tragique [ traʒik ] adj. et n. m.
• déb. XVe; lat. d'o. gr. tragicus
1 ♦ De la tragédie (1o). Le genre tragique. Les personnages tragiques. Auteur, poète tragique. Subst. Les tragiques : les poètes tragiques.
♢ Qui est propre à la tragédie, évoque une situation où l'homme prend douloureusement conscience d'un destin ou d'une fatalité qui pèse sur sa vie, sa nature ou sa condition même. L'action tragique. « Les héros poursuivis par la fatalité tragique » (Duhamel). — N. m. Le tragique et le comique.
2 ♦ (1596) Qui inspire une émotion intense, par son caractère effrayant ou funeste. ⇒ dramatique, émouvant, terrible. Situation tragique. Il a eu une fin tragique. Une tragique méprise. Air, ton tragique. ⇒ pathétique. — Fam. Ce n'est pas tragique : ce n'est pas bien grave. — N. m. La situation tourne au tragique. « Il y a un tragique quotidien » (Maeterlinck). Loc. Prendre une chose au tragique, la considérer comme tragique, s'en alarmer à l'excès. ⇒ dramatiser. « Il faut tout prendre au sérieux, mais rien au tragique » (Thiers).
⊗ CONTR. Comique.
● tragique adjectif (latin tragicus, du grec tragikos) Qui est propre à la tragédie : Genre tragique. Qui suscite une émotion violente, terrible : Sort tragique. Qui exprime l'angoisse, la terreur, une émotion violente : Voix tragique. ● tragique (expressions) adjectif (latin tragicus, du grec tragikos) Familier. Ce n'est pas tragique, c'est anodin. ● tragique (synonymes) adjectif (latin tragicus, du grec tragikos) Qui suscite une émotion violente, terrible
Synonymes :
- terrible
Qui exprime l'angoisse, la terreur, une émotion violente
Synonymes :
- déchirant
- pathétique
Familier. Ce n'est pas tragique
Synonymes :
- alarmant
- grave
- inquiétant
- sérieux
● tragique
nom masculin
Le genre tragique, la tragédie.
Auteur de tragédies.
Littéraire. Caractère de ce qui est tragique, terrible : Le tragique de certaines situations.
● tragique (citations)
nom masculin
Adolphe Thiers
Marseille 1797-Saint-Germain-en-Laye 1877
Il faut tout prendre au sérieux, mais rien au tragique.
Discours à l'Assemblée nationale, 24 mai 1873
● tragique (expressions)
nom masculin
Prendre quelque chose au tragique, le considérer d'une façon trop alarmiste.
tragique
adj. et n. m.
rI./r adj.
d1./d Relatif à la tragédie (sens 1). Le genre tragique.
|| Qui évoque la tragédie. Une voix aux accents tragiques.
d2./d Funeste, terrible, effroyable. Conséquences tragiques d'une inondation.
rII./r n. m.
d1./d Auteur de tragédies. Les grands tragiques grecs.
|| Le tragique: la tragédie comme genre dramatique.
d2./d Caractère de ce qui est tragique.
|| Prendre une chose au tragique, la considérer comme plus grave qu'elle ne l'est en réalité.
⇒TRAGIQUE, adj. et subst. masc.
I. — Adjectif
A. — HIST. LITTÉR.
1. Qui appartient, qui est propre à la tragédie. Anton. comique. Genre, sujet, masque, rôle, ton, vers tragiques. L'ample geste tragique d'un conspirateur d'opéra qui jure la mort du tyran (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, p. 155). Vilar est fait pour porter la robe tragique: tunique longue ou toge, plis et surplis (SERRIÈRE, T.N.P., 1959, p. 115).
— [En parlant d'une pers.]
♦ Auteur, poète tragique. Auteur, poète qui écrit des tragédies. (Dict. XIXe et XXe s.).
♦ Acteur tragique. Acteur qui joue des tragédies. L'acteur tragique articule sur un rythme plus large et moins familier que l'acteur comique (Arts et litt., 1936, p. 60-6).
2. Propre à la tragédie, à une situation conflictuelle, dramatique, douloureuse, dans laquelle une personne est prise comme dans un piège dont elle ne peut s'échapper. Si ce mythe est tragique, c'est que son héros est conscient. Où serait en effet sa peine, si à chaque pas l'espoir de réussir le soutenait? (...) Sisyphe, prolétaire des dieux, impuissant et révolté, connaît toute l'étendue de sa misérable condition (CAMUS, Sisyphe, 1942, p. 165).
