monstre [ mɔ̃str ] n. m. et adj.
• 1120 « prodige, chose incroyable »; lat. monstrum
I ♦ N. m.
A ♦
♢ Animal réel gigantesque ou effrayant. « Une lionne vient, monstre inspirant la crainte » (La Fontaine). Monstres marins : grands cétacés.
2 ♦ Être vivant ou organisme de conformation anormale (par excès, défaut ou position anormale de certaines parties de l'organisme). On exhibait des monstres (ou des monstres prétendus) dans les foires. Les veaux à deux têtes, les moutons à cinq pattes sont des monstres. Monstre humain. — Étude des monstres. ⇒ tératologie.
3 ♦ (XIIIe) Personne d'une laideur effrayante. « Elle est extrêmement grasse [...] , elle louche, enfin c'est un monstre » (Balzac).
4 ♦ Personne effrayante par son caractère, son comportement (spécialement sa méchanceté). C'est un monstre de cruauté. Un monstre d'avarice, d'ingratitude. Passer pour un monstre.
5 ♦ Loc. LES MONSTRES SACRÉS : les grands comédiens (titre d'une pièce de Cocteau, 1940).
B ♦ (XVIe) Fig.
1 ♦ Vx Chose bizarre, incohérente, formée de parties disparates.
2 ♦ Mus. Texte formé de syllabes quelconques que le compositeur remet au parolier comme canevas pour le rythme.
II ♦ Adj. (1846) Fam. Très important, immense. ⇒ colossal, énorme, phénoménal, prodigieux. Un travail monstre. Un succès monstre. ⇒ bœuf. « C'était une réclame monstre que le journaliste avait imaginée » (Maupassant).
● monstre nom masculin (latin monstrum, phénomène singulier) Être vivant présentant une importante malformation : La tératologie est l'étude des monstres. Être fantastique des légendes, de la mythologie : Un centaure était un monstre moitié homme, moitié cheval. Animal effrayant ou gigantesque par sa taille, son aspect. Objet, machine effrayants par leur forme énorme : Une petite voiture coincée entre deux monstres. Personne d'une laideur effrayante. Personne qui suscite l'horreur par sa cruauté, sa perversité, par quelque vice énorme : Un monstre d'ingratitude. Familier. Enfant insupportable. ● monstre (citations) nom masculin (latin monstrum, phénomène singulier) Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Qu'un monstre tel que vous inspire peu de crainte ! Psyché, III, 3, Psyché à l'Amour Commentaire On sait que le plan de Psyché est de Molière, mais que Corneille a écrit plus de la moitié des vers de cette tragédie-ballet. Eugène Fromentin La Rochelle 1820-Saint-Maurice, commune de La Rochelle, 1876 Sais-tu quel est mon plus grand souci ? C'est de tuer l'ennui. Celui qui rendrait ce service à l'humanité serait le vrai destructeur des monstres. Dominique Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 S'il se vante, je l'abaisse ; s'il s'abaisse, je le vante ; et le contredis toujours, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il est un monstre incompréhensible. Pensées, 420 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. ● monstre (difficultés) nom masculin (latin monstrum, phénomène singulier) Genre Toujours masculin, même pour parler d'une femme : dans son réquisitoire, le substitut a présenté la jeune femme comme un monstre. Accord Employé comme adjectif, monstre s'accorde en nombre avec le nom auquel il se rapporte : des soldes monstres ; les parades monstres des élections américaines. Registre familier. ● monstre (expressions) nom masculin (latin monstrum, phénomène singulier) Monstre sacré, vedette hors série, personnage hors du commun dans quelque domaine. ● monstre adjectif Familier. Qui est prodigieux, énorme, extraordinaire : Un succès monstre. ● monstre (difficultés) adjectif Genre Toujours masculin, même pour parler d'une femme : dans son réquisitoire, le substitut a présenté la jeune femme comme un monstre. Accord Employé comme adjectif, monstre s'accorde en nombre avec le nom auquel il se rapporte : des soldes monstres ; les parades monstres des élections américaines. Registre familier. ● monstre (synonymes) adjectif Familier. Qui est prodigieux, énorme, extraordinaire
Synonymes :
- démentiel
- effréné
- énorme
- inouï
- phénoménal
monstre
n. m. et adj.
rI./r n. m.
d1./d être fantastique des légendes et des traditions populaires. Persée combattit le monstre.
