martyr, yre [ martir ] n. et adj.
• martir XIe; lat. chrét. martyr, du gr. martur « témoin (de Dieu) »; cf. a. fr. Martre (dans Montmartre)
1 ♦ Personne qui a souffert la mort pour avoir refusé d'abjurer la foi chrétienne, et par ext. une autre foi. Martyrs des persécutions romaines (de Néron à Dioclétien). Sainte et martyre. « Les Martyrs », œuvre de Chateaubriand. Liste des martyrs. ⇒ martyrologe. Commun des martyrs. « J'admire les martyrs. J'admire tous ceux qui savent souffrir et mourir, et pour quelque religion que ce soit » (A. Gide). — Loc. Prendre, se donner des airs de martyr, jouer les martyrs : affecter une grande souffrance; se donner pour persécuté.
2 ♦ Personne qui meurt, qui souffre pour une cause. Martyr d'un idéal, de la liberté. Les martyrs de la Résistance.
3 ♦ Personne que les autres maltraitent, martyrisent. ⇒ souffre-douleur.
♢ Par appos. Enfant martyr, maltraité par ses parents (⇒ maltraitance) . Peuple martyr.
⊗ CONTR. Bourreau.
⊗ HOM. Martyre.
● martyr, martyre nom (bas latin martyr, du grec martus, -uros, témoin) Personne qui a souffert la mort pour sa foi religieuse, pour une cause à laquelle elle se sacrifie : Les martyrs de la Résistance. Chrétien mis à mort ou torturé en témoignage de sa foi. (On l'appelait aussi martyr de la foi ou confesseur [de la foi].) ● martyr, martyre (citations) nom (bas latin martyr, du grec martus, -uros, témoin) Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 […] L'hérésiarque était pareil à tous les hommes car tous sont à la fois pécheurs et saints quand ils ne sont pas criminels et martyrs. L'Hérésiarque et Cie Stock Jean Calvin, de son vrai nom Cauvin Noyon, Oise, 1509-Genève 1564 Ainsi en est-il des reliques : tout y est si brouillé et confus, qu'on ne saurait adorer les os d'un martyr qu'on ne soit en danger d'adorer les os de quelque brigand ou larron, ou bien d'un âne, ou d'un chien, ou d'un cheval. Traité des reliques Albert Camus Mondovi, aujourd'hui Deraan, Algérie, 1913-Villeblevin, Yonne, 1960 L'homme est du bois dont on fait les bûchers. L'État de siège Gallimard Jules Huot de Goncourt Paris 1830-Paris 1870 et Edmond Huot de Goncourt Nancy 1822-Champrosay, Essonne, 1896 Dans l'histoire du monde, c'est encore l'absurde qui a le plus de martyrs. Journal Fasquelle Massimo Taparelli, marquis d'Azeglio Turin 1798-Turin 1866 Qu'a dit la vieille politique de vos pères ? Ne faites pas de martyrs. C'est donc qu'à un gouvernement injuste le martyr est plus nocif que le rebelle. Che cosa disse la vecchia politica dei vostri padri ? Non far martiri. E segno dunque che a un governo ingiusto nuoce più il martire che non il ribelle. I miei ricordi, XVI ● martyr, martyre (difficultés) nom (bas latin martyr, du grec martus, -uros, témoin) Sens et orthographe Ne pas confondre un martyr, une martyre (= une personne) et lemartyre (= le supplice). 1. Martyr, e n. et adj. = personne (à l'origine, chrétien) qui a souffert la mort pour sa foi, ou pour une cause à laquelle elle s'est sacrifiée. Sainte Blandine est une martyre lyonnaise. Les martyrs de la Résistance. - (Emploi adjectif) Une enfant martyre, victime de mauvais traitements. 2. Martyre n.m. = supplice, souffrance des martyrs. Le martyre infligé à sainte Blandine. ● martyr, martyre (expressions) nom (bas latin martyr, du grec martus, -uros, témoin) Ère des martyrs, époque qui fut marquée par une persécution générale et systématique des chrétiens dans tout l'Empire romain (303-312). Prendre des airs de martyr, jouer les martyrs, faire celui qui a à supporter tous les maux. ● martyr, martyre (homonymes) nom (bas latin martyr, du grec martus, -uros, témoin) martyre nom masculin ● martyr, martyre adjectif Qui est l'objet de mauvais traitements, supporte de cruelles souffrances : Un enfant martyr.
martyr, e
n.
d1./d Personne qui a souffert la mort plutôt que de renoncer à la religion chrÉtienne et, par ext., à sa religion, quelle qu'elle soit.
|| Par ext. Personne qui est morte ou a beaucoup souffert pour une cause. Les martyrs de la Révolution.
d2./d Personne qui souffre beaucoup. Se donner des airs de martyr.