— P. anal. [En parlant d'une pers.] Sur qui s'acharne le destin; qui choisit un destin contraire à ses propres désirs. L'homme tragique est un être séparé, qui refuse le monde, que sa passion ou son exigence de pureté entraîne hors de la réalité (J.-M. DOMENACH, Le Retour du tragique, 1967, p. 289).
B. — 1. Qui est marqué par quelque événement effroyable, désastreux; qui émeut, qui bouleverse par son caractère effroyable, désastreux. Accident, duel, fin, mort tragique; enfance, sort tragique. Un destin presque continûment tragique où les prisons, les déportations, les évasions, servent d'intermèdes à un interminable exil (MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 135).
— [P. méton.] Forêt, mer, paysage, plaine, ville tragique; date, lettre tragique. Marc sentit passer le vent tragique, dans l'obscurité du drame, comme si une affreuse nuit s'était faite tout d'un coup (ZOLA, Vérité, 1902, p. 17). Gomez pensa aux matins secs et tragiques de Madrid (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 10).
— [Sens affaibli] Ce qui est tragique chez les anxieux, c'est qu'ils ont toujours raison de l'être (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 786).
♦ C'est tragique, ce n'est pas tragique. En disant: « C'est tragique », fût-ce à propos d'un incident anodin, je mets en branle une métaphysique: la manière dont les événements arrivent, dont l'homme conçoit son existence et son rapport avec les autres, avec lui-même, avec Dieu (J.-M. DOMENACH, Le Retour du tragique, 1967, p. 25).
2. Qui exprime la terreur, l'angoisse, une émotion violente. Air, regard, ton tragique. Hier, à la terrasse d'un café, j'aperçois S... Figure tragique et résolue. Quelle damnation il fait de sa vie (GREEN, Journal, 1952, p. 172).
II. — Subst. masc.
A. — HIST. LITTÉR.
1. a) Le tragique. Le genre de la tragédie. Cultiver le tragique; exceller dans le tragique. Le tragique est-il plus difficile que le comique? (Ac.). Que dire de l'Arioste, qui est toute perfection, qui réunit tous les tons, toutes les images, le gai, le tragique, le convenable, le tendre? (DELACROIX, Journal, 1854, p. 258).
b) Auteur de tragédies. Les grands tragiques grecs; Corneille et Racine sont nos grands tragiques. Il restait, en effet à ce moment, au grand tragique [Racine] à composer les vers d'une tragédie dont le plan était complètement achevé (Arts et litt., 1936, p. 88-10).
c) Acteur qui joue la tragédie. Synon. tragédien. Les plus grands Italiens (...) sont de faibles acteurs, quand on les compare aux redoutables tragiques de Castille et d'Aragon (SUARÈS, Voy. Condottière, t. 3, 1932, p. 147).
2. Ce qui présente le caractère, l'atmosphère de la tragédie. V. tragi-comique A ex. de G. Marcel:
• Avec Shakespeare, le tragique secoue l'encombrante et vétuste fatalité. Le mal y apparaît pour la première fois sous sa forme moderne, qui est (...) la politique (...); les hommes (...) y nourrissent un destin fait de mensonges, de violences et de meurtres, ce que nos contemporains appelleront l'Histoire.
J.-M. DOMENACH, Le Retour du tragique, 1967, p. 63.
— Tragique + adj. Il y a un tragique révolutionnaire: celui des Jacobins qui, pour faire le bonheur et la liberté du peuple, recourent à la terreur (...). Il y a un tragique colonial (J.-M. DOMENACH, Le Retour du tragique, 1967, p. 71).
B. — Au fig. Ce qu'il y a de malheureux, de terrible dans un événement, une situation. Le tragique de la guerre, de la mort, de la/d'une vie. Le tragique de la passion c'est qu'elle soit essentielle, et commande la vie, la mort, du héros soumis (LA VARENDE, Roi d'Écosse, 1941, p. 187). Je fus saisi d'une pitié violente pour mon père. D'un seul coup, je compris le tragique de sa profession et de sa vie. Il luttait contre une mort dont il ne pouvait admettre l'existence (C. G. JUNG, Ma vie, 1973, p. 76).
