CÉSARISME
CÉSARISME
La recherche récente tend à négliger le terme de «césarisme», auquel elle préfère ceux de «principat» et de «dominat», ces deux derniers mots recouvrant deux aspects du premier. Il peut néanmoins être conservé avec un sens très général, celui de pratique du pouvoir impérial, ainsi que l’entendait l’historien Suétone quand il intitulait son œuvre Les Vies des douze Césars .
L’assassinat de Jules César, en \CÉSARISME 44, montra que la royauté paraissait odieuse aux Romains, symbole qu’elle était de tyrannie et d’arbitraire. Mais c’est avec Auguste que tout commence, une fois de plus: il fonda en effet un régime difficile à analyser. T. Mommsen, s’attachant aux structures juridiques, l’avait décrit comme une dyarchie : le pouvoir aurait été partagé à égalité entre le prince et le Sénat. De nos jours, cette théorie ne trouve plus de défenseurs, et tout le monde considère que l’Empire entra dès sa naissance dans la catégorie des monarchies. A. von Premerstein et sir R. Syme ont insisté sur le poids des forces socio-politiques qui désavantageaient les aristocrates: l’existence d’une noblesse d’Empire et de nombreuses clientèles renforçaient le rôle d’Auguste qui, en outre, sortait en vainqueur de la guerre civile, et en chef de parti (les populares le soutenaient, et le serment de \CÉSARISME 32 liait à sa personne tous les habitants de l’Italie). J. Béranger a apporté une autre pierre à l’édifice en montrant que l’idéologie dominante et la propagande favorisaient le prince: général en chef, il assure la paix grâce à la victoire; il ramène l’âge d’or (Virgile le dit); il jouit de la protection divine (Horace), et est marqué d’un charisme (d’où le culte impérial); enfin il possède des vertus, la justice, la clémence, la piété et le dévouement à l’État (c’est ce qui est gravé sur le bouclier d’Arles, copie en marbre du bouclier d’or offert par le Sénat à Auguste). On pourrait ajouter que, même du point de vue juridique, le régime se définit d’entrée de jeu comme une monarchie: le premier empereur accumule les pouvoirs dans les domaines militaire (imperator ), civil (puissance tribunicienne, consulat, proconsulat) et religieux (Auguste, père de la patrie et fils de César divinisé).
Mais Auguste, échaudé par le précédent césarien, sauva les apparences : il maintint le Sénat et les magistrats, et les comices survécurent jusqu’en 97. Jamais il n’osa dire qu’il avait fondé un nouvel ordre, et toute sa propagande reposait sur un diptyque: sauvegarde des apparences républicaines, instauration d’une monarchie. Il respectait les sénateurs et préservait leur sécurité: ces deux règles servent à définir le «principat».
Après lui, Tibère essaya d’abord de suivre la même politique; mais les circonstances le firent évoluer, et il utilisa l’accusation de lèse-majesté à l’encontre de plusieurs membres de la haute assemblée qui furent ainsi contraints à la mort. Le règne de Caligula fut également partagé en deux, comme celui de Tibère, et, après l’intermède relativement libéral de Claude, Néron suivit l’exemple de Caligula: après le quinquennium (cinq ans de calme), il se laissa aller à la rigueur et aux persécutions. Vespasien et Titus renouèrent avec la pratique augustéenne, alors que Domitien préféra imiter les précédents de Tibère, Caligula et Néron; et comme il voulut se faire appeler «seigneur et dieu», dominus et deus , le régime qu’il imposa à l’Empire fut défini comme un «dominat». Dorénavant, on distingue les «principats» (de Nerva à Marc Aurèle) et les «dominats» (à partir de Commode); pendant les premiers, les souverains prenaient les avis des sénateurs et s’abstenaient de mesures radicales à leur encontre; sous les seconds, les aristocrates étaient méprisés et menacés d’accusations de lèse-majesté: les plus en vue d’entre eux payaient leur notoriété de leur tête. La distinction se fit entre «bons» et «mauvais empereurs»; l’Histoire Auguste , qui reflète le point de vue de la tradition sénatoriale vers 400, donne ainsi des listes, sortes de tableaux d’honneur et de déshonneur.
Quel qu’ait été le visage du régime impérial, principat ou dominat, celui-ci fut dès l’origine une monarchie, et il le resta.
césarisme [ sezarism ] n. m.
• 1851; de César
1 ♦ Gouvernement de César, des Césars.
2 ♦ Vieilli Système politique, gouvernement d'un dictateur qui s'appuie ou tente de s'appuyer sur le peuple. ⇒ absolutisme, dictature. Le césarisme des Bonaparte.
