mangeur, euse [ mɑ̃ʒɶr, øz ] n.
• 1260 fig.; mangiere 1226; de manger
1 ♦ (Qualifié) Personne qui mange (beaucoup, peu). Un gros mangeur. ⇒ bâfreur, bouffeur, gargantua, glouton, goinfre, ogre. « je ne suis pas une grosse mangeuse » (Huysmans).
2 ♦ Personne qui mange (telle ou telle chose). ⇒ -phage, -vore. « Les grands mangeurs de viande sont en général cruels » (Rousseau). Mangeurs de grenouilles : les Français, selon les Anglais. Mangeurs de chair humaine. ⇒ anthropophage. Vieilli Mangeur d'opium. ⇒ opiomane. — (Animaux) Mangeurs de graines : granivores. Mangeurs de fourmis : fourmilier; d'huîtres : huîtrier. Un tigre mangeur d'hommes.
3 ♦ Fig. Personne qui dépense, dissipe. « coureurs de filles et mangeurs d'argent » (Barbey). — Vieilli ou plaisant Une mangeuse d'hommes : une grande séductrice (cf. Une mante religieuse).
● mangeur, mangeuse nom Personne qui mange d'une certaine manière, qui aime manger tel ou tel aliment : Un gros mangeur. Un mangeur de fromages. ● mangeur, mangeuse (citations) nom Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Tous les mangeurs de gens ne sont pas grands seigneurs ; Où la guêpe a passé, le moucheron demeure. Fables, le Corbeau voulant imiter l'Aigle ● mangeur, mangeuse (expressions) nom Mangeur d'hommes, anthropophage. Mangeur d'opium, opiomane.
mangeur, euse
n. Personne qui mange (de grosses, de petites quantités de nourriture), qui aime à manger (tel aliment). Un gros mangeur. C'est un mangeur de pain.
— (Afr. subsah.) Mangeur d'âmes: Syn. de anthropophage (sens 2).
⇒MANGEUR, -EUSE, subst.
A. — 1. [Correspond à manger1 A]
a) Personne qui mange, qui est en train de manger. La grande salle était pleine de mangeurs (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Fic., 1883, p. 125):
• 1. Le cousin Jules, chargé du gigot, le découpait en grosses tranches massives qu'il tendait aux mangeurs du bout de son couteau.
MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 225.
b) Personne qui mange habituellement (dans telles ou telles proportions ou conditions). Grand, petit, solide, puissant mangeur. C'est une grande mangeuse (Ac.). Je ne suis pas gros mangeur et m'accommodais fort bien, à Tunis, de la disette, ou des monotones menus de Rabat (GIDE, Journal, 1944, p. 258). La rage masticatoire des mangeurs insatiables (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 252).
2. [Correspond à manger1 A ou B; souvent en appos.] Mangeur, -euse de. Personne ou animal qui se nourrit habituellement de quelque chose. Mangeur de viande; chat mangeur d'oiseaux; poisson mangeur de plancton; vautour mangeur de charognes. Les chevaux, les boeufs et autres mangeurs de grains et de verdure (ZOLA, Contes à Ninon, 1864, p. 338). Un homme (...) mangeur de choux comme Jeannot lapin (CLAUDEL, Feuilles Saints, 1925, p. 649). V. allah ex. 2.
— Loc., vx, fam.
♦,,Un mangeur de charrettes ferrées, un mangeur de petits enfants`` (Ac. 1835, 1878). ,,Un fanfaron`` (Ac. 1835, 1878).
♦,,Un mangeur de viandes apprêtées, de soupe apprêtée`` (Ac. 1835, 1878). ,,Un fainéant qui aimerait à bien vivre, sans se donner la peine de gagner sa vie`` (Ac. 1835, 1878).
♦,,Un mangeur de crucifix, un mangeur d'images, un mangeur de saints`` (Ac. 1835, 1878). ,,Un bigot, un faux dévot`` (Ac. 1835, 1878).
♦[P. allus. à la communion] Mangeur de bon Dieu. Dévot. Je n'ai pas voté les lois de sang Parbleu! Je haïssais d'instinct les mangeurs de bon Dieu (COPPÉE, Théâtre, t. 4, 1890, p. 161).
— En partic.
♦[Le mot désigne un animal] Mangeur de fourmis. Fourmilier. (Dict. XIXe et XXe s.). Mangeur de noyaux. Gros-bec (Dict. XIXe et XXe s.).