— Expressions
♦ Être au tragique. Être dans une situation de désastre. Même au moment final, l'impitoyable lutin, quasi hors de propos et quand tout est au tragique dans la maison, abuse de la circonstance (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 231).
♦ Faire du tragique. Ajouter des difficultés à une situation déjà difficile. Vous croyez que nous nous amusons à faire du tragique à vide, dit Pierre; mais je vous assure que non (BEAUVOIR, Invitée, 1943, p. 242).
♦ Pousser ses sentiments au tragique. Imaginer le pire. Quand je poussais mes sentiments au tragique, je me disais que si Jacques mourait, je me tuerais, mais que si elle disparaissait [ma sœur], je n'aurais pas même besoin de me tuer pour mourir (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 297).
♦ (Ne pas) prendre qqc. au tragique. (Ne pas) accorder une importance excessive à quelque chose. N'exagérons pas, mon enfant! Gardons-nous de prendre les choses au tragique... L'aventure est plus banale que tu penses (BERNANOS, Joie, 1929, p. 592).
♦ Se prendre au tragique. Se voir destiné à quelque malheur. Ne te prends pas au tragique, mon petit vieux. Ton père est un distillateur pourri de fric et ton type aura une clientèle toute en or (MAGNANE, Bête à concours, 1941, p. 284).
♦ Tourner au tragique. Menacer d'avoir une issue funeste; prendre une tournure très grave. Les choses ont tourné au tragique quand (...) a eu lieu l'avènement du monde industriel et mercantile, lorsque la société s'est trouvée divisée en deux classes (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 124).
REM. Tragisme, subst. masc. Caractère tragique de quelque chose. Cette contradiction intestine est en effet le « tragisme » fondamental de l'éthique. Pourquoi fallait-il que l'existence-propre, condition sine qua non de l'action, y fît du même coup obstacle? Mais surtout pourquoi faut-il à rebours, que l'obstacle soit précisément la condition? (JANKÉL., Traité des vertus, t. 1, 1968, p. 15).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. 1414 « qui appartient, qui est propre à la tragédie » (LAURENT DE PREMIERFAIT, trad. des Cent Nouvelles, préf. ds H. HAUVETTE, De Laurentio de Primofato, Paris, 1903, p. 65: fables des poetes, soient comiques ou tragiques qui seulement servent aux delitz ou prouffis des personnes populaires); 1546 (RABELAIS, Tiers-Livre, chap. 26, éd. M. A. Screech, p. 189, 56: c[ouillon] tragicque); 2. 1569 p. ext. « funeste, dramatique, terrible » (RONSARD, Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 15, p. 112, 46: une tragique histoire); 1580 (MONTAIGNE, Essais, II, 11, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 425: sa mort est plus tragique). B. Subst. 1. 1550 « auteur de tragédies » (RONSARD, op. cit., t. 1, p. 130, 30: tragiques Grés); 2. 1623 « le genre de la tragédie » (J. CHAPELAIN, Lettre sur le poème d'Adonis, p. XIV: le Suject tient de l'Heroïque et du Tragique); 3. av. 1679 « caractère de ce qui est tragique, terrible » (RETZ, Mém., éd. A. Feillet, t. 4, p. 481: le tragique de cette mort); 1747 expr. prendre qqc. au tragique (J. B. GRESSET, Le Méchant, II, 1, éd. 1830, p. 153); 1798 expr. tourner au tragique (Ac.). Empr. au lat. tragicus « de tragédie; véhément, pathétique, terrible, horrible »; subst. « poète tragique, acteur tragique », lui-même empr. au gr. « de bouc; qui concerne la tragédie ou les tragédiens; qui a les allures de la tragédie, grave, majestueux, pathétique »; subst. « les poètes tragiques »; dér. de « bouc », v. tragédie. Fréq. abs. littér.:2 298. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 1 878, b) 2 238; XXe s.: a) 4 163, b) 4 467. Bbg. QUEM. DDL t. 15.
tragique [tʀaʒik] adj.
ÉTYM. Déb. XVe; tragicque comédie, 1549, Rabelais; 1546, dans la liste burlesque des « couillons »; du lat. tragicus, grec tragikos. → Tragédie.
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1 De tragédie, de la tragédie (1.). || Le spectacle tragique (→ Comédie, cit. 1). || Le genre, la muse tragique (→ Dramatique, cit. 4; mouchoir, cit. 2). || Le cothurne tragique (→ Brodequin, cit. 2). || Les personnages tragiques (→ Horreur, cit. 17; médiocre, cit. 2). || Poème tragique (→ Remettre, cit. 21). || Auteur, poète tragique (→ Moderne, cit. 8; œuvre, cit. 18).
