modalité [ mɔdalite ] n. f.
• 1546; de modal
1 ♦ Philos. Propriété que possède la substance d'avoir des modes. Les modalités de l'étendue. — Forme particulière d'une substance.
2 ♦ Cour. Forme particulière d'un acte, d'un fait, d'une pensée, d'un être ou d'un objet. ⇒ circonstance, manière, particularité. Modalités de paiement. ⇒ formule. Les modalités d'application d'une loi, d'un décret. « deux modalités de sentir et de comprendre : la sensation et l'idée » (Cioran).
3 ♦ Gramm. Adverbe de modalité (ou adverbe de phrase),qui modifie le sens d'une phrase entière (et non d'un mot isolé).
4 ♦ Dr. Disposition d'un acte juridique qui en retarde, en limite les effets (ex. condition, terme).
5 ♦ Mus. Caractère d'un morceau de musique dépendant du mode auquel il appartient. ⇒ 2. mode.
● modalité nom féminin (de modal) Forme particulière d'une pensée, d'une organisation, etc., manière dont se fait une action : Les modalités de paiement. Ensemble de formes permettant au locuteur d'indiquer la manière dont il envisage le contenu de son énoncé. Manière dont le prédicat est rapporté au sujet de la proposition dans laquelle il figure. Propriété de la logique modale. État d'un mode musical qui n'est ni majeur ni mineur. Caractère d'un morceau musical écrit dans une échelle modale autre que celle des majeur ou mineur classiques. Variante que peut présenter un caractère statistique qualitatif. ● modalité (synonymes) nom féminin (de modal) Forme particulière d'une pensée, d'une organisation, etc., manière dont se...
Synonymes :
- clause
- formule
- manière
modalité
n. f.
d1./d MUS Caractère que revêt une phrase musicale selon le mode auquel elle appartient.
d2./d Forme particulière que revêt une chose, un acte, une pensée, etc. Préciser les modalités de paiement.
|| DR Disposition d'un acte juridique qui aménage son exécution ou ses effets.
d3./d LOG Caractère d'un jugement, selon qu'il énonce une relation existante ou inexistante, possible ou impossible, nécessaire ou contingente.
⇒MODALITÉ, subst. fém.
I. —[Dans certains domaines]
A. —DR. Disposition d'un acte juridique qui aménage ou modifie les effets que cet acte aurait produits s'il avait été simple. Les plus importantes de ces modalités sont la condition et le terme (...) et, dans les libéralités, la charge imposée au gratifié (CAP.1936).
B. —LINGUISTIQUE
1. Ensemble des faits linguistiques (mode, forme assertive, interrogative ou injonctive de la phrase, adverbes ou auxiliaires modaux) traduisant l'attitude du sujet parlant par rapport à ce qu'il énonce (rejet dans le possible: je voudrais que Pierre vienne; appartenance ou non appartenance à l'univers de croyance: le Président de la République serait actuellement au Japon):
• 1. Pour conclure provisoirement sur les emplois du terme «modalité(s)», on peut dire qu'il hésite fondamentalement entre un sens faible («manière d'être») tiré du vocabulaire général, qui en fait un terme passe-partout, et un sens spécialisé de manière relativement arbitraire à partir de la tradition logique, dans les usages linguistiques. Mais il y a de fréquentes interférences entre les deux...
A. MEUNIER ds DRLAV, 1981, n° 25, p. 122.
2. GRAMM. GÉNÉRATIVE (en partic. dans les travaux de Ch.-J. Fillmore). Constituant immédiat de la phrase de base s'ajoutant au noyau (d'apr. Ling. 1972). Synon. récents complémenteur, complémentiseur.
3. Modalités logiques. ,,Diverses manières d'envisager le prédicat de la phrase comme vrai, contingent (ou nécessaire), probable (ou possible)`` (Ling. 1972).
C. —HOMÉOPATHIE
1. Aggravation ou amélioration des symptômes selon certains facteurs:
• 2. Mais votre étude serait fatalement incomplète si vous ne cherchiez pas à «relier» ensemble ces différents signes caractéristiques, importants et secondaires qui se présentent dans chaque remède avec des modalités [it. ds le texte] bien particulières spécifiant les circonstances qui les accompagnent, et dont la présence suffit pour les exagérer ou les atténuer.
L. VANNIER, J. POIRIER, Précis de matière méd. homéopathique, Paris, Doin, 1979, p.17.
2. Variation des signes caractéristiques selon les différents remèdes. Parmi les signes que présente chaque remède, les uns sont «Caractéristiques», ils lui appartiennent en propre ou, s'ils sont communs à deux ou trois remèdes, ils se présentent chez chacun d'eux avec des modalités différentes qui permettent leur différenciation (L. VANNIER, J. POIRIER, Précis de matière méd. homéopathique, Paris, Doin, 1979p.15).
