FANATISME
La vogue que connurent au XVIIIe siècle les termes de «fanatisme» et de «fanatique» n’a pas laissé d’imprégner les esprits d’une réprobation qui, jusqu’à nos jours, s’est attachée à la défense intransigeante et outrancière d’une communauté, d’un parti, d’une idée, d’une opinion. En dépit de son acception péjorative, la notion même de fanatisme est restée fidèle à son sens initial, dépourvu de malveillance. Que désigne en effet le mot «fanatique», dérivé de fanum (temple)? Un devin inspiré, chargé d’interpréter les augures. Plus particulièrement, un prêtre du culte de Bellone, qu’un délire sacré pousse à se mutiler et à verser son sang. Que Bellone, plus tard confondue avec Cybèle, soit la déesse du sol, de la patrie, de la guerre laisse entendre assez clairement comment le furieux qui pratique l’automutilation se mue en forcené qui mutile les autres. Ce fut pendant longtemps et pour bien des sociétés une vertu. L’évolution des mœurs, plus de douceur et moins de gloire militaire ou militante, ont fait du fanatisme un vice, qui ne dédaigne pas, à l’occasion, de se dissimuler sous les signifiés plus avenants de fidélité à une cause, d’esprit d’entreprise, de forte personnalité ou de martyre d’un juste combat.
Le souvenir du devin inspiré ne s’est pas perdu dans l’usage moderne du concept. Le fanatique s’exprime dans le transport d’une fureur divine. La voix démesurée d’un dieu a fait choix de sa faiblesse et de son humilité pour qu’y retentisse une vérité souveraine. Il s’abaisse et se vide de sa substance humaine afin qu’une transcendance le possède et l’emplisse de sa présence invisible. Pourquoi, se réduisant à rien pour recevoir le tout, ne verrait-il pas d’un œil froid l’anéantissement de ceux qui ne partagent pas son sentiment? Le fait que s’incarne en lui le mandement du ciel, de l’État, de la patrie, de la cause du peuple l’a élu parmi les serviteurs de l’absolu. Légataire d’une vérité universelle, il n’a de comptes à rendre à personne ni à lui-même; et, comme une vérité d’un ordre aussi élevé exige un renoncement aux plaisirs d’être humain, elle ne peut qu’en appeler, pour assurer le triomphe de l’esprit, aux rigueurs les plus inhumaines. Peut-être n’y a-t-il rien de plus redoutable que cette pensée qui s’arrache du corps pour le dominer, que cet esprit se séparant de la terre pour la mieux gouverner au nom du ciel.
Du fanatisme des autres à l’«Encyclopédie»
Comme l’aruspice, le fanatique connaît l’avenir. Il prédit le fatum , le destin inexorable, le fatidique. Le destin n’est rien d’autre que la réalisation de la vérité qui s’échappe de sa bouche, comme les révélations d’une pythie. Mais de lui, à la différence de la pythie, la vérité exige que ses mots soient des actes, qu’il brandisse le glaive du verbe, par lequel, en se sacrifiant, il a mérité de sacrifier le monde entier. Ainsi, la grandeur mythique – l’énormité du mensonge, en d’autres termes – se bâtit sur la petitesse du fanatique. De là, le soupçon qu’il n’y ait pas d’empire, de royaume, de république, d’État qui n’érige sa munificente imposture sur un socle de boue et de sang, de guerre, de répression et de révolution «dévorant ses enfants».
