ruer [ rɥe ] v. <conjug. : 1>
• 1138; bas lat. rutare, intensif de ruere « bousculer, pousser »
I ♦ V. tr.
1 ♦ Vx Jeter, lancer avec force.
2 ♦ SE RUER v. pron. (XIIIe) Mod. Se jeter avec violence, impétuosité. ⇒ s'élancer, foncer, se jeter, se précipiter. « Elle se rua vers l'escalier » (Green). « Il se ruait sur sa femme pour la faire taire » (Zola).
♢ Se précipiter en masse (⇒ ruée). La foule se rua vers la sortie. Les ennemis se ruèrent sur notre armée. ⇒ fondre, 1. tomber.
♢ Spécialt Se ruer sur (qqch.) :se précipiter pour obtenir (qqch.). Ils se ruèrent sur les gâteaux. Fig. On se rue sur les postes vacants.
II ♦ V. intr. (1326) Lancer vivement les pieds de derrière, en soulevant le train arrière (âne, cheval, mulet). ⇒ ruade. Cheval furieux qui rue et se cabre. Cheval qui rue en vache, qui donne un coup de pied en ramenant le pied de derrière en avant (comme fait la vache). — Loc. Ruer dans les brancards : regimber, protester et opposer une vive résistance. ⇒ se rebeller, se rebiffer, renâcler. « Mais Thérèse, affirmait-il, ne ruait que dans les brancards. Libre, peut-être, n'y aurait-il pas plus raisonnable » (F. Mauriac).
● ruer verbe intransitif (latin populaire rutare, jeter, du latin classique ruere, s'élancer) En parlant d'un équidé, lancer brusquement et avec force les deux pieds de derrière à la fois. ● ruer (expressions) verbe intransitif (latin populaire rutare, jeter, du latin classique ruere, s'élancer) Familier. Ruer dans les brancards, manifester vivement son désaccord, protester avec force. ● ruer (homonymes) verbe intransitif (latin populaire rutare, jeter, du latin classique ruere, s'élancer) ruée nom féminin
ruer
v.
d1./d v. intr. Lancer en l'air avec force les pieds de derrière (en parlant d'un cheval, d'un âne, etc.).
|| Loc. fig. (Personnes) Ruer dans les brancards: se rebeller.
d2./d v. Pron. Se lancer vivement, impétueusement. Se ruer sur qqn, à l'attaque, vers la sortie.
⇒RUER, verbe
A. — 1. Empl. trans. ,,Jeter avec impétuosité`` (Ac. 1798-1878). Ruer des pierres (Ac. 1798-1878).
— Fam. Ruer de grands coups. ,,Frapper de grands coups`` (Ac. 1798-1878).
— Absol. ,,Jeter une pierre`` (Ac. 1798-1878). Il gage qu'il ruera plus loin que vous (Ac. 1798-1878).
— Proverbes, au fig. ,,Ses plus grands coups sont rués, en parlant D'un homme qui, après s'être signalé en quelque chose, après s'être porté à quelque chose avec ardeur, commence à se modérer, à se relâcher`` (Ac. 1798-1878). ,,Les plus grands coups sont rués, les plus grands efforts sont faits dans l'affaire dont il s'agit`` (Ac. 1835, 1878).
a) [Le suj. désigne un animé]
— Se jeter avec impétuosité, brusquerie sur, vers quelqu'un, quelque chose; se précipiter. Ces hommes ennemis, qui s'étaient rués les uns à la gorge des autres, gisaient maintenant côte à côte (ZOLA Débâcle, 1892, p. 500). Djouma (...) se rua soudain vers l'orée du sentier, et s'y tint en arrêt (MARAN, Batouala, 1921, p. 150). Leurs plumes se hérissent. Ils se ruent l'un contre l'autre, le bec en avant, et frappent (Jeux et sports, 1967, p. 161).
♦ Absol. Gervaise, brusquement, hurla. Virginie venait de l'atteindre à toute volée (...). Alors, elle se rua. On crut qu'elle voulait assommer l'autre (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 400).