— Fig. Monstre sacré: acteur très célèbre.
d2./d Animal de taille exceptionnelle. Monstres marins.
d3./d être très difforme. Monstre à deux têtes.
d4./d Personne très méchante. Un monstre de cruauté.
rII./r adj. Fam. Exceptionnellement grand, important. Un banquet monstre.
⇒MONSTRE, subst. masc.
I. — [En parlant d'une pers.]
A. — Individu dont la morphologie est anormale, soit par excès ou défaut d'un organe, soit par position anormale des membres. Elle éleva son monstre qu'elle haïssait d'ailleurs d'une haine sauvage et qu'elle eût étranglé peut-être, si le curé, prévoyant le crime, ne l'avait épouvantée par la menace de la justice (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Mère aux monstres, 1883, p.369). Les monstres doubles sont, en fait, des jumeaux incomplètement séparés (Hist. gén. sc., t.3, vol.2, 1964, p.636):
• 1. Barbarossa, un bouc immonde qui (...) procrée des monstres, des jumeaux collés par la peau du dos, des palmipèdes, des becs de lièvre, des bébés à tête de chien ou à deux têtes ou à six doigts ou à trois pattes ou munis d'un rudiment de queue de cheval et que l'on expose dans les baraques de foire, vivants ou conservés dans des bocaux...
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.161.
— P. anal., vx. [En parlant d'animaux, de végétaux] Les fleurs doubles sont des monstres (LITTRÉ). Dans les vitrines, il y avait des monstres empaillés, des veaux à cinq pattes, des moutons à deux têtes (NIZAN, Conspiration, 1938, p.140).
B. — 1. [Sur le plan physique] Personne qui provoque la répulsion par sa laideur, sa difformité. Au bout de quelques jours, entre chez son ami, trouve dans le lit... un monstre, le croit devenu fou: il s'était rasé cheveux, sourcils, moustache, barbe (GONCOURT, Journal, 1858, p.448). Coup d'œil, depuis la rue, dans une boutique de modiste, en Avignon. Rien de plus attendrissant qu'un monstre qui essaye un chapeau et, de ses deux mains gonflées d'engelures, maintient sur sa tête une merveille de fleurs (BARRÈS, Cahiers, t.13, 1921, p.115).
Rem. ,,On dit dans le même sens: Un monstre de laideur`` (Ac. 1835-1935).
2. [Sur le plan moral]
a) Personne qui suscite la crainte par sa cruauté, sa perversion. Depuis qu'il avait l'âge d'homme, il portait cette armature rigide, l'apparence. Il était monstre en dessous; il vivait dans une peau d'homme de bien avec un coeur de bandit (HUGO, Travaill. mer, 1866, p.211). Je n'étais pas un monstre: la première jeune fille venue qui m'eût aimé aurait fait de moi ce qui lui aurait plu (MAURIAC, Noeud vip., 1932, p.76):
• 2. Madeleine, qui connaissait les amours de Mme de Rieu, la regardait toujours avec une sorte d'étonnement. Comment cette femme pouvait-elle vivre paisible dans ses débauches? Quand elle se posait cette question, elle croyait véritablement avoir affaire à un monstre, à une créature malade et exceptionnelle.
ZOLA, M. Férat, 1868, p.122.