Il s’est conservé, dans l’absolue sujétion à une idée, quelque manière de cette castration dont la pratique est imputée aux sectateurs de Cybèle. Détourner le corps de ses inclinations naturelles pour le soumettre à un régime d’ascétisme et de discipline qui le rendît plus réceptif à la volonté divine ou aux directives du parti, n’est-ce pas lâcher la proie pour l’ombre, refuser la réalité terrestre pour les chimères célestes, préférer au vivant une forme abstraite qui le comprime et le mutile? N’y a-t-il pas dans l’archaïque distinction du corps et de l’esprit une séparation qui mutile l’un et l’autre? Le fanatisme, contempteur du corps et adorateur du monde des idées, envenime une blessure si communément ressentie aujourd’hui qu’elle soutient la vogue des médecines psychosomatiques, comme elle cherchait jadis à s’apaiser dans l’enivrement des conflits d’intérêts. Le fanatique est le serviteur d’un monde qu’il identifie à un temple. S’enorgueillissant d’être au bas de la pyramide et de ne prendre ses ordres que d’en haut, il est le dernier en fait et le premier dans le reflet magnifique que lui renvoie le miroir de l’au-delà. L’idée est tout et l’être n’est rien, tel est l’argument du fanatisme. Dans une civilisation où la représentation sociale a plus d’importance que l’authenticité du vécu, où il faut croire par tradition à ce qui déprécie la vie, comment le fanatique ne serait-il pas de tous les partis?
L’ironie des choses a voulu qu’un des premiers à parler sur un ton méprisant du fanatisme fût Bossuet, un des plus zélés protagonistes de l’absolutisme religieux. Dans l’Oraison funèbre de la reine d’Angleterre , il stigmatise les quakers, «gens fanatiques, qui croient que toutes leurs rêveries leur sont inspirées». De même dira-t-il des quiétistes que, «s’estimant très parfaits dans leur esprit, ils s’imaginent être mus par l’inspiration [...], ce qui est pur fanatisme» (Sommaire des maximes des saints ). Pour Bossuet, le fanatique n’est pas, comme on le pourrait penser aujourd’hui, Louis XIV révoquant l’édit de Nantes, mais l’illuminé, celui qui, répondant de sa conduite devant son seul Dieu, dédaigne les guides suprêmes de l’Église romaine. L’attaque visait les protestants, qui sont raillés pour la diversité de leurs sectes et auxquels, suivant l’usage polémique, le prélat applique le commun dénominateur de l’enthousiasme, c’est-à-dire de l’identification à Dieu. Ceux-ci entrent à leur tout dans la querelle. En 1723, le pasteur Turretin publie son Préservatif contre le fanatisme . Sa démarche rappelle celle de Bossuet. Elle se disculpe des reproches adressés aux protestants par les catholiques en départageant par une frontière rigoureuse l’orthodoxie calvino-luthérienne et les sectes divagatrices, les nomades de la Réformation. N’est donc pas fanatique Calvin, qui fit chasser Castellion, exécuter Jacques Gruet, brûler Servet, mais Münzer, l’anabaptisme, la communauté des quakers.
Le fanatisme est alors décrit comme une maladie contagieuse, difficile à guérir, comme la peste hérétique dont se plaignait l’Inquisition du Moyen Âge. Il y faut des médecins, qui sont les prêtres et les pasteurs, usant au besoin du scalpel de la justice séculière. Au début du XIXe siècle, l’abbé Pluquet, répertoriant les hérésies dans son Mémoire pour servir à l’histoire des égarements de l’esprit humain par rapport à la religion chrétienne , appellera encore fanatisme l’erreur de ceux qui s’écartent inconsidérément de l’orthodoxie et fondent leur foi sur le seul sentiment d’un dialogue intime avec Dieu. Il désapprouve la cruauté des châtiments appliqués à des insensés qui ne méritaient d’autre sanction que le silence, assorti de quelque thérapie discrète et appropriée. On reconnaît, dans une opinion que n’eût pas désavouée, un siècle et demi plus tard, la psychiatrie soviétique, l’effet du siècle des Lumières et, en particulier, de cette nouvelle mouture de l’obscurantisme plaisamment qualifiée de despotisme éclairé.