● césarisme nom masculin (de César, nom propre) Forme d'aménagement du pouvoir politique alliant autoritarisme et démocratie. ● césarisme (synonymes) nom masculin (de César, nom propre) Forme d'aménagement du pouvoir politique alliant autoritarisme et démocratie.
Synonymes :
- tyrannie
Contraires :
- démocratie
- libéralisme
⇒CÉSARISME, subst. masc.
A.— HIST. ROMAINE. Régime politique institué par Jules César, consistant dans le gouvernement autoritaire d'un homme qui s'est fait porter au pouvoir par le peuple en se faisant conférer le pouvoir absolu. Le césarisme finit par faire de la cité suprême une Rome qui indigne Tacite (HUGO, Actes et paroles, 3, 1876, p. 351) :
• 1. Une idée étrangère au génie français, précisément, l'idée romaine d'autorité, l'idée de livrer les foules subjuguées au maître sorti de leurs acclamations serviles, l'idée du césarisme antique qui conduisit à la ruine, par la décomposition de tout, la plus grande puissance du monde ancien,...
CLEMENCEAU, Vers la réparation, 1899, p. 318.
B.— 1. Système politique instituant le pouvoir absolu du chef de l'État.
a) [En parlant du premier et du second Empire — surtout du premier] Synon. de bonapartisme B :
• 2. Qu'était-ce que ce nouveau venu de la guerre [Napoléon] ayant l'effronterie d'un astre? L'école académique militaire l'excommuniait en lâchant pied. De là une implacable rancune du vieux césarisme contre le nouveau, ...
HUGO, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 418.
b) Plus rare [En parlant de l'Empire germanique (cf. César)] :
• 3. ... La Syrie franque, (...) était pratiquement soustraite au césarisme frédéricien. Le baron français avait triomphé du saint Empire romain germanique.
GROUSSET, L'Épopée des croisades, 1939, p. 342.
2. En partic. Mode de gouvernement absolu où tous les pouvoirs sont exercés par un seul homme qui s'est fait plébisciter par le peuple. Notre gouvernement, (...) n'est en réalité qu'un césarisme de prétoriens sans César (CLEMENCEAU, L'Iniquité, 1899, p. 419). Le premier Empire ne fut point ce que nous nommons un césarisme (PÉGUY, Notre jeunesse, 1910, p. 36) :
• 4. ... luttez contre la matière qui s'appelle césarisme avec cette toute-puissance impalpable, la pensée.
HUGO, Correspondance, 1868, p. 101.
C.— [En dehors du domaine pol.] Souvent iron. Autoritarisme mesquin :
• 5. ... il s'intéresse aux paysans. (...) Il conseille d'acheter une batteuse communale. On refuse. Alors, il va en acheter une, et la prêter selon son caprice, faire du césarisme.
RENARD, Journal, 1906, p. 1030.
Rem. Lar. 19e-20e et GUÉRIN 1892 enregistrent le subst. masc. césariste ,,adepte du césarisme``, dont la docum. fournit un emploi adj. Messieurs, comme tout le monde, (...) j'ai tenu dans mes mains (...) ces pamphlets impérialistes ou césaristes, comme on dit aujourd'hui (HUGO, Actes et paroles, 1, 1875, p. 460; cf. césarien, ienne, un emploi subst. ayant le même sens).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. 1849 (PROUDHON, Les Confessions d'un révolutionnaire, p. 373). Dér. de césar; suff. -isme. Fréq. abs. littér. :28.
césarisme [sezaʀism] n. m.
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1 Hist. rom. Mode de gouvernement de César, des Césars.
1 Le Sénat lui-même abdiqua sa puissance devant le conquérant des Gaules. Encore une fois l'aristocratie républicaine était vaincue par la dictature. Le césarisme était né.
J. Bainville, les Dictateurs, p. 54.
2 Système politique consistant dans le gouvernement d'un seul homme désigné par le peuple et exerçant le pouvoir absolu. ⇒ Absolutisme, dictature. || Le césarisme des Bonaparte. ⇒ Bonapartisme.
2 (…) elle (la guerre) a si bien préparé la banqueroute de la Révolution en césarisme (…)
Jaurès, Hist. socialiste…, t. III, p. 50.
3 (…) la popularité du césarisme fait le plus dangereux aboutissement des démocraties (…)
Ch. Péguy, Notre patrie, in Œ. en prose 1898-1908, Pl., p. 806.
3.1 Le désintéressement, c'est ce qui établit la différence entre cette République consulaire telle que je la conçois et le césarisme. Les Bonaparte se servaient de la France, de Gaulle la sert.
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 258.
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CONTR. Démocratie, libéralisme.
Encyclopédie Universelle. 2012.