Rem. ,,Populairement, dans le même sens, un monstre de nature`` (LITTRÉ).
b) Un monstre de + subst. désignant un défaut, un vice. Personne qui se distingue par ce défaut, ce vice porté à son plus haut point. Un monstre d'avarice, de cruauté, d'indifférence, d'ingratitude, d'insensibilité. Voulez-vous que je sois franche, si franche que je vais vous paraître sans doute un monstre d'égoïsme, eh bien, personnellement, je ne voudrais pas gâter le bonheur (...) que me donne notre liaison (HUYSMANS, Là-bas, t.1, 1891, p.245):
• 3. Je suis, aux yeux de tous, un monstre d'indépendance, aux yeux de quelques artistes, un monstre d'art, et, dans l'opinion des fières canailles que j'ai fustigées, un monstre de turpitude.
BLOY, Journal, 1895, p.192.
c) P. exagér.
) Personne qui surprend par quelque singularité. Imagine un instant ce monstre: un imbécile assez intelligent pour comprendre nettement qu'il est bête (GIDE, Faux-monn., 1925, p.1161).
— Domaine du spectacle. Monstre du music-hall, de scène; monstre sacré. Comédien, comédienne dont la personnalité et le renom sont exceptionnels. Le naturel de L. Guitry, de Réjane, était le naturel des planches, aussi en relief que les excès des monstres sacrés du drame: Sarah Bernhardt, Mounet-Sully, de Max (COCTEAU, Parents, 1938, II, p.181).
♦P. anal., dans un autre domaine. Personnalité de premier plan, qui jouit d'une grande renommée. Les monstres sacrés du cyclisme, de la politique, du rugby. Il éprouvait une répugnance secrète pour les monstres sacrés de sa bibliothèque (...), dont il tenait, au fond de soi, les livres pour des incongruités (SARTRE, Mots, 1964, p.49):
• 4. Il est vrai qu'elle [la mère Rampillon] a tous les droits, car elle a au moins cent ans. Elle était déjà un des monstres sacrés devant lesquels je refusais de m'incliner quand j'ai fait mes débuts dans le monde.
PROUST, Sodome, 1922, p.685.
) Fam. Personne qui suscite la désapprobation. Ce monstre d'homme n'en fait jamais d'autres (DG):
• 5. Ce monstre de maire, ce vieux gredin de maire, c'est lui qui est cause de tout. Figurez-vous, Monsieur Javert, qu'il m'a chassée! À cause d'un tas de gueuses qui tiennent des propos dans l'atelier.
HUGO, Misér., t.1, 1862, p.240.
) Fam. [Terme affectueux utilisé pour atténuer un reproche à l'encontre d'un enfant ou, même, d'un adulte] Petit monstre! Tu auras encore fait une sottise! (DUB.). Fi! Méchante, laide, cruelle, tyranne, petit joli monstre! Tu te ris de mes menaces, de mes sottises (NAPOLÉON Ier, Lettres Joséph., 1796, p.49). Que c'est bête, de s'attacher à un homme! Je te tuerais, Gérard, si tu me faisais un coup pareil! Oui, embrasse-moi, monstre! Vous vous ressemblez tous (CHAMPFL., Avent. Mlle Mariette, 1853, p.71):
• 6. Jacques, si tu avais rencontré alors Madame Verrière, tu l'aurais suivie dans la rue, tu aurais provoqué son mari, tu aurais été fou (...) — Voulez-vous bien vous taire, vilain monstre! susurra Madame Verrière.
MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p.209.
II. — [En parlant d'une créature imaginaire]
A. — Créature légendaire, mythique, dont le corps est composé d'éléments disparates empruntés à différents êtres réels, et qui est remarquable par la terreur qu'elle inspire. Les Centaures, la Chimère, le Minotaure, les Cyclopes étaient des monstres (Ac. 1878-1935). L'hydre qui soufflait sur les eaux, le dragon qui vomissait du feu, le griffon qui était le monstre de l'air et qui volait avec les ailes d'un aigle et les griffes d'un tigre (HUGO, Misér., t.2, 1862, p.430). Il poursuivait dans la forêt le monstre femelle dont la queue ondulait sur les feuilles mortes, comme un ruisseau d'argent (FLAUB., Salammbô, t.1, 1863, 35):
• 7. ... au bord d'un vaste étang (...) habitait un dragon effroyable qui s'approchait parfois des murailles et empoisonnait de son haleine tous ceux qui séjournaient dans les faubourgs. Et, pour n'être point dévorés par le monstre, les habitants de Silène lui livraient chaque matin un des leurs.