Le déclin de l’absolutisme, la fin de l’immobilisme économique qui en soutenait l’existence, l’essor de la libre entreprise et de la notion de liberté qu’elle propageait dans son sillage, tout concourait à porter le vocable «fanatisme» au nombre des mots clés du XVIIIe siècle. L’Encyclopédie de 1777 ne lui consacre pas moins de dix-sept colonnes (l’article est de M. Deleyre, «auteur de l’analyse de la philosophie du chancelier Bacon»). C’est dès lors un concept à la mode. Il circule, avec sa sœur ennemie, la tolérance, frappant la religion qui vacille et la tyrannie qui radote, passant de la main à la main, d’un parti à un autre, déchaînant des passions qui ont parfois l’ardeur de la vie et plus souvent la froideur des idéologies. Voltaire s’en fait le parangon. Il en use avec autant de généreuse éloquence qu’il met de prudence à ne pas gâter les appuis qu’on lui ménage du côté du pouvoir et à tirer de secrets bénéfices du trafic des nègres, où il a des intérêts, en homme d’affaires avisé et curieux de tout. Sa Henriade comporte un combat épique de la tolérance contre le fanatisme, monstre sorti des ténèbres et crachant l’obscurantisme dans la noire fumée des bûchers. C’est «le plus cruel tyran de l’empire des ombres»: «Il vient, le Fanatisme est son horrible nom / Enfant dénaturé de la Religion.» Ailleurs, Voltaire parlera de «cet absurde fanatisme qui rompt tous les liens de la société». Le propos reste, plus qu’il n’y paraît, dans l’esprit de Bossuet. Les liens de la société, ce qui relie les hommes entre eux, n’est-ce pas la religio ? La modernité de Voltaire tient à ce qu’il prône une religion rénovée, une religion éclairée, dont la raison suffise à éloigner les insensés. Cette religion n’est autre que la philosophie: «Sans la philosophie, écrit-il, on aurait deux ou trois Saint-Barthélemy par siècle [...]. Le fanatisme allume la discorde et la philosophie l’éteint.»
L’Église pressent le danger de ce mouvement de désacralisation dont Voltaire se fait le porte-parole et qui traduit l’émancipation de la vieille ancilla theologiae , la servante de la théologie. Du fanatisme, l’abbé Bergier affirme: «C’est l’épouvantail dont se servent les incrédules pour faire peur à tous ceux qui sont tentés de croire en Dieu». Mais qu’est-ce qu’une religion sans la conviction qu’elle est la seule vraie? Par un mouvement irréversible, la philosophie va se substituer à elle. Le règne du mythe unitaire – du monde comme temple et représentation divine – se termine; celui des idéologies commence. Or la philosophie diffère-t-elle radicalement de la religion? N’est-elle pas comme elle une pensée séparée de la vie, une domination de l’esprit sur la liberté de nature? Nicolas Linguet est bien de cet avis lorsque, dans son pamphlet, Le Fanatisme des philosophes , paru en 1776, il retourne l’argument contre la «secte orgueilleuse [...] où ils ont la fureur de publier leurs opinions». En les traitant d’«enthousiastes dogmatiques», sait-il qu’il annonce les ravages des grandes idéologies à venir, des causes, nécessairement sacrées, que seront la patrie, la race, le socialisme, le nationalisme, le communisme, autant de prétextes à sacrifier sur l’autel de l’abstraction des générations d’êtres humains qui se fussent contentées de plus de bonheur et de moins de gloire? La référence de Linguet au dogme de la raison universelle et à l’intrusion divine de l’enthousiasme souligne assez par quel biais l’essence de la religion se perpétue dans les idéologies, si profanes, si antireligieuses qu’elles se veuillent. Bien que l’ouvrage fasse la part belle aux facilités outrancières de la polémique, il faut lui accorder le mérite d’avoir soupçonné que, sous les habits de l’émancipation et de la liberté, le fanatisme sacrificateur n’avait rien perdu de sa volonté exemplaire.
Fanatisme et esprit religieux
Outre qu’elle s’accorde avec le sens originel du mot, l’idée qu’il n’y a de fanatisme que religieux trouverait aisément à se confirmer dans le fait que la religion est partout présente où règne le pouvoir de l’esprit sur le corps et l’autorité d’un homme sur ses semblables. Tant que les hommes, persuadés de leur impuissance native, persisteront à s’agenouiller à la promesse d’un réconfort que leur misérable attitude leur interdit dès l’abord de recevoir, le fantôme des dieux morts continuera de les hanter et de les jeter éperdument dans une aventure où ils sont assurés de se perdre. Du temps que les mutations économiques – telles que le passage de la structure agraire au capitalisme, la transformation du capitalisme monopolistique en capitalisme d’État – autorisaient le succès momentané de leurs entreprises, les régimes totalitaires n’ont jamais eu de peine à fanatiser le citoyen, à qui la religion de l’État et le culte d’un pouvoir infaillible garantissaient le salut. Nazisme, stalinisme, maoïsme ne le cédèrent en rien à la faveur des archaïques autodafés.