♦[Le mot désigne une pers.] Fam., gén. péj.
Mangeur de choucroute. Allemand. [Le] général Sacken (...) ce brave mangeur de choucroute (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 165).
[D'apr. les Anglais] Mangeur de grenouilles. Français. L'aquafortiste français Legros (...) ayant épousé une Anglaise et resté douloureusement au fond de lui français (...) en une famille pleine de froideur pour le mangeur de grenouilles (GONCOURT, Journal, 1888, p. 738).
Mangeur de macaroni. Italien. Une jeune commère (...) m'envoie, d'un coup de son épaule élastique et puissante (...) dans les bras d'un mangeur de macaroni qui me reçoit en souriant. Je suis à Naples (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p. 302).
Mangeur d'opium. Personne qui se drogue avec de la gelée d'opium. Un mangeur d'opium est trop heureux pour observer la fuite du temps (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 415). Le mangeur d'opium, pour profiter de la rêverie calmante, doit avoir de «vastes loisirs» (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 174).
Mangeur de pommes. Normand. (Dict. XIXe et XXe s.).
— P. exagér., fam. [Le compl. prép. introduit par de désigne une pers. considérée du point de vue de son appartenance à un groupe quelconque] Personne qui est violemment hostile à quelqu'un. Mangeur de curé. Qui dit «homme de lettres» dit «mangeur de confrères et déchiqueteurs de renommées» (RENARD, Écorn., 1892, p. 36). Radical-socialiste, mangeur de frocards (ARNOUX, Zulma, 1960, p. 36). V. encenseur ex.
♦Au fig. et pop. ,,Un mangeur de chrétiens`` (Ac. 1835, 1878), ,,Un homme de chicane, un homme qui vexe, qui tourmente le peuple`` (Ac. 1835, 1878).
— Au fig. Mangeur de livres. ,,Celui qui lit beaucoup, un homme studieux`` (GUÉRIN 1892). ,, — Moi qui étais déjà un mangeur de livres, j'étudiais activement le passé et l'avenir de la chirurgie (About)`` (GUÉRIN 1892).
B. — [Correspond à manger1 D] Personne qui anéantit, qui fait disparaître, qui cause du tort. Mangeur de temps:
• 2. ... c'était un mangeur de coeurs, un irrésistible, un de ces beaux gars de demi-ton qui ont de grands succès sans qu'on sache au juste pourquoi.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Blanc et bleu, 1885, p. 1311.
— En partic. Personne qui dépense beaucoup, qui dilapide son bien. Mangeur d'argent, mangeuse de fortune. Tous ces braves gens de bourgeois (...) ont (...) l'idée (...) qu'un artiste est (...) un mangeur, un dépensier, un luxueux! (GONCOURT, Man. Salomon, 1867, p. 253). Un appétit de dépense toujours éveillé, un dédain naturel de l'homme qui payait, un continuel caprice de mangeuse et de gâcheuse, fière de la ruine de ses amants (ZOLA, Nana, 1880, p. 1350):
• 3. [La duchesse Daisy] s'est toquée d'une villa du XVIe siècle (...). Heureusement que le père Brigham a laissé plusieurs millions de dollars. Car, pour une mangeuse, c'est une mangeuse.
BOURGET, Némésis, 1918, p. 13.
♦Mangeuse d'hommes. Femme qui ruine ses amants. Nana souriait toujours, mais d'un sourire aigu de mangeuse d'hommes (ZOLA, Nana, 1880, p. 1118).
Prononc. et Orth.:[], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1er quart XIIIe s. cas suj. mangiere (RECLUS DE MOILLIENS, Miserere, 43, 2 ds T.-L.); 1263-65 mangeor (RUTEBEUF, Des jacobins, 35 ds Œuvres, éd. Faral et J. Bastin, t. 1, p. 316). Dér. de manger1; suff. -eur2. Fréq. abs. littér.:261. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 94, b) 770; XXe s.: a) 508, b) 310. Bbg. QUEM. DDL t. 17.
mangeur, euse [mɑ̃ʒœʀ, øz] n.
ÉTYM. XIIIe, mangeor; mangiere, fin XIIe; de manger.