— (En appos.) Un enfant martyr, gravement maltraité par ses parents.
⇒MARTYR, -YRE, subst.
A. — HIST. DU CHRIST. Personne à qui on a infligé des supplices et/ou la mort parce qu'elle a refusé d'abjurer sa foi. Martyr de la foi; auréole, couronne, gloire, palme, robe du martyr; os, reliques, sang des martyrs. Il y a entre autres la chapelle de saint Vincent de Collioure, martyr du troisième siècle, sous la persécution de Dacien (BARB. D'AUREV., Memor. 4, 1858, p.102). La Gaule était devenue chrétienne et elle avait eu ses martyrs. L'Église de Lyon, illustrée par le supplice de Pothin et de Blandine, fut le centre de la propagande (BAINVILLE, Hist. Fr., t.1, 1924, p.19):
• 1. Les femmes, les enfants, les jeunes hommes entouroient les vieillards qui rappeloient les exemples donnés par les plus fameux martyrs: Laurent de l'Église romaine, exposé sur des charbons ardents; Vincent de Saragosse, s'entretenant dans la prison avec les anges; Eulalie de Mérida...
CHATEAUBR. Martyrs, t.3, 1810, p.64.
♦Martyr désigné. Celui qui devait souffrir le martyre. Ces vieux évêques abattus aux pieds d'un jeune homme désigné martyr (CHATEAUBR. Martyrs, t.1, 1810, p.58).
♦Martyr consommé. Celui qui a souffert la mort pour sa foi (cf. LITTRÉ).
♦Ère des martyrs. Celle qui commence à l'avènement de Dioclétien (Ac. 1835).
♦Avoir l'air d'un martyr. Il rayonne de fierté. Il me regarde, la tête renversée en arrière, les yeux mi-clos, la bouche entr'ouverte, il a l'air d'un martyr (SARTRE, Nausée, 1938, p.149). Scènes de martyrs. Un véritable cinéma, qui connut un succès formidable avec ses scènes de martyrs, de bêtes féroces, de gladiateurs, d'arènes (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.110).
♦En partic. Le commun des martyrs. Office qu'on récite pour tous les martyrs qui n'ont pas un office propre.
Au fig. Être du commun des martyrs. Ne se faire distinguer par aucun talent, par aucune qualité (Ac. 1835, 1878).
— Emploi adj. Diacres, évêques, prêtres martyrs. Le visage des saints martyrs lorsqu'ils confessoient Jésus-Christ au milieu des tourmens (BALZAC, Annette, t.3, 1824, p.228).
B. — P. ext. Personne à qui on a infligé des supplices et/ou la mort pour une cause, un idéal. Une histoire, une nation riche en martyrs. Il faut des témoins de l'idée, ou des martyrs, c'est le même mot, c'est-à-dire des hommes de réelle substance, des hommes d'épaisseur (ALAIN, Propos, 1933, p.1171). Les listes des martyrs fusillés devant quoi nous restions un moment silencieux, béants d'horreur (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p.139):
• 2. Trois régiments s'étant révoltés à Nancy, l'Assemblée cette fois s'émut et chargea de la répression Bouillé qui commandait à Metz. La répression fut sévère et, pour les journaux «patriotes», les mutins du régiment de Chateauvieux devinrent des martyrs.
BAINVILLE, Hist. Fr., t.2, 1924, p.50.
♦En appos. Le roi(-)martyr. Louis XVI. Mon fils, si vous avez trempé vos mains dans le sang du roi martyr, confiez-vous à moi (BALZAC, Épis. Terr., 1830, p.442).
— Martyr de qqc. Victime de quelque chose.
1. [Le compl. désigne un principe, un idéal extérieur à soi auquel on sacrifie sa vie] Les martyrs de la liberté, de la patrie, de la résistance, de la science. Ce martyr des bons principes était fort âgé, et s'appelait le marquis de Puylaurens (STENDHAL, L. Leuwen, t.1, 1835, p.227). Elle voyait dans l'archevêque Engelbert de Cologne un martyr de la justice et de la sûreté publique, que l'Église se hâta de mettre au nombre des saints (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1936, p.XXIV).