Séparé de la jouissance d’une vie qu’il sacrifie au nom d’une vie désincarnée et parfaitement «idéale», le fanatique en appelle rageusement à l’unité, unité avec Dieu, avec l’Église, avec l’État, avec l’Esprit saint. Et il se montre d’autant plus forcené que lui manque cruellement l’unité fondamentale, celle qui le réconcilierait avec son corps, avec le plaisir du vivant. Être fragmentaire, souffrant d’un combat qui le dresse contre lui-même, il dénonce les diviseurs du parti, les déviants de la ligne droite, les ennemis sournois de la vertu. Pureté de la race ou pureté du marxisme, c’est toujours dans l’image d’une propreté absolue que s’absout la saleté du linge de famille, de secte, de faction. Extirpant de soi la part la plus humaine, qu’il juge entachée de faiblesse, le fanatique manie volontiers le couperet de la rigueur, qui départage impitoyablement le sain de l’avarié. Il faut la cynique candeur de Robespierre pour parler de la «sainte guillotine» et proclamer froidement: «La Révolution n’est que le passage du règne du crime à celui de la justice.» On ne peut mieux dire. Aussi bien est-ce un aveu qui siérait aux fanatiques de la punition pénale, à ceux qui exorcisent, par le moyen des peines de prison, voire de mort, infligées aux malfaiteurs, la malfaisance des pulsions réprimées qu’ils emprisonnent en eux.
Parmi l’espèce proliférante de ces «maniaques destructeurs de leur être», l’Encyclopédie distingue deux catégories principales: «Dans un tempérament flegmatique, il produit l’obstination qui fait les zélateurs; dans un naturel bilieux, elle devient frénésie [...]. Toute l’espèce est divisée en deux classes. La première ne fait que prier et mourir, la seconde veut régner et massacrer.»Peut-être faut-il convenir que les deux classes, le plus souvent, n’en forment qu’une; de même que coexistent en chaque être humain l’actif et le passif, la dureté et la mollesse, le prêtre et le philosophe, le policier et l’insurgé, la raideur et le laisser-aller. Un état succède à l’autre, selon un mouvement de balancier prévisible, mais non cependant sans qu’une fonction particulière, un métier, une responsabilité sociale, un rôle ne viennent favoriser, cristalliser l’une ou l’autre attitude.
Il existe ainsi un singulier encouragement au fanatisme, c’est de confondre le développement des facultés d’éveil de l’enfant et ce que l’on appelait, il n’y a pas si longtemps, la formation du caractère. Ceux qui se flattaient jadis que leur enfant eût du caractère, une manière d’inflexibilité, de raideur opiniâtre qui passait pour la marque d’une «personnalité», savent depuis Wilhelm Reich quels ravages a causés cette carapace qui réprime et refoule les pulsions du corps. Il existe un puritanisme de l’ordre, comme du reste de la subversion, qui ne laisse pas de se débonder, sous couvert de devoir, de rigueur, d’exemplarité, en une inhumaine cruauté. La propreté de la race exige la grande lessive des camps de concentration, la pureté de l’Église ou de la république jacobine a besoin de bûchers et de guillotines, le goulag sauve un certain marxisme des révisions qui en troubleraient la clarté. Toute cela se défend, s’argumente, se raisonne, se conteste. Le malaise vient, pour qui examine, avec le recul du temps, les sanglants conflits religieux, politiques, idéologiques, sociaux qui ont dressés l’un contre l’autre les justes et les injustes, de ce qu’au fanatisme de la tyrannie répond trop souvent le fanatisme empanaché de liberté.