A. FRANCE, Île ping., 1908, p.99.
— P. métaph. Monstre des temps modernes (l'automobile), monstre froid (l'État). Deux monstres de l'Enfer, la douleur et la rage (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p.7). Prends garde seulement à la rêverie: c'est un vilain monstre qui attire (...). C'est la sirène des âmes (FLAUB., Corresp., 1846, p.204):
• 8. L'homme obéit et sert. Il s'agit de ne point retarder le monstre qui broie, digère, rejette, lui qui ne souffle jamais, ne bronche jamais, ne ralentit jamais (...). Et les mains et les bras ne cessent d'alimenter ici, de manipuler là, d'amonceler plus loin (...). La machine utilise la vitesse acquise, l'homme bénéficie de l'habitude du geste.
PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, p.60.
B. — P. anal. Animal dont la grande taille, la laideur ou l'aspect féroce inspire l'étonnement ou la crainte. Lorsqu'un sanglier, la terreur des forêts, a découvert une laie avec son amant sauvage (...), le monstre hérisse ses soies (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p.161). Les tourbières qui cachaient les grands squelettes des derniers monstres chaotiques (FAURE, Hist. art, 1909, p.26).
— En partic. Monstres marins. Grands cétacés. Noé eut (...) à juger les monstres marins, dont les couples infernaux par les hublots avaient violé l'arche (GIRAUDOUX, Ondine, 1939, III, 3, p.179).
III. — Chose qui s'écarte des normes habituelles.
A. — Au fig., vx. Chose (abstraite) qui provoque l'étonnement ou la désapprobation par son caractère incohérent ou hors des normes. Il a créé un monstre inconcevable en morale et en politique, et ce monstre n'est autre chose que le veto royal (ROBESP., Discours, Contre veto, t.6, 1789, p.87). «Nous proclamons une fois de plus, dit le manifeste, le droit des peuples (...) à disposer d'eux-mêmes.» Ce principe est un monstre à mes yeux, et la source de toute guerre (ALAIN, Propos, 1925, p.659). L'idée même de poésie didactique est un monstre, une absurdité (BREMOND, Poés. pure, 1926, p.63).
— Expr. Faire/se faire un monstre de qqc. Exagérer l'importance, la difficulté d'une chose (réelle ou imaginaire). Mais elle prétendait avoir une telle terreur, se faire un tel monstre d'un dîner avec des gens qui n'étaient pas du petit groupe, qu'elle le remettait toujours (PROUST, Sodome, 1922, p.885). Mon éducation puritaine avait fait un monstre des revendications de la chair (GIDE, Si le grain, 1924, p.522):
• 9. ... si l'on me dit la veille: demain il faudra vous soumettre à tel moment d'ennui, mon imagination en fait un monstre, et je me jetterais par la fenêtre plutôt que de me laisser mener dans un salon ennuyeux.
STENDHAL, Souv. égotisme, 1832, p.117.
B. — P. anal. Chose (concrète) qui dépasse, par sa taille ou ses proportions, les autres choses de la même espèce. Monstre architectural. Cécile joue, sur le grand monstre. Notre vieux piano, celui de la rue Vandamme, est parti, on ne le reverra plus (DUHAMEL, Jard. bêtes sauv., 1934, p.108).