❖
1 Rare. Personne qui mange. — Cour. (avec une épithète). Personne qui mange (beaucoup, peu). || Gros (cit. 20), grand mangeur. ⇒ Bâfreur, bouffeur, boustifailleur, briffaud (vx), briffeur (vx), gargantua, glouton, goinfre, gosier (grand). → Avoir un beau, un bon, un fameux coup de fourchette. || Un gros mangeur boulimique. || Petit, piètre mangeur (→ Échoir, cit. 4).
1 (…) ces hommes, grands mangeurs, grands buveurs, bourrés de victuailles échauffantes (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « À un dîner d'athées », p. 310.
1.1 À table, Quenu le bourrait de nourriture, se fâchait parce qu'il était petit mangeur et qu'il laissait la moitié des viandes dont on lui emplissait son assiette.
Zola, le Ventre de Paris, t. I, p. 91.
2 Je n'ai plus faim, non, vrai, là; tu sais que je ne suis pas une grosse mangeuse.
Huysmans, En ménage, XI.
3 Ces corps de gros mangeurs, issus d'une race oisive et trop nourrie, n'ont que l'aspect de la puissance.
F. Mauriac, Thérèse Desqueyroux, IV.
♦ Mangeur de… : personne qui mange (telle sorte d'aliments). ⇒ -phage, -vore. || Un mangeur de viande. || Un mangeur de légumes : un végétarien. || Mangeuses de galettes (→ 2. Gent, cit. 3). Spécialt. || Mangeurs d'hommes, (vx) de gens. ⇒ Anthropophage (→ aussi sens 3, mangeuse d'hommes, dans un autre sens). — Par plais. || Mangeurs de grenouilles (les Français, au dire des Anglais), de choucroute (les Allemands, au dire des Français), de macaroni (les Italiens).
4 (…) les grands mangeurs de viande sont en général cruels et féroces plus que les autres hommes (…)
Rousseau, Émile, II.
5 Le nègre a des idoles féroces, mangeuses d'hommes (…)
Maupassant, Clair de lune, « Lég. Mont St-Michel ».
♦ Vieilli. || Mangeur d'opium. ⇒ Opiomane. || Un mangeur d'opium, œuvre de Baudelaire, d'après Th. de Quincey (Confessions d'un mangeur d'opium). → Guérison, cit. 4; guttural, cit. 1.
♦ Fig. || Mangeur d'images (Rabelais, II, XV), et, vulg., de crucifix, de bon Dieu : bigots hypocrites. — Mangeur de curés : anticlérical. — Mar. || Mangeur d'écoutes.
6 Après tout, ce ne sont pas là de désagréables maîtresses que ces diseuses d'oremus, que toutes ces mangeuses de bon Dieu (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « À un dîner d'athées », p. 322.
♦ (En parlant d'animaux). || Mangeurs d'herbe (→ Gagnage, cit. 1). || Oiseaux mangeurs de graines. || Tigres mangeurs d'hommes. — Spécialt. || Mangeur de fourmis : fourmilier; d'huîtres (cit.) : huîtrier…
7 Il y avait des fauvettes, des mésanges de toutes les sortes, des rossignols, des verdiers, des carmines, des pies, des corbeaux, tous les habitants de la ronce ou de la forêt, mais rien que des mangeurs de viande. Pas des mangeurs de graines.
J. Giono, le Chant du monde, III, I.
2 (XIIIe). Fig. Personne qui dépense, qui gaspille. || Mangeur d'argent. ⇒ Mange-tout (I.). — « Les mangeurs de temps » : les fâcheux (cit. 14).
8 Nous étions même d'assez mauvais sujets, joueurs, libertins, coureurs de filles, duellistes, ivrognes au besoin, et mangeurs d'argent sous toutes les espèces.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « À un dîner d'athées », p. 330.
3 Vieilli. Personne qui gruge, qui exploite les autres, qui vit ou réussit à leurs dépens (⇒ Exploiteur). || Mangeurs du peuple. — Absolt et vx (ou métaphorique) :
9 Nous ne trouvons que trop de mangeurs ici-bas :
Ceux-ci sont courtisans, ceux-là sont magistrats.
La Fontaine, Fables, XII, 13.
10 Le succès n'est pas aimé, surtout par ceux dont il est la chute. Il est rare que les mangés adorent les mangeurs.
Hugo, l'Homme qui rit, II, III, IV.
♦ Vieilli (ou, mod., par plais.). || Une mangeuse d'hommes : une courtisane, une demi-mondaine qui dépouille ses amants.
❖
CONTR. Abstinent.
Encyclopédie Universelle. 2012.