C’est que, indépendamment de la couleur idéologique de tel ou tel engagement, il existe, dans le fait même de s’engager pour une idée, une sorte d’imposture, voire de malformation. Comment sacrifier son inclination naturelle au bonheur et espérer pour l’humanité tout entière une félicité que l’on se refuse au départ? Le mépris de la jouissance en tant que manifestation de vie conduit l’individu tout autant que les sociétés à une sclérose du comportement, qui est le terrain d’élection du fanatisme. Le défoulement répond au refoulement aussi sûrement que le libertinage à l’austérité des mœurs, l’émeute au despotisme, la révolte à l’autorité, le diable à Dieu. Ceux qui cherchent, pour reprendre l’expression du pasteur Turretin, des préservatifs contre le fanatisme feraient bien d’en découvrir les causes moins dans la perversité des doctrines et des opinions que dans le corps arraché à ses plaisirs, mis impitoyablement au travail, militarisé au service de cet esprit qui entend le dominer et le gouverner, comme le ciel des idées n’a cessé, jusqu’à présent, d’imposer à la terre l’abstraction de ses lois.
S’il existe en chacun une propension au fanatisme ordinaire, elle tient non à la nature humaine mais à sa dénaturation. Que le devoir et la contrainte soient inconciliables avec le sentiment de bonheur et de sérénité indique suffisamment où le bât blesse. Chaque fois que l’appel des obligations quotidiennes fait taire et refoule les sollicitations de la jouissance, résonne l’objurgation de la vieille intransigeance: perinde ac cadaver . Le manque à vivre produit l’inflation des valeurs destructives, comme si l’énergie libidinale employait à se détruire la force qu’elle ne peut investir dans son accomplissement. Cette détermination à marcher au-devant de la mort, à devenir un héros, un saint, un martyr n’a-t-elle pas servi de modèle et d’enseignement à des générations d’écoliers que, selon l’expression consacrée, l’on «armait» ainsi pour «affronter» la vie? S’étonnera-t-on que la tolérance n’ait été pour beaucoup que l’autre côté du fanatisme, son relâchement, la liberté des résignés de se laisser mourir de faim, d’ennui et, plus simplement encore, de ne rien contempler qu’avec les yeux de la mort? Le Viva la muerte! lancé par un général franquiste a été de tous les partis. La franchise du cri avait le mérite de mettre à nu les raisons les plus glorieusement invoquées pour envoyer les combattants de tous bords à la grande réconciliation de l’abattoir. Ôtez des conciences le memento mori que des siècles de mépris de l’homme pour l’homme y ont inscrit, et le fanatisme s’éteindra faute de combustible. Le feu que la littérature romantique voyait briller dans l’œil du fanatique est bien le feu par lequel se consument, en rêvant de consumer le monde, les êtres qu’un renoncement quotidien a conditionnés au réflexe de mort. Il n’y a pas de fanatisme de la vie.
fanatisme [ fanatism ] n. m.
• 1688; de fanatique
1 ♦ Vx Inspiration de fanatique (1o).
2 ♦ (1758) Foi exclusive en une doctrine, une religion, une cause, accompagnée d'un zèle absolu pour la défendre, conduisant souvent à l'intolérance et à la violence. Fanatisme religieux, politique. Combattre, exciter le fanatisme. « Rien n'égale la puissance de surdité volontaire des fanatismes » (Hugo). « J'aime les gens tranchants et énergumènes, on ne fait rien de grand sans le fanatisme » (Flaubert).
3 ♦ Enthousiasme excessif. Fanatisme intellectuel, artistique (pour, à l'égard de qqn, qqch.). « Ce fanatisme presque toujours aveugle qui nous pousse tous à l'imitation des grands maîtres » (E. Delacroix).
⊗ CONTR. Scepticisme, tiédeur; impartialité, tolérance.
● fanatisme nom masculin (de fanatique) Dévouement absolu et exclusif à une cause qui pousse à l'intolérance religieuse ou politique et conduit à des actes de violence. Attachement passionné, enthousiasme excessif pour quelqu'un, quelque chose : Le fanatisme des jeunes pour les vidéoclips. ● fanatisme (citations) nom masculin (de fanatique) Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 On ne fait rien de grand sans le fanatisme. Correspondance, à Louise Colet, 1853 André Siegfried Le Havre 1875-Paris 1959 Académie française, 1944 Notre enthousiasme, c'est le fanatisme d'en face. Quelques maximes J. Haumont François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 N'est-il pas honteux que les fanatiques aient du zèle, et que les sages n'en aient pas ? Il faut être prudent, mais non pas timide. Pensées détachées de M. l'abbé de Saint-Pierre (à la suite du Dîner du comte de Boulainvilliers) ● fanatisme (synonymes) nom masculin (de fanatique) Dévouement absolu et exclusif à une cause qui pousse à...