— Emploi adj., fam. [En parlant d'une chose concr. ou abstr.] Exceptionnel par la quantité, la taille, l'intensité. Synon. colossal, phénoménal, prodigieux. Un banquet monstre; un succès monstre. La fameuse collection de couteaux, allant depuis le catalan monstre jusqu'à un eustache grand comme le petit ongle de sa petite main (GONCOURT, Journal, 1858, p.529). Chadourne nous prépare un breakfast monstre — café au lait, oeufs, confiture, papaye, bananes (GIDE, Retour Tchad, 1928, p.939). Courtial en était outré de ce culot monstre! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.558).
REM. 1. Monstrelet, subst. masc. Petit monstre. J'ai trouvé un adorable monstrelet en forme de poulpe pourpre. Il était fait d'une matière plastique inédite, à la fois molle et ferme, lourde, glaciale et gluante au toucher (J.-Fr. HELD ds Le Nouvel Observateur, 29 mars 1967, p.24). 2. Monstresse, subst. fém. a) [Correspond à supra I B 2 c ] Deux travestis, deux monstresses sous une cascade de plumes d'autruche (J.-L. BORY ds Le Nouvel Observateur, 22 sept. 1969, p.46). b) [Correspond à supra I B 2 c ] Je ne peux plus vivre comme ça, me dit ma mère (...). Je la regardai avec commisération, car elle avait l'air fatigué et inquiet. Et je me tus, car je ne connaissais pas de remède à son souci. — C'est tout ce que ça te fait, petite monstresse? (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p.41). c) [Correspond à supra II A] Ces monstresses bariolées [statues de Niki de Saint-Phalle] (...) sont réalisées en grillage recouvert de morceaux de tissus variés, de bouts de laine et d'éclatante peinture (L'Express, 4 oct. 1965, p.61).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1re moitié XIIe s. «prodige, miracle» (Psautier Oxford, éd. F. Michel, 104, 4, p.154: Remembrez des merveilles de lui [du Seigneur], les queles il fist, ses monstres, e les jugemenz de la buche de lui! [Recordamini mirabilium ejus quae fecit, signorum et judiciorum oris ejus]); id. (ibid., 45, 8, p.62: Venez e vedez les ovres del seigneur, les queles il posat monstres sur terre [quae posuit prodigia super terram]), bien att. au XVIe s., HUG.; 2. 1541 «action monstrueuse, criminelle» (CALVIN, Instit., III, p.125 ds HUG.); 1661 faire un monstre (d'une chose) «la représenter de manière monstrueuse, périlleuse» (MOLIÈRE, Don Garcie, IV, 6); 3. 1580 «chose prodigieuse, incroyable» (MONTAIGNE, Essais, II, XI, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p.407: je diray un monstre); 4. 1690 «ce qui est mal fait, mal ordonné» (FUR.: Ce bâtiment ... est un monstre ... il n'y a aucune symétrie; ... Ce livre est fort sçavant, mais il n'y a point d'ordre, c'est un monstre). B. 1. 1160 «être fantastique de la mythologie, des légendes» (Eneas, 4638 ds T.-L.: Il ne manjot se homes non; Cacus [monstre à demi homme, fils de Vulcain] aveit li mostres nom); 1188 (AIMON DE VARENNES, Florimont, 1967, ibid.:Joste la meir en Albanie En une terre enhermie S'estoit li moustres herbergiés: chief de leupart, le cors de guivre volant; Entor les cusses environ Fut de serpent et de poisson); début XIIIe s. (Merlin, I, 91, ibid.:... li mostres lor aparut en l'air; ... il virent venir volant un dragon vermoil, et coroit par l'air et getoit feu et flamme parmi lou nés et parmi la boche); 1562 monstre marin (DU PINET, Hist. du monde de C. Pline Second, t.1, table non foliotée, s.v. Monstre); 1677 p. ext. «bête féroce» (RACINE, Phèdre, II, 2); 1678 «poisson de très grande taille» (LA FONTAINE, Fables, VIII, 8); 2. appliqué à des hommes a) ca 1165 en raison de leur aspect physique et de leurs moeurs étranges (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 13379); ca 1223 appliqué à un homme défiguré par la lèpre (GAUTIER DE COINCI, Miracles, éd. V. F. Koenig, II Ch 9, 2548); ca 1225 à un être contrefait (PEAN GATINEAU, St Martin, 5607 ds T.