— Se précipiter en grand nombre; aller en masse. En 1856, plus de six cents navires franchissent la Baie [de San-Francisco]; ils déversent des foules sans cesse renouvelées qui se ruent aussitôt à l'assaut de l'or (CENDRARS, Or, 1925, p. 120). Le public américain se ruait pour écouter les films chantants (SADOUL, Cin., 1949, p. 220).
b) P. anal. [Le suj. désigne un élément naturel] Se précipiter avec force; survenir de manière insurmontable, imparable. Admets, dit Pécuchet, qu'un tremblement de terre ait lieu sous la Manche; les eaux se ruent dans l'Atlantique (FLAUB., Bouvard, t. 1, 1880, p. 91):
• Le vent s'est élevé du Rhône. Un orage doit boucher le défilé de Mondragon. Tout le jour, le fleuve du vent s'est rué dans les cuvettes de la Drôme. Monté jusqu'aux châtaigneraies, il a fait les cent coups du diable dans les grandes branches; il s'est enflé, peu à peu, jusqu'à déborder les montagnes et, sitôt le bord sauté, pomponné de pelotes de feuilles, il a dévalé sur nous.
GIONO, Colline, 1929, p. 28.
— P. métaph. Durtal se rua (...) dans la pénitence (...) et il fut désormais un chrétien (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p. 165). Il n'est pas d'homme qui, sa décision prise et le remords d'avance accepté, ne se soit, au moins une minute, rué au mal avec une claire cupidité comme pour en tarir la malédiction (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 213).
B. — Empl. intrans.
1. Vieilli. Lancer les bras, les jambes, frapper au hasard, se débattre. Rosny (...) nous raconte son histoire en ruant de tout le corps (GONCOURT, Journal, 1887, p. 687). Il restait à quelques-uns la force de rire et de claquer le derrière du camarade en plongée. Le coup portait bien sur la chair suante. L'homme touché ruait au hasard, envoyant haut son pied nu (HAMP, Champagne, 1909, p. 101).
— Expr., fam. ,,Ruer à tort et à travers. Frapper de tous côtés dans une foule`` (Ac. 1835, 1878).
2. [Le suj. désigne un quadrupède] Lancer vivement et avec force, énervement, mauvaise humeur, etc., les membres postérieurs en arrière et en l'air, en prenant appui sur les antérieurs et en baissant l'encolure; lancer une ruade. Des ânes trottinant et ruant sous le bâton d'âniers à tête rase (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 267).
♦ Ruer à la botte. [Le suj. désigne un cheval] Être très chatouilleux et ruer à l'approche ou au contact de l'éperon. (Ds LITTRÉ, GUÉRIN 1892, Lar. Lang. fr.). Au fig. Être très susceptible; se rebiffer. (Ds GUÉRIN 1892, Lar. Lang. fr.).
♦ Ruer aux/dans les brancards. Ruer au moment de l'attellement. Au fig. [Le suj. désigne une pers.] Regimber, se rebeller, opposer de la résistance. Thérèse, affirmait-il ne ruait que dans les brancards. Libre, peut-être, n'y aurait-il pas plus raisonnable (MAURIAC, Th. Desqueyroux, 1927, p. 275).
♦ Ruer en vache. Porter un coup de pied à la manière d'une vache, c'est-à-dire en ramenant le membre postérieur sous la poitrine et en portant le coup de côté à hauteur de l'antérieur. (Ds Ac.).
Prononc. et Orth.:[], (il) rue []. MARTINET-WALTER 1973: [], [] (13, 4). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1120 « jeter impétueusement, projeter » (BENEDEIT, St Brendan, éd. I. Short et B. Merrilees, 1148); 2. ca 1170 pronom. « se précipiter, s'élancer » (CHRESTIEN DE TROYES, Erec, éd. M. Roques, 873); 3. 1326 « (d'un cheval) lancer vivement en arrière les pieds de derrière » (Vie de St Grégoire le Grand, 1312 ds Romania t. 8, p. 533). Du b. lat. rutare « lancer », créé sur rutum supin de ruere « lancer, renverser, bousculer » et pronom. « se précipiter », comme intensif de ce verbe. Fréq. abs. littér.:888. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 406, b) 1 419; XXe s.: a) 2 296, b) 1 288.
DÉR. 1. Ruement, subst. masc., vieilli. a) Action de ruer. (Dict. XIXe et XXe s.). Synon. ruade. b) Action de se ruer. Synon. ruée. Il y eut un ruement général contre les murs, puis le flot de brutes reprit son cours vers le quai, où une bataille éclata entre les marins des deux nations (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Mais. Tellier, 1881, p. 1183). — []. — 1res attest. a) 1306 « action de lancer » (GUILLAUME GUIART, Royaux lignages, I, 6773 ds T.-L.), b) 1877 « action de ruer » (A. DAUDET, Journal des Débats, 2 août, 1re page ds LITTRÉ Suppl.); de ruer, suff. -ment1. 2. Rueur, -euse, adj. [En parlant d'un quadrupède] Qui rue; qui a l'habitude de ruer. Ânesse rueuse. Là! (...) Voilà comment on rend les chevaux rueurs! (GYP, Gde vie, 1891, p. 179). En empl. subst. De ses cuisses de fer, (...) des reins, des genoux, le cavalier se maintient, colle au rueur (MORAND, Air indien, 1932, p. 59). — [], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1835. — 1re attest. 1551 (COTTEREAU, Colum., II, 2 ds GDF.); de ruer, suff. -eur2; le mot est att. du XIIIe au XVe s. au sens de « lanceur », v. GDF.