Synonymes :
- intolérance
Attachement passionné, enthousiasme excessif pour quelqu'un, quelque chose
Synonymes :
- ardeur
- ferveur
- passion
fanatisme
n. m. Zèle excessif, exalté. Fanatisme religieux.
⇒FANATISME, subst. masc.
A.— Vx. Comportement, état d'esprit de celui qui se croit inspiré par la Divinité. Fanatisme d'illuminé (ROB.).
B.— P. ext. dans la lang. mod., souvent péj. Comportement, état d'esprit d'une personne ou d'un groupe de personnes qui manifestent pour une doctrine ou pour une cause un attachement passionné et un zèle outré conduisant à l'intolérance et souvent à la violence. Fanatisme politique, religieux; fanatisme de qqc., pour qqc., contre qqc. J'y ai vu [dans « Servitude et grandeur militaires »] une dépréciation systématique du dévouement aveugle (du culte de l'Empereur par exemple), du fanatisme de l'homme pour l'homme (FLAUB., Corresp., 1846, p. 418). Si nous sommes enfin délivrés de toutes les superpositions misérables et de tous les fanatismes répugnants, c'est quand même à la fermeté d'un sage rationalisme que nous le devons (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 39) :
• 1. En politique, en morale, en sociologie, en religion, en philosophie, le conservateur de la doctrine ancienne et le révolutionnaire le plus acharné à détruire les vérités présentes se confondent dans l'identité d'une même foi. Leur fanatisme est de même ordre; car ils croient l'un et l'autre qu'il existe une vérité objective, propre, à l'exclusion de toute autre conception, à assurer le bonheur humain.
GAULTIER, Bovarysme, 1902, p. 298.
SYNT. Fanatisme brutal, farouche, féroce; fanatisme catholique, chrétien, militaire, national, patriotique, républicain; fanatisme de secte; les fureurs du fanatisme; combattre, exciter le fanatisme.
— P. hyperb. Intérêt, goût passionné et parfois excessif pour quelque chose ou quelqu'un. Fanatisme littéraire, scientifique; le fanatisme de l'art; aimer avec fanatisme. Que tu es bizarre, avec ton fanatisme pour ce jeune vicomte de Joyeuse! (DUMAS père, Henri III, 1831, III, 3, p. 166). Les nombres ne sont en général que des illusions, et le fanatisme de l'exactitude quantitative est un grand écueil de la méthode expérimentale (C. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 200) :
• 2. Les Juifs, dans le monde moderne, sont un élément nouveau d'illusion, de duperie, mais aussi d'énergie et de durée. Ils ont le fanatisme de la félicité publique, de la justice sur terre, de l'avenir de la société.
J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 271.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. 1688 « disposition d'esprit des fanatiques qui se croient inspirés de la divinité » (BOSSUET, 3e avertissement, § 26 ds ROB.); 2. 1729 « excès en faveur d'une foi religieuse ou d'une croyance » (MESLIER, Mémoire, t. 1, p. 100 : le christianisme n'était dans son commencement qu'un pur fanatisme); 3. 1730 « passion excessive que l'on porte à une personne ou à quelque chose » (LA MOTTE, Disc. sur Trag., discours 2, p. 173 : Romulus pousse la valeur jusqu'à la témérité et la confiance en ses propres forces jusqu'au fanatisme [qu'on me permette ce terme pour exprimer l'excès de la confiance]). Dér. du rad. de fanatique; suff. -isme. Fréq. abs. littér. :548. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 250, b) 571; XXe s. : a) 530, b) 638. Bbg. RICHTHOFEN (E. von), KUHN (A.). Z. rom. Philol. 1954, t. 70, p. 399. — SCHALK (F.). Über fanatique und fanatisme. Rom. Forsch. 1947, t. 60, pp. 206-214.
fanatisme [fanatism] n. m.