-L.: Une fame un filz enfanta Qui mainte genz espöanta. Tex ert, si resemblout un monstre); ca 1380 à un castrat (JEAN LEFÈVRE, La Vieille, 108, ibid.); 1690 à une personne extrêmement laide (FUR.: ... un monstre, une femme laide à faire peur); b) ca 1223 p. anal. morale, appliqué à un païen (GAUTIER DE COINCI, op. cit., II Mir 11, 414: Seignor, fait il [sainz Basiles] ou cors le moustre [l'empereur Julien] Qui noz avoit tant maneciez...); id. à des impies (ID., ibid., II Mir 13, 558); 1562 monstre de femme [Messaline] (DU PINET, op. cit., t.1, p.409); c) p. ext. 1636 ce jeune homme est un monstre de mémoire «il a une mémoire extraordinaire» (MONET, p.570a); 1690 un monstre de cruauté, d'avarice (FUR.); 1727 par antiphrase (N. DESTOUCHES, Philosophe marié, III, 5, éd. Paris, 1742, p.45: Une femme constante est un monstre nouveau Que le Ciel a produit pour être mon bourreau); 1779 id. c'est un monstre! «il est adorable! [en parlant d'un pouf]» (GENLIS, Les dangers du monde, I, 1 ds BRUNOT t.6, p.1083). C. Emploi adj. 1841 ça fera un effet monstre (DUMERSAN et DUPEUTY, La descente de la Courtille, I, 1 ds QUEM. DDL t.6). Empr. au lat. monstrum (de monere «avertir, éclairer, inspirer»), terme du vocab. relig. «prodige qui avertit de la volonté des dieux», par suite «objet de caractère exceptionnel; être de caractère surnaturel» (spéc.: les démons, dans la lang. chrét.); monstre (p. ext. monstrum hominis TERENCE, Eun., 696; monstrum mulieris PLAUTE, Poen., 273); acte monstrueux, contre nature». Fréq. abs. littér.:2811. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 3617, b) 3096; XXe s.: a) 3943, b) 3765.
monstre [mɔ̃stʀ] n. m. et adj.
ÉTYM. 1160 au sens 3, mostre; monstre v. 1120, « prodige, chose incroyable »; lat. monstrum « prodige qui signifie, montre la volonté de Dieu », de monere « faire penser à; faire se souvenir; avertir ». → Monument.
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———
I N. m.
1 Être vivant, organisme de conformation anormale (par excès, par défaut ou par position anormale des parties). || Étude des monstres. ⇒ Tératologie. || Monstre céphalopode, anencéphale, bicéphale, bijumeau, cyclope, tricéphale. || Origine des monstres (→ Hybridation, cit. 2). || Les monstres doivent leurs anomalies soit à l'hérédité, soit, le plus souvent, à un développement embryonnaire perturbé par une cause extérieure. || Les veaux à deux têtes, les moutons à cinq pattes sont des monstres. || Monstre humain. || Monstre végétal. || Monstres exhibés dans les spectacles forains. ⇒ Phénomène. || Production de monstres. ⇒ Chimère.
1 — C'est une femme abominable, un vrai démon, un être qui met au jour chaque année, volontairement, des enfants difformes, hideux, effrayants, des monstres enfin, et qui les vend aux montreurs de phénomènes.
Maupassant, Toine, « La mère aux monstres ».
2 Au bout de quinze ans, un monstre vint consoler la pauvre femme de ce mariage. Non seulement elle refusa de croire à la monstruosité de son fils, mais encore elle disait de cet hydrocéphale : « Il a le front de Victor Hugo ».