Héros et martyr de. Le 14 mai 1643 en effet disparaît ce prince à la fois timide et sublime, héros et martyr de l'idée monarchique (BRASILLACH, Corneille, 1938, p.243).
♦P. hyperb. Certains martyrs de la mode (...) ont des pierres à leurs chemises le matin, attachent leurs pantalons avec des boutons d'or (BALZAC, Œuvres div., t.2, 1830, p.182). Le sort en est jeté: je serai jusqu'au terme le martyr de la traduction (DU BOS, Journal, 1923, p.350).
2. P. anal. [Le compl. désigne un sentiment, un impératif personnel, moral ou psychol.] Être le martyr de qqc. Payer un lourd tribut de souffrances par l'effet de. Être le martyr de son ambition, de son devoir, de la patience, de la probité, de ses passions, de son zèle:
• 3. On aime assez les catastrophes; mais on n'aime pas les supplices. Or, on ne nous donne là que les martyrs de l'amour, les uns étendus sur le chevalet de l'attente, d'autres déchirés de remords, tous avec une passion qui leur dévore le coeur.
JOUBERT, Pensées, t.2, 1824, p.222.
C. — Personne qui a souffert ou qui souffre beaucoup physiquement ou moralement. Enfance de martyr. Ma pauvre amie sera, je crains, au rang des incurables et des martyrs (E. DE GUÉRIN, Lettres, 1841, p.411). Les premiers symptômes de la maladie qui devait faire de lui, pendant vingt-neuf ans, le mot n'est pas trop fort, un véritable martyr (LÉAUTAUD, Passe-temps, 1929, p.138):
• 4. Mieux que ses bavardages de pensionnaire, je goûtais cet ardent silence de petite martyre et parfois le désir me venait de pleurer tant elle paraissait, comme une enfant spartiate, cacher je ne savais quelle blessure.
MAURIAC, Robe prétexte, 1914, p.286.
♦Être le martyr de qqn. Souffrir de ses mauvais traitements, de sa tyrannie. Être le martyr de qqc. Souffrir de la maladie, souffrir beaucoup. Un martyr que ce jeune Daudet, le martyr du rhumatisme. Toujours des souffrances, et des souffrances qu'il n'endort qu'avec de la morphine (GONCOURT, Journal, 1882, p.176).
♦En appos. Bouffon-martyr. Souffre-douleur. Il devint un souffre-douleur, une sorte de bouffon-martyr, de proie donnée à la férocité native, à la gaieté sauvage des brutes qui l'entouraient (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Aveugle, 1882, p.312).
D. — Emploi adj.
♦[Le subst. désigne une pers., une collectivité qui subit des mauvais traitements, de cruelles souffrances] Enfant, peuple martyr; ville martyre. Bien entendu, nous n'avons pas renoncé à venger l'Alsace martyre (SARTRE, Mots, 1964, 28).
♦[Le subst. désigne des arbres, la forêt] C'est la forêt sans eau, la forêt martyre, la forêt tantale, mourant de soif dix mois de l'année (BERNANOS, Enfants humil., 1948, p.184).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1050 «celui qui a souffert la torture et la mort pour attester la vérité de la religion chrétienne» (Alexis, éd. C. Storey, 566); 1690 (FUR.: Martyr, se dit abusivement des Heretiques et des Payens qui souffrent pour la deffense de leur fausse Religion); b) 1176-81 fig. (CHRÉTIEN DE TROYES, Le Chevalier de la Charrette, éd. M. Roques, 4689); 2. 1690 «celui qui souffre beaucoup moralement ou physiquement» (FUR.); d'où 1694 (Ac.: On dit fig. qu'une personne est le martyr d'une autre pour dire qu'il souffre persecution à cause de luy). Empr. au lat. eccl. martyr, du gr. , - «témoin», d'où spéc. «témoin de Dieu, martyr». Au Moy. Âge, on trouve également la forme martre (v. T.-L. et GDF.) forme conservée dans Montmartre «mont des martyrs». Fréq. abs. littér.:1816. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 3378, b) 2802; XXe s.: a) 2876, b) 1612.
martyr, yre [maʀtiʀ] n.
