ANILINE
L’aniline est un composé organique renfermant une fonction amine primaire, c’est-à-dire un atome d’azote lié à un carbone et à deux hydrogènes; l’atome de carbone appartenant à un noyau benzénique, il s’agit d’une amine aromatique, la plus simple de toutes. Elle a pour formule: C6H5NH2.
C’est un liquide incolore, brunissant sous l’action de l’air et de la lumière, à l’odeur très désagréable; peu soluble dans l’eau (34 g/l à 20 0C), elle a une masse spécifique de 1,024 g/cm3; elle se solidifie à 漣 6 0C et bout à 184 0C. C’est un produit assez toxique, que ce soit par injection ou par contact avec la peau; l’inhalation de fortes quantités de vapeur provoque des vertiges et un état d’agitation.
L’aniline est la matière de base de l’industrie des matières colorantes; elle est très employée dans la synthèse des colorants azoïques et c’est le point de départ de la fabrication de l’indigo. Elle est aussi utilisée dans l’industrie pharmaceutique et dans celle des matières plastiques, mais plus de la moitié de la production d’aniline est consommée en tant qu’accélérateur de la vulcanisation des caoutchoucs.
Propriétés chimiques
La conjugaison du doublet porté par l’azote avec le système aromatique a pour conséquence un affaiblissement de la basicité de la fonction amine par rapport au cas des amines aliphatiques et une activation des positions ortho- et para- du cycle vis-à-vis de la substitution électrophile. Le pK a de l’aniline est ainsi de 4,6 alors que celui de l’ammoniac est de 9,2 et celui de la méthylamine de 10,7. L’aniline donne cependant des sels avec les acides forts; ces sels sont solubles dans l’eau avec une importante hydrolyse.
Les hydrogènes portés par l’azote sont mobiles, ce qui permet de les remplacer soit par des chaînes carbonées ouvertes, saturées ou non (réaction d’alcoylation), soit par des noyaux aromatiques (réaction d’arylation); le méthanol fournit ainsi la mono- et la diméthylaniline; les phénols (C6H5OH) et les amines aromatiques conduisent à des amines secondaires. Les chlorures (R 漣 COCl) et les anhydrides d’acides carboxyliques (R 漣 CO 漣 O 漣 CO 漣 R) permettent le remplacement d’un hydrogène porté par l’azote par un radical 漣 CO 漣 R (réaction d’acylation); il se forme des amides monosubstitués à l’azote par le noyau benzénique, appelés anilides; ainsi le chlorure d’acétyle donne l’acétanilide (réaction 1).
Ces acylations permettent de protéger le groupement amine en vue d’autres réactions (bromation, nitration...).
Le nitrite de sodium, en milieu acide, donne avec l’aniline des sels de diazonium, ou sels de diazobenzène (réaction 2).
La mobilité des hydrogènes liés à l’azote permet également des condensations avec les aldéhydes aliphatiques; il se forme des amines stables, les bases de Schiff:
Les substitutions sur le noyau aromatique sont orientées en positions ortho- et para-. L’acide sulfurique conduit à l’acide sulfanilique (formule 3).
Les condensations sur le noyau se font, pour des raisons stériques, presque exclusivement en position para-. L’aniline est susceptible de copuler avec les diazoïques pour donner des aminoazoïques qui sont des matières colorantes. Il est également possible de condenser l’aniline avec d’autres amines aromatiques; en présence d’oxygène, la toluidine (mélange d’ortho- et para- aminotoluène) et l’aniline fournissent un colorant du groupe du triphénylméthane, la rosaniline (ou fuchsine).
L’aniline est un composé oxydable; le bichromate de potassium donne la benzoquinone (formule 4), produit très employé en tannerie. Cependant les chlorates alcalins, en présence de sels de cuivre ou de fer, oxydent l’aniline en un composé complexe, le noir d’aniline; c’est un colorant industriel très intéressant, car il peut se préparer directement sur les fibres en les plongeant successivement dans un bain de chlorhydrate d’aniline, et dans un bain de bichromate de potassium.
Préparations
L’aniline a été découverte par Unverdorben en 1826 lors de la distillation sèche de l’indigo sur de la chaux; cette découverte lui a donné son nom (anil signifie indigo en portugais).
D’abord extraite des goudrons de houille (Runge, 1834), l’aniline se prépare actuellement à partir du benzène par l’intermédiaire soit du chlorobenzène, soit du nitrobenzène.