R. Radiguet, le Bal du comte d'Orgel, p. 55.
♦ Par ext. Être qui présente des singularités extraordinaires (→ Caryokinèse, cit.; fragmentaire, cit. 2; génie, cit. 40).
2 (XIIIe, d'un lépreux). Personne d'une laideur effrayante, repoussante (→ Avare, cit. 2; femme, cit. 41).
3 Je l'ai vue, elle n'a rien d'attrayant, elle ressemble à une bouchère; elle est extrêmement grasse, horriblement marquée de la petite vérole; elle a les mains et les pieds d'un homme, elle louche, enfin c'est un monstre.
Balzac, l'Interdiction, Pl., t. III, p. 52.
3 (1160). Être fantastique des mythologies et des légendes, généralement composé de la réunion en un seul corps de parties et de membres empruntés à plusieurs êtres réels (→ Dragon, cit. 1; fabuleux, cit. 2; hydre, cit. 3; lamie, cit. 1). — REM. Pour les désignations de monstres. ⇒ Animal (fabuleux, fantastique…). || Des monstres difformes, féroces, gigantesques. — Représentation plastique de l'un de ces êtres (→ Gargouille, cit. 1; gigantesque, cit. 3). — (Par allégorie). || « Le monstre odieux qu'on appelle Chicane » (cit. 2, Boileau). || « Le Croup (cit. 1), monstre hideux » (Hugo). || « L'échafaud (cit. 6), sorte de monstre fabriqué par le juge et par le charpentier » (Hugo). || « Le fisc (cit. 2), ce monstre » (Michelet).
4 Il n'est point de serpent ni de monstre odieux
Qui, par l'art imité, ne puisse plaire aux yeux (…)
Boileau, l'Art poétique (1674), III.
5 L'onde approche, se brise, et vomit à nos yeux,
Parmi des flots d'écume, un monstre furieux.
Son front large est armé de cornes menaçantes;
Tout son corps est couvert d'écailles jaunissantes;
Indomptable taureau, dragon impétueux,
Sa croupe se recourbe en replis tortueux.
Racine, Phèdre, V, 6.
6 Ils ont la guivre, la licorne, la serpente, la salamandre, la tarasque, la drée, le dragon, l'hippogriffe. Tout cela terreur pour nous, leur est ornement et parure. Ils ont une ménagerie qui s'appelle le blason, et où rugissent les monstres inconnus.
Hugo, l'Homme qui rit, II, II, XI.
7 Pour effrayant que soit un monstre, la tâche de le décrire est toujours un peu plus effrayante que lui. Il est bien connu que les misérables monstres n'ont jamais pu faire dans les arts qu'une figure ridicule. Je ne vois pas de monstre peint, chanté ou sculpté, qui non seulement nous fasse la moindre peur, mais encore qui laisse notre sérieux en équilibre.
Valéry, Variété I, p. 87.
7.1 Dans la tradition germanique et indo-européenne, les héros pourfendeurs de monstres sont innombrables. Leur chef de file semble bien être l'Indra védique et Thorr son cousin germain, vainqueur du géant Hrungnir. Comme le Vritrahan védique il tue le « géant terrestre », monstre tricéphale qui tente de manger le festin des dieux.
Gilbert Durand, les Structures anthropologiques de l'imaginaire, p. 181-182.
♦ Par ext. En parlant d'un animal réel de taille gigantesque, ou d'aspect féroce, insolite ou hideux (→ Exagérateur, cit. 3; hippopotame, cit. 1). || « Une lionne vient, monstre inspirant la crainte » (→ Carnage, cit. 1, La Fontaine). || Monstres glapissants (cit. 2, Baudelaire). — Spécialt. || Monstre marin : grand cétacé.
♦ ☑ Par métaphore. Les monstres sacrés : les grands comédiens, les grands acteurs de théâtre et de cinéma (du titre d'une pièce — 1940 — de J. Cocteau). — Par ext. Personnalité exceptionnelle dans un domaine quelconque. || C'est un monstre sacré de la politique.