BBG. — TLF. Notes de lexicogr. crit. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1986, t. 24, n ° 1, p. 236.
ruer [ʀɥe] v.
ÉTYM. V. 1112; bas lat. rutare, intensif de ruere « pousser », supin rutum.
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se ruer v. pron.
ÉTYM. (V. 1175).
♦ Mod. Se jeter avec violence, impétuosité. ⇒ Élancer (s'), jeter (se), précipiter (se). || Elle se rua vers l'escalier (→ Frayeur, cit. 7). || Se ruer sur qqn pour le battre. ⇒ Attaquer. || Le loup prêt à se ruer sur la bergerie (cit. 2). || Se ruer tête baissée.
1 (…) alors il se ruait sur sa femme pour la faire taire, pour ne plus entendre les paroles qui le poussaient au délire. Toutes leurs querelles se terminaient par des coups.
Zola, Thérèse Raquin, XXIX.
♦ Par anal. || Se ruer au combat, aux plaisirs… || Se ruer au péché (→ 3. Mal, cit. 50). || Se ruer vers les satisfactions les plus égoïstes (→ Fatalement, cit. 3). || Se ruer aux exploits (→ Preux, cit. 1).
♦ Spécialt. || Se ruer sur (qqch.) : se précipiter pour obtenir (qqch.). || Les jeunes gens se ruèrent sur les gâteaux. Fig. || On se rue sur les postes vacants.
♦ (Sujet n. de chose). || La mer démontée (cit. 12) se ruait contre la terre. || « L'ardente nuée Sur vous s'est ruée… » (Hugo, les Orientales, Feu du ciel, VIII).
♦ Se précipiter en masse. ⇒ Ruée (→ Parquer, cit. 5). || Les ennemis se ruèrent sur notre armée, dans le pays. ⇒ Descendre. || Se ruer sur l'ennemi. ⇒ Courir (sur).
2 Ces fantômes prenaient leurs fusils, et sur eux
Ils voyaient se ruer, effrayants, ténébreux (…)
D'horribles escadrons, tourbillons d'hommes fauves.
Hugo, les Châtiments, V, XIII, I.
♦ Au p. p. (rare) :
3 Heureux les déchaînés, les enfants, les têtes blanches, les boucles blondes, qu'un ordre enfin jetait en pleine fête, ivres avant d'avoir bu, rués vers les sauveteurs déferlant ! Heureux les hors d'eux-mêmes !
Colette, l'Étoile Vesper, p. 36.
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II V. intr. (V. 1212; « se précipiter », v. 1155). Lancer vivement les pieds de derrière, en soulevant le train arrière (en parlant des équidés : âne, cheval, mulet). ⇒ Ginguer; ruade. || Résister en ruant. ⇒ Regimber. — Avoir l'habitude de ruer. || Méfiez-vous de cet âne, il rue.
4 Deux mois après, un cheval qui rua,
De coups de pied l'un de mes gens tua (…)
Ronsard, Ier livre des poèmes, « Le chat ».
♦ ☑ Loc. Ruer dans les brancards (cour.), ruer dans l'attelage. → Braire, cit. 1. Fig. Regimber, protester et opposer une vive résistance.
5 Mais Thérèse, affirmait-il, ne ruait que dans les brancards. Libre, peut-être, n'y aurait-il pas plus raisonnable.
F. Mauriac, Thérèse Desqueyroux, XII.
♦ ☑ (1694). Ruer en vache, se dit du cheval qui décoche une ruade d'un seul pied, souvent de côté, comme le font les ruminants (qui ruent beaucoup plus rarement que les chevaux, et donc de manière moins prévisible). — Fam. (D'une personne). Frapper à coups de pied, par traîtrise. ⇒ Vache, supra cit. 6, coup de pied en vache.
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DÉR. Ruade, ruement, rueur.
Encyclopédie Universelle. 2012.