L’amination du chlorobenzène par l’ammoniac ne se fait qu’à température élevée (200-300 0C), sous pression (une centaine d’atmosphères) et en présence de chlorure cuivreux comme catalyseur. Aussi est-elle assez peu employée:
La réduction du nitrobenzène peut utiliser:
– l’hydrogène avec un catalyseur à base de cuivre (carbonate ou ponce cuivrée) vers 300 0C;
– la limaille de fer en milieu acide ou neutre (méthode de Béchamp); c’est cette technique qui est la plus classique. La réduction se fait surtout par action du fer sur l’eau (réaction 5), au lieu de l’action du fer sur l’acide chlorhydrique (réaction 6).
Applications
Les utilisations industrielles de l’aniline sont nombreuses (cf. figure). Elle permet la synthèse de produits pharmaceutiques, comme l’acétanilide (a), analgésique; ou l’atoxyl, sel de sodium de l’acide anilarsinique (b), utilisé dans le traitement de la maladie du sommeil et de la syphilis; ou d’intermédiaires comme la phénylhydrazine (c), préparée par hydrogénation du diazoïque de l’aniline, et servant à la synthèse d’analgésiques et d’antithermiques, antipyrine, pyramidon, etc.
L’industrie des matières plastiques utilise les résines obtenues par condensation de l’aniline et du formol. L’industrie du caoutchouc emploie des dérivés de l’aniline, soit comme antioxygènes, destinés à préserver la gomme du vieillissement par oxydation: phényl- 廓-naphtylamine (d) obtenue par condensation avec le 廓-naphtol; soit comme accélérateurs de vulcanisation, permettant de vulcaniser le caoutchouc dans un temps très court: diphénylthiourée (e) ou butylidène-aniline (f), base de Schiff du n -butanal.
L’industrie des matières colorantes reste un grand consommateur d’aniline. On l’utilise soit directement, soit pour obtenir des intermédiaires. Dans le premier cas, elle sert à préparer:
– par oxydation chromique, le noir d’aniline, très employé pour teindre le coton;
– par condensation avec d’autres amines aromatiques, des colorants dérivés du triphénylméthane; c’est le cas de la fuchsine (formule 7), chlorhydrate de rosaniline, préparée en oxydant un mélange d’aniline (20 p. 100), d’orthotoluidine (50 p. 100) et de paratoluidine (30 p. 100) par le nitrobenzène en présence de chlorure de fer.
Cependant, l’aniline sert essentiellement d’intermédiaire dans la fabrication des colorants. Parmi les nombreuses réactions où elle intervient, on peut citer:
– la préparation du chlorure de benzène diazonium (i) ou chlorure de diazobenzène, obtenu par action de l’acide nitreux (nitrite de sodium en milieu acide chlorhydrique); ce composé, condensé avec des corps à fonction amine ou phénol, permet de préparer de nombreux colorants azoïques renfermant un ou plusieurs groupements (face=F0019 漣 N=N 漣);
– la pyrolyse du sulfate acide d’aniline à 200 0C qui fournit l’acide sulfanilique (h), point de départ de colorants azoïques orangés: l’hélianthine par exemple, obtenue en condensant le diazoïque de l’acide sulfanilique et la diméthylaniline;
– la diméthylaniline (g) elle-même, préparée par action du méthanol sur l’aniline; elle sert également à la fabrication de colorants du groupe du triphénylméthane;
– la condensation avec l’acide monochloracétique ClCH2 漣 COOH fournit la phénylglycine: C6H5 漣 NH 漣 CH2 漣 C2H, intermédiaire dans la synthèse industrielle de l’indigo (réaction 8).
aniline [ anilin ] n. f. ♦ Chim. et cour. Amine aromatique, de formule C6H5—NH2, liquide huileux, incolore, toxique, employé dans la fabrication des colorants, des vernis, des carburants de fusée, et dans la synthèse organique. L'aniline, d'abord isolée des produits de distillation de l'indigo, est aujourd'hui obtenue par réduction du nitrobenzène. Intoxication par l'aniline (ANILISME n. m. , 1878 ).
● aniline nom féminin (allemand Anilin, du portugais anil, indigo, de l'arabe alnil) Amine primaire, C6H5NH2, dérivée du benzène, et obtenue pour la première fois en 1826 par distillation sèche de l'indigo. ● aniline (expressions) nom féminin (allemand Anilin, du portugais anil, indigo, de l'arabe alnil) Procédé à l'aniline, impression à partir de formes en relief (flexographie) avec des encres constituées par une dissolution de colorants d'aniline dans un solvant à base d'alcool, utilisée pour des coloriages sur papier, métal, plastiques.
aniline
n. f. CHIM Liquide huileux, incolore, toxique, isolé des produits de distillation de l'indigo et employé notam. dans la fabrication des colorants.