D. —MUSIQUE
1. Caractère d'un morceau ou d'un fragment, suivant qu'il appartient au mode majeur ou au mode mineur. Déjà on rencontre [dans notre musique moderne] des pages entières où tonalité et modalité brillent par leur absence (MATHIS-LUSSY, Rythme mus., 1911, p.37):
• 3. [Le redoublement en harmonie] de la tierce souligne davantage la modalité et, sauf sur le sixième degré (où il renforce la tonique) il affaiblit le sentiment tonal; il donne des accords doux, suaves, mais sans force, sans éclat, si on les compare à ceux qui ont leur basse doublée.
LAVIGNAC, Cours harm. théor. et prat., 1909, p.23.
2. Système correspondant à l'emploi d'un mode autre que les modes majeur et mineur; p.méton., ce mode. Les étranges harmonies que l'on rencontre dans la plupart des compositions modernes sont incompatibles avec la notion de tonalité (...). Elles le détruisent [le mode] et ne se justifient que par l'établissement d'un nouvel ordre de choses, d'une nouvelle modalité (RATEZ, Harm., 1908, p.129). Les premiers accords de Pelléas, de modalité médiévale, sont à l'ouvrage un frontispice saisissant (EMMANUEL, Pelléas, 1929, p.90). La modalité de la Grèce antique est caractérisée par des échelles à pente descendante, l'emploi de trois genres (diatonique, chromatique et enharmonique) et la structuration par tétracordes (Mus. 1976):
• 4. ... il sera utile que l'élève [d'harmonie] réalise des leçons ayant recours à ces «modalités» [aux modes grégoriens, à ceux qu'on rencontre dans différents folklores, etc. et qui sont différents des modes usuels majeur et mineur].
KOECHLIN, Harm., t.2, 1930, p.1.
E. —PHILOSOPHIE
1. LOG. Caractère des propositions modales, indiquant le mode selon lequel le prédicat convient ou ne convient pas au sujet:
• 5. Aristote distingue deux modalités: la nécessité et la possibilité; (...) la logique classique en distingue quatre, qui s'opposent deux à deux: possibilité et impossibilité, contingence et nécessité; (...) Kant en distingue trois, qui n'entrent pour rien dans le contenu des jugements (...): les jugements problématiques, (...) assertoriques et (...) apodictiques selon que l'affirmation ou la négation sont considérées soit comme simplement possibles (arbitraires), soit comme assertoriques (vraies), soit comme nécessaires.
MORF. Philos. 1980, p.219.
2. MÉTAPHYS. Propriété que possède la substance d'avoir des modes; p.méton., mode de la substance. Si l'on entend par idée, comme Descartes, une modification de l'âme, il paraît impossible d'admettre que la modalité d'une substance finie représente l'infini (MAINE DE BIRAN, Journal, 1818, p.145):
• 6. ... l'essence même de l'acte d'exister, prise à part des modalités qui déterminent les différents modes d'existence, est appréhendée par l'intellect comme identique, quel que soit d'ailleurs l'être dont il s'agit.
GILSON, Espr. philos. médiév., 1932, p.60.
II. —P. ext.
A. —Qualité, propriété particulière d'une chose concrète. L'étincelle qui sort de la pierre, la pâleur de la lune, la rougeur du soleil, les étoiles qui scintillent, les comètes qui flamboient, tout cela c'est la lumière, essence unique qui a des modalités différentes (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p.237):
• 7. Sur la notion de chaleur, sur celle de couleur ou de pesanteur, le raisonnement ne travaillera pas indéfiniment: pour connaître les modalités de la pesanteur, ou de la chaleur, il faudra reprendre contact avec l'expérience.
BERGSON, Évol. créatr., 1907, p. 205.
B. —Forme particulière sous laquelle se présente une chose, un phénomène. La tragédie dernière de Ruskin, laquelle avec des modalités différentes, fut aussi celle d'un Tolstoï et d'un William Morris (DU BOS, Journal, 1923, p.325). C'est le livre de l'Abbé Brémond (...) qui m'a fait comprendre cette modalité essentielle de la prière (CLAUDEL, Corresp. [avec Gide], 1924, p.241):
• 8. ... le phénomène de la vieillesse semblait, dans ses modalités, tenir compte de quelques habitudes sociales. Certains grands seigneurs, mais qui avaient toujours été révêtus du plus simple alpaga, coiffés de vieux chapeaux de paille (...), avaient vieilli de la même façon que les jardiniers, que les paysans au milieu desquels ils avaient vécu.
PROUST, Temps retr., 1922, p.943.