ÉTYM. 1688; de fanatique.
❖
♦ Disposition d'esprit des fanatiques.
1 Vx. Inspiration de fanatique (1.). || Fanatisme d'illuminé. || Les calvinistes et les quiétistes ont été souvent accusés de fanatisme.
1 (…) tout le monde aurait frémi à un établissement si manifeste du fanatisme, où l'on veut que chacun juge de sa foi par son goût, c'est-à-dire qu'il prenne pour inspiration toutes les pensées qui lui montent dans le cœur, et en un mot qu'il appelle Dieu tout ce qu'il songe.
Bossuet, 3e avertissement, 26.
2 (…) s'estimant très parfaits dans leur esprit, ils s'imaginent être mus par inspiration (…) ou (…) ils prennent pour directeur celui qu'ils croient agité par un semblable transport : ce qui est le pur fanatisme (…)
Bossuet, Sommaire de la doctrine du livre des Maximes des Saints.
2.1 Le fanatisme s'empare des esprits, des femmes crient, des fous se débattent, des imbéciles croyent, et voilà le plus méprisable des êtres, le plus maladroit fripon, le plus lourd imposteur qui eût encore paru, le voilà Dieu, le voilà fils de Dieu égal à son père (…)
Sade, Justine…, t. I, p. 79-80.
2 (1758). Foi, zèle de fanatique (2.). || Fanatisme religieux (→ Couver, cit. 11), politique. ⇒ Intolérance, parti (esprit de). || Nationalisme poussé au fanatisme et à la xénophobie. || Le fanatisme aveugle de ses disciples. ⇒ Séidisme. || Exalter l'ardeur, le zèle de ses partisans jusqu'au fanatisme (→ Ardent, cit. 41). || Fanatisme contagieux (→ Épidémie, cit. 6). || Le fanatisme s'élève contre la philosophie. → Philosophe, cit. 3. || Mahomet ou le Fanatisme, tragédie de Voltaire. || Combattre, exciter le fanatisme.
3 Le plus grand exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy, leurs concitoyens qui n'allaient point à la messe.
Voltaire, Dict. philosophique, Fanatisme.
4 Le fanatisme n'est pas une erreur, mais une fureur aveugle et stupide que la raison ne retient jamais.
Rousseau, Lettre à d'Alembert.
5 Rien n'égale la puissance de surdité volontaire des fanatismes.
Hugo, Shakespeare, III, I, III.
6 On croyait jusqu'alors que le mot fanatisme ne s'appliquait qu'aux idées et aux croyances religieuses : il était réservé à la fin du dix-huitième siècle de montrer qu'il ne s'appliquait pas moins à la philosophie et il en est résulté aussitôt des effets monstrueux.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, Rivarol, t. V, p. 81.
7 J'aime les gens tranchants et énergumènes, on ne fait rien de grand sans le fanatisme. Le fanatisme est la religion.
Flaubert, Correspondance, t. II, p. 193.
8 Laharpe a caractérisé par le mot « fanatisme » l'idiome révolutionnaire. Si on entend par là une dévotion portée à la fois jusqu'au sacrifice de soi et des autres, le mot est juste.
F. Brunot, Hist. de la langue franç., t. IX, p. 626.
8.1 Le fanatisme n'est sans doute pas autre chose que le sentiment d'une fatalité effrayante qui se réalise par l'homme.
Alain, Mars ou la Guerre jugée, in les Passions et la Sagesse, Pl., p. 638.
3 (1762). Enthousiasme de fanatique (3.). || Fanatisme intellectuel, artistique (pour, à l'égard de qqn, qqch.). ⇒ Passion; enthousiasme, ferveur. || Son admiration pour X va jusqu'au fanatisme. || Aimer qqch. avec fanatisme.
9 Ce fanatisme presque toujours aveugle qui nous pousse tous à l'imitation des grands maîtres et à ne jurer que par leurs ouvrages.
E. Delacroix, Écrits, II, p. 8.
❖
Encyclopédie Universelle. 2012.