir une bourse qui lui permet d’étudier la chimie en France (1919). Étudiant à Grenoble et à Lyon, il travaille épisodiquement aux usines Michelin et fréquente les étudiants révolutionnaires, ce qui lui vaut d’être expulsé en 1921 après une manifestation au fort Saint-Irénée, siège de l’Institut franco-chinois. De retour en Chine, Chen Yi entre dans un journal progressiste, Xin Shu bao («Les Nouvelles de Shu [Sichuan]»), puis entre conjointement au Guomindang (GMD) et au Parti communiste (P.C.C.). En 1925, il est instructeur des cadets de l’académie militaire de Whampoa, accompagne «l’expédition du Nord», lancée contre les féodaux en tant que commissaire politique et, en juillet 1927, soulève ses hommes à Nanchang avec Ye Ting et He Long. Cette rébellion d’où naît le premier noyau de l’Armée rouge l’oblige à se réfugier dans les maquis que dirige Zhu De et, en 1928, dans la base rouge des monts Jinggang où il rallie Mao Zedong. Dès lors, la fidélité de Chen Yi envers Zedong va être sans limites. Il l’appuie quand celui-ci fait figure d’oppositionnel aux directives du quartier général shanghaïen du P.C.C. En 1930, quand Mao Zedong est assez fort pour affronter son opposition, c’est Chen Yi qui procède à l’arrestation des partisans de Li Lisan insurgés (incident de Futian). À partir de la Longue Marche, à laquelle il ne prend pas part, mais qu’il a le rôle difficile de couvrir en arrière-garde au Jiangxi, Chen Yi occupe des postes de commandement d’importance croissante.

Lors de la période d’alliance entre les communistes et le GMD, Chen Yi s’illustre contre les Japonais, mais le front uni n’empêche pas les escarmouches et il est un moment obligé, devant les agressions nationalistes, de se réfugier au Jiangsu. En 1941 l’«incident de la nouvelle IVe armée», embuscade ourdie par les nationalistes contre les troupes communistes, va donner à Chen Yi un rôle important: la capture de Ye Ting, blessé, et la mort de Xiang Ying le font accéder à la direction de la nouvelle IVe armée avec Liu Shaoqi comme commissaire politique. Ensemble, ils réorganisent leurs troupes et administrent avec succès les bases rurales qu’ils contrôlent, gagnant le soutien paysan par la réduction des impôts et des intérêts ainsi que par des mesures facilitant le développement économique. Durant la guerre civile contre Tchiang Kai-chek, Chen Yi donne la preuve de ses capacités militaires (à Jinan, Kaifeng, Nankin, Huaihai et Shanghai).

Membre du comité central du P.C.C. en 1945, Chen Yi assume, à l’avènement de la République populaire, de hautes fonctions civiles et militaires. Maire de Shanghai, cité du cosmopolitisme affairiste, il agit avec précaution pour convaincre la bourgeoisie de rallier la cause révolutionnaire. Maréchal et vice-Premier ministre (1955), il accompagne Zhou Enlai à la conférence de Bandung; il voit naître la nouvelle force de «l’afro-asiatisme» et croître l’influence de la Chine populaire. On ne sait rien de son passage au Tibet, qui prépare le statut de région autonome et voit éclater des révoltes coïncidant avec sa présence (1956). En 1958, Chen Yi remplace Zhou Enlai aux Affaires étrangères bien qu’il ne soit pas un diplomate de formation ni d’expérience, et son accession à ce poste correspond au début des divergences sino-soviétiques et à l’affirmation de la diplomatie chinoise au sein du Tiers Monde. Il mène des missions en Indonésie, à Genève (conférence sur le Laos), en Afrique noire et dans les pays arabes, s’imposant par la ferme résolution dont il fait preuve au sujet des grandes options de la politique extérieure chinoise. Chen Yi va pourtant appliquer un subtil jeu de bascule, alternant menace et apaisement lors des événements critiques qui se jouent aux frontières chinoises (crise du détroit de Taiwan, rupture sino-soviétique, guerre du Vietnam). Il semble évident que le ministre des Affaires étrangères est contraint de louvoyer entre les nécessités de la Realpolitik et les oppositions internes de gauche qui, dans une certaine mesure, paralysent la diplomatie chinoise.

L’opposition de gauche (Kang Sheng, Yao Dengshan) se démasque entièrement lors de la révolution culturelle prolétarienne (1965-1969) contre Chen Yi et son vieux collaborateur Tan Zhenlin; tous deux sont accusés de «conservatisme» et de politique «contre-révolutionnaire» et assimilés au «révisionnisme» de Liu Shaoqi. Apparemment protégé par Mao Zedong et surtout par Zhou Enlai, Chen Yi fait front de bon gré, mais avouera plus tard avoir été «désemparé» par ces violentes attaques qu’il pense injustifiées. Néanmoins, il conserve son poste au comité central du P.C.C. et ses fonctions gouvernementales jusqu’à sa disparition.

Ce vétéran de la révolution, de surcroît prestigieux soldat, proche de Zhu De et de Mao Zedong, fait figure, comme le qualifiait Zhou Enlai à l’occasion de ses funérailles, «de combattant sincère au service du peuple chinois».

Encyclopédie Universelle. 2012.