♦ Allus. littér. || Quel monstre, quel chaos (cit. 4, Pascal).
♦ Chose qui inspire une crainte justifiée ou imaginaire (→ Contenter, cit. 11). ☑ Se faire un monstre de… : se représenter une chose comme terrible.
8 On se fait ainsi des monstres de bien des choses, tant qu'on ne les connaît pas.
Gide, les Caves du Vatican, III, 15.
4 Vieilli ou littér. Personne très cruelle, qui fait preuve d'une méchanceté, d'une perversion inhumaine (→ Apparence, cit. 23; étonner, cit. 21). || Un monstre indigne de voir le jour. ⇒ Dénaturé (cit. 10, Rousseau). || Passer pour un monstre (→ Exultation, cit. 1; et aussi faire, cit. 101). || Monstre sanguinaire (→ Gaieté, cit. 8). || Monstre de barbarie (cit. 14), d'ingratitude (cit. 5).
9 J'avoue que je ne m'étais pas formé l'idée d'un bon homme en la personne de Néron, je l'ai toujours regardé comme un monstre. Mais c'est ici un monstre naissant. Il n'a pas encore mis le feu à Rome. Il n'a pas tué sa mère, sa femme, son gouvernement. À cela près, il me semble qu'il lui échappe assez de cruautés pour empêcher que personne ne le méconnaisse.
Racine, Britannicus, 1re préface.
10 … le monstre ! il ne trouverait rien d'extraordinaire à faire pendre son père si le prince le lui ordonnait… il appellerait cela son devoir…
Stendhal, la Chartreuse de Parme, II, XVI.
♦ Par exagér. ou antiphr. || Ce monstre m'a abandonnée pendant huit jours. — (En s'adressant à un enfant, à un être aimé, par reproche). || Petit monstre !
11 (…) quand nous nous retrouvâmes seuls, maman et moi, dans l'escalier, elle m'éleva dans ses bras : — Monstre ! que je t'embrasse !
France, le Livre de mon ami, « Livre de Pierre », I, IV.
REM. Dans ce sens, et surtout dans l'emploi par antiphrase (petit monstre !), on emploie parfois un féminin plaisant, monstresse.
11.1 Je ne peux plus vivre comme ça, me dit ma mère. J'ai encore rêvé qu'on t'enlevait cette nuit (…)
Je la regardai avec commisération, car elle avait l'air fatigué et inquiet. Et je me tus, car je ne connaissais pas de remède à son souci. — C'est tout ce que ça te fait, petite monstresse ?
Colette, la Maison de Claudine, éd. L. de Poche, p. 26.
b Mus. Texte formé de syllabes quelconques, souvent dénuées de sens, qu'un compositeur remet au parolier comme canevas pour le rythme et la mesure. — Première ébauche, plan sommaire d'une œuvre littéraire.
6 (Par métaphore de I., 1.). Math. || Le monstre et (avec antéposition de bébé) le bébé monstre de Fischer, « les deux plus grands groupes sporadiques connus en 1978 » (Bouvier et George).
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II Adj. (1841, un effet monstre). Fam. Très important, immense. ⇒ Colossal, prodigieux. || Un meeting monstre. || Des repas monstres. || Cela va faire un effet monstre. ⇒ Bœuf (fam.).
11.2 As-tu fumé des cigares manilles — et que dis-tu de ceux-ci ? en voilà un cigare monstre.
Ch. Paul de Kock, la Grande Ville, p. 133.
12 C'était une réclame monstre que le journaliste adroit avait imaginée à son profit.
Maupassant, Bel-Ami, II, III.
13 (…) au « Metropolitan Theatre » où un banquet monstre l'attend et une cinquantaine de discours.
B. Cendrars, l'Or, in Œ. compl., t. II, p. 211.
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CONTR. Merveille.
DÉR. (Du même rad.) Monstresse, monstrueux.
Encyclopédie Universelle. 2012.