1 Tu dois savoir que toute sorte de poésie a l'argument propre et convenable à son sujet : l'héroïque, armes, assauts de villes, batailles, escarmouches, conseils et discours de capitaines; la satirique, brocards et répréhensions de vices; la tragique, morts et misérables accidents de princes (…)
Ronsard, Œuvres en prose, Les odes, Au lecteur.
2 Propre à la tragédie; qui évoque une situation où l'homme prend douloureusement conscience d'un destin ou d'une fatalité qui pèse sur sa vie, sa nature ou sa condition même. — REM. Est pathétique ce qui, tragique ou non, évoque essentiellement l'homme souffrant, et dramatique ce qui évoque l'homme luttant. — L'action tragique. || La fatalité tragique (→ Incompris, cit. 3). || Sentiments, passions tragiques. || Scène tragique dans une comédie.
2 (…) à mesure que l'écrivain creuse son type de Sganarelle, il pénètre de plus en plus profondément dans cette région où le comique et le tragique ne sont plus rien que la double interprétation d'une seule réalité (…) Sganarelle incarnait déjà le pauvre homme, ridicule et tremblant, que nous portons en nous (…) Il est naturel que les paroles d'Arnolphe, lorsqu'elles sont lues, rendent un son presque tragique, tandis que ses gestes et sa mimique nous ramènent à la pure comédie.
Antoine Adam, Hist. de la littérature franç. au XVIIe s., t. III, p. 283.
♦ N. m. (Fin XVIIe). || Le tragique et le comique (→ Satyrique, cit.). || Le tragique et le grotesque (cit. 16). || Le tragique de Molière. — Littér. || Les Tragiques, épopée satirique de d'Aubigné (1616).
3 (1596). Qui inspire une émotion intense, par son caractère effrayant ou funeste. ⇒ Dramatique, émouvant. || Situation, accident tragique (→ Abandonner, cit. 8; entrailles, cit. 12). || Les tragiques spectacles de 93. ⇒ Effroyable; terrible (→ grossissement, cit. 3). || Dénouement (cit. 6), fin tragique (→ Rehausser, cit. 2). || Destin, existence tragique (→ Épreuve, cit. 29; larme, cit. 14). || Tragique méprise. || Image tragique (→ Émouvoir, cit. 23). — (1713). Qui exprime la tragédie. || Les masques (1. Masque, cit. 28) tragiques et douloureux de Pascal et de Beethoven. || Air, ton tragique. ⇒ Sombre. — (Dans un sens affaibli, dans des phrases négatives). || Ce n'est pas tragique ⇒ Alarmant, grave. — N. m. (Mil. XVIIIe). || Passer sa vie à esquiver (cit. 3) le tragique. || Recevoir son contingent (cit. 4) de tragique : (→ aussi Galvaniser, cit. 3). || Il y a un tragique quotidien (cit. 1). — ☑ Loc. (1798, tourner au tragique). Prendre une chose au tragique, la considérer comme tragique (→ Esprit, cit. 121). ⇒ Alarmer (s'). Cf. Prendre au sérieux. ☑ La chose tourne au tragique, prend une tournure dramatique.
3 (…) j'avais juré de ne rien prendre au tragique, ne songeant pas qu'une véritable tragédie me tomberait sur la tête.
Stendhal, Lettres inédites, éd. Charpentier, 1893, p. 248.
4 Il faut tout prendre au sérieux, mais rien au tragique.
Thiers, Disc. à l'Assemblée nationale, 24 mai 1873.
5 Quoi de plus glorieux qu'une âme quand elle se délivre ? Quoi de plus tragique qu'une âme qui se captive alors qu'elle croit se délivrer ?
Gide, Journal, 1916, Feuillets.
6 Il arrive que les institutions humaines, quand s'y insèrent des personnalités un peu fortes, finissent par prendre elles-mêmes le caractère tragique des créatures, avec leurs passions et leurs crises, leurs printemps et leurs hivers, leur frémissement, leur lutte contre la mort.
Montherlant, la Relève du matin, p. 46.
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DÉR. Tragiquement.
COMP. Tragi-comédie, tragi-comique.
Encyclopédie Universelle. 2012.