ÉTYM. XIIIe; martir, v. 1050; lat. chrét. martyr, du grec martur « témoin (de Dieu) »; cf. anc. franç. martre (dans Montmartre).
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1 (V. 1050). Personne qui a souffert la mort pour avoir refusé d'abjurer la foi chrétienne. || Martyrs des persécutions romaines des trois premiers siècles de notre ère (depuis Néron jusqu'à Dioclétien, dont le règne est appelé Ère des martyrs). || La plupart des Saints des premiers siècles sont des martyrs. || Saint Étienne, le premier martyr. — Polyeucte, martyr; Théodore, vierge et martyre, pièces de Corneille. || Les Martyrs, œuvre de Chateaubriand (1809). — Culte des martyrs. || Récit des souffrances des martyrs. ⇒ Passionnaire. || Liste des martyrs. ⇒ Martyrologe. || Chœur des martyrs. || Commun des martyrs. ☑ Fig., vieilli. Être du commun des martyrs : « ne se faire distinguer par aucun talent, aucune qualité » (Académie). — Messe, office des martyrs. || Tombeau (⇒ Martyrium), reliques d'un martyr (→ Autel, cit. 24). — Le sang des martyrs (→ Enivrer, cit. 24). — Par ext. (En parlant d'autres religions). || « Les Musulmans considèrent comme martyrs les croyants tués pour la défense de la foi » (R. Pyke, Dict. des religions).
1 Martyr et témoin, c'est la même chose. On appelle martyrs de Jésus-Christ ceux qui, souffrant pour la foi, en ont témoigné la vérité par leurs souffrances et l'ont signée de leur sang.
Bossuet, IIe panégyrique de saint Gorgon.
2 (…) quels barbares ont jamais fait plus de martyrs que nos barbares ancêtres ? (…) Le nombre des martyrs réformés, soit vaudois, soit albigeois, soit évangéliques, est innombrable (…) Je vous ferais trembler si je vous faisais voir la liste des martyrs que les protestants ont conservée.
Voltaire, Philosophie, Conseils à M. Bergier, XXIII.
3 Les sanglots des martyrs et des suppliciés
Sont une symphonie enivrante sans doute,
Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte,
Les cieux ne s'en sont point encore rassasiés !
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Révolte », CXVIII.
4 J'admire les martyrs. J'admire tous ceux qui savent souffrir et mourir, et pour quelque religion que ce soit.
Gide, Journal, 1er juil. 1942.
♦ ☑ Loc. fig. Souffrir comme un martyr : souffrir beaucoup. ☑ Prendre, se donner des airs de martyr, jouer les martyrs : affecter une grande souffrance, se donner pour persécuté.
5 Il arrive qu'on lui marche un peu sur la patte (…) elle (la chatte) pousse un cri rauque, bref, et ronronne stoïquement, avec des yeux de martyre (…)
Colette, la Paix chez les bêtes, Prrou.
2 (V. 1175). Personne qui meurt, qui souffre pour une cause qu'il défend… || Martyr d'un idéal (→ Absolu, cit. 9) de la liberté (→ Affranchissement, cit. 3), de la vérité (→ Établir, cit. 34)… || La chasteté (cit. 3) eut ses martyrs. || Martyr de la science, de l'intelligence (→ Immoler, cit. 12). — Louis XVI, le roi martyr (→ Féal, cit. 2). — Allus. littér. || Vie des martyrs, de G. Duhamel (Récits des temps de guerre, I), qui décrit les souffrances de grands blessés de la guerre de 1914-1918 (→ Martyre, cit. 6).
6 Elle (une assistante de laboratoire) ne voulait pas la gloire. Elle ne l'aura d'ailleurs pas. C'est une martyre très obscure.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VI, XV.
♦ Être le martyr de qqn, souffrir de sa tyrannie, de ses mauvais traitements (→ Souffre-douleur). — (1840, Académie). Par appos. || Enfant martyr. — Peuple martyr. || La Pologne martyre.
♦ Fig. || Être le martyr de ses opinions, de ses passions.
7 (Le courtisan…) Tyran de la société et martyr de son ambition (…)
La Bruyère, les Caractères, VIII, 62.
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CONTR. Bourreau.
DÉR. (Du lat.) V. Martyre, martyriser, martyrologe. — Martyrium.
HOM. Martyre, n. m.
Encyclopédie Universelle. 2012.