C. —Au plur. Conditions particulières selon lesquelles une chose est exécutée, réalisée. Modalités d'application, de paiement; les modalités d'un traité; déterminer, fixer, préciser les modalités (de qqc.). Les modalités de cette évacuation, ainsi que les conditions de l'armistice devaient être laissées au jugement des conseillers militaires (FOCH., Mém., t.2, 1929, p.275). Ils ont discuté avec animation sur les modalités pratiques de l'enquête (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.337). Nous étions, certes, prêts à négocier les modalités pratiques de la coopération, mais il fallait que ce fût à trois et non à deux (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p.221).
Prononc. et Orth.: []. Att. ds Ac. dep.1798. Étymol. et Hist. [1546 (RABELAIS, s. réf. d'apr. BL.-W.2-5)] 1. 1607 log. (CHAMPEYNAC, Somm. des quatre part. de la philos., Log., chap. 26, p.39); 2. a) 1697 philos. «propriété qu'a la substance d'avoir des modes» (BAYLE, Dict. hist. et crit., p.1091, s.v. Spinoza); b) 1890 p.ext. «circonstance, particularité qui accompagne un fait» (Lar. 19e Suppl.); 1893 «forme particulière d'un acte, d'un fait, d'une pensée, d'un être ou d'un objet» (DURKHEIM, Division trav., p.211: toutes les modalités possibles de la division du travail); 3. a) 1840 mus. «mode dans lequel on doit jouer» (Ac. Compl. 1842); b) 1904 mus. «caractère d'un morceau écrit dans une échelle modale autre que celle des majeur ou mineur classiques» (LALOY, Aristoxène, p.128); 4. a) 1893 dr. (DURKHEIM, op.cit., p.86: le droit de propriété [...] et ses différentes modalités); 1919 (BARRÈS, Cahiers, t.12, p.128: les modalités du traité); b) 1903 dr. romain (Nouv. Lar. ill.); 5. a) ca 1898 ling. «attitude du sujet parlant par rapport à ce qu'il dit» (Gde Encyclop.); b) 1960 plur. «monèmes grammaticaux qui ne peuvent pas servir à marquer la fonction» (MARTINET 1961, § 4-19); c) 1972 gramm. générative (Ling.); d) 1972 modalité logique (ibid.); 6. 1963 homéop.(Lar. encyclop.). Dér. de modal; suff. -(i)té. Fréq. abs. littér.: 227. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 14, b) 15; XXe s.: a) 127, b) 867. Bbg. BARRI (N.). Note terminol.: endocentrique - exocentrique. Linguistics. La Haye. 1975, n° 163, p.6. — HAMON (Ph.). Anal. du récit.Fr. mod. 1974, t.42, pp.147-148. — MEUNIER (A.). Gramm. du fr. et modalités..., DRLAV Paris, 1981, n° 25, pp. 119-144.
modalité [mɔdalite] n. f.
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1 Philos. Propriété que possède la substance d'avoir des modes. || Les modalités de l'étendue. — Par ext. Forme, propriété particulière d'une substance. || « La glace, la vapeur sont des modalités de l'eau » (Académie).
1 La question se réduit à savoir si cette idée de l'étendue est une modalité de l'âme; je prétends que non, parce que cette idée est trop vaste, qu'elle est infinie, comme je viens de le prouver.
Malebranche, De la recherche de la vérité, « Rép. à M. Régis », II.
2 (Fin XIXe). Cour. Forme particulière d'un acte, d'un fait, d'une pensée, d'un être ou d'un objet. ⇒ Circonstance, manière, particularité. || Modalités de paiement. ⇒ Formule. || Les modalités d'application d'une loi, d'un décret. || La coopérative de main-d'œuvre (cit. 4) est une modalité de l'association ouvrière de production.
3 (Fin XIXe). Ling. || Adverbe de modalité, qui modifie le sens d'une phrase entière et non pas seulement d'un mot isolé. (On dit aussi : adverbe de jugement, d'opinion…).
2 Il semble (…) que le terme de « modalité » convienne surtout aux adverbes d'appréciation ou de jugement, tels que : heureusement, vraiment, certainement, assurément, franchement, naturellement, peut-être, sans doute, probablement (…)
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du franç. moderne, §975.
♦ Log., ling. Attitude prise par l'énonciateur à l'égard de ce qu'il énonce (le dictum, mise en rapport d'un sujet avec un prédicat). — Syn. : modus.
4 (1893). Dr. « Disposition d'un acte juridique qui a pour but soit de retarder ou de modifier les effets qu'il aurait produits, s'il avait été pur et simple, soit d'éteindre ces effets à un moment donné » (Capitant). || La condition et le terme sont des modalités importantes.
Encyclopédie Universelle. 2012.