⇒ANILINE, subst. fém.
CHIM. Alcaloïde organique obtenu par dérivation du nitrobenzène, et dont on extrait diverses matières colorantes artificielles :
• 1. Auprès de la cheminée monumentale où flambe un tronc de chêne, la princesse tenant droit son buste long a grand air sous le ciborium de sa cathèdre. Une robe aux manches bouffantes, à plis multipliés, l'enveloppe d'une de ces adorables et fragiles teintes violâtres et burgeautées que donne l'aniline.
PÉLADAN, Le Vice suprême, 1884, p. 101.
• 2. — Et ce qui est non moins étrange aussi, c'est la conservation de ce manuscrit; les teintes sont en fleur, comme lorsqu'elles naquirent, s'écria Durtal, stupéfié, en effet, par ce coloris clair et jeune, par ces rouges restés intacts, par ces ors inaltérés, par ces ciels bleuâtres demeurés limpides.
— Ah! Ils n'acquéraient point leurs produits chez des marchands et l'aniline n'était pas encore inventée, répondit M. Lampre.
HUYSMANS, L'Oblat, t. 2, 1903, p. 96.
SYNT. Couleur, teinture, violet, bleu, etc. d'aniline; procédé à l'aniline (impr.), impression à l'aniline; encre, crayon d'aniline; huile, sel, acétate, benzoate, chlorhydrate d'aniline; point d'aniline (pétrole).
DÉR. 1. Aniliné, ée,(rad. anilin-; suff. -é), adj. Additionné d'aniline (cf. R. HUSSON, F. GRAF, Manuel de biol. gén., 1, La Cellule, 1965, p. 30). 1re attest. en 1920-24 (NICOLAS ds [F. Widal, P.-J. Teissier, G.-H. Roger, Nouv. traité de méd., fasc. 4, p. 590]). 2. Anilide, subst. masc. ,,Nom générique des amides dérivés de l'aniline.`` (DUVAL 1959 et Ch.-A. WURTZ, Dict. de chim. pure et appliquée, t. 1I, 1869, p. 304). 1re attest. en 1857 (CHESN.); suff. -ide.
PRONONC. :[anilin].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1855 chim. (NYSTEN, Dict. de méd., éd. rev. et corr. par É. Littré et Ch. Robin, 2 vol., p. 77 : Aniline. Alcaloïde artificiel C12H7Az, aussi appelé benzidam, kyanol ou cyanol, et cristalline, qu'on obtient en faisant agir le bisulfhydrate d'ammoniaque sur la nitrobenzine).
Empr. à l'all. Anilin, forgé par Fritzsche en 1841 (NED, s.v. aniline), de même orig. que anil.
STAT. — Fréq. abs. littér. :5.
BBG. — BOUILLET 1859 (et s.v. anilide). — CHESN. 1857 (et s.v. anilide). — COMTE-PERN. 1963. — DELORME 1962 (et s.v. anilide). — DUVAL 1959 (et s.v. anilide). — FROMH.-KING 1968. — GALIANA Astronaut. 1963. — GALIANA Déc. sc. 1968. — GRAND. 1962 (et s.v. anilide). — Lar. comm. 1930. — Lar. méd. 1970. — LITTRÉ-ROBIN 1865 (et s.v. anilide). — Méd. 1966. — Méd. Biol. t. 1 1970 (et s.v. aniliné). — PRIVAT-FOC. 1870. — QUILLET Méd. 1965. — Sc. 1962. — UV.-CHAPMAN 1956.
aniline [anilin] n. f.
ÉTYM. 1855; all. Anilin, 1841; du port. anil « indigo ».
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♦ Chim. Amine isolée d'abord des produits de distillation de l'indigo, obtenue aujourd'hui par la réduction du nitrobenzène; liquide huileux, incolore, brunissant à l'air, toxique. (On l'appelle aussi aminobenzène, ou phénylamine). || Rouge d'aniline. ⇒ Fuchsine. || Noir d'aniline : oxyde de vanadium. ⇒ Azurine, induline, mauvéine, rosaniline. || L'aniline sert à la préparation des matières colorantes, des produits pharmaceutiques, etc.
0 Mais à ces soies généralement artificielles, à ces violents tons d'aniline, il voit un aspect fol et funèbre, comme à la défroque d'un bal autant de carnaval que de fête des morts.
A. Pieyre de Mandiargues, la Marge, p. 215.
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DÉR. et COMP. Anilisme. Nitraniline, rosaniline.
Encyclopédie